
Rares sont les philosophes qui n’ont pas traité d’éducation ou qui n’ont pas abordé à un
moment de leur œuvre la question éducative. Normal me direz-vous, puisque souvent les
philosophes sont des profs de philo….La philo et les concepts se font, se construisent ou se
déconstruisent lorsqu’on les transmet, lorsqu’on les enseigne. D’ailleurs, l’éducation c’est
quand même apprendre à penser (heidegger) et penser c’est le propre objet de la philo.
Mais au-delà, qu’est-ce que l’éducation ? Un processus de transformation du sujet à construire
pou en faire un sujet construit… H Hannoun distingue ce qu’il nomme l’éducation informelle
de l’éducation formelle. Selon sa terminologie, la première correspond aux déterminations
naturelles, biologiques, à l’innéité, qui permet à l’être naissant de devenir adulte. Ainsi les
petites tortues n‘ont pas besoin d’une maman ou d’un précepteur pour devenir de grosses
tortues….
Mais il existe une autre éducation, on dira sociale, culturelle, non naturelle, qui est une
transformation de l’humain par l’humain lui-même, et ceci en transmettant des langages, des
savoirs théoriques, culturels, pratiques… et là, dans cette éducation formelle, on retrouve les
grands champs notionnels de prédilection de la philosophie. Je vais, parmi ces champs, en
citer déjà quatre principaux, plus un
Le premier c’est la vérité, qu’est-ce que le vrai, le vrai n’est-il pas dévoyé dès que nous ne le
représentons ? Comme nous percevons, et nous pensons en représentant, pourrons-nous
accéder au vrai, sortir de la fameuse caverne platonicienne, essayer de trouver la
lumière….Mais cette histoire du vrai est une question hautement éducative, je dirais même
didactique : elle concerne les contenus, ce qu’il faut enseigner, ce que doit professer ou
transmettre le pédagogue…Ce sera tout le débat entamé dès l’antiquité. Quels sont les savoirs
à enseigner, les disciplines qui se rapprochent le plus d’une capacité de « vérité » pour former
un sujet selon l’ordre du « beau, du bon et du vrai », l’esthétique, l’éthique et philosophique
Un autre champ est la question du sujet : que sommes-nous, qu’est-ce qu’un sujet humain,
qu’est-ce que l’être ? C’est toute la tradition de la philosophie qui explore le sujet, l’être–au-
monde que nous sommes. Ceci, concerne en très large part le domaine de l’ontologie. Mais
poser la question du sujet, question centrale dans toute spéculation philosophique, c’est aussi
une question éducative par excellence. Qu’est-ce que l’éducation : rien d’autre qu’un
processus qui consiste à former des sujets… se pencher sur le sens de l’éducation, c’est tout
simplement interroger le sujet avec lequel l’éducation travaille, et le sujet qui travaille
l’éducation : à quel sujet-enfant s’adresse l’éducation ? Quel sujet attendons-nous de
l’éducation : quel est la norme du sujet idéal que l’éducation doit produire ?
Le troisième champ se retrouve alors. On pourrait même dire qu’il s’agit ici de la
philosophie politique, au sens étymologique de la polis, et ceci laisse entendre, pour citer m
gauchet, d ottavi, mc blais que la philosophie de l’éducation est une philosophie politique de
l’éducation. De fait, la question du sujet rencontre la normativité : quel sujet (idéal) former ?
Cette question est subordonnée à une autre : quel sujet idéal à former pour quelle cité, pour
quelle société idéale, pour quel modèle politique ? Tel est le projet de la République de
Platon, où le philosophe, en définissant ce que doit être la cité idéale, la République, place au
centre de son projet l’éducation.
Ou encore la Politique d’Aristote est très éclairante, notamment son livre VIII qui termine
l’ouvrage, consacré spécifiquement à l’éducation et notamment l’éducation musicale…. Il en
va de même chez Rousseau qui publie en même temps son modèle politique, le contrat social,