9e édition du Forum Santé Publique • Octobre - Décembre 2015 CES MALADIES DITES… SILENCIEUSES VOIX DES PATIENTS ET VOIES DE PROGRÈS POUR AMÉLIORER LA PRÉVENTION, LE DIAGNOSTIC ET L’ACCOMPAGNEMENT DES MALADIES CHRONIQUES ET ASYMPTOMATIQUES 2 SOMMAIRE I.Introduction - Les maladies silencieuses : rappel des principaux faits et chiffres4 1. Les maladies silencieuses : un enjeu de santé publique complexe à appréhender 4 Présentation de la démarche de Sanofi4 Les maladies silencieuses : une problématique de santé publique qui demeure méconnue 4 Le ressenti des patients : un élément essentiel dans la définition des stratégies de prise en charge, au cœur de l’approche du Forum Santé Publique 5 Les objectifs du Forum santé publique 2015 5 2. Les patients atteints d’une maladie silencieuse en France 6 Comprendre le ressenti des patients6 Les maladies silencieuses : un coût économique et sociétal « assourdissant » 7 II. Le dépistage des maladies silencieuses : des efforts majeurs sont nécessaires pour changer la donne8 1. La nécessité de sensibiliser soignants et soignés aux maladies silencieuses 9 2. Un dépistage qui a pourtant fait la preuve de son efficacité 9 3. Des solutions pour améliorer le dépistage des maladies silencieuses : exemple de l’hypercholestérolémie familiale9 III. L’accompagnement du patient: au cœur de la prise en charge des maladies silencieuses10 1. Favoriser l’adhésion au traitement10 2. Repenser la relation médecin-patient, une nécessité pour répondre aux enjeux des maladies silencieuses12 L’accompagnement pluridisciplinaire des patients : indispensable pour compléter le colloque singulier 12 Améliorer l’accompagnement du patient grâce à la formation des médecins aux sciences humaines 12 3. Le rôle de l’entourage du patient et des accompagnants 14 4. L’importance des politiques publiques notamment dans la prévention 14 IV. Conclusions 15 3 I. LES MALADIES SILENCIEUSES RAPPEL DES PRINCIPAUX FAITS ET CHIFFRES 1.Les maladies silencieuses : un enjeu de santé publique complexe à appréhender Présentation de la démarche de Sanofi chroniques peuvent néanmoins faire beaucoup de bruit dans la vie des patients. Acteur de santé diversifié, Sanofi a pour vocation d’améliorer la prise en charge globale des patients. A ce titre, Sanofi conduit et soutient des actions de santé publique de proximité, au bénéfice du patient, dans ses domaines d’expertise : la prise en charge des maladies chroniques et le médicament. Dans ce cadre, Sanofi s’attache à favoriser le dialogue entre l’ensemble des acteurs engagés en santé publique. Depuis neuf ans, le Forum Santé Publique réunit chaque année plus de 200 participants, associations de patients, experts en santé publique, professionnels de santé, payeurs, institutionnels, collectivités territoriales, élus locaux et nationaux, pour échanger sur des problématiques de santé publique. Au cours des dernières années, de très nombreuses thématiques ont été abordées : santé connectée, éthique et efficience dans la prise en charge du cancer, défis du vieillissement pour n’en citer que quelques-unes. Ces différentes éditions ont toutes une ambition commune : apporter un éclairage différent sur ces sujets qui sont de véritables enjeux de santé publique. Ces débats, menés cette année pour la première fois également en région, au cœur des territoires, permettent de contribuer à la réflexion autour de nouvelles solutions pour améliorer la prévention, le diagnostic et l’accompagnement du patient dans de multiples pathologies. Il s’agit en effet essentiellement de maladies dans lesquelles les patients ne ressentent ni douleur, ni gêne, ce qui les rend naturellement d’autant plus difficiles à déceler. Jusqu’alors en bonne santé, les personnes atteintes de maladies silencieuses se découvrent « malades » sans l’avoir soupçonné. Le diagnostic induit un changement radical de comportement qui touche leur alimentation et leur hygiène de vie plus généralement, tout en étant souvent assorti d’une prise régulière de médicaments. Les maladies silencieuses : une problématique de santé publique qui demeure méconnue Cette année, le Forum Santé Publique s’est articulé autour des maladies que l’on dit « silencieuses ». Majoritairement asymptomatiques, ces pathologies 4 1. Bringer, Complications sévères du diabète - BEH 2015, 34-35 - 618 Deux exemples, différents mais également éclairants, ont été particulièrement étudiés lors des discussions : le diabète et l’hypercholestérolémie familiale génétique. Le diabète : 3 millions de Français 1 L’hypercholestérolémie familiale : 100 000 personnes 2 Le diabète est une pathologie qui affecte aujourd’hui près de 3 millions de Français1 et qui demeure un des principaux facteurs de risque cardio-vasculaire. Il peut donc entrainer des complications graves qui affectent la qualité de vie du patient sur le long terme. L’hypercholestérolémie familiale génétique est une pathologie totalement asymptomatique, qui confère également un risque cardio-vasculaire très élevé (13 à 20 fois supérieur comparé à une population non atteinte) et qui demeure pourtant LE RESSENTI DES PATIENTS : UN ÉLÉMENT ESSENTIEL DANS LA DÉFINITION DES STRATÉGIES DE PRISE EN CHARGE particulièrement méconnue en France. Entre 150 000 et 300 000 personnes en seraient atteintes, il s’agit de la première maladie génétique la plus fréquente, et pourtant seuls 1% à 10% seulement des patients sont diagnostiqués en France2. Pourtant, si ces maladies chroniques peuvent avoir des conséquences sévères en l’absence de traitement - voire être fatales si elles ne sont pas prises en charge suffisamment tôt - elles peuvent être traitées efficacement, en permettant d’éviter le risque d’accident cardio-vasculaire. Le ressenti des patients : un élément essentiel dans la définition des stratégies de prise en charge, au cœur de l’approche du Forum Santé Publique Dans toute pathologie chronique, l’intervention du patient dans la prise en charge de sa maladie est clé. À ce titre, le ressenti émotionnel, les perceptions du patient sont essentiels et doivent nourrir toute réflexion sur la manière d’adresser la maladie. En effet, c’est ce vécu qui va fonder les décisions quotidiennes des patients : il peut autant être moteur dans l’engagement du patient dans son traitement que constituer un véritable frein. Sur ce point, plusieurs méta-analyses menées sur des populations larges ont montré que seules 50% des personnes atteintes d’une maladie chronique continuent de prendre leur traitement au bout d’un an. Cette ambivalence du ressenti du patient est d’autant plus marquée dans le cas des maladies silencieuses et ce, pour trois raisons. En premier lieu, les complications liées à ce type de pathologie ne sont pas, dans la plupart des cas, immédiates : elles ne sont ni visibles, ni perceptibles par le patient. Aussi, c’est la façon dont le patient vit sa maladie qui va jouer un rôle déterminant dans l’évolution de sa pathologie. Par ailleurs, il s’agit souvent de maladies dont on ne « guérit » pas au sens propre, mais qui impactent le patient tout au long de sa vie, le bénéfice du traitement étant dès lors plus difficile à appréhender. Enfin, les pathologies chroniques induisent fréquemment un phénomène pervers de culpabilisation des patients, notamment dans les cas où ces derniers ne sont pas observants ou dans les cas de transmission de maladies génétiques aux enfants qui peuvent les conduire à se distancier du traitement. Ces différents constats ont forgé la conviction qui a animé cette 9ème édition du Forum Santé Publique : partir du vécu du patient pour penser les stratégies de prise en charge des maladies silencieuses. Les objectifs du Forum santé publique 2015 À Paris, comme en région, les intervenants et les participants se sont attachés à répondre aux nombreuses questions posées par les maladies silencieuses : Comment mieux prévenir ces maladies ? Comment améliorer la prévention, le diagnostic et réduire les facteurs de risque ? Comment lever les freins psychologiques et comportementaux pour permettre aux patients de devenir acteurs à part entière et comment aider leur entourage à mieux les accompagner ? Comment optimiser leur prise en charge et l’accompagnement par les politiques de santé publique ? Les propositions et solutions avancées au cours des discussions sont réunies dans cette publication. 2. Nordestgaard B et al. Familial hypercholesterolaemia is underdiagnosed and undertreated in the general population: guidance for clinicians to prevent coronary heart disease: consensus statement of the European Atherosclerosis Society. Eur Heart J. 2013;34:3478-90a 5 2. Les patients atteints d’une maladie silencieuse en France Comprendre le ressenti des patients Dans l’optique de mieux comprendre le ressenti émotionnel des patients, une étude menée spécifiquement pour le forum a été réalisée par l’Institut Opinion Way3. Les principales conclusions de cette étude montrent qu’en grande majorité les patients ne se sentent pas malades, alors que les pathologies dont ils sont atteints, sont perçues comme contraignantes et qu’elles nécessitent des changements de comportement difficiles à respecter. Par ailleurs, les résultats mettent en évidence le fait que le diagnostic doit encore beaucoup au hasard et qu’il s’agit de maladies dont on parle peu avec son entourage. DES PATIENTS QUI NE SE SENTENT PAS MALADES... Seuls 2 répondants sur 10 déclarent se sentir malades. ... ALORS QUE CES MALADIES SONT PERÇUES COMME CONTRAIGNANTES... ET LES ASPECTS LES MOINS CONTRAIGNANTS SONT : POUR LES MALADES, LES CONTRAINTES LES PLUS IMPORTANTES SONT : 56 % 47% les injections le régime alimentaire 27% 25 % la prise fréquente de médicaments les rendez-vous et examens médicaux 38 % les activités physiques ... ET QU’ELLES NÉCESSITENT DES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENT DIFFICILES À RESPECTER : 23% des patients peuvent faire des écarts dans la prise en charge de leur maladie et son accompagnement. 54% ont du mal à suivre leur régime alimentaire. 34% ont du mal à pratiquer régulièrement une activité physique. UN DIAGNOSTIC QUI DOIT ENCORE BEAUCOUP TROP AU HASARD : Des maladies 6 Une tendance encore 3. Etude menée par OpinionWay pour Sanofi France du 30 juillet au 7 août 2015 auprès de 510 personnes (255 personnes atteintes de diabète de type II et 255 découvertes plus forte pour personnes d’hypercholestérolémie en majorité lors d’examens de routine 52% les patients souffrant d’hypercholestérolémie 60% 34% son accompagnement. UN DIAGNOSTIC à pratiquer régulièrement une activité physique. 4 QUI DOIT ENCORE BEAUCOUP TROP AU HASARD : Des maladies découvertes en majorité lors d’examens de routine Une tendance encore plus forte pour les patients souffrant d’hypercholestérolémie 52% 60% DES MALADIES DONT ON PARLE PEU : 6% 74 % 41% Le cercle familial restreint, premier confident après le médecin Même les amis proches restent très peu sollicités Le sujet est quasiment tabou dans le milieu professionnel Étude menée en ligne par OpinionWay pour Sanofi France 7% du 30 juillet au 07 août 2015 auprès de7% 510 personnes en soins primaires, en consultations de Les maladies silencieuses : (255 personnes atteintes de diabète de type II) et 255 personnes atteintes d’hypercholestérolémie). spécialistes et 2% en urgences) avec une mortalité un coût économique et sociétal de l’ordre de 160 000 patients dont 14 000 avant 65 ans5. La Sécurité Sociale évalue aujourd’hui ce coût « assourdissant » Lors de l’édition nationale du Forum Santé Publique, tout comme lors de l’édition à Bordeaux, Aissa Khelifa, économiste de la santé, a évoqué ces pathologies dans les termes suivants : « On parle de maladies silencieuses mais, pour l’économiste, il s’agit d’un silence assourdissant pour ne pas dire un véritable vacarme. » En termes économiques, le diabète représente en Europe 147 milliards de dollars de dépenses de santé en 2013, avec près de 9 % de la population adulte touchée et 610 000 décès, soit 10 % des causes de mortalité. En France, en 2010 la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale évaluait à 18 milliards d’euros le coût des maladies cardiovasculaires (50% en soins hospitaliers, 32% en dépenses de médicaments, total (coûts directs et coûts indirects) à près de 28 milliards d’euros6. Si les coûts induits par l’impact sur la qualité de vie des personnes atteintes de ces pathologies demeurent difficilement quantifiables, ils viennent par ailleurs s’ajouter aux coûts médicaux et sociaux directs. On parle de maladies silencieuses mais, il s’agit d’un silence assourdissant et même d’un véritable vacarme. Alissa Khelifa, économiste de la santé 4. Étude menée par OpinionWay pour Sanofi France du 30 juillet au 7 août 2015 auprès de 510 personnes (255 personnes atteintes de diabète de type II et 255 personnes d’hypercholestérolémie 5. Rapport de la commission de la court des comptes de sécurité sociale - Juin 2010 - Article 10-4 «LA PRISE EN CHARGE DES PATHOLOGIES CARDIO-VASCULAIRES EN EUROPE, p.138 6. Sécurité Sociale, « Maladies cardiovasculaires : agissez pour la santé de votre coeur et de vos artères», www.ameli.fr/assures/votre-caisse-cote-d-or/nosactions-de-prevention/maladies-cardiovasculaires-j-agis-pour-ma-sante_cote-d-or.php, dernière mise à jour : 7 juillet 2010 7 II. LE DÉPISTAGE DES MALADIES SILENCIEUSES DES EFFORTS MAJEURS SONT NÉCESSAIRES POUR CHANGER LA DONNE Le silence tue Un témoignage de Véronique Lemaître Secrétaire générale de l’association Anhet.fr association de patients touchés par l’hypercholestérolémie familiale Le cholestérol a toujours fait partie de la vie de ma famille. Dès mon enfance, dans ma famille nombreuse, j’ai toujours entendu mes oncles, mes tantes parler de leur cholestérol. Ils en parlaient à table comme s’ils parlaient de leurs vacances ou de leur travail. Il n’y avait aucun caractère dramatique dans la façon dont ils en parlaient. Ma famille n’avait à cette époque aucune idée du fait que nous, les enfants, portions le gène cholestérol. Jamais évidemment, on aurait pensé à dépister les enfants. Je me suis faite diagnostiquée à 23 ans mais sans m’en inquiéter : encore une fois, dans la famille tout le monde en a. Devenue mère de famille, 2 de mes 3 enfants sont diagnostiqués, après qu’un médecin s’aperçoit que j’ai moi-même du cholestérol. Le médecin me recommande alors de les surveiller et de voir un endocrinologue dans les prochaines années. Au bout de quelques années, mes enfants sont suivis par un endocrinologue, sensibilisé à cette maladie, qui leur a prescrit des cours de cuisine ainsi qu’un traitement : un sachet à prendre tous les jours, au goût très mauvais. Ce traitement aura tenu 6 mois. Mais je n’avais pas l’impression que c’était grave. La première vraie alerte est venue quand mon frère a fait un infarctus à l’âge de 40 ans. Ça a été la 8 première prise de conscience dans la famille que le cholestérol pouvait être dangereux. Je consulte alors à nouveau avec mes enfants des médecins puis des endocrinologues : mon fils a été traité, mais pas ma fille qui, selon les médecins, était « protégée par ses hormones ». Mon fils a commencé ses études de médecine : il prend alors des statines, mais avec le stress des études, le traitement a été un peu mis de côté. Lors d’une randonnée avec des amis dans les Pyrénées, il a une première attaque. Aux urgences, il a précisé qu’il pensait faire un infarctus, en expliquant qu’il avait du cholestérol, mais les professionnels de santé présents ont cru qu’il s’agissait d’une crise d’angoisse. Par la suite, de nouvelles alertes se sont succédées, mais mon fils se rétablissait toujours bien. Pourtant nous avons décidé de prendre rendez-vous avec un cardiologue. Un peu avant, mon fils a eu une nouvelle crise, un nouvel infarctus qui a causé son décès lors de son entrée en deuxième année de médecine. On a toutes les armes dans nos mains. On a le traitement, le dépistage c’est simplement une prise de sang. Il faut faire bouger les lignes tous ensemble. » EN FRANCE, 700 000 PERSONNES SONT ATTEINTES DE DIABÈTE DE TYPE II SANS LE SAVOIR. 1. La nécessité de sensibiliser soignants et soignés aux maladies silencieuses Le caractère « silencieux » du diabète et de l’hypercholestérolémie familiale, risquant de limiter la vigilance des patients mais aussi des professionnels de santé, rend sans surprise leur diagnostic particulièrement complexe. En France, 700 000 personnes sont atteintes de diabète de type II sans le savoir 7. Concernant l’hypercholestérolémie familiale, il existe en France un véritable paradoxe : si le système mis en place est efficace pour le dépistage des maladies cardiovasculaires, il est quasiment inexistant en matière de dépistage de l’hypercholestérolémie familiale. En France, les évaluations épidémiologiques les plus récentes considèrent qu’entre 97 et 99 % des cas d’hypercholestérolémie familiale ne sont pas dépistés8 alors même qu’1 personne sur 200 en serait atteinte9. Ce faible taux de dépistage dénote une très forte méconnaissance de l’hypercholestérolémie familiale et ses lourdes conséquences. Dans la forme homozygote – la plus grave – quasiment 50% des enfants diagnostiqués l’ont été après des accidents qui ont des conséquences terribles. 1 personne sur 2 atteintes de cette forme de pathologie a eu un accident cardiovasculaire grave avant l’âge de 50 ans. Il est important de noter que ces chiffres ne constituent en aucun cas la règle générale en Europe, bien au contraire. Certains pays européens sont ainsi beaucoup plus avancés sur ce terrain : au Pays-Bas, le taux de dépistage atteint 75 %, en Norvège, il atteint 45 %10. 2. Un dépistage qui a pourtant fait la preuve de son efficacité En économie de la santé, il est important de définir un optimum, porté par le ratio bénéfice/surcoût. Une stratégie de prise en charge en santé publique nécessite la définition d’actions jugées coût/efficace. Si l’on prend l’exemple de l’hypercholestérolémie familiale, une étude anglaise publiée en 2015 dans l’International Journal of Cardiology a montré qu’un dépistage ciblé organisé coûte 16 000 euros par personne dépistée pour un nombre d’années de vie gagnées en bonne santé aux alentours de 18. Ce sont des ratios sans commune mesure, comparés à d’autres pathologies où le dépistage se révèle moins coût-efficace. Par ailleurs, il est important de noter que plus le dépistage est organisé tôt, plus le traitement sera efficace et plus grande sera l’espérance de vie. 3. Des solutions pour améliorer le dépistage des maladies silencieuses :: exemple de l’hypercholestérolémie familiale Au cours des discussions, plusieurs propositions ont émergé pour favoriser le dépistage de l’hypercholestérolémie familiale, qui demeure la pathologie où la France est très largement en deçà par rapport à certains autres pays européens. • Inscrire dans le carnet de santé des enfants les cas de cholestérol familial afin d’améliorer le dépistage des personnes les plus à risque • Organiser un dépistage ciblé en cascade autour d’un test biologique, le coût du test génétique restant à date très élevé • Favoriser le dépistage le plus tôt possible afin de maximiser l’efficacité du traitement et éviter ainsi le risque d’accident cardio-vasculaire • Pour Madame Laurence Goudon (patiente HeFH, Nancy) les choses sont claires. « On sait aujourd’hui que le diagnostic est simple. Une prise de sang suffit. Il faudrait sensibiliser, informer et former les médecins traitants à mieux diagnostiquer cette maladie génétique et à bien effectuer le dépistage de tous les membres de la famille en remontant leur arbre généalogique. » À noter également le rôle de la médecine du travail dans le dépistage des maladies silencieuses, notamment mis en avant par Michel Doly, Président de la Conférence Régionale de Santé et de l’Autonomie à Clermont-Ferrand. 7. S.Halimi et al. « Perspective pour améliorer la prise en charge des patients diabétiques de type 2 sous insuline ». MMM L&Vous supplément au n°3. Vol. 9, Mai 2015 8. Benn M et al. Familial Hypercholesterolemia in the Danish General Population: Prevalence, Coronary Artery Disease 9. Nordestgaard B et al. Familial hypercholesterolaemia is underdiagnosed and undertreated in the general population: guidance for clinicians to prevent coronary heart disease: consensus statement of the European Atherosclerosis Society. Eur Heart J. 2013;34:3478-90a 10. Nordestgaard B et al. Familial hypercholesterolaemia is underdiagnosed and undertreated in the general population: guidance for clinicians to prevent coronary heart disease: consensus statement of the European Atherosclerosis Society. Eur Heart J. 2013;34:3478-90a 9 III. L’ACCOMPAGNEMENT DU PATIENT AU CŒUR DE LA PRISE EN CHARGE DES MALADIES SILENCIEUSES 1. Favoriser l’adhésion au traitement Il est très courant de sous-estimer la difficulté de l’observance pour les patients. C’est d’autant plus vrai dans le cas des maladies chroniques où le suivi du traitement, inscrit dans la durée, voire tout au long de sa vie, est une décision lourde, complexe, impliquante au quotidien. À ce propos, Jean-Arnaud Elissalde, représentant des patients à Bordeaux résume les perceptions de ces derniers de la façon suivante : « On prend conscience qu’on est un malade qui ne guérira pas. Les médecins étaient plein de motivation et moi j’ai perdu la mienne. Le traitement est difficile aussi car on ne voit pas la fin. Ce n’est pas simple de s’imposer cette prise de médicament quotidienne ». Les patients sont unanimes : de multiples causes (personnelles, sociales, professionnelles) peuvent expliquer la non-observance, les patients cherchant à adapter leur maladie à la vie plutôt que l’inverse. Ceci est particulièrement vérifié pour les comportements alimentaires car il s’agit en premier lieu de compensation émotionnelle et d’un élément important de socialisation. Quand le traitement est associé à des effets secondaires, les difficultés sont encore plus grandes, même si le bénéfice est important. En effet, si la maladie est « silencieuse », le traitement ne l’est pas toujours, comme l’a fait remarquer Anne-Laure Laprerie, Cardiologue à Nantes. Dans ces cas, l’obstacle pour le patient peut être lié à un décalage de projection dans le temps : le risque lié à la pathologie semble abstrait, le bénéfice du traitement apparaît lointain tandis que la contrainte ou l’effet secondaire est immédiat. Les patients sont unanimes : de multiples causes (personnelles, sociales, professionnelles) peuvent expliquer la non-observance, les patients cherchant à adapter leur maladie à la vie plutôt que l’inverse. 10 Intervention de Cynthia Fleury Philosophe, Professeur à l’American University of Paris. « Suivre son traitement : C’est une négociation permanente du patient avec lui-même » Le sentiment d’un malade, c’est que sa vie est contrariée. Le mode normal d’une personne, c’est le mode du déni. Tout d’un coup la maladie surgit, dans son mode de nuisance, dans son mode où elle est contraire à son libre-arbitre. Le déni, ce n’est pas du tout une conduite suicidaire. C’est au contraire un phénomène d’autoconservation. C’est une logique différente et qui est rationnelle. Si on évoque le fait de suivre son traitement, il est important de comprendre que c’est une négociation permanente du patient avec lui-même. Même quand il a compris le traitement, qu’il a donné sa volonté, il n’y a jamais de capitalisation possible. Le patient peut s’arrêter, du jour au lendemain. Par ailleurs, sur l’entrée dans le traitement, pourquoi celle-ci est si difficile ? Car elle a une dimension irréversible. À partir du moment où un patient entre dans le traitement, il n’est plus possible de « faire comme si on ne savait pas ». Tant que le patient n’est pas entré dans son traitement, il peut encore se dire qu’il peut fonctionner avec une solution en-deçà du traitement. S’il n’y a pas une pédagogie continuelle autour de cette capitalisation, le patient peut contracter contre lui-même, sans le savoir. Dans ces maladies, chroniques et silencieuses, dont on ne guérit pas au sens propre, certains patients peuvent avoir le sentiment qu’il n’y a pas de victoire possible, ce qui peut amplifier ce phénomène d’autoconservation du point de vue du patient. La pédagogie doit précisément être là : faire comprendre qu’il peut y avoir une victoire sur la qualité de vie. Ou qu’il est possible de participer à des protocoles, qui permettront à l’avenir une victoire totale. 11 Pour favoriser l’adhésion au traitement, il est fondamental que les professionnels de santé délivrent une vision globale de l’observance aux patients. Pour ce faire, ils peuvent s’appuyer sur deux approches : • Donner une visibilité au patient sur le traitement au long cours. En général, les patients ne sont pas tant dans l’attente d’un guide de l’observance qu’un guide des marges d’adaptation de l’observance. Il est essentiel de préserver la capacité du sujet malade à s’engager sur le très long-terme et prendre en compte sa différence dans la relation soignant-soigné. • Par ailleurs, il est indispensable de ne pas occulter, voire au contraire, introduire la notion de plaisir dans le traitement qui peut dans certains cas contribuer à lever les résistances et favoriser l’adhésion, à travers des ateliers de cuisine, d’échanges entre patients, etc. 2. Repenser la relation médecin-patient, une nécessité pour répondre aux enjeux des maladies silencieuses L’accompagnement pluridisciplinaire des patients : indispensable pour compléter le colloque singulier Patients comme professionnels de santé ont particulièrement insisté au cours des débats aux niveaux national et régional sur la nécessité de mettre en place un accompagnement global du patient atteint d’une pathologie chronique silencieuse. En effet, l’enjeu pour le patient ne consiste pas seulement en la prise en charge médicale de la maladie mais implique plutôt la définition d’un parcours de vie, pour que ce dernier puisse se l’approprier. Dans ce cadre, le colloque singulier patient-médecin s’il est naturellement absolument indispensable, peut être trop court pour prendre en compte toutes les spécificités du vécu personnel du patient, de son environnement personnel, familial, professionnel et social. La mise en place d’une véritable médecine personnalisée exige ainsi celle d’une « équipe » de professionnels de santé autour du patient selon les termes d’Alain Guilleminot, pharmacien à Nantes (pharmacien, infirmier, nutritionniste, kinésithérapeute, etc.), qui parfois connaissent mieux le parcours de vie de ce dernier. Si cet accompagnement pluridisciplinaire doit s’inscrire dans la durée, tout au long du parcours de vie du patient, deux phases charnières ont particulièrement été évoquées. – L’annonce du diagnostic constitue en premier lieu une étape cruciale, bouleversante pour le patient. L’asymétrie entre le professionnel de santé et le patient – l’annonce constitue un événement non-exceptionnel pour le soignant mais exceptionnel pour le soigné – induit parfois une perception d’une certaine « brutalité » du processus par le patient qui doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement psychologique. À Lyon, François Blanchardon, Président du Collectif Interassociatif sur la Santé Rhône-Alpes a également insisté sur la nécessité 12 de pouvoir disposer d’une seconde consultation, une fois l’annonce assimilée, pour évoquer les prochaines étapes. – Par ailleurs, l’initiation du traitement plus particulièrement, doit intégrer tous les professionnels de santé autour du patient. A titre d’exemple, les pharmaciens jouent un rôle essentiel pour faire prendre conscience au patient de l’importance du traitement, les infirmiers sont déterminants dans la capacité à faire face à la maladie, les kinésithérapeutes dans l’appropriation du corps, les nutritionnistes dans l’acceptation d’un régime alimentaire nouveau, etc. Il est entendu que cet accompagnement doit rester pérenne tout au long du parcours de vie du patient. • Dans ce contexte, il a été proposé, notamment par le Collectif Interassociatif sur la santé par la voix de sa présidente Danièle Desclerc-Dulac, de mettre en place une passerelle permanente entre l’hôpital et la ville, à savoir une meilleure articulation, en termes de communication, de diffusion de l’information, unanimement présentée comme la première étape nécessaire à l’amélioration de l’accompagnement pluridisciplinaire du patient. A ce sujet, Patrick Vandenbergh, Directeur de la stratégie et des projets de l’ARS Rhône-Alpes a précisé que les autorités de santé travaillaient à la mise en place d’outils informatiques permettant aux professionnels de santé d’échanger des données en temps réel sur un patient. Améliorer l’accompagnement du patient grâce à la formation des médecins aux sciences humaines La manière dont les professionnels de santé délivrent au patient les informations sur la pathologie dont il est atteint est déterminante dans la capacité de ce dernier à la comprendre, à y faire face et à la gérer. Les médecins devraient intégrer les sciences humaines dans leur façon de travailler : par exemple, travailler avec les sociologues sur l’alimentation, apprendre à mieux communiquer au moment de l’annonce du diagnostic, point notamment mis en avant par Sophie Béliard, endocrinologue et Sébastien Adnot, médecin généraliste à Carpentras, parvenir à faire de la pédagogie sur le traitement, être formé à la prise en compte du contexte social du patient,… Cet apport des sciences humaines permettra d’individualiser encore davantage le suivi des patients et de prendre au mieux en compte leurs besoins et questions spécifiques. Il est intéressant de noter une récente « prise de conscience » sur cette nécessité : la première chaire de philosophie à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris vient très récemment d’être créée avec pour vocation de proposer de nouveaux modules en termes de formation initiale et de formation continue des médecins. Intervention de Serge Halimi Professeur agrégé émérite de nutrition à l’Université des sciences et de médecine Joseph Fourier de Grenoble « Concilier thérapie et traditions familiales, culturelles ou religieuses » Parmi les maladies silencieuses, si l’on prend l’exemple du diabète de type II, celui-ci est souvent diagnostiqué chez l’adulte, contrairement au diabète de type I, donc chez des individus déjà construits, qui ont des représentations sociales et culturelles figées et qui auront à ce titre d’autant plus de difficultés à modifier leur comportement. Or, la prévalence de cette pathologie est marquée chez des populations issues du Maghreb ou de l’Afrique sub-saharienne, qui, notamment chez les anciennes générations, tendent à minimiser l’importance de la prise en charge. Ceci explique en partie les raisons pour lesquelles certains patients ne souhaitent pas se soigner. Pour pallier ces difficultés, il est indispensable que l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le parcours du patient aillent dans le même sens, se cultivent sur leur milieu culturel pour adopter les codes qui permettront au patient de s’approprier son traitement. Il faut s’adapter, ne pas partir d’idées préconçues. Au-delà du médecin seul, le rôle des professions paramédicales et des autres professionnels de santé est dans ce cadre très important, tout comme celui des patients-ressources (atteints d’une même pathologie) qui permettent de faire le relais du patient auprès de ses proches ou de son cercle familial, amical et social avec une grande efficacité. 13 3. Le rôle de l’entourage du patient et des accompagnants Les patients atteints d’une pathologie chronique silencieuse se sentent souvent isolés voire stigmatisés dans leur identité de « sujet malade ». L’entourage, que ce soit la famille bien entendu ou les accompagnants, joue un rôle décisif sur la manière dont les patients vont gérer leur maladie au quotidien. Une famille et des proches bien informés sur la pathologie et sur le traitement vont pouvoir appuyer le patient et le soutenir dans sa prise en charge. Aussi, il est important que le patient, s’il le souhaite, puisse se rendre à certaines consultations médicales avec un proche qui, en posant également des questions aux équipes médicales, pourra l’aider à comprendre la maladie et son traitement. L’accompagnement proposé par les associations de patients a été particulièrement mis en avant. Il a été recommandé d’orienter tout patient diagnostiqué avec une maladie silencieuse vers une association pour que celui-ci puisse discuter avec des pairs, patients-ressources, et poser les questions qu’il n’est pas toujours évident d’adresser directement aux professionnels de santé. Il a été également souligné que se rapprocher d’une association permet au patient de se sentir moins isolé, de recevoir un soutien quotidien (y compris via des groupes de discussion en ligne) et de pouvoir au fur et à mesure se positionner lui-même en position d’aidant. 4. L’importance des politiques publiques notamment dans la prévention De l’avis des patients, comme des professionnels de santé, les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer dans la prise en charge des maladies chroniques silencieuses en mettant en place des campagnes d’information et de prévention. En effet, ces pathologies ayant comme spécificité d’être asymptomatiques, il est particulièrement difficile pour les personnes qui en sont atteintes d’en prendre conscience sans y avoir été sensibilisé ou de connaître les facteurs de risque inhérents à la maladie et d’éviter les accidents sans avoir reçu préalablement de l’information. À ce propos, Lionel Collet (président de l’Institut de veille sanitaire) note que la fusion prochaine des trois agences (INVS, INPES, EPRUS) permettra à la fois une meilleure allocation des ressources ce qui est essentiel dans un contexte économique contraint et une meilleure priorisation des actions en adéquation avec nos objectifs de santé publique. Danièle Desclerc-Dulac a dressé un constat sans appel : « si en France était menée une véritable politique de santé publique avec de vraies campagnes de prévention, nous aurions peut-être plus de résultats au lieu d’attendre que les premiers symptômes apparaissent. Par rapport au projet de loi de santé, nous aurions aimé qu’on aille un peu plus loin sur la prévention ». Sur ce sujet, à Marseille comme à Lyon, Géraldine Tonnaire, Responsable du Service 14 Projets de l’ARS PACA et Patrick Vandenbergh, de l’ARS Rhône-Alpes ont convenu que trop peu de moyens étaient dédiés aux politiques de prévention alors même que les pathologies chroniques sont au cœur des préoccupations des autorités de santé et qu’un système curatif est particulièrement onéreux. L’accent a par ailleurs été mis sur la question de l’activité physique. Le Professeur Martine Duclos, chef du service médecine du sport du CHU de ClermontFerrand a exposé ses solutions, pour inciter les personnes à avoir 30 minutes d’activité physique par jour : •Introduire l’activité physique par des petits changements et utiliser son environnement immédiat (prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur, faire des courts trajets à pied plutôt qu’en voiture, etc.) • Mettre en place des politiques publiques visant à : o Favoriser les schémas d’urbanisation intégrant des infrastructures dédiées à l’activité physique (pistes cyclables) oFavoriser l’activité physique à l’école en-dehors des heures dédiées au sport o Accompagner les entreprises dans la promotion de l’activité physique auprès des salariés oPromouvoir l’activité physique adaptée. À ce sujet, Géraldine Tonnaire a indiqué que l’ARS PACA a depuis deux ans déjà largement renforcé son financement pour permettre aux structures existantes d’accueillir de l’APA. Regards croisés Sandrine Raffin Présidente et fondatrice de LinkUp Olivier Oullier Professeur de psychologie, de neurosciences et des systèmes complexes à Aix-Marseille Université Comment inciter à un changement de comportement ? Adopter une stratégie de « petits pas » : proposer des objectifs atteignables pour favoriser le sentiment d’auto-efficacité. Bien connaître la population cible : sa culture, ses habitudes, ses normes sociales, pour comprendre ses codes et utiliser ces derniers dans la communication. Travailler sur la motivation personnelle : ne pas proposer une vision uniquement sur le long-terme mais mettre en avant également les bénéfices immédiats. IV. S’appuyer sur la co-construction : définir des programmes et principes d’action au niveau national mais définis sur la base des remontées des relais locaux tout en leur donnant une marge de manœuvre dans la mise en œuvre. Tester les campagnes publiques sur un échantillon de personnes, comme on le fait dans le domaine médical, pour optimiser la communication et s’assurer qu’elles répondent bien aux objectifs définis. CONCLUSIONS « Quand on l’apprend, c’est un vrai choc », « Mon hypercholestérolémie porte bien son nom, elle colle à mon corps et provoque encore aujourd’hui de la colère », « Pour moi, c’est un tabou » : trois verbatims issus de témoignages qui résument l’impact des maladies silencieuses sur les patients. Pour améliorer leur prise en charge, pour que les patients puissent s’approprier leur parcours de guérison, il est essentiel que chaque partie-prenante joue pleinement son rôle. Les pouvoirs publics et les autorités de santé doivent mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation à ces pathologies qui restent méconnues et organiser des campagnes de dépistage ciblées. Il est également vital d’améliorer la coordination entre hôpital et ville pour que le patient puisse bénéficier d’un accompagnement global des professionnels de santé. Les équipes soignantes doivent s’attacher à individualiser le suivi des patients afin de répondre au mieux à leur ressenti émotionnel et favoriser l’adhésion au traitement. Enfin, il est de la responsabilité des entreprises de santé de développer et rendre accessibles des stratégies thérapeutiques innovantes pour améliorer la prise en charge du patient. Au-delà du médicament, ces entreprises doivent apporter des services nouveaux, comme des programmes d’accompagnement favorisant la prévention des facteurs de risque, améliorant l’adhésion du patient à son traitement et participant à le rendre acteur de sa prise en charge. 15 Venez débattre de problématiques de santé publique ! Rejoignez le groupe de discussion : Forum Santé Publique Sanofi 7000012850 – 01/16 Retrouvez l’essentiel des débats en vidéo sur www.forumsantepublique-sanofi.fr