Le 24 juin 2008. Le FAG, Forum des Associations de Généralistes

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Le 24 juin 2008.
Le FAG, Forum des Associations de Généralistes, est une ASBL qui compte une centaine de
membres et regroupe les Cercles et Associations de Généralistes Francophones. Il est
l’équivalent francophone de Domus-Medica, association néerlandophone avec laquelle nous
entretenons des contacts réguliers et avec qui nous constatons énormément de points de
convergence sans encore avoir trouvé de points de divergence notoire.
Nous vous remercions de nous laisser l’opportunité d’exprimer l’avis des médecins
généralistes même si nous avons l’impression d’être invités à jouer dans une pièce où tout est
déjà écrit et réglé à l’avance.
Le projet de plate-forme eHealth ne date pas d’hier. Le Conseil National de l’Ordre des
Médecins a déjà rendu un avis en 2005 sur le projet BeHealth qu’il est intéressant de relire
tant il reste d’application en ce qui concerne le projet eHealth qui nous occupe aujourd’hui.
Si ce projet a quitté l’avant-scène médiatique depuis plusieurs années, il n’en a pas moins
continué à évoluer dans l’ombre, sans que les prestataires de soins ne soient tenus informés de
l’état d’avancement des travaux, des standards de communication choisis ni de l’origine du
financement qui a permis la poursuite des travaux.
Le 4 mars 2008 le comité sectoriel de la sécurité sociale et de la santé, section santé publique
de la CPVP autorisait les projets thérapeutiques en santé mentale sélectionnés par l’INAMI à
transmettre au SPF Santé Publique et au KCE des données à caractère personnel relatives à la
santé en confiant le rôle de « tierce partie de confiance » à la plate-forme BeHealth alors que
le cadre légal instituant la plate-forme électronique est toujours en discussion à ce jour, et sans
souligner que le patient doit pouvoir contrôler le contenu des informations le concernant et de
leur diffusion à des tiers (CSSS/08/046).
Auparavant, des institutions publiques comme le SPF Santé Publique, l’INAMI ou le KCE,
qui sont par ailleurs appelés à siéger au comité de gestion de la plate-forme eHealth, avaient
incité ou contraint des prestataires de soins à communiquer à des tiers des données non codées
à caractère personnel relatives à la santé par voie électronique sans autorisation préalable du
comité sectoriel compétent de la CPVP, et donc en violation de la loi sur la vie privée.
Ce n’est que suite à notre intervention que l’encodage des données sensibles a été suspendu
en attendant l’avis de la CPVP. (Communiqués du FAG du 15/01/2008 et du 19/02/2008)
De par sa relation privilégiée avec son patient, le médecin traitant a pris l’habitude de
défendre les droits et intérêts de celui-ci. Cette relation de confiance, indispensable à une prise
en charge correcte de ses problèmes de santé, repose sur le caractère intangible du secret
médical.
Néanmoins, il nous arrive fréquemment, avec l’accord du patient, de partager des données
couvertes par le secret médical avec d’autres professionnels de santé qui ont un lien
thérapeutique avec lui.
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Nous assumons la responsabilité de ce partage de données effectué dans l’intérêt du patient et
avec son accord, et cette notion de lien thérapeutique nous paraît primordiale pour permettre
l’échange de données sensibles.
Elle a parfaitement été intégrée dans la procédure élaborée après de longs mois de travaux par
le « Réseau Santé Wallon » associant la quasi-totalité des hôpitaux wallons, les laboratoires et
polycliniques, les spécialistes hospitaliers et extrahospitaliers et les Cercles de Médecins
Généralistes (www.reseausantewallon.be).
Après de longs travaux de réflexion, le RSW est parvenu à définir un mode de
fonctionnement qui respecte les prescriptions légales et déontologiques comme :
- l’information du patient sur le traitement des données,
- son consentement, son droit de correction,
- les droits d’accès, de copie, de consultation,
- la définition des responsabilités dans le traitement des données,
- la période de conservation, la résolution des litiges,
- la gestion des profils d’utilisateurs,
- la traçabilité des accès,
- la création d’un comité de surveillance ou la désignation d’un médiateur
- … (liste non exhaustive).
Nous accordons entière confiance au RSW et à son homologue bruxellois « ABRUMET » qui
travaillent de concert avec les projets flamands « Gentse Ziekenhuis Overleg » et
« Mediportal » ; nos Cercles de Médecins Généralistes y collaborent activement et sont
largement représentés dans leurs organes de décision.
Cela constitue une énorme différence avec le projet de plate-forme eHealth qui développe ses
applications sans concertation avec les professionnels de santé concernés, envisage de
partager les données codées avec la Santé Publique, le KCE, l’INAMI ou les mutuelles, ne
mentionne nulle part l’obligation de disposer d’un lien thérapeutique avec le patient pour
avoir accès à tout ou partie de ses données de santé.
La volonté d’utiliser le numéro de registre national tant dans le domaine de santé que dans
celui de la sécurité sociale entretient l’amalgame entre les 2 types de données qui sont
pourtant fondamentalement différentes et devraient être traitées suivant des règles et principes
différents. Nous assistons à une dérive technocratique où on développe de la technologie et
des services de base sans se soucier prioritairement de leur utilité et de l’avis de ceux qui en
seront les utilisateurs.
La plate-forme eHealth devrait être gérée par un comité de gestion de 31 membres (et non pas
30 comme mentionné dans le texte) parmi lesquels on pourrait ne compter que 3 représentants
des médecins et 1 représentant de l’Ordre des Médecins. Cette sous-représentation du corps
médical dans le comité de gestion d’une plate-forme télématique chargée d’organiser le
transfert de données de santé, leur codage, la labellisation des logiciels médicaux, de définir
les systèmes de sécurité et d’identification et d’organiser un répertoire des références des
données est pour le moins interpellant, sinon saisissant.
Tant la directive européenne 95/46/CE du 24 octobre 1995 que la loi belge sur le protection
de la vie privée prévoient que le responsable du traitement « primaire » ou l’organisation
intermédiaire (tierce partie de confiance) doit préalablement au codage des données à
caractère personnel sensibles, dont les données de santé, communiquer à la personne
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concernée l’identité du responsable du traitement ultérieur, les catégories de données à
caractère personnel qui sont traitées, l’origine des données, une description précise de la
finalité du traitement, les destinataires qui auront accès aux données, ainsi que l’existence
d’un droit d’accès et de rectification de la personne concernée.
Utiliser un subterfuge législatif pour dispenser la plate-forme eHealth de cette obligation nous
paraît inacceptable.
D’autre part, des mentions comme « La personne chargée de la gestion journalière
représente l’organisme dans les actes judiciaires et extrajudiciaires et agit valablement en
son nom et pour son compte, sans avoir à justifier d’une décision du Comité de gestion de la
plate-forme eHealth » (art. 15 §6) ou « Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des
Ministres, abroger, compléter, modifier ou remplacer les dispositions légales applicables .. »
(Art 30 §1er) nous inquiètent profondément sur le caractère démocratique du fonctionnement
de la plate-forme télématique, et nous sommes en mesure de nous demander si ce cadre
législatif ne constitue pas un chèque en blanc.
Nous nous posons également beaucoup de questions sur l’ASBL à créer, en collaboration
avec l’Etat, l’INAMI, les organismes assureurs et les associations de prestataires de soins et
d’institutions de soins, dont il est question aux articles 34 à 37 et à laquelle la plate-forme
eHealth serait associée.
Si la représentation des prestataires de soins devait y être du même ordre que dans eHealth, ce
ne serait pas de nature à nous rassurer.
Or cette ASBL à créer développe déjà des applications comme eCare-SAFE. Aujourd’hui des
rhumatologues encodent déjà dans ce système des données de patients atteints de polyarthrite
en utilisant le numéro de registre national, sans consentement du patient, sans avis de la
CPVP, et donc en toute illégalité.
L’objectif réel de cette ASBL, l’origine et la destination des données traitées ainsi que la
représentation des prestataires de soins méritent également de plus amples précisions.
Aujourd’hui, le parlement se retrouve dans la même situation que les prestataires de soins : ils
doivent juste entériner un fait accompli : une plate-forme télématique développée depuis
plusieurs années en dehors de tout contrôle démocratique et une ASBL soi-disant « à créer »
mais dont les applications sont déjà développées de manière totalement illégale. Voter ce
projet de loi revient à encourager la politique du fait accompli, et inciter ce genre de
promoteurs à persévérer dans cette approche qui fait fi de la loi et des prestataires de soins,
utilisateurs de leurs services.
Demain, n’importe quelle institution pourra développer des applications en toute illégalité, et
venir demander au parlement son blanc seing lorsque le projet est totalement ficelé et déjà
opérationnel.
Enfin, nous insistons sur le fait que la méfiance des médecins généralistes tant francophones
que néerlandophones envers une plate-forme télématique qui cumulerait toutes ces
compétences, et notre opposition aux textes qui sont discutés aujourd’hui ne doivent pas être
interprétées comme une réaction corporatiste réactionnaire ou rebelle à tout changement des
habitudes pour se conformer aux exigences du monde moderne.
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Dans toute une série de dossiers, les médecins généralistes se sont engagés dans une approche
pluridisciplinaire de leurs patients complexes, et ont pris spontanément l’initiative et assumé
la responsabilité de partager des données de santé avec d’autres prestataires de soins qui ont
un lien thérapeutique avec le patient.
L’assemblée générale du FAG de ce samedi 21 juin a ainsi décidé de collaborer activement à
la prise en charge multidisciplinaire des patients atteints de pathologie chronique dans le
cadre des trajets de soins que l’INAMI a défini comme priorité dans les années à venir. Cette
décision est soumise à la condition que l’échange informatique des données médicales ne
doive pas transiter par la plate-forme eHealth, ce qui serait de nature à compromettre
gravement la réussite de cette expérience de prise en charge innovante et prometteuse des
pathologies chroniques.
En conclusion, nous estimons que la complexité et l’importance de ce projet justifient qu’il ne
soit pas traité dans la précipitation eu égard aux répercussions qu’il peut avoir sur la
protection de la vie privée de nos citoyens et sur la relation de confiance qui les lie à leur
thérapeute.
Nous demandons donc avec insistance un moratoire qui devrait être mis à profit pour associer
dans la réflexion tous les acteurs de terrain concernés comme les syndicats de médecins, de
kinésithérapeutes, d’infirmiers et d’auxiliaires médicaux, l’Ordre des Médecins, les sociétés
scientifiques de médecine générale, les réseaux régionaux de télématique médicale (RSW,
ABRUMET), la CPVP, l’INAMI et les organismes assureurs.
Telles que prévues actuellement, la concentration de multiples compétences à une institution à
créer, la sous-représentation des prestataires de terrain dans les organes de décision et
l’imprécision régnante dans les procédures de fonctionnement nous confortent dans l’idée que
se forgent les médecins généralistes que ce projet manque de maturité et nécessite une
concertation en profondeur pour définir plus clairement les enjeux et objectifs réels de cette
plate-forme télématique.
Dr J-F. SOUPART, Président.
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