PROJET DU DICTIONNAIRE DE L’ORTHOGRAPHE par André MARTINET 6000 mots environ dégagés d’un dictionnaire courant en tenant compte des besoins des enfants et par rapprochement avec d’autres dictionnaires analogues. On n’oubliera pas, en lisant ce qui suit, que la réduction des coûts de production joue un grand rôle. Ordre alphabétique des graphies alfonic : /o/ et /ô, e/ et /è/ ne sont pas considérés comme des lettres différentes (un petit Méridional cherchera saule à sol), mais /ä/ et /a, ö/ et /o, ë/ et /e/, sont rangés à part, la nasale avant la non-nasale, ce qui permet de présenter alsacien, alsacienne comme : /alzacië, alzacien/ : alsacien(ne), fanfaron, fanfaronne comme /fäfarö/, /fäfaron/ : fanfaron(ne) etc. Naturellement sain et saine, séparés alphabétiquement, font des entrées distinctes : /së, sen/. Lorsque plus d’une prononciation a des chances d’être pratiquée par les enfants des diverses régions, chacune doit apparaître à son ordre alphabétique, avec renvoi à la plus fréquente, s’il y en a une (anui → änui, änui : ennui) ou la plus caractéristique (i → il) ou, généralement, si le texte de l’entrée est assez long (fiäse → fiyäse, fiyäse : [la fiyäsē] (la) fiancée, [lx fiyäse] (le) fiancé, [il vö s fiyäse] fiancer. Il paraît préférable de ranger - - sous –ë- en avertissant, une fois pour toutes, celui qui dit /äpr / pour emprunt qu’il doit chercher ses / / sous /ë/, plutôt que d’obliger celui qui prononce /äprë/ à chercher deux fois. La reproduction typographique de / / pose d’ailleurs des problèmes. Le « e muet » est la source de bien des complications. On ne le reproduira jamais à la finale où il est muet chez la grande majorité des usagers et où il amènerait à confondre heure et heureux en /xrx/. Là où il est toujours prononcé (brebis, /brxbi/) il ne soulève pas de difficultés. Là où il n’est pas la première voyelle du mot et qu’il est normalement muet, à Paris (sauterelle, là-dedans), on ne le notera pas (/sôtrel, laddä/), les Méridionaux apprenant vite à en faire abstraction ici comme en finale. Quelques conflits avec –x- (déjeuner traité comme déj’ner et cherché, en conséquence, sous /dejne/) peuvent être résolus au moyen d’entrées spéciales (dejne → dejxne). Lorsqu’il est la première voyelle du mot, il sera toujours noté, mais entre parenthèses s’il est susceptible de tomber dans un contexte vocalique (f(x)netr), avec une autre entrée sans /x/ et un renvoi si la forme sans e prononcé est particulièrement fréquente, comme pour le masculin genou (/lx jnx, le jnw, ë jnw, a jnw/, avec entrées /jnw/ → /j(x)nw/ et /j(x)nw/ : (le) genou, (les) genoux). On peut espérer que le petit Parisien qui dit la /sriz/, mais /un sxriz/, sera vite amené à chercher dans le dictionnaire la forme longue /s(x)riz/. Il n’est pas question de donner toutes les formes fléchies. On suppose certaines flexions connues. Elles seront d’ailleurs rappelées dans l’introduction. C’est le cas de –s du pluriel ou des 2èmes personnes du singulier, des finales verbales –ons, -ez, -ais, -ra, etc. Mais les formes fléchies irrégulières sont signalées à leur ordre 1 alphabétique alfonic : sont comme /sö/, sans renvoi à être, /pw/ : [ë pw] (un) pou, [de pw] (des) poux, /fet/ : [vw fet bië] (vous) faites. Types d’entrée 1. Entrée simple : solda : soldat 2. Entrée accompagnée d’un exemple : a) homonymes : vwal : [la vwal du bato] voile vwal : [la vwal dx la marie] voile b) homonymes dont un seul attesté dans le dictionnaire : amen : [il amen sö hië] amène (cf. amen) c) homonymie pour certains sujets : sol : [lx sol è dur] sol sôl : [la bräh du sôl] saule pwanie : [la pwanie d la port] poignée pwanie : [il sè fè mal o pwanie] poignet C’est le cas de beaucoup de monosyllabes : /ö, sö, së, tö, tä/, etc… 3. Une entrée pour deux formes : ¨ d) formes à trait d’union : episie-r : épicier, épicière agasä-t : agaçant (e) parti-r : [il è parti] parti(e), [il fo partir] partir afrx-z : affreux, affreuse e) deux formes séparées, mais alphabétiquement successives : africë, africen : africain(e) Noms N’indiquer le genre au moyen de l’article d’un exemple que pour faciliter l’identification. La forme du pluriel fait une entrée distincte si elle se prononce différemment : /bx/ : bœufs → bxf, bxf : bœuf → bx Elle est indiquée dans l’entrée unique si elle est irrégulière, mais l’affectant que la grahie : cf. /pw/ ci-dessus. Pour quelques noms courts commençant par une voyelle, on prévoira une entrée en /z/- avec renvoi : z- ix [le z-ix blx] (les) yeux → xy z-x [el a pödu dx z-x] (deux) œufs → xf Adjectifs Entré simple si l’adjectif ne varie pas en genre : /agreabl/ : agréabl. 2 Une entrée pour les deux genres si c’est possible (cf. 3-d et 3-e ci-dessus) et /frä-h/ : franc(he), /frè-h/ : frais, fraîche. Ailleurs, deux entrées : /bo/ : beau, /bel/ : [un bel fam] belle, [ë bel om] bel. Tout ceci vaut pour la dérivation sexuelle des substantifs : /episie-r/ : épicier, épicière, /hamo/ : chameau, /hamel/ : chamelle. Verbes 1er groupe : Deux entrées par verbe : le singulier du présent de l’indicatif et la forme en –e : don : done : apel : aple : netwa : netwaye : donne [il a done] donné, [il fo done] donner appelle [il è t-aple] appelé(e), [ö va l aple] appeler nettoie [s è netwaye] nettoyé(e), [jx vè netwaye] nettoyer Pour les verbes en –ger, -cer à l’infinitif, il faut, dans l’entrée du singulier du présent de l’indicatif, ajouter la 1ère personne du pluriel du même temps et mode : naj : pers : nage, [nw najö] (nous) nageons perce, [nw persö] (nous) perçons Types en ir iss- à deux thèmes : fini-r : [jx fini] (je) finis, [il fini] (il) finit, [il fo ä finir] finir finis : [le clas finis sx swar] finissent, [il fo c jx finis] (je) finisse Types à trois thèmes : a) ba : [jx m ba] (je) bats, [il sx ba] (il) bat bat-r : battre batu : battu b) ecri-r : [j ecri] (j’) écris, [il ecri] (il) écrit, [il va ecrir] écrire ecriv : [il z-ecriv] (ils) écrivent, [il fo c il ecriv] (il) écrive ecri-t : écrit(e) c) dor : [jx dor] (je) dors, [il dor] (il) dort dorm : [le ha dorm] dorment, [il fo c il dorm] (il) dorme dormir : [jx vè dormir] dormir d) exceptionnellement à deux thèmes seulement : cxy : [jx cxy] (je) cueille, [il cxy] (il) cueille, [tu cxyra] (tu) cuilleras cxyi-r : [sxlui c je cxyi] cueilli, [el va la cxyir] cueillir Verbes à plus de trois thèmes : pë : [jx l pë] (je) peins, [il pë la port] il) peint pëd-r : [ö va la pëdr] peindre pë-t : [lx volè è pë ä ver] peint(e) peny : [le masö la peny] peignent cw : [mamä cw l bwtö] (elle) coud, [jx cw] (je) couds 3 cwd-r : cwz : cwz : coudre [el cwz le bwtö] (elles) cousent, [il fo c mamä le cwz] (elle) couse cousu(e) conè : cones : conet-r : conu : [jx l conè] (je) connais, [il lx conè] (il) connaît [il nw cones] (ils) connaissent connaître connu(e) Il est clair que la suite des différentes formes d’un même verbe peut être interrompue par d’autres entrées : entre /cwd-r/ et /cwz/ apparaîtront /cwl, cwle, cwp, cwpe/, etc. A propos du Projet de Dictionnaire de l’orthographe J’enregistre une convergence de réactions à Villeneuve et Fuveau sur les points suivants : 1. Fichier ou dictionnaire ? Préférence pour le fichier, établi dans le cadre de la classe, dès le C.E. 1 et au C.E. 2 R. « Fichier et dictionnaire ne correspondent pas aux mêmes besoins. En tant qu’outil, ou processus pédagogique, le fichier précède le dictionnaire, puis coexiste avec celui-ci, qui finit – ou non – par s’y substituer au-delà du C.E.2. Pensez à l’établissement et la manipulation de 6000 fiches ! » 2. Faire apparaître le sens des mots, sinon par des « définitions » proprement dites, du moins par des exemples, des illustrations. R. « D’accord. Question de moyens financiers. » 3. Choix des mots figurant au dictionnaire (inventaire limité à 6000 mots) R. « Ce choix s’effectue 1) sur la base de listes de fréquence déjà établies et de dictionnaires existants, 2) sur la base de réactions intuitives et empiriques. Il est remarquable que personne n’hésite à inclure un mot comme chapeau et à exclure teratologie, par exemple. Il reste une proportion relativement faible de mots sur lesquels listes de fréquence aussi bien que réactions intuitives divergent, tels sombrer, sofa. Pour décider du sort de ces mots, on pourra se reporter précisément aux fichiers établis sur les terrains expérimentaux, et à l’avis des membres praticiens de l’équipe de recherche. L’absence de /som/ = (nous) sommes est le fait d’un oubli. Merci de l’avoir relevé. » Remarques de Villeneuve seulement : 4. L’ordre des phonèmes ne devrait pas être celui de l’alphabet orthographique. 4 R. « Est-ce parce que les enfants seront amenés à nommer les lettres a a, b /be/, c /se/, h /ah/, etc. au lieu de a, b, c, … ? En fait, du point de vue typographique, alfonic et orthographe seront soigneusement différenciés. Je vous rappelle à ce sujet les conventions de préparation des manuscrits pour l’imprimerie : le soulignage correspond à l’italique du texte imprimé. On aura donc : l’entrée en caractère romain gras et d’un point supérieur au corps de l’article, alfonic en romain, l’orthographe en italique. La question mérite une sérieuse attention. L’ordre adopté n’affecte pas uniquement la première lettre du mot, mais toutes les lettres. Il y a de gros avantages à coller le plus possible à l’ordre alphabétique ordinaire, précisément, pour le passage de la manipulation du dictionnaire de l’orthographe à celle d’un dictionnaire ordinaire. Ces avantages nous semblent l’emporter de loin sur les inconvénients. La discussion reste ouverte. On peut essayer d’établir des maquettes pour les différents choix ». 5. Faire précéder les noms de l’article R. « Il est essentiel que la lettre initiale de chaque entrée respecte l’ordre adopté à la suite de décisions prises en 4. En revanche, on peut faire apparaître l’article dans l’exemple, ou en rapport avec la forme orthographique. En cas d’homonymie verbe-nom, type la marche – il marche, on fera apparaître chacune des deux formes dans un exemple permettant d’identifier qu’il s’agit d’un verbe ou d’un nom ». * Texte publié dans Alfonic Vol 3; Paris, p. 67-72 5