Pour surprenant qu`il puisse a priori paraître, le double discours du

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La crise a donc saisi l'Union Européenne à la gorge et semble l'entraîner vers
les abysses... Inexorablement ? Le temps nous le dira, mais l'étreinte est violente et
la proie moins vigoureuse que ne le laissaient imaginer ses prétentions . Du sud au
nord, l'angoisse du lendemain s'enfle, l'indignation aussi et, peut-être, demain, la
révolte, car ce n'est pas assez d'être indigné pour changer le monde. Dans les
colonies françaises de Martinique, Guadeloupe, Guyane et d'ailleurs, aux économies
totalement dépendantes de la France, l'impact s'avérera d'autant plus rude que le
modèle de développement en place se trouve déjà en état de décomposition
avancée.
LA FAILLITE DE L’EUROPE DES BANQUIERS
Le lundi 14 novembre, devant le congrès de son parti, la chancelière
allemande, Angela Merkel déclarait : "L'Europe connaît peut-être sa période la plus
difficile de l'après-guerre." Les scénarii catastrophes s'élaborent déjà. Ainsi, dans ce
même congrès, la CDU a adopté une motion visant à autoriser un Etat de la zone
euro à faire défection, s'il le souhaite... Quant au fameux "couple franco-allemand",
charnière de l'Union, il éprouve de plus en plus de difficultés à s'accorder sur une
stratégie de sortie de crise, au point que le président de la république française se
laissait aller à cette mise en garde à sa partenaire, sur France 2, le vendredi 11
novembre : "Entre la France et l'Allemagne, nous n'avons que deux solutions. Soit la
convergence et la paix, soit la divergence et l'affrontement." Rumeurs de divorce
donc entre intérêts divergents !
Mais, aussi spectaculaires que puissent être, aujourd'hui, les manifestations
de la crise européenne (faillite de la Grèce, plans de rigueur, explosion du chômage,
paupérisation galopante etc...), elles risquent de paraître, en définitive, bien peu de
choses au regard des menaces de catastrophes qui pèsent sur l’Union.
En effet, l'économiste américain, Nouriel Roubini, qui avait prévu la crise
financière de 2008, a développé sur le sujet des analyses qui mettent en évidence la
force de la tourmente actuelle et le possible chaos à venir :
"Sans réforme profonde de la part des dirigeants européens, la zone euro
pourrait s'effondrer et mener à une crise pire que celle de 2008 (...). Dans une
situation qui deviendrait de plus en plus désordonnée, et qui verrait plusieurs
pays faire défaut à la zone euro, débouchant sur un effondrement de cette zone
(...). Cela sera aussi grave, voire plus grave, que la chute de Lehman en 2008".
(La Tribune du 14 novembre 2014).
LETTRE DU PALIMA
17 Jeudi 1er décembre 2011
La réponse des Etats européens à ce risque se résume à décréter des "plans
de rigueur", "seules solutions", disent-ils à la débâcle en cours... Les peuples sont
alors culpabilisés, sommés de se serrer la ceinture, de "faire des efforts" ; les
petits "fraudeurs" de l'aide sociale sont désignés à la vindicte des gens bien comme il
faut et pourchassés, tandis que les plus riches et le monde de la finance continuent
d’afficher des profits honteux. Dans cette mondialisation, nouvelle étape du
libéralisme économique, l’anthropophagie de la crise est sélective ! Elle dévore
surtout les plus pauvres et les plus fragiles.
Pour autant, il n'est absolument pas certain que les politiques d'austérité
auxquelles sont si brutalement convoqués les peuples sauvent la zone euro de
sa plongée dans l'abysse. L'austérité ne conduit pas à la croissance. Elle
s'inscrit, en réalité, dans une vision qui cherche à protéger le capital au
détriment des plus pauvres. Elle se veut l'expression de la même construction
idéologique néo-libérale qui a vu les Etats s'endetter de manière insensée,
pour sauver les banques, au prétexte de "relancer" l'économie et sans mise
sous contrôle public de celles-ci. C'est cette vision néo-libérale qui anime les
Etats européens, sous la férule de l'Allemagne et de la Banque Centrale
Européenne (BCE), laquelle a fait des "réformes structurelles sur le marché du
travail" son obsession économique.
Cette idéologie de la finance est mise en œuvre contre les peuples et
contre l'idée même de la mocratie. L'émoi, dans une certaine élite, créé par le
projet de consultation du peuple grec sur le plan d'austérité qui lui est imposé est
symptomatique de l'allergie des banques à la démocratie et à la volonté des
peuples. C'est une faute ! A terme, ce défaut démocratique favorisera le
développement des courants les plus sombres que l'on croyait, à tort, éliminés de
l'espace historique du continent. Dans les faits, derrière la façade démocratique, dont
une certaine Europe tire une partie de sa jouissance intellectuelle, un pouvoir
oligarchique s’est constitué. Cette oligarchie tire sa puissance du contrôle de la
finance et de sa capacité à manipuler les citoyens grâce à sa mainmise sur les
médias.
La crise de la zone euro qui, nous l'avons vu, trouve en partie ses racines
dans les modalités idéologiques de la construction de l'Union (en particulier depuis
Maastricht qui a, par exemple, entrainé une baisse permanente de la fiscalité)
s'explique aussi par la récession dans laquelle est entrée l'Europe depuis de
nombreuses années. L’une des principales caractéristiques de la période actuelle
réside, en effet, dans l’émergence économique des grands pays du sud qui pèsent
de plus en plus sur la marche du monde. Ces pays sont en compétition directe avec
l’Europe et les Etats-Unis.
L'appel à la Chine, et d'une manière générale, aux puissances émergentes
des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), marque, manifestement,
un tournant dans les rapports de forces du moment. Ainsi, la Chine, qui met déjà à
mal la présence européenne en Afrique, dans la compétition pour contrôler les
sources de matières premières stratégiques, se pose, aujourd'hui, en sauveur de la
vieille Europe, sur le sol même de celle-ci... Pékin envisage, en effet, de répondre, à
hauteur d'environ 100 milliards d'euros, à la demande pressante de ses partenaires,
en dictant bien entendu ses conditions et en garantissant ses propres
intérêts : Le port stratégique de Pirée, à Athènes, est désormais aux mains
des Chinois...
Les Etats-Unis, pour leur part, conscients de cette récession de leurs alliés
d'outre-Atlantique, sans doute durable, accentuent leur offensive économique en
direction de l'Asie-Pacifique, plus dynamique et porteuse d'avenir pour l'empire
américain. Le 13 novembre, à Hawaï, Obama, en personne, lançait le Partenariat
Transpacifique (Australie, Brunei, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou,
Singapour, le Vietnam, le Japon et les États-Unis etc…).
Par delà la zone euro, c’est tout le système économique mondial qui entrera
en récession dans la prochaine période. Les crises de cette ampleur accentuent
généralement l’acuité de la compétition économique qui se transforme elle-même en
affrontements militaires. Qu’on ne s’y trompe pas, les petites guerres pour « remettre
de l’ordre », les manœuvres militaires entre amis, les tensions entre grandes
puissances finissent souvent par des guerres plus globales. Les incertitudes du
monde doivent mettre en éveil la vigilance extrême des peuples contre ceux pour qui
la guerre est le prolongement de l’économie.
APRES LA GRECE, L’ITALIE LA FRANCE ?
Plusieurs pays de la zone euro, et non des moindres, risquent de connaître le
même sort que la Grèce. Il en va ainsi de l’Espagne et de l’Italie, troisième puissance
européenne.
La France, considérée de plus en plus comme un pays du sud de l’Europe,
serait-elle immunisée contre la crise comme certains s’acharnent à le répéter, pour
conjurer le mauvais sort ? De nombreux signes indiquent le contraire.
Cauchemar de l’Elysée, la dégradation de la note de la dette souveraine de la
France par Standard & Poors apparaît désormais comme une question de semaines
ou de mois. Selon Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand, « sur les
marchés, la dette française n’est déjà plus AAA ».
La France s’est vu attribuer la plus mauvaise note parmi les 6 pays de l’Union
Européenne dotés d’un triple A. De son côté, l’agence Moody’s s’est fixée un délai
de trois mois pour arrêter une position définitive sur l’appréciation « perspective
stable » dans la note française. Cette appréciation semblerait ne plus se justifier…
La même agence de notation estimait récemment (le 21 novembre dernier) :
« Des coûts de financement élevés et persistants pourraient accroître les
difficultés que le gouvernement français rencontre, conjugués à une
perspective de croissance qui se détériore, avec des implications de crédit
négatives ».
En effet, les estimations de croissance française, (1,7 % en 2011),
contrairement aux premières prévisions du gouvernement, se situent à 0,6 %, pour
2012 et 1,4 % en 2013. Une étude de l’OCDE (Organisation de Coopération et de
Développement Economique), de novembre 2011, estimait cette croissance à 0,3 %
pour 2012. A cette croissance en berne s’ajoute une dette de 1 700 milliards d’euros,
pas très loin de l’Italie (1 900 milliards d’euros).
En outre, comme l’Italie, la France est en état de désindustrialisation et de
ficit de son commerce extérieur, signe d’une perte évidente de compétitivité, à la
différence de l’Allemagne.
Philippe Dessertive, professeur de finance à Paris X-Nanterre et directeur de
l’Institut de Haute Finance, établissait, tout récemment, le constat suivant :
« La situation de la France est meilleure qu’en Italie, mais elle empire beaucoup
plus vite ».
Les deux plans de rigueur successifs, en août et en novembre, et le projet de
budget 2012 révèlent la fébrilité du pouvoir et ses difficultés à s’adapter à une
situation qui se détériore au fil des jours et dont il n’avait pas pris toute la mesure.
Sarkozy, qui rêvait de mettre de l’ordre dans l’économie mondiale, a ajouté au
désordre des finances de son pays, en augmentant les cadeaux fiscaux aux riches,
en pleine crise des subprimes…
Sous la pression des agences de notation, de la Banque Centrale Européenne
(BCE) et de l’Allemagne, le gouvernement s’est fixé pour objectif de ramener le
déficit à 3 % du PIB en 2013 : 4,6 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % fin 2014. En cas
de persistance et d’aggravation de la crise, ces objectifs pourraient se résumer à la
fable de « La laitière et le pot au lait. »
Il reste que ces deux plans de rigueur, sensés permettre une économie de 11
et de 7 milliards, ont été aussitôt jugés insuffisants par la commission européenne de
Bruxelles qui a exigé de la France des « mesures supplémentaires pour corriger son
déficit public excessif. » Le premier ministre, François Fillon, avait pourtant donné
des gages, en affirmant que « le budget de 2012 sera l’un des budgets les plus
rigoureux que la France ait connu depuis 1945 ». Dans son étude de novembre,
l’OCDE, à son tour, souligne l’urgence d’un « nouveau plan d’austérité ».
En réalité, ces mesures d’austérité qui seront sans doute renforcées par un
troisième plan- ne permettront pas de lutter efficacement contre la crise. D’autre part,
le relèvement de la TVA pour les produits de première nécessité, l’accélération de la
réforme des retraites, l’augmentation masquée des impôts, les restrictions sur les
prestations sociales frapperont les plus fragiles dans un contexte les dernières
décennies ont vu une accentuation des inégalités et des situations de rente.
Les rémunérations élevées ont explosé, tandis que les bas revenus
stagnaient. L’observatoire des inégalités soulignait en 2010 que les « 0,01 % les plus
riches ont gagné 180 000 euros de revenus annuels supplémentaires en France
entre 2004 et 2008. Un gain équivalent à 14 années de smic » « Les
rémunérations obscènes », pour reprendre le terme de Philippe Steiner, ont fleuri
alors que le nombre de pauvres augmentait.
La France se situe donc bien dans la ligne de mire de la crise actuelle,
comme le Portugal, l’Espagne ou encore l’Italie. Elle l’est d’autant plus que son
économie se trouve en situation de « ralentissement », voire de récession.
L’IMPACT DE LA CRISE EN MARTINIQUE
Contrairement à ce que semblent penser ceux qui relancent la Martinique
dans une politique de gaspillage de l'argent public, notre pays ne se trouve pas dans
une bulle anti-crise. Du fait de l'extrême dépendance de notre économie vis-à-vis de
la France, les convulsions de l'Union Européenne ne sont pas sans effet sur la
situation locale.
Le gouvernement français l’a annoncé par la voix de Marie-Luce Penchard, le
9 novembre, à l’occasion du débat sur le budget des colonies :
« Nous le savons tous, la crise va conduire à une réduction des
dépenses publiques ».
Le coup de rabot fiscal de 15%, la suppression de l'abattement d'un tiers de
l'impôt sur les sociétés, ou encore les réductions budgétaires auront un impact
immédiat sur le niveau de vie et la capacité des collectivités à faire face à leurs
obligations vis-à-vis de la population. La qualité des services publics risque de s'en
ressentir et la paupérisation de s'accentuer.
Il convient d'être d'autant plus attentif à l'évolution de la crise que les
collectivités locales l'exception notable de la Région, grâce à l'action d'Alfred
Marie-Jeanne) sont confrontées à un niveau d'endettement affolant, aggravé par le
désengagement constant de l'Etat français, depuis de nombreuses années. Cette
dernière tendance, compte tenu de la nature même du système économique en
place en Martinique, fera rapidement augmenter le pourcentage de la population en
inactivité.
En outre, en dépit du concert de roucoulements et
de gloussements d'autosatisfaction offert aux Martiniquais depuis plusieurs
semaines, de nombreux indicateurs ne laissent aucun doute sur la détérioration du
contexte socio-économique. Ainsi, le Pôle Emploi, dans ses Etudes et Statistiques de
novembre 2011 (L'emploi salarié en Martinique-2010), fait état d'une perte de 1250
emplois pour 2010 et d'un recul de la construction de -7,9%. La "Note Expresse" de
l'IEDOM, en date de septembre 2011, confirme ces tendances en mettant en
évidence une aggravation du chômage (25,4%), une baisse de 10% des offres
d'emploi ou encore un bond de 27,8% des dossiers de surendettement. Les jeunes
paient un tribut très lourd : 62% des 16-25 ans sont au chômage. Le Secours
Catholique révélait, la semaine dernière, que 12,3% des personnes qu'il reçoit ont
entre 18 et 25 ans.
Alors, sommes-nous "sur la bonne voie" ? Au vu de ces éléments, on perçoit
la part de perversité qu'il y a à prétendre que "2000 emplois ont été générés" et que
"la stabilité sociale a é assurée". Quelle "stabilité sociale" ? Peut-on, d'ailleurs,
avoir de la "stabilité sociale" au milieu du tourbillon de désintégration sociale dans
lequel la Martinique est, aujourd'hui, emportée ? Seuls l'inconscience ou
l'éléphantiasis de l'ego peuvent inspirer des bavardages aussi décalés de la réalité.
En charge d'un malheureux budget de 360 millions d'euros (en réalité le
budget de l'hôpital de La Meynard) l'actuel président de région, par manque de
lucidité, s'était cru à la tête d'un Etat virtuel disposant d'une immense fortune... Un
petit Dubaï échoué dans une baie de la Caraïbe ! A la manière de ce génie d'un de
nos quartiers qui avait pensé qu'il suffisait de déclamer les poèmes de Césaire pour
envoyer une fusée dans l'espace, le président du ppm s'était convaincu qu'il suffisait
de recourir à la magie de l'annonce médiatique pour "créer 5000 emplois"...Mais, le
constat d'échec est là.
L'impact de la crise de la zone euro, outre l'endettement des collectivités et la
conjoncture difficile, se greffe sur un modèle économique en faillite qui a généré -un
temps- de la croissance sans développement et, surtout, de la dépendance ainsi que
la marginalisation massive de pans entiers de notre société.
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