A. EN RESUME La Cellule d’Appui médico-psychologique d’Intersection entre la Santé mentale et l’Exclusion sociale : Un projet né du travail de réflexion et des initiatives développées par le SMES-B depuis 10 ans, ayant vu le jour en janvier 2002 grâce à l’octroi d’une subvention (provisoire) allouée par les Ministres de la Santé et des Affaires Sociales de la Région de Bruxelles-Capitale. 1. LES OBJECTIFS Mots clés : Mobilité ; flexibilité ; accessibilité ; continuité ; disponibilité ; renforcement du réseau d’aide. Produire des modes d’intervention appropriés aux exclus souffrant de troubles mentaux, en particulier en facilitant l’accès de ces personnes aux soins les plus adéquats. Pour ce faire, la Cellule tente : de créer une clinique nouvelle intersectorielle dont les lignes de conduite sont : la mobilité, psychique et physique, entre les territoires des professionnels ; la création d’un espace de rencontre et de créativité entre les différents secteurs et l’usager pour inventer des pratiques nouvelles adaptées aux besoins du public ; le passage plus aisé entre institutions sans provoquer le morcellement des personnes ; la collaboration étroite avec les structures existantes en évitant toute intervention de substitution au réseau d’aide extérieur. d’induire une prise en considération globale et cohérente des personnes, quelles que soient leurs problématiques particulières ; de faciliter un accès, un accueil et un hébergement efficaces en maison d’accueil malgré la présence de troubles mentaux ; de permettre un accès, un accueil et un traitement adéquats pour les personnes en difficulté sociale lorsqu’une hospitalisation est indiquée ; de favoriser une meilleure écoute et une plus grande disponibilité dans les services sociaux et médicaux. 2. L’ÉQUIPE Une équipe pluridisciplinaire composée de : 1 assistante sociale (Stéphanie BRUNEt) ; 1 psychologue (Reza KAZEMZADEH) ; 1 psychiatre (Dr Jenny KRABBE, détachée du Centre de santé mentale « Rivage – den Zaet) ; 1 chercheur (Gilles HACOURT). 3. LES PARTENAIRES Les associations bénéficiaires du projet sont en priorité choisies parmi les partenaires collaborateurs (et concepteurs) du projet. Elles regroupent ainsi des structures dépendant tant du secteur social que de celui de la santé mentale, francophones, néerlandophones ou bi-communautaires. Tandis qu’en 2002 nos efforts se sont concentrés sur la rencontre des institutions relevant du secteur social, 2003 fut l’année des contacts avec le secteur de la santé mentale, en particulier les maisons médicales et les hôpitaux. 4. LE PUBLIC 1 Toute personne rencontrée par les institutions membres ou partenaires du SMES-B (maisons d’accueil, services de santé mentale, gardes psychiatriques, travailleurs de rue, organisation non gouvernementale, …) et présentant des troubles mentaux, réactionnels ou non aux situations d’exclusion prolongée. Les caractéristiques essentielles de ces personnes sont d’une part, la rupture majeure des liens sociaux et, d’autre part, l’existence d’un blocage du projet social, un épuisement ou des inquiétudes des intervenants à leur égard. Depuis un an, le nombre d’institutions faisant appel à la Cellule tend à sortir du cadre des partenaires initiateurs du SMES-B. De plus, nous constatons qu’au delà de cette hausse quantitative du nombre d’institutions demandeuses, la nature des activités de ces institutions se diversifie fortement (maisons médicales, logements sociaux, …). 5. LES MODALITÉS D’INTERVENTION Toutes les demandes d’intervention sont sollicitées soit par contact téléphonique, soit par contact direct lors des rencontres avec les institutions partenaires. Elles peuvent être formulées par toute l’équipe ou par un des intervenants privilégiés de la situation qui pose problème. Après analyse de la requête en réunion d’équipe, deux membres de la Cellule sont désignés en fonction de leurs disponibilités, mais surtout de leurs compétences particulières vis-à-vis de la situation exposée. Tout en évitant d’agir dans la précipitation, un temps maximum d’une semaine s’écoule entre la demande et l’intervention proprement dite. Se référant au principe de mobilité, les membres de la Cellule rencontrent préférentiellement le « système demandeur » sur son lieu de travail et le « système client » sur son ou ses lieux de vie. Etant donné la diversité des institutions avec lesquelles nous sommes amenés à travailler, ainsi que des problématiques pluridimensionnelles des usagers, nous ne pouvons appliquer une méthode standardisée mais, au contraire, une approche flexible et créatrice. Un autre aspect particulier de notre travail réside dans les sollicitations multiples émanant des réseaux du social et de la santé mentale confondus. Ces demandes consistent essentiellement en une présentation du projet qui est considéré comme novateur et répondant à un besoin ressenti par les professionnels du terrain. Une liste des rencontres est consultable dans le chapitre H de ce rapport d’activités. 6. EVALUATION DE LA MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL Au terme de sept mois de fonctionnement, une évaluation de l’impact des interventions de la Cellule a été réalisée sous la supervision des deux personnes qui avaient mené les deux recherches accompagnant la mise en place du projet (Rina Horowitz et Patricia Schmitz). Deux réunions ont eu lieu, desquelles il ressort que les partenaires font appel à la Cellule dans trois cas de figure : Ils se sentent démunis face à la souffrance d’une personne, face à son « comportement » ; parce qu’ils estiment ne pas avoir de « formation adéquate » et « d’outils » « quand un problème de santé mentale prend le pas sur le reste ». Dans ce premier cas, la demande institutionnelle est une demande « d’avis d’un spécialiste », d’échange d’informations, de discussion de cas et de dédramatisation des problèmes de santé mentale. 2 Le contact entre une personne et l’équipe se rompt et qu’il y a risque d’exclusion. La Cellule tient alors une fonction de tiers entre différentes personnes au sein d’une même institution, en même temps qu’elle permet le passage vers l’autre secteur. Une « faille » entre les deux secteurs est ressentie (par exemple, lorsqu’un hôpital psychiatrique « ose » laisser sortir une personne). La Cellule est alors appelée à « expliquer » le fonctionnement de l’autre secteur et permettre le dialogue.). Dans ces trois cas, la Cellule amène des améliorations par rapport aux situations précédentes grâce à : sa mobilité et sa disponibilité (rapidité d’intervention) ; sa capacité à répondre à des situations d’urgence ; sa capacité à éviter la rupture de liens (hospitalisation ou exclusion d’une maison d’accueil) ; sa capacité à amener un questionnement sur la pratique professionnelle de l’équipe « appelante » ; sa capacité à faciliter le passage entre institutions (du social ou de la santé) ; sa capacité à favoriser le dialogue entre équipes de secteurs différents. Néanmoins, afin d’arriver à favoriser cette collaboration, certaines adaptations de la Cellule aux secteurs concernés, ainsi que certaines conditions, se sont avérées nécessaires. Il a fallu que la Cellule : ait de bonnes connaissances des fonctionnements internes des institutions partenaires : travail de jour ou de nuit, relais entre équipe de jour et équipe de nuit (en s’assurant éventuellement qu’il ait fonctionné) ; s’adapte au mode de vie des personnes concernées : pour les rencontrer, il a parfois été nécessaire d’assurer une « permanence » le soir ; fasse comprendre aux partenaires que l’intervention proposée ne doit pas être nécessairement liée à l’urgence ; la Cellule peut également participer à des réunions d’équipe, par exemple lorsque celle-ci sent la nécessité d’un apport extérieur ; revoie et affine la notion de « rapidité », en tenant compte du fait que celle-ci fait grandement partie des attentes des partenaires. En conclusion de cette évaluation, les associations partenaires estiment que la Cellule favorise bien une clinique intersectorielle et représente une bonne alternative par rapport aux prises en charge antérieures. Pour l’année 2004, il est prévu qu’une évaluation de la méthodologie du travail de la Cellule ainsi que de l’impact de celui-ci auprès des institutions partenaires soit réalisée par un chercheur, engagé via un subside octroyé par l’Observatoire de la Santé. Cette évaluation nous permettra d’ajuster nos modalités d’intervention. 3 4 B. HISTORIQUE 1. MOTIVATION DU PROJET 1.1. Un constat Le constat qui initie la démarche de ce projet n’est pas nouveau. Il met en évidence la difficulté de produire des réponses adéquates aux difficultés des personnes en situation d’exclusion sociale extrême (cf. les sans-abri) et de problèmes médico-psychologiques. Les services sociaux et les centres d’hébergement expriment depuis de nombreuses années leurs inquiétudes quant à la détérioration de l’état de santé mentale de leur public. Ce constat est aggravé par la difficulté de mobiliser les services spécialisés en santé mentale à l’égard de cette population particulièrement précarisée. En effet, pour ces personnes, l’accès aux urgences psychiatriques, aux services de santé mentale et aux hôpitaux n’est pas aisé et ce, pour diverses raisons qui tiennent autant des structures de soins que des tableaux cliniques que présentent certains sans-abri. Au contraire, les institutions sociales servent souvent de porte de sortie à ce public. 1.1.1. Une question mal posée ? : A propos de ces usagers, face aux demandes adressées par le secteur social à celui de la santé mentale - et inversement -, nous nous heurtons à la constance de l’impasse : par où, par qui, comment initier la réponse à donner ? Doit-on traiter les problèmes sociaux avant les problèmes psychiatriques ? – ou l’inverse ? La désinsertion sociale est-elle à l’origine du trouble psy ? – ou l’inverse ? Cette dialectique de type ping-pong ne fournit jamais de réponse satisfaisante : Elle ne donne aucune indication quant à la question de l’origine du problème ; Elle ne donne aucune piste quant aux filières à mettre en place ; Elle ne soulage aucunement les souffrances du public très marginalisé à qui elle s’applique. Il nous est donc apparu opportun –et impératif- de penser une prise en charge nouvelle à l’intersection du secteur de la santé mentale et de l’exclusion sociale. 5 1.1.2. Des pistes pour dégager des réponses : le SMES La première étape du travail du SMES fut d’identifier ce qui empêchait les deux secteurs de travailler ensemble. On peut dire aujourd’hui que les spécificités des cadres et des philosophies de travail des deux secteurs rendent difficile la production de pratiques appropriées aux difficultés du public. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons testé des pratiques nouvelles et construit un dialogue sur le terrain même. Ils devaient nous permettre à la fois de mieux percevoir les besoins du public, de comprendre le collègue de l’autre secteur et, ensemble, d’élaborer de nouvelles pistes de travail. Les pratiques que nous voulons développer opèrent à l’intersection des deux secteurs. C’est sur ce travail (voir développement) que se fondent les propositions que nous présentons dans ce document. 1.2. Finalité du projet de cellule d’appui médico-psychologique Ce projet ambitionne de produire des modes d’intervention appropriés aux exclus souffrant de troubles mentaux, en particulier en facilitant l’accès de ces personnes aux soins les plus adéquats. Initier des pratiques nouvelles, c’est aussi questionner ce qui, dans le fonctionnement actuel des institutions et leur cadre de travail, leurs règles et règlements, les rendent peu accessibles pour une partie du public visé. C’est ici l’adéquation des services et de leurs outils aux besoins des personnes qui doit être évaluée : Quelles compétences et quelles procédures sont les plus adaptées aux besoins ? Quelles sont les pratiques actuelles qui sont à promouvoir ? Quelles sont les pratiques qui nécessitent de profonds remaniements ? Il est essentiel, après évaluation de ce projet, qu'émergent des propositions formulées en termes d’organisation et d’outillage des services, permettant la mise en œuvre de réponses mieux adaptées, d’orientation et de choix politiques définissant des priorités face au public touché par l’exclusion (définition des missions, des mandats et des cadres institutionnels devant permettre la mise en œuvre de ces pratiques). 2. ANALYSE DE LA SITUATION 2.1. Le contexte des prises en charge Les sans-abri et les personnes les plus marginalisées ont accumulé des échecs et des ruptures qui touchent tous les secteurs de la vie : logement, liens sociaux, monde du travail, famille, repères sociaux, santé mentale, etc … Leur détresse doit interpeller tant les acteurs sociaux que les acteurs de la santé. Mais les comportements de survie qui accompagnent parfois cette détresse –alcoolisme, agressivité, violence- brouillent bien souvent les pistes et laissent les intervenants perplexes et, souvent, impuissants. Les tendances « culturelles » des secteurs de l’aide sociale et de la santé à morceler la demande et les réponses sont maximalisées par l’expression toute particulière de la souffrance des sans-abri. Dans un tel système, l’individu doit se morceler pour que sa souffrance puisse être entendue, ce qui risque bien de renforcer sa « difficulté à entrer en contact de façon adéquate » avec les professionnels. Insérer et/ou soigner ? Malgré les importantes avancées conceptuelles dans les deux secteurs, malgré l’évolution de chacun au contact de l’autre et la juxtaposition des compétences par le biais du travail en réseau ou par la création des équipes pluridisciplinaires comme celles des services de santé mentale, au plus grand bénéfice des usagers qui cumulent des problèmes de santé mentale et de difficultés sociales, à l’égard de la population des « sans-abri / malades mentaux », se repose pourtant la vieille question de la priorité : faut-il d’abord “soigner” ou d’abord “insérer” ? 6 Cette question anachronique témoigne-t-elle de la spécificité des tableaux cliniques des « sans-abri / malades mentaux » ou bien de l’inadéquation des unes ou des autres structures à accueillir ceux-ci, ou les deux ? 2.2. Le public Le public dont nous parlons est celui que rencontrent les institutions membres du SMES (maisons d’accueil, services de santé mentale, gardes psychiatriques, travailleurs de rue, organisation non-gouvernementale) et partenaires du projet et qui présentent des troubles mentaux réactionnels ou non aux situations d’exclusion prolongée. Leur caractéristique essentielle est la rupture majeure des liens sociaux. La majorité d'entre elles se trouve soit à la rue, soit dans des centres d'hébergement pour personnes sans abri. Si on se réfère à l'enquête effectuée dans les maisons d’accueil bruxelloises, un traitement médico-psychologique se justifierait pour 30 % des personnes hébergées. Elles se caractérisent par un cumul d'handicaps : absence de logement ou logement précaire, absence de ressources suffisantes (minimex, allocation de chômage, …), problèmes de santé physique et psychologique, expériences de ruptures multiples et récurrentes, dépendance à l'alcool ou à la drogue, sortie d'institution ou de prison, accès au travail difficile souvent par manque de qualification, … 3. LE PROJET 3.1. Genèse du projet Il est le fruit d'une longue pratique de dialogue et de collaboration entre acteurs de la santé mentale et du social désireux de rapprocher leurs pratiques malgré les obstacles structurels et culturels qui les séparent. Il vise un mode de fonctionnement mixte au bénéfice d'une population marginalisée qui paie trop souvent d'une nouvelle exclusion le cumul des problématiques qu'elle subit. Ce projet fait suite notamment à : L'enquête sur les difficultés psychiatriques en maison d'accueil ; Les séminaires européens organisés par le SMES-Europe (Rome 1991, Bruxelles 1993, Paris 1995, Madrid 1997, Copenhague 1999), dans lequel le SMES bruxellois est parmi les plus actifs et les plus engagés ; L'enquête préliminaire du SMES européen sur les offres de services et les besoins des sans-abri malades mentaux dans les grandes capitales ; Les expériences menées par le SMES bruxellois et plus particulièrement le réseau d'échange de pratiques. 3.2. Les partenaires du projet Le projet a été élaboré par les différents partenaires du réseau qui rassemble les acteurs de la santé mentale et du social : directeurs, coordinateurs et professionnels de maisons d'accueil, de travailleurs de rue, de services sociaux, de services de santé mentale, de services psychiatriques hospitaliers. C. METHODOLOGIE DE TRAVAIL L’équipe de la Cellule mobile est actuellement composée d’une psychiatre, d’un psychologue et d’une assistante sociale, tous trois à temps partiel. Une réunion hebdomadaire permet à l’équipe de poser un temps de travail dont l’objet est la réflexion autour des stratégies à développer vis-à-vis des institutions demandeuses, des nouvelles demandes et des demandes déjà prises en charge. Un temps est également réservé aux questions administratives. 7 Tous les mois, un Comité de pilotage réunit les travailleurs de la Cellule et des membres des institutions partenaires afin de pointer et orienter l’action de la Cellule ainsi que les enjeux qui sous-tendent son existence. Il est à noter qu’une permanence téléphonique est assurée par les membres de l’équipe, de 9 à 17 heures, du lundi au vendredi. Ces plages de permanence, en regard du temps de travail de l’équipe (soit 1,5 ETP pour l’ensemble des travailleurs), sont le premier indicateur de la volonté de disponibilité de celle-ci. L’objet du travail de la Cellule consiste à soutenir, à leur demande, les équipes des institutions pour personnes sans domicile fixe. Si nécessaire, une intervention auprès de la personne accompagnée sera réalisée. Le public présente la caractéristique d’être marqué par une rupture majeure des liens sociaux : personnes sans abris ou sans domicile fixe. Dans 30 % des situations, on peut noter la présence de troubles mentaux. Les problèmes physiques graves sont nombreux auprès de cette population. Trop souvent, ces personnes n’ont pas de liens stables et refusent toute forme de soins médicaux ; leur « espace de liberté » est à ce prix, pourrait-on dire. Les demandes orientées vers la Cellule d’Appui se caractérisent par des troubles psychiatriques et / ou comportementaux qui sont à l’origine d’un blocage du projet social, un épuisement des intervenants ou des inquiétudes de leur part vis-à-vis de leur client. Le client, lui, n’a parfois pas de demande ou formule des demandes autres que celles qui peuvent être entendues dans le cadre institutionnel. La Cellule essaye alors de développer et de produire des modes d’interventions appropriées à ces situations complexes, tout en prenant en considération l’ensemble des aspects de la personne : médicaux, psychologiques, familiaux, sociaux, économiques, etc… La prise en compte par la Cellule des différents besoins et des demandes de l’usager permet d’aller d’une situation de « crise », ici synonyme de blocage, vers une situation de remise en route du travail porté dès lors par le « système » institution – usager - cellule ». C’est dans ce second temps que nous nous proposons de définir ensemble, via cette triangulation des systèmes institution- travailleur - accompagnant– client – Cellule – réseau, les stratégies d’intervention adéquates, coordonner les différents intervenants et planifier la tâche spécifique de chacun. C’est alors que nous pourrons mesurer l’adéquation de la réponse de la Cellule en fonction du profit et des bénéfices de chacun, client, travailleur et institution, en facilitant par exemple l’accès aux soins les plus adéquats, en améliorant la situation sociale, en créant des moments de réflexion et des moments pour reprendre son souffle. Les demandes d’interventions à la Cellule d’Appui se font principalement de deux manières différentes, à savoir par contact téléphonique ou par contact direct lors de nos rencontres avec les institutions partenaires. Ces demandes peuvent être formulées soit par toute l’équipe, soit par un ou des intervenants privilégiés de la situation qui pose questions. Chaque nouvelle requête est examinée et discutée en réunion d’équipe. Au cours de ces discussions, nous définissons les modalités de rencontre avec le « système demandeur » et éventuellement avec le « système client ». Tout en évitant d’agir dans la précipitation, nous sommes attentifs à respecter un délai maximum d’une semaine entre la demande et l’intervention proprement dite de la Cellule. Deux membres de l’équipe sont désignés en fonction de leurs disponibilités mais, plus prioritairement, en fonction de leurs compétences particulières vis-à-vis de la situation exposée. En raison de notre caractéristique de « mobilité », nous avons fait le choix de rencontrer préférentiellement « le système demandeur » sur son lieu de travail et le « système client » sur son ou ses lieux de vies. La première rencontre avec le client se fait toujours en présence du travailleur qui connaît le mieux le client ou qui a créé, avec ce dernier, le plus de liens. Nos discussions avec les différents intervenants visent à préciser le sens de la requête, les attentes de chacun des acteurs et à réévaluer la notion d’urgence pour chacun des trois systèmes (client, demandeur et intervenants). Elles tentent également d’identifier les personnes ou institutions ressources qui font partie du réseau social et/ou de santé mentale ou encore du système familial, sont présentes autour du client. Cette manière de procéder permet, à notre sens, d’offrir d’une part un soutien aux intervenants et de favoriser d’autre part la prise de recul vis-à-vis des situations présentées. Identifier le besoin éventuel d’intervention médicale, psychologique ou sociale complémentaire. 8 De par notre « fonction de tiers » et notre position spécifique située à l’intersection entre la santé mentale et l’exclusion sociale, l’objectif principal de notre activité est de créer un espace intermédiaire de travail qui tienne compte à la fois des désirs et besoins des clients, mais aussi des craintes et des limites individuelles et/ou institutionnelles des partenaires demandeurs. Notre volonté étant de ne pas nous substituer au réseau de soins médico-psycho-social existant, nous devons pour cela parfois faire appel à d’autres partenaires que le système demandeur. Voir graphique page suivante. 9 10 11 D. MISE EN PERSPECTIVES POUR 2004 Se connaître, s’apprécier, s’adapter, « et voluer » pour le meilleur. Monsieur, dessine-moi une perspective … Les perspectives sont garantes de la vitalité de tout jeune projet. C’est pourquoi il est impératif de se saisir tant des résultats encourageants que des obstacles rencontrés pour les dessiner avec vigueur et contraste. 1. LA CLINIQUE 12 La poursuite des interactions de l’équipe avec le Comité de Pilotage devrait permettre de continuer à affiner, au travers des vignettes cliniques emblématiques, la description et l’élaboration des procédures mises en pratique par la Cellule. La régularité de ces rencontres mensuelles deviendra pour ce faire strictement métronomique. En outre, le chantier de la « récolte des données » sera ouvert. Pour ce faire, l’équipe se préoccupera, outre la prise en compte des caractéristiques de la population – cible, d’une compatibilité du recueil avec celui qui existe actuellement dans les services de santé mentale d’une part, dans les services hospitaliers psychiatriques d’autre part. 2. UNE RECHERCHE, UNE La poursuite et fin de la recherche mise en route grâce au soutien de l’Observatoire de la Santé prendra place en cette année 2004. Pour rappel, le chercheur a opté pour une observation rapprochée des faits et des verbes au sein même du dispositif. L’accompagnement de qualité de cette recherche est le gage d’une plus-value critique. 3. TÉMOIGNAGE DE BONNE PRATIQUE La Cellule d’Appui a été sollicitée pour fournir à une équipe de recherche financée par le SSPP du Premier Ministre un résumé de son projet au titre d’innovation en matière de santé mentale. Cette sollicitation, est-il utile de le rappeler, résonne comme une légitimation supplémentaire. 4. PARTICIPATION AU 8ÈME SÉMINAIRE EUROPÉEN SMES À PRAGUE La Cellule aura en outre l’opportunité de présenter à Prague, lors de cette rencontre bisannuelle des intervenants SMES, le fruit plus mûr à présent de leurs pratique et réflexions. 5. CHARGER LES DÉCIDEURS AVEC UN CAHIER PLEIN DE BONNES NOTES Il conviendra enfin de continuer, inlassablement, à convaincre les responsables des politiques sociales et sanitaires de la Région de se pencher sur l’opportunité de faire de ce projet – pilote un dispositif durable. L’idée de subsidier les institutions partenaires des deux bans (social et santé) reste d’actualité et sera défendue en tous les lieux qui comptent. 13 E. QUELQUES DONNEES STATISTIQUES 1. LES SITUATIONS L’échantillon de départ est composé de 54 situations traitées au cours de l’année 2003. effectivement été ouverts durant cette année, les 19 autres l’ayant été précédemment. 36 dossiers ont Notre territoire d’intervention s’étend à la Région de Bruxelles-Capitale et ses 19 communes. 1.1. Les demandes En janvier En février En mars En avril En mai En juin 5 2 5 1 2 6 En juillet En août En septembre En octobre En novembre En décembre 1 1 5 1 2 5 Commentaire : On constate trois vagues successives de demandes : pendant l’hiver et pendant les mois de juin et septembre, avant et après les vacances d’été. 1.2. Etat des dossiers ouverts entre le 1er janvier et le 31 décembre 2003 (n = 36 dossiers ouverts) Nombre de situations clôturées Nombre de situations suspendues Nombre de situations en cours Rupture de la situation 16 4 16 0 1.3. Etat des dossiers ouverts entre le 15 janvier 2002 et le 31 décembre 2003 (n = 98 dossiers ouverts) Nombre de situations clôturées Nombre de situations suspendues Nombre de situations en cours Rupture de la situation 50 24 23 1 14 1.4. Réorientation des demandes en 2003 (n = 8 demandes réorientées) Hôpital psychiatrique Rivage – den Zaet WOPS Psychiatre privé Service de santé mentale (Namur) 1 4 1 1 1 1.5. Evolution des patients (en %) Etat psychique En progrès Stabilisé Régression Inchangé Autres Pas de données 27,8 27,8 3,7 13,0 11,1 16,7 Etat Etat social somatique 20,4 24,1 1,9 20,4 / 33,4 20,4 22,2 9,3 22,2 / 26,0 Commentaire : On constate que dans près de deux tiers des cas il y a un progrès ou une stabilisation de l’état psychique, selon les constats faits en fin d’année 2003. A noter que ces chiffres reflètent une période relativement courte dans une vie entière ; la situation peut changer très rapidement. 15 2. PROFIL DE L’USAGER 2.1. Généralités Nous avons été amenés à rencontrer des usagers de 15 nationalités différentes et avons de ce fait mené des entretiens en quatre langues : le français, le néerlandais, l’anglais et le perse, avec l’aide d’interprètes. 2.1.1. La répartition hommes / femmes et l’âge : Sexe de la population adressée à la Cellule d’Appui : Hommes Femmes 59 % 41 % Répartition de l’âge : 20 – 30 ans 30 – 40 ans 40 – 50 ans Plus de 50 ans 31 % 37 % 14 % 18 % Moyenne : 40 ans ; minimum = 20 ans ; maximum = 77 ans. Si l’on croise l’âge et le sexe, l’on obtient le tableau suivant : 50% 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% 20 - 30 ans 31 - 40 ans Femmes 41 - 50 ans Hommes Plus de 50 ans Femmes + Hommes Commentaire : On constate que le taux de fréquentation des hommes diminue avec l’âge alors que nous sommes en présence d’une population de femmes de plus en plus âgées. 16 2.1.2. Le lieu de vie : Seul Famille, proches Centre d’accueil d’urgence Maison d’accueil Souvent en asile de nuit Principalement dans la rue Institution hospitalière Centre d’accueil pour réfugiés 25 % 15 % 10 % 14 % 8% 10 % 2% 16 % 2.1.3. La situation socio-professionnelle : Chômage, CPAS Allocation mutuelle / handicapé Pension Sans revenus Demandeur d’asile Sans papiers Sans profession / Au foyer Inconnu 29 % 6% 6% 4% 27 % 8% 6% 14 % Commentaire : 40 % de nos usagers bénéficient de revenus de remplacement divers, aucun n’ayant un emploi ; 12 % n’ont aucuns revenus ; 27 % sont des demandeurs d’asile et la plupart d’entre eux reçoivent une aide matérielle concrétisée à travers une prise en charge de leur hébergement. 2. 2. Profil psychologique 2.2.1. Démarches psychiatriques antérieures à l’intervention de la Cellule d’Appui : Aucune démarche psychiatrique Hôpital psychiatrique Service de santé mentale ambulatoire Service d’urgence Démarches multiples Inconnu 24 % 13 % 26 % 2% 13 % 22 % Commentaire : Plus de la moitié de la population adressée à la Cellule a déjà cherché une aide hospitalière ou ambulatoire ; seuls 24 % des usagers n’ont pas eu de contact préalable avec des services de santé. 2.2.2. Hospitalisation durant l’année 2003 : En psychiatrie En hôpital général 17 Oui Non Inconnu 11 % 70 % 19 % 11 % 65 % 24 % Commentaire : Parmi les hospitalisations en psychiatrie, il n’y a pas eu de mise en observation mise en place par le Cellule. 2.2.3. Facteurs environnementaux : Difficultés liées au logement et conditions économiques Difficultés liées à la procédure de demande d’asile Difficultés liées à l’environnement social Difficultés relationnelles avec le conjoint Autres 30 % 22 % 19 % 4% 25 % 2.2.4. Diagnostics psychiatriques : Commentaire : Ce tableau montre en détail les diagnostics psychiatriques que nous avons pu établir. Il apparaît que parmi les femmes, on trouve souvent soit une psychose (schizophrénie ou trouble délirant persistant), soit un trouble dépressif, tandis que chez les hommes, le trouble dépressif et les troubles liés à l’alcoolisme sont fréquents. 2. 3. Données spécifiques concernant l’usager souffrant de psychose Dans notre population, la psychose est fréquente. Si l’on considère la totalité des cas de schizophrénie, de trouble délirant persistant et de psychose, on arrive à 28 % de la population qui nous est adressée. Les données suivantes concernent donc 28 % des personnes que nous rencontrons (15 dossiers sur un total de 54 dossiers traités en 2003). 18 2.3.1. La répartition hommes / femmes souffrant de psychose : Hommes Femmes 40 % 60 % Commentaire : La psychose est plus fréquemment rencontrée chez les femmes que chez les hommes de la population rencontrée et nous constatons que ce sont justement les symptômes de la psychose qui causent la perte du logement et entraînent l’errance chez les femmes. 2.3.2. La répartition de psychose selon l’âge : 23 – 30 ans 31 – 40 ans 41 – 50 ans 51 – 77 ans 33 % 25 % 17 % 25 % 2.3.3. La répartition de psychose selon l’état civil : Célibataire Veuf / Veuve Séparé(e) / Divorcé(e) Inconnu 39 % 7% 27 % 27 % Commentaire : Nous pouvons constater que ces personnes n’ont pas de relation et semblent fort isolées. 2.3.4. Démarches psychiatriques antérieures à notre intervention : Aucune démarche psychiatrique Hôpital psychiatrique Service de santé mentale ambulatoire Hôpital psychiatrique + ambulatoire Inconnu 7% 20 % 20 % 13 % 40 % Commentaire : Plus de la moitié de la population psychotique qui nous est adressée a déjà bénéficié d’une aide psychiatrique hospitalière ou ambulatoire. Seules 7 % de ces personnes n’ont eu aucun contact préalable avec un service de santé mentale. Nous n’avons pu obtenir ces renseignements pour 40 % d’entre elles. 2.3.5. Difficultés liées aux facteurs d’environnement : Logement et conditions économiques Solitude Difficultés liées à l’acculturation Errance internationale Difficultés liées à la procédure d’asile Inconnu 53 % 7% 7% 7% 13 % 13 % Commentaire : Parmi la population souffrant de psychose, plus de la moitié a des problèmes de logement. L’errance internationale est un phénomène que nous avons rencontré dans trois dossiers traités en 2003. 2. 4. Données spécifiques concernant l’usager demandeur d’asile 19 Il nous a semblé pertinent de réserver un chapitre de notre rapport à cette population tant les problématiques qu’elle rencontre sont spécifiques que ce soit au niveau du profil général, du plan psychique ou du point de vue de notre mode d’intervention à leur égard. 2.4.1. Profil général : 27 % des personnes rencontrées sont des demandeurs d’asile. Parmi eux, 80 % sont des hommes (alors que la proportion d’hommes et de femmes est identique lorsqu’on exclut les demandeurs d’asile de notre population). 80 % des demandeurs d’asile que nous rencontrons sont iraniens, ce qui s’explique par la présence du psychologue de l’équipe, lui-même originaire d’Iran. Alors que presque la moitié des demandeurs d’asile sont mariés, 44 % du reste de la population rencontrée est célibataire et 25 % divorcés ou séparés. Dès lors, seuls 7 % des demandeurs d’asile vivent seuls (contre 31 % du reste de la population). 53 % des demandeurs d’asile vivent dans un centre d’accueil pour réfugiés. Commentaire : La présence des demandeurs d’asile iraniens dans notre population, de plus hébergés dans un centre d’accueil, entraîne un travail de consultation plutôt classique : consultations dans les locaux de la Cellule d’Appui, prescriptions médicamenteuses si nécessaire et psychothérapie. 2.4.2. Profil psychologique : Les diagnostics les plus souvent posés sont : troubles de l’adaptation, dépressions réactives à la situation et troubles de stress post-traumatique. Il s’agit rarement d’une psychose. Alors que les demandeurs d’asile sont plus souvent mariés que notre population générale, ils souffrent souvent de conflits réactionnels. 20 3. LE SYSTÈME DEMANDEUR 3.1. Les institutions Les 53 dossiers traités en 2003 nous ont été adressés par 21 institutions différentes : Adzon, Ariane, Armée du Salut, CASU, Petit Château, Clos Sainte-Thérèse, Centre d’hébergement pour demandeurs d’asile de la Croix-Rouge, Croix-Rouge, Diogènes, Entr’Aide des Travailleuses, Fami-Home, Home Dupré, structures hospitalières, logements sociaux, médecins généralistes, Médecins sans Frontières, Rivage – den Zaet, De Schutting, Source, C.H.U. SaintPierre, Ulysse. Pour mener notre intervention à bien, nous avons été amenés à faire appel, dans 20 % des cas, à une étroite collaboration avec 6 institutions du paysage psychosocial bruxellois : La Cambre, Clos Sainte-Thérèse, Entr’Aide des Travailleuses, hôpital de nuit, hôpital psychiatrique, Rivage – den Zaet. 3.2. Mode d’arrivée Démarche personnelle et entourage Centre d’accueil d’urgence Asiles de nuit, travailleurs de rue Maisons d’accueil Services sociaux Services médicaux Services psy ambulatoires Habitation protégée, service intra-muros 10 % 16 % 6% 24 % 12 % 16 % 10 % 6% Commentaire : Les demandes nous sont transmises de manière très variée. Nous pouvons constater que le réseau est à la fois constitué de structures sociales et de structures hospitalières. 3.3. Motif de la demande de l’institution « envoyeuse » Inquiétudes concernant l’état psychiatrique Inquiétudes concernant l’état physique Inquiétudes concernant la situation sociale Demande d’hospitalisation Demande d’une mise en observation Blocage concernant le projet d’avenir 67 % 6% 9% 2% 4% 6% 21 Commentaire : Le principal motif rencontré est l’inquiétude que cause l’état psychique de l’usager (67 %), ce motif étant presque toujours accompagné d’un blocage du projet social dans l’institution « envoyeuse ». Parmi ces 67 %, 26 % des personnes souffrent d’une psychose et 27 % d’une dépression, alors qu’aucun trouble mental important n’a été relavé dans 5 % des cas. 4. MODALITÉS D’INTERVENTION ET FONCTIONNEMENT DE L’ÉQUIPE 4.1. Activités 2003 Réunions d’équipe Réunions du Comité de Pilotage Réunions d’évaluation de la Cellule Visite des institutions extérieures et de leurs équipes Demandes Contacts face à face avec les usagers Nouveaux clients rencontrés Déplacements vers les institutions extérieures et les clients (ensemble de l’équipe, hors réunions) Soirées de permanence dans des institutions extérieures (Pierre d’Angle et CASU) Réunions autour de la recherche mise en place autour du fonctionnement de la Cellule d’Appui Animations des groupes d’intervision du SMES-B + réunions de préparation 65 9 2 50 36 195 30 140 14 4 21 4.2. Répartition des interventions parmi les membres de l’équipe Assistante sociale Psychiatre Psychologue Assistante sociale + psychiatre Assistante sociale + psychologue Psychologue + psychiatre 4% 26 % 11 % 15 % 9% 35 % Commentaire : En 2003, l’équipe de la Cellule d’Appui a du fonctionner plusieurs mois sans assistante sociale, ce qui explique les pourcentages de la répartition des interventions. 4.3. Nombre de prestations (rencontres face-to-face) avec les usagers Premier entretien Examen psychiatrique Thérapie / accompagnement social Traitement médicamenteux 19 26 24 8 dossiers* Entretien avec la famille / l’entourage Entretien avec l’usager et l’envoyeur Intervention de crise Rapports TOTAL 3 11 2 3 96 22 Commentaire : Dans 15 % des cas (8 dossiers), nous n’avons jamais rencontré l’usager. le nombre total de rencontres (96) représente 46 dossiers. Dans 15 % des cas, un traitement médicamenteux a été instauré. Dès lors, 4.4. Lieu de l’entretien avec les usagers Lieu Dans la rue Dans l’institution Chez l’usager Locaux de la Cellule d’Appui Autres Nombre de rencontres 4 22 12 47 5 4.5. Rencontres avec l’envoyeur autour de l’usager Entretien avec l’équipe Entretien avec le / les travailleur(s) Dans la rue Dans l’institution Chez l’usager Locaux de la Cellule d’Appui Autres 6 35 7% 67 % 3% 15 % 8% Commentaire : Dans 19 % des cas (10 dossiers), nous n’avons pas eu de contact direct avec l’envoyeur. A noter que nous n’avons pas tenu compte des contacts téléphoniques dans les données reprises dans ce tableau. La mobilité est tout autant valable vis-à-vis institutions que vis-à-vis des usagers : nous pouvons constater que nous nous sommes déplacés dans 85 % des rencontres avec les institutions. 23 F. INSTITUTIONS PARTENAIRES ET AUTRES « CASU » asbl 24 Home Du Pré Centre d’Accueil d’Urgence « Ariane » « Diogenes » Médecins Sans Frontières « Accueil Eglises » (Cathédrale Saint Michel, Eglise Saint Nicolas, ….) Service de Santé Mentale « Rivage – den Zaet » Service de Santé Mentale « La Gerbe » Service de Santé Mentale « Exil » CPAS de Molenbeek « Adzon » « Source » - Fami-Home Asile de nuit « Pierre d’Angle » « Clos Sainte-Thérèse » Espace social « Télé-Service » « La Fontaine » Home Baudouin « Nativitas » « SEPSUD » Le Foyer Bruxellois Croix-Rouge de Belgique CAW « Groot Eiland » Medisch Steunpunt Mensen zonder Papieren Service Social des Etrangers Projet « Ulysse » Clinique Fond’Roy Psy – Support – Cel (Commissariat des Réfugiés) Centre « Transit » Centre Hospitalier Jean Titeca Institut Pachéco Unité de Crise du C.H.U. Saint-Pierre (PL3) C.H.U. Brugmann Maison Médicale de la Senne Maison Médicale des Marolles Maison Médicale des Riches-Claires SORELO (Société de logements sociaux) Ulysse asbl Médecins généralistes De Schutting Armée du Salut Petit Château Centre d’hébergement pour demandeurs d’asile de la Croix-Rouge Entr’Aide des Travailleuses 25 20/01, 17/03 et 19/05/03 G. PARTICIPATION A DES EVENEMENTS EXTERIEURS AVEC PRESENTATION DU PROJET Tables d’Echange du SMES - B 26 24/01/03 20/02/03 24/04/03 Plusieurs visites d’institutions destinées aux sans abris à l’occasion de portes ouvertes Assemblée Générale du SMES - B Journée d’échange Pays-Bas / Belgique : « Psychotherapie bij politiek vluchtelingen » (Organisation : CGGZ Brussel – CW Laken & Mikado, Bruxelles) Colloque « Errer humanum est », Bruxelles Réunion d’information / Débat avec P. Declerck, auteur du livre « Les naufragés », C.H.U. Saint-Pierre, Bruxelles Séminaire « La santé mentale des migrants et des réfugiés : Quelles réponses des systèmes de soins en Europe », Paris (Organisation : L’Association Française et E. Minkowski) 04/12/03 GLEM, C.H.U. Saint-Pierre, Bruxelles 05/12/03 27 et 28/11/03 06/11/03 Tenue d’un stand de présentation au Forum de la Santé Mentale (Bruxelles) 09/11/03 10 et 11/10/03 03/06/03 Portes Ouvertes organisées à l’occasion de l’installation de la Cellule d’Appui dans ses nouveaux locaux 25/09/03 « Intervention en situation de crise » (La Rencontre) Du 05 au 09/05/03 Clinique d’Asile (L.B.F.S.M.) Séminaire « Approche culturelle des processus de deuil chez les réfugiés », Netwerk Psychosociale Zorgen, Anvers 27 + Lisbonne ! H. VIGNETTES CLINIQUES PREMIERE VIGNETTE CLINIQUE : MME G. Nous étions appelés par un asile de nuit pour une situation urgente. Nous en avons pris note et, lors de notre réunion d’équipe, nous avons désigné deux membres de l’équipe (dont une psychiatre) pour répondre à la demande dans les plus brefs délais. Lors de notre rencontre, trois membres de l’institution étaient présents. Ils nous parlent de Mme G. qui, depuis un certain temps, a suscité des inquiétudes au sein de l’équipe. Il s’agit d’une femme de 80 ans, sans abri, qui passe ses journées dans une gare où un travailleur va la chercher le soir pour l’amener à l’asile. Elle a les jambes gonflées et 28 ulcérées et refuse pourtant tout traitement. Son état général paraît se dégrader de jour en jour et l’on craint que sa vie ne soit en danger. Elle refuse l’hospitalisation, et cela malgré le fait qu’elle est incapable de gérer seule ses médicaments. De plus, elle nous est présentée comme quelqu’un de fort paranoïde avec des phobies injustifiées. La nuit, elle semble pleurer ou délirer et elle perturbe le sommeil des autres personnes. Les travailleurs nous demandent si une mise en observation ne s’avère pas indispensable. Nous essayons alors de voir plus clair à propos d’autres intervenants éventuels autour de cette dame. Nous recevons les informations suivantes : Le CPAS : Elle reçoit le minimex, ce qui lui permet de se débrouiller financièrement ; L’hôpital : Des contacts en ambulatoire sont possibles pour ses jambes et les soins physiques en général, mais elle refuse l’hospitalisation ; L’asile de nuit : Elle rencontre le médecin ou l’infirmière deux fois par semaine ; La famille : Elle a une fille qu’elle refuse de voir actuellement. Une rencontre avec le médecin psychiatre sera prévue pour la semaine qui suit notre rencontre. L’examen psychiatrique de Mme G. met bien en évidence l’aspect préoccupant de sa santé physique et la nécessité des soins et des médicaments. Elle pleure la nuit à cause de ses jambes qui lui font mal. Pourtant, cette dame semble assez lucide et bien orientée. Elle parle d’une manière cohérente. Elle a peur des agressions (ce qui peut être justifié par ses conditions de vie) et elle exprime clairement ses angoisses par rapport à un « enfermement » dans une maison de repos. Elle est fort attachée à sa liberté et à son indépendance, d’où son refus de tout contact avec les médecins. L’hypothèse d’une quelconque forme de psychose ou de démence est écartée et elle ne présente pas de symptômes dépressifs. Elle réalise qu’elle pourrait mourir un de ces jours et elle voudrait un enterrement digne. La possibilité de se mettre en contact avec sa fille, qui n’habite pas loin, est refusée par elle. Sa fille vit sa propre vie et elle ne veut pas la déranger. Pendant la rencontre avec les intervenants de l’institution, la possibilité d’une mise en observation est écartée. Par contre, nous décidons d’élaborer la possibilité d’améliorer les soins apportés à cette dame et de respecter son indépendance. Une chambre est réservée dans l’institution, où elle peut dormir seule la nuit, sans déranger les autres. Elle sera emmenée par le bus le soir, comme d’habitude, et, le matin, elle peut prendre son taxi pour se rendre à la gare. Comme elle nécessite des soins quotidiens aux jambes ainsi que des médicaments, une demande auprès du CPAS est préconisée afin d’obtenir l’aide d’une infirmière qui viendrait à l’asile soigner ses jambes. Après cette rencontre, Mme G. devient collaborante. Elle se laisse même hospitaliser pour ses jambes, qui guérissent. Elle est lucide et l’institution reste en contact avec elle. On essaie de la transférer dans une maison de repos, mais hélas, à ce moment, elle décroche et disparaît à nouveau dans la rue. Dans l’institution, on décide de reprendre le fil d’action établi avant l’hospitalisation, en respectant ainsi son choix … Pendant l’année 2003, l’équipe se tient au courant des événements sans qu’une intervention supplémentaire ne soit nécessaire. Mme G. va de mieux en mieux, ses jambes sont guéries. Elle dort toujours à l’asile de nuit tandis qu’en hiver elle passe ses journées dans un restaurant social. Elle a même repris contact avec sa fille qui la visite régulièrement et apporte des cadeaux pour son anniversaire. Elle a pu parler de son souci concernant un enterrement digne qui sera assuré par l’équipe du restaurant social … 29 DEUXIEME VIGNETTE CLINIQUE : MR A. En juin 2002, un travailleur de rue d’un service bruxellois fait appel à la Cellule d’Appui afin qu’une rencontre concernant Mr A. s’organise. Mr A., âgé de 53 ans, vit dans la rue depuis 6 ans et la demande de rencontre des travailleurs de rue porte sur leur inquiétude à l’égard de son état de santé très précaire. Mr A. est en effet très souvent ivre et présente des troubles de la mémoire à tel point qu’il ne reconnaît pas les travailleurs qu’il voit pourtant fréquemment. L’objectif de cette intervention serait de trouver une solution d’hébergement avant l’hiver. Il est convenu de rencontrer Mr A. ensemble afin de travailler avec lui son intégration dans une structure appropriée. Notre psychologue, accompagné d’un travailleur de rue, rencontre donc Mr A. le 2 juillet 2002. On peut le trouver à un endroit précis, au centre ville. Nous apprenons lors de cette rencontre que Mr A. dort parfois dans un centre d’accueil de nuit mais uniquement quand le personnel de ce centre le lui propose, jamais de sa propre initiative. Peu après, Mr A. est orienté vers une unité gériatrique par le service des Urgences d’un hôpital ; c’est là que nous le rencontrons à nouveau, toujours avec un travailleur de rue. Les motifs de cette hospitalisation sont, outre son alcoolisme, son besoin de soins médicaux, notamment le traitement de la gale et une série d’examens complémentaires qui révéleront que Mr A. a été victime de coups et blessures à plusieurs reprises. Lors de cette entrevue, Mr A. semble perdu, sa notion du temps est altérée et il exprime son envie de quitter, le plus rapidement possible, le service dans lequel il se trouve. Nous prenons alors contact avec l’assistante sociale de l’unité gériatrique et prévoyons avec elle la remise en ordre de la mutuelle et de la situation globale de Mr A. Un contact entre le médecin traitant de ce service et le psychiatre de la Cellule d’Appui confirme son état de santé fragile. Un retour en rue lui serait en effet sans doute fatal. Une cure de désintoxication lui est proposée mais est très vite remise en question par son désir pressant de quitter l’unité. Une mesure de mise en observation est alors envisagée, mais une erreur administrative empêchera cette mesure d’aboutir. Un deuxième essai n’est pas envisagé étant donné l’amélioration de l’état de santé général du patient. Si l’équipe de l’unité gériatrique nous communique qu’elle n’est pas en mesure de garder Mr A. plus longtemps contre sa volonté alors que tous les soins médicaux nécessaires lui ont été prodigués, elle se montre néanmoins prête à l’admettre à nouveau si cela s’avère nécessaire. La Cellule d’Appui et l’assistante sociale de l’unité prennent alors contact avec une maison de repos. Nous proposons à Mr A. une visite de cet endroit afin qu’il puisse nous donner sa réponse par la suite. Outre cette visite, nous organisons un entretien entre le responsable de l’institution concernée, l’assistante sociale de l’unité gériatrique, le patient et nous-mêmes. Mr A. nous montre d’emblée sa résistance à l’idée d’être enfermé. Ceci nous amène à renégocier un entretien ultérieur avec le responsable et les travailleurs de rue. Mr A. accepte finalement de faire une période d’essai. Etant donné qu’il est très sensible au fait de pouvoir rester libre de ses allées et venues, nous négocions la possibilité qu’il puisse quitter la maison de repos quand il le désire, dans les limites du règlement institutionnel. Quelque temps plus tard, le patient est prié de quitter la maison de repos en raison du comportement agressif qu’il présente. Après un court séjour en rue, il est à nouveau admis au sein de l’unité gériatrique dans laquelle il avait été hospitalisé auparavant, mais où un règlement plus strict que lors de son précédent passage lui est imposé par l’assistante sociale (respect des horaires, gestion de son alcoolisme, …). Pendant un certain temps, notre équipe n’aura plus de contact direct avec Mr A. Les travailleurs de rue, quant à eux, maintiennent le lien avec lui. 30 En juin 2003, le patient sera vivement encouragé à quitter l’unité en raison de sa propension à ne pas respecter les règles de l’institution. Il retourne donc dans la rue. En octobre, les travailleurs de rue font à nouveau appel à la Cellule d’Appui car l’hiver approche et la santé de Mr A., qui s’était améliorée avec son hospitalisation, se dégrade fortement. Quand nous rencontrons le patient, il ne se souvient ni de nous, ni des travailleurs de rue ; il apparaît inerte jusqu’à ne plus être capable de marcher. Le psychologue de la Cellule décide de reprendre contact avec l’unité gériatrique qui refuse de ré-hospitaliser Mr A. et préconise un lieu plus adapté dans lequel le règlement serait plus souple. Une deuxième tentative est faite auprès du médecin de l’unité par le psychiatre de la Cellule. Il en ressort que le patient peut réintégrer l’unité à condition qu’il soit orienté par le service des Urgences d’un hôpital général. Nous en informons les travailleurs de rue et nous voyons donc contraints d’attendre que Mr A. soit dans un état grave pour pouvoir faire appel aux Urgences. Durant l’hiver 2003, une réunion s’organise entre la Cellule d’Appui et les travailleurs de rue qui semblent avoir trouvé une structure privée plus adaptée à la personnalité et à la problématique de Mr A. Celui-ci accepte sans trop de difficultés d’intégrer cette institution mais ses importants troubles de la mémoire font qu’il n’y revient pas quand il part se promener car il ne se souvient plus d’y être hébergé. Ce sont les travailleurs de rue qui, à diverses reprises, le retrouvent en rue et tentent de le ramener. De commun accord avec eux, nous décidons alors que nous nous partagerions la tâche de retrouver et de reconduire Mr A.. Nous émettons le souhait qu’à force de patience et de détermination de notre part à tous, le patient finisse par s’accrocher à cette structure et à en mémoriser l’adresse. Par ailleurs, la Cellule garantit à cette maison d’accueil le suivi du patient, tant au niveau psychologique que médical. Nous prenons également contact avec l’administrateur de biens de Mr A. afin d’avoir la garantie du paiement régulier de son hébergement. En décembre 2003, alors que Mr A. a à nouveau quitté le lieu qui l’accueillait, son responsable nous fait part des difficultés de l’équipe à travailler avec lui. Ses absences récurrentes de plusieurs jours, son alcoolisme et ses problèmes de cohabitation sont autant de facteurs qui expliquent que l’institution dans laquelle il vit souhaite qu’il soit suivi au niveau psychiatrique avant d’être à nouveau admis. Les travailleurs de rue et l’équipe de la Cellule d’Appui rencontrent alors les travailleurs de l’institution afin de redéfinir leurs suivis respectifs. Pour la Cellule, il faut faire preuve de plus de persévérance avant d’envisager d’exclure à nouveau le patient de cette structure. Celle-ci accepte finalement de le reprendre et, durant deux mois, Mr A. y réside de manière régulière et son état de santé en est considérablement amélioré. Durant cette période, le psychiatre de la Cellule d’Appui le rencontre, parvient à obtenir des renseignements anamnestiques inconnus jusqu’alors et lui prescrit des vitamines B. Début avril 2004, nous apprenons par les travailleurs de rue que Mr A. a quitté l’institution quinze jours auparavant. Un mois après cette « escapade », celle-ci nous informe qu’il a réintégré son logement ; ce sera la première fois de sa propre initiative. Cette intervention à long terme a suscité auprès de l’équipe de la Cellule d’Appui des réflexions portant sur trois axes : Tout d’abord, la question de la DEMANDE ressort de la vignette précitée. Mr A., comme une majorité des usagers de la Cellule d’Appui, n’a, à la base, exprimé aucune demande. Celle-ci émanait clairement des travailleurs de rue. A divers moments de ce suivi, les différents intervenants se sont heurté au fait que le patient démontrait par ses actes que ce qui avait été mis en place n’était pas adapté à ses souhaits (ou à ses possibilités) mais bien à ceux des professionnels. Dès lors, même s’il est clair que notre méthodologie de travail indique que nous n’intervenons qu’à partir de la demande d’un professionnel, nous devons, dans la plupart des situations, nous confronter au décalage entre ces différentes situations. Entre alors en jeu un travail autour de celles-ci, travail qui consiste à provoquer la rencontre entre les attentes et désirs éventuels de l’usager avec les 31 inquiétudes et les contraintes institutionnelles des travailleurs. Cette renégociation de la demande peut déboucher sur un remodelage partiel de celle-ci, voire sur sa redéfinition complète. Cette problématique de la demande nous amène au second axe de notre réflexion, à savoir la question de l’URGENCE. Il est évident que pour pouvoir cerner les attentes de l’usager, que celles-ci soient exprimées clairement ou pas, il convient de créer une véritable relation avec celui-ci. Or, établir une relation authentique n’est envisageable que dans une perspective à moyen ou long terme, d’autant plus quand le partenaire de cette relation vit une précarité importante, avec toute la méfiance et la désillusion que cela implique. Pourtant, il n’est pas rare que les professionnels fassent appel à nous quand ils se sentent eux-mêmes pris dans une certaine urgence, urgence qui, dans le cas de Mr A., nous a été exprimée tout autant à un niveau psychologique, social ou médical. La difficulté de cette notion d’urgence est qu’il n’existe pas de consensus permettant de la définir de manière unanime, ce qui revient à dire que chacun des secteurs avec lesquels nous collaborons appréhende l’urgence avec une logique qui lui est propre. Etant consciente de ce fait, l’équipe de la Cellule d’Appui a choisi de préférer prendre le temps de créer la relation, d’analyser les desiderata des différents protagonistes et d’élaborer un projet commun plutôt que de « coller » à cette urgence en agissant dans la précipitation et risquer ainsi de ne pas tisser de lien avec l’usager. Relativiser l’urgence est parfois la première étape à franchir avant d’entamer toute intervention. Enfin, le dernier point sur lequel il nous paraît indispensable de nous arrêter et dont le cas de Mr A. est une illustration, est celui du TRAVAIL DE COLLABORATION entre les professionnels. Loin d’être évident, le travail en réseau est pourtant essentiel pour parvenir à accompagner un usager le plus adéquatement possible. Entrent en ligne de compte la personne elle-même, avec sa ou ses problématiques, son histoire, ses désirs ou non-désirs, ainsi que chaque professionnel intervenant dans la situation, avec sa propre philosophie de travail mais aussi celle de son institution. Sans oublier d’ajouter à ceci nos propres modalités de travail avec toutes les spécificités que cela implique. Pour parvenir à une cohérence, nous avons jugé plus qu’utile de mettre en place entre les différents protagonistes gravitant autour d’une situation des rencontres fréquentes. Et, au-delà de ces réunions ciblées autour de l’usager, nous tentons de maintenir un contact régulier avec les institutions du réseau. 32