la philosophie - Etienne VERBAERE PROFESSEUR PHILOSOPHIE

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La philosophie... Une matière toujours aussi difficile à enseigner qu'à apprivoiser, malgré
le regain d'intérêt dont témoignent les cafés philo ou les émissions spécialisées.
Pour les professeurs, une question demeure : avec un programme surchargé, comment
faire aimer la philo en terminale ?
Quelques années après leur terminale, les anciens lycéens se rappellent leur année de philo... et
n'en gardent pas toujours un souvenir impérissable. Mais la philosophie les marque parfois à vie.
Un épanouissement intellectuel Valérie Peano Bac S en 1995 à Rome, Deug de droit à Assas.
En arrivant en terminale S, nous pensions négliger la Philo. En réalité, ma classe et moi avons
unanimement découvert une matière passionnante. Notre professeur ne mobilisait pas du tout la
parole. Nous passions beaucoup de temps à discuter. Mais ce n'était pas discuter pour discuter :
nous avons appris à nous exprimer et à nous ouvrir aux autres. Cela m'a permis d'être plus posée
et de connaître un vrai épanouissement intellectuel. En Deug de droit aujourd'hui, la réflexion
philosophique me sert beaucoup : quelle place donner à l'homme, quelle est la responsabilide
celui-ci dans un dommage... Dans ma vie personnelle, j'ai compris qu'il est possible de vivre une
réconciliation intérieure. Je garde en mémoire nos discussions sur le thème « autrui » : j'y ai
découvert l'importance du pardon dans la relation aux autres.
Un cours pour extraterrestres Emmanuel Pallard Bac D en 1989 à Nantes, commercial chef de
secteur à Nîmes.
Quand je repense à mon année de philosophie, je me pose deux questions : d'abord pourquoi, en
terminale, ne pas approfondir seulement quelques auteurs - à la manière du bac français - pour
éviter un survol général ? Ensuite, ne serait-il pas souhaitable d'avoir une présentation de la philo -
ou mieux une initiation - en classe de première, pour avoir moins l'impression de débarquer dans
un cours pour extraterrestres l'année suivante ?
S'écouter et se comprendre Thibaud Collin Bac A en 1986 à Paris, professeur de philosophie à
Noyon.
Quand j'avais 15 ou 16 ans, je voulais changer la société. Je me demandais s'il me fallait pour cela
faire de la politique. Est arrivée la terminale. J'ai eu un excellent professeur de philo : sur un sujet,
il commençait toujours par nous interroger, par solliciter notre intelligence. A partir de mon
expérience, je pouvais donner des débuts de réponses : ce professeur révélait quelque chose qui
était déjà présent en nous sans que nous le sachions. J'ai beaucoup apprécié la distance et le
respect qu'il avait envers nous : il n'était pas « affectif » et nous étions donc très libres vis-à-vis de
lui. Aujourd'hui, je me rends compte qu'avec la philosophie, j'ai un rôle à jouer dans la société.
Dans la grande tradition républicaine française, je peux mettre en lumière ce qui fait le ciment de
notre société démocratique pluraliste : l'exercice de la raison. Avec lui, si chacun fait un travail de
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lucidité sur son discours, nous pouvons nous écouter et nous comprendre.
Un débarras d'idées Jean-François Suire-Duron Bac C à Châtellerault en 1989, maîtrise de droit.
Le cours de philosophie, est-ce une farce de Molière, La Guerre des boutons ou tout simplement
un débarras d'idées chacun n'en sort pas plus avancé à la sortie qu'à l'entrée ? J'ai retenu de
mes cours que ma voisine avait un décolleté fort avantageux, que la vérité n'existe pas... et
pourtant ma voisine était bien à quelques centimètres de moi. Que nos amis les Lumières étaient
aveugles, pardon, ont libéré l’humanité et que tout est relatif. A quoi ? Je n'ai jamais su... Mais dire
que tout est relatif, n'est-ce pas déjà exprimer une vérité ? Oui mais... non mais...
Quant aux phrases qui auraient pu faire «tilt » je n'en ai aucun souvenir, mis à part le « tilt » du,
flipper et le « merde » de mon ami ayant perdu sa partie, alors que nous aurions pu épanouir notre
intelligence à discuter sur la libido selon Freud. Chacun avait une opinion sur tout, sur la
déclaration des droits de l'homme, sur la liberté... et les avions fusaient dans ce ciel obscur.
Personne à 17-18 ans n'avait réellement étudié ces sujets et l'intérêt était ailleurs : les hormones
montaient... !
Roxane, une élève déléguée d'un lycée professionnel.
Elle raconte aux copains comment les « nantis » des terminales scientifiques rejettent la philo. Une
matière dont rêvent, au contraire, les lycéens professionnels, qui en sont privés. Motif invoqué par
les rouspéteurs : «Il faut être libre pour penser et, au lycée, ce n'est pas le cas ! Pour nous, c'est
vraiment l'inverse s'agace Roxane. Et on veut aussi de la psycho ! Lycée-liberté ? »
Ils ont beaucoup évoqué l'angoisse de l'examen qui les étouffe et stigmatisé la condescendance
des profs qui leur paraissent souvent distants. Alors qu'ils les voudraient dévoués, souples et
objectifs. Nous n'avons par souvent l'occasion de sortir de nos préoccupations immédiates,
toujours occupés à faire réussir les élèves à des épreuves d'examen, regrette Christine Bartoli, 45
ans, enseignante d'histoire.
Supplément de votre serviteur :
Un maître est quelqu'un qui enseigne ce qui n'est pas dans les livres. Il enseigne sa spécialité et
encore autre chose qui est l'aisance dans les gestes et les pensées, l'honnêteté, le goût, l'appétit
de savoir, le courage de réfléchir, l'aptitude à juger, la fierté d'être un peu plus adulte et la joie de
disposer de soi-même. Le vrai maître est l'homme qui éduque en enseignant.
Les maîtres doivent avoir le souci de l'ordre logique, inhérent à chaque discipline et de la
croissance psychologique de leurs élèves. L'évaluation qui doit lui importer le plus n'est pas la
sommative ou sociale (celle des examens) mais la formative (continue, utilisant les erreurs des
élèves et leur indiquant leurs possibilités). Comme motivations essentielles chez l'élève, le maître
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développera la curiosité, le plaisir de vaincre la difficulté, le besoin de grandir, la joie de créer une
oeuvre et la coopération dans le travail. Pour éviter d'être négativement sélectif, un enseignement
doit être métalinguistique, i.e. expliquer sans cesse son propre code en expliquant les termes
techniques et en s'assurant que les élèves comprennent bien les termes usuels.
Toutes les informations, tous les savoir-faire, tous les savoirs purs qu'un enseignement permet
d'acquérir sont autant d'occasions d'apprendre à être ; il reste qu'être ne s'enseigne pas, que c'est
à chacun de l'apprendre lui-même sa vie durant.
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