Zoocentrisme

publicité
BIO 3800- Cours 8 : Correction de l’examen et quelques notion d’éthique (version finale)
CORRECTION DE L’EXAMEN
Dans un premier temps nous allons corriger l’examen. Avec vos copies en mains, nous allons voir
ensemble sont vos erreurs et comment ces déductions à votre note finale ont été comptabilisées. Cet
exercice est très important pour vous car il est essentiel que vous compreniez vos erreurs et que vous
quittiez ce cours avec de bonnes notions. De plus, ceci vous permettra de voir comment je corrige, ce
qui pourra vous permettre de vous réajuster pour l’examen final.
FILMS ET DISCUSSION SUR L’ÉTHIQUE
Dans les cinq cours qui restent nous allons améliorer nos notions sur l’aquiculture, les bâtiments
d’élevage et le comportement animal, la rizosphère, les OMG, l’agriculture biologique et
l’amélioration génétique des arbres. Tous ces sujets nous porterons à réfléchir sur l’intervention de
l’homme dans la production biologique. Afin de nous donner des outils pour nous aider à mieux
réfléchir sur ces sujets et identifier notre position éthique envers ces sujets, nous allons voir cette
semaines quelques notions de base de l’éthique. Nous n’allons pas approfondir ce sujet outre mesure
puisque vous avez accès à des cours plus approfondis sur ce sujet ( Histoire de l’environnement et de
l’écologie et Aspects humains de la science et de la technique) Nous allons également visionner
quelques petits films écologiques portant sur la biotechnologie aujourd’hui et l’éthique scientifique.
CES NOTES VOUS AIDERONT À MIEUX COMPRENDRE LES NOTIONS QUE NOUS ALLONS VOIR
SUCCINTEMENT EN CLASSE
INTRODUCTION
De tout temps, les philosophes ont cherché à développer une représentation systématique et globale de la vie
éthique. C'est à partir de ces «théories» que l'on peut comprendre, évaluer et guider le comportement éthique.
L'expression «théorie éthique» renvoie ici à toute tentative de fournir une réponse systématique aux questions
philosophiques soulevées par les approches normatives et descriptives en éthique. Ces questions sont considérées
tant d'un point de vue moral individuel, que d'un point de vue social ou de l'autorité publique. Voici des
exemples de questions morales individuelles: «Que devrais-je faire? Quelle sorte de personne devrais-je être?
Qu'est-ce que je valorise? Comment devrais-je vivre? » Les questions de philosophie sociale ou d'autorité
publique pourraient se formuler ainsi: «Quel type de société est le meilleur? Quelles politiques devrions-nous
adopter en tant que groupe? Quels pratiques et arrangements sociaux protégeront et promouvront le bien-être
individuel? Que devrions-nous faire quand les individus sont en désaccord?» Non seulement les philosophes
cherchent des réponses à ces questions, mais plus important encore, ils cherchent à expliquer et à i défendre de
façon rationnelle ces réponses. Donc, en ce sens très large, une théorie éthique inclut des analyses
philosophiques de questions morales, politiques, économiques, juridiques et sociales.
Pourquoi une théorie éthique en écologie et environnement ?
Réponse : Nous rendre aptes à penser d'une façon bien renseignée et nuancée.
1) Premièrement, les théories éthiques fournissent un langage commun qu'il est possible d'utiliser pour discuter
des problèmes éthiques et les comprendre. L'éthique environnementale est caractérisée par ses nombreuses
controverses passionnées. Évidemment, la première chose à faire dans l'examen et la résolution des controverses,
c'est de bien comprendre la teneur de ces débats. Les concepts de base et les catégories de l'éthique — «droits»,
«responsabilités», «utilité» et «bien-être global», et les liens entre ces concepts — peuvent fournir une base
pouvant favoriser une compréhension mutuelle et le dialogue. Les théories éthiques rendent explicites et
systématisent les croyances populaires et les valeurs collectives qui sont souvent implicites dans certaines
controverses. Maîtriser le langage de l'éthique philosophique permet de comprendre, d'évaluer et de
communiquer, rendant possible une participation éclairée dans les débats environnementaux. L'éthique
philosophique peut contribuer à enrichir ce langage commun qui est essentiel à une discussion rationnelle.
2) Deuxièmement, puisque certaines théories éthiques ont joué un rôle important dans nos propres traditions,
elles tendent à se refléter dans nos modes de pensée. Par l'apprentissage des théories éthiques, nous devenons
plus conscients de la structure et des préjugés inhérents à nos manières de penser. Nous devenons plus habiles à
exprimer nos opinions personnelles et sommes en meilleure position pour les défendre. Tout aussi important,
nous acquérons une perspective philosophique qui nous aide à faire un examen critique de notre propre manière
de penser. En mettant au jour notre schème conceptuel, nous pouvons également mieux reconnaître et
comprendre les problématiques éthiques.
3) Troisièmement, une des fonctions traditionnelles d'une théorie éthique est d'offrir conseil et évaluation. Les
théories peuvent être appliquées à des situations particulières et engendrer des recommandations précises. La
longue histoire de l'éthique donne une base rationnelle pour faire des analyses et agir de façon judicieuse. En se
familiarisant avec les controverses environnementales, il est plus facile de ne pas avoir à «réinventer la roue» à
tout moment. De fait, il y a des manières habituelles de raisonner en éthique, plusieurs d'entre elles s'accordant
avec les théories éthiques. Comme les philosophes ont passé beaucoup de temps à examiner ces théories et à
découvrir leurs forces et leurs faiblesses, connaître la théorie sera très utile pour comprendre les débats qui seront
exposés par la suite.
4) Finalement, se familiariser avec les théories éthiques est important, car selon certains critiques, ces théories
elles-mêmes, enracinées dans notre manière habituelle de penser, sont responsables de certains problèmes
environnementaux auxquels nous faisons face. Par conséquent, pratiquer l'éthique environnementale peut parfois
nous amener à critiquer même les théories éthiques que les philosophes se sont appliqués à défendre. Certains
soutiennent que ces théories font partie du problème et qu'elles nous ont induits en erreur. Ainsi, une partie
importante de la pratique de l'éthique environnementale inclut un examen des théories philosophiques de
l'éthique. De cette façon, l'éthique environnementale ne fait pas que tirer parti de la théorie éthique traditionnelle,
mais contribue également à l'enrichissement de cette branche de la philosophie.
LE RELATIVISME ÉTHIQUE
Avant de donner un aperçu des théories éthiques traditionnelles, nous devons relever un obstacle qui se pose
fréquemment en éthique environnementale. Certains soutiennent que l'étude de l'éthique est futile parce que les
jugements et valeurs éthiques sont ultimement le reflet d'une simple opinion ou de sentiments personnels. S'il en
est ainsi, il n'y a pas de réponses objectives et rationnelles aux controverses éthiques. Ce scepticisme à l'égard de
l'éthique — appelé «relativisme éthique» — est souvent résumé dans cette question rhétorique «Qui peut dire ce
qui est bien ou mal?»
Les tenants du relativisme éthique nient la possibilité de poser des jugements éthiques objectifs. En outre, ils
affirment que les normes éthiques reposent sur les sentiments individuels, la culture, la religion, etc., ou y sont
reliées. Ainsi, il ne peut y avoir de jugements éthiques vrais, objectifs et universels. «Tout n'est qu'une question
d'opinion», et donc nous perdons notre temps en essayant de découvrir les solutions «correctes» ou «vraies» aux
controverses environnementales.
Trop souvent, le problème du relativisme est soulevé dans un débat éthique juste au moment où un raisonnement
prudent serait requis. Malheureusement, plusieurs se tournent vers la perspective relativiste plus par frustration et
par paresse intellectuelle que par un désir réel d'entreprendre une analyse philosophique minutieuse.
Exemple : Conservation ou préservation (Forêts, pollution et économie)
Deux des environnementalistes américains de première heure, Gifford Pinchot et John Muir, étaient au centre de
débats et en étaient venus à symboliser deux conceptions fondamentales de l'environnement tout à fait opposées.
Gifford Pinchot était à la tête du Service américain des forêts, un des premiers forestiers entraîné
professionnellement aux États-Unis, et un proche ami et conseiller du président Théodore Roosevelt. Pinchot
était fondateur et chef du mouvement pour la conservation, et il soutenait que ces terres forestières devaient être
conservées afin d'être utilisées de façon judicieuse et contrôlées par les citoyens. Il était l'un des premiers à
préconiser la gestion scientifique des terres forestières nationales. Le principe qui le guidait était que les terres
publiques existent pour satisfaire les besoins des citoyens et être utilisées par eux:
« L'objectif de notre politique forestière n'est pas de préserver les forêts parce qu'elles sont belles [...] ou parce qu'elles
servent de refuge aux animaux sauvages [...] mais [...] parce qu'elles servent à la construction de maisons
confortables. »
Il affirmait, de plus, que:
« La foresterie est la connaissance de la forêt. Plus particulièrement, c'est l'art de manipuler la forêt afin qu'elle puisse
rendre tout service qui est requis d'elle sans l'appauvrir ou la détruire [...] La foresterie est l'art de produire à partir de
la forêt tout ce qui peut l'être pour le service de l'homme »
.
John Muir, pour sa part, était le fondateur du Club Sierra et le porte-parole le mieux connu du mouvement pour
la préservation. Muir se battait pour préserver Hetch Hetchy. Il pensait que la perspective conservationniste qui
traite les ressources naturelles comme de simples objets destinés à la consommation humaine était une grave
erreur. Muir défendait la valeur esthétique et spirituelle de la faune, aussi bien que la valeur inhérente des autres
organismes vivants. Dans cette optique, Hetch Hetchy devait être préservé tel quel, et protégé des activités
humaines qui pouvaient le dégrader ou l'abîmer.
VALEUR INSTRUMENTALE, VALEUR INTRINSÈQUE ET VALEUR INHÉRENTE
1) La valeur instrumentale est une fonction de l'utilité. Un objet qui possède une valeur instrumentale, la
possède parce qu'elle peut être utilisée afin de réaliser une fin valable. Un crayon a une valeur parce qu'il me
permet d'écrire; un billet d'un dollar a une valeur parce que grâce à lui je peux acheter quelque chose. Ainsi, la
valeur instrumentale d'un objet ne réside pas dans l'objet lui-même, mais dans son usage. Quand cet objet n'a
plus d'usage ou qu'il peut être remplacé par un autre objet d'usage plus commode, plus efficace, il peut être laissé
de côté ou carrément jeté.
Le mouvement conservationniste de Gifford Pinchot mettait l'accent sur la valeur instrumentale des forêts et des
régions sauvages. Nous devrions protéger et conserver cette nature sauvage parce qu'elle renferme des ressources
immenses pouvant être utilisées par l'homme. Une grande partie des préoccupations environnementales repose
sur la valeur instrumentale de l'environnement. L'air et l'eau purs sont précieux parce que leur absence met en
danger la santé et le bien-être des humains. La préservation des espèces vivantes est valorisée parce que celles-ci
renferment des possibilités énormes pour l'agriculture et pour la médecine. De fait, toute mesure économique ou
utilitariste est basée sur la valeur instrumentale de la nature.
Faire appel à la valeur instrumentale de l'environnement est une stratégie efficace dans le monde politique.
L'opinion publique se montre souvent favorable aux mesures qu'on propose quand on fait état des possibilités
perdues, des ressources gaspillées, etc. Cependant, une éthique environnementale basée uniquement sur la valeur
instrumentale de l'environnement n'a pas de fondement solide, car les usages de l'environnement changent
suivant les intérêts et les besoins humains. La valeur instrumentale de la rivière Colorado comme source d'eau et
d'énergie hydro-électrique pour le Sud de la Californie supplantera rapidement sa valeur instrumentale en tant
que région sauvage ou espace récréatif. Mettre l'accent uniquement sur la valeur instrumentale de la nature, c'est
en réalité la tenir en otage par les intérêts et les besoins des humains.
2) On parle de valeur intrinsèque d'un objet quand celui-ci est valorisé pour lui-même et non simplement pour
ses usages. Toutes les choses que nous valorisons ne le sont pas du seul point de vue de leur utilité. Certaines le
sont en raison de leur importance symbolique, esthétique ou culturelle. Nous les valorisons pour elles-mêmes,
pour ce qu'elles signifient, pour ce qu'elles représentent, pour ce qu'elles sont.
Quelques exemples vous aideront à mieux faire la distinction entre valeur instrumentale fit valeur intrinsèque.
Un billet d'un dollar est évidemment estimé pour sa valeur instrumentale: on peut l'utiliser pour acheter quelque
chose. Considérons cependant le cas du propriétaire d'une petite entreprise qui conserve et exhibe le premier
billet d'un dollar gagné dans cette entreprise. Ce billet possède non seulement une valeur instrumentale (puisqu'il
peut toujours servir à faire un achat), mais également une valeur intrinsèque par ce qu'il représente pour le
propriétaire. Imaginez qu'on lui offre quatre pièces de 25 sous en échange de ce billet. Ces pièces, bien qu'elles
aient exactement la même valeur instrumentale que celui-ci, n'ont tout simplement pas la valeur intrinsèque du
billet.
Envisageons également le cas de l'amitié. Si nous valorisons nos amis seulement pour leur utilité, nous
méconnaissons grandement la nature de l'amitié. Considérons les monuments historiques ou les objets culturels
ou esthétiques. La Cloche de la Liberté (Liberty Bell), le Taj Mahal, le David de Michel-Ange possèdent une
valeur intrinsèque qui dépasse de loin leur valeur instrumentale.
Il semblerait que la valeur instrumentale et la valeur intrinsèque dépendent toutes deux des humains qui les
perçoivent. Quoique toute valeur dépende du sujet qui évalue, les humains valorisant les choses pour diverses
raisons. S'il n'y avait pas d'humain, ni l'amitié, ni la Cloche de la Liberté, ni le Taj Mahal, ni le David n'auraient
de valeur. Mais cela ne signifie pas qu'ils soient valorisés uniquement pour leur utilité pour les humains, et que
toute valorisation de la part des humains soit faite du seul point de vue instrumental.
Manifestement, plusieurs de nos préoccupations environnementales reposent sur la valeur intrinsèque que nous
reconnaissons dans la nature. Les régions sauvages, les paysages pittoresques et les parcs nationaux sont
valorisés par plusieurs personnes parce que, à l'instar de la Cloche de la Liberté, ils font partie du patrimoine
national et de l'histoire. Le grizzli peut avoir une valeur instrumentale négligeable, mais savoir que cette espèce
d'ours existe encore au parc national de Yellowstone est important pour bien des personnes. La valeur
symbolique de l'aigle à tête blanche dépasse de loin toute valeur instrumentale qu'il pourrait avoir. Les régions
sauvages non développées et inexplorées sont hautement valorisées, même par ceux qui jamais ne les visiteront,
ne les exploreront, ni ne les utiliseront.
Quand nous disons que l'environnement est dégradé à cause de l'activité humaine, nous nous référons souvent à
la perte de la valeur intrinsèque. Quand des parties du Grand Canyon sont érodées par les inondations
provoquées par le déversement des eaux des barrages hydroélectriques en amont, quand les pluies acides
attaquent les anciens monuments grecs et romains, quand les bords de mer sont remplacés par des promenades,
des casinos, l'activité humaine détruit une partie de la valeur intrinsèque de la nature.
Malheureusement, l'invocation de la valeur intrinsèque suscite souvent du scepticisme. Il semble qu'il nous
manque un langage pour exprimer ce type de valeur. Bon nombre de personnes considèrent qu'une telle valeur
est purement subjective, que c'est une question d'opinion personnelle: «La beauté (d'un être) réside dans le regard
de son admirateur.» Ainsi, quand une valeur instrumentale mesurable (comme le profit) entre en conflit avec une
valeur intrinsèque, impalpable et insaisissable (comme la beauté d'une région sauvage), trop souvent la valeur
instrumentale gagne par défaut.
3) Un objet possède une valeur inhérente s'il est bon en soi (ou s'il renferme un bien), indépendamment de toute
évaluation de là-part des humains. La valeur instrumentale et la valeur intrinsèque dépendent des humains qui les
évaluent. Certains philosophes cherchent à défendre une théorie de la valeur indépendante des humains. Ils
défendent ce que nous appellerions la valeur inhérente.
Des controverses importantes entourent les questions de valeur inhérente, et pas seulement en matière
environnementale. Certains auteurs soutiennent qu'il n'est pas sensé de parler d'une valeur qui soit absolument
indépendante de l'évaluation humaine. À leurs yeux, tous les jugements de valeur dépendent des sujets humains.
Ainsi, selon eux, il n'y a pas de distinction entre valeur intrinsèque et valeur inhérente. Néanmoins, on peut
raisonnablement accorder une valeur inhérente à au moins certains objets.
Certains environnementalistes soutiennent que toutes les créatures vivantes ont une valeur inhérente qui est
violée par la dégradation et par la destruction de l'environnement. Les amis des animaux avancent l'idée que
quelques animaux au moins ont une valeur indépendante des valeurs humaines. En ce sens, certaines de nos
préoccupations environnementales démontrent que nous croyons que l'activité de l'homme est en train de violer
la dignité («caractère sacré» serait possiblement un meilleur terme) de la nature.
Seule l'idée de valeur inhérente permet de rendre compte des préoccupations environnementales qui ne peuvent
être expliquées par les notions de valeur instrumentale et de valeur intrinsèque. La destruction volontaire ou
involontaire de la vie végétale ou d'une formation rocheuse naturelle, par exemple, pourrait ne pas détruire des
choses que les humains tiennent pour valables, et cependant, nous pourrions juger qu'il s'agit d'actes immoraux.
Il y a lieu de craindre que même une théorie de valeur intrinsèque ne laisse le statut moral des objets naturels
dépendre de l'existence des humains. Alors que les croyances des humains et les jugements de valeur intrinsèque
peuvent ne pas être aussi versatiles et changeants que les désirs qui fondent la, valeur instrumentale, ils peuvent
néanmoins changer et ont effectivement changé avec le temps. Au bout de quelque temps et peut-être dans une
culture différente, la Cloche de la Liberté, le Taj Mahal et le David de Michel-Ange, pourraient perdre leur
valeur intrinsèque si personne ne s'en souciait.
UNE CONSTELLATION DE COURANTS
Il existe divers courants desquels se dégage une toile de fond ou se développe une pensée à la fois religieuse,
philosophique et éthique qui cherche un autre point de départ à la morale. Si une éthique purement utilitaire (très
répandue dans le monde anglo-saxon), centrée sur la considération que seul l'être humain et les choses qui s'y
rapportent sont reconnues comme des valeurs (souvent monétaires) et comme seuls détenteurs de droits,
s'impose et que cette éthique mène à la crise écologique, le temps n'est-il pas venu de changer de point de
départ? La question soulevée par Leopold sur la communauté éthique élargie est donc vite débordée par des
questions plus radicales: les animaux ont-ils des droits? Faut-il libérer la nature? La nature a-t-elle une valeur
intrinsèque? Faut-il dépasser l'anthropocentrisme au profit du biocentrisme? Faut-il adopter une approche
holistique, penser à la valeur du tout avant de penser à un des éléments de ce tout? L'être humain est-il une erreur
de la nature, comme son cancer? Faut-il abolir toute hiérarchie, abattre le patriarcat, établir l'écoféminisme
comme seule chance de réconciliation avec la Déesse-Terre? Les thèmes éthiques, philosophiques, scientifiques,
religieux s'enchevêtrent selon les sensibilités de chacun. On comprendra que l'on n'est plus du tout dans le
domaine de la science écologique, qui cherche à définir et à comprendre les interrelations entre les êtres vivants
et leur milieu, mais dans l'écologisme, dans un courant global de pensée, dans un discours qui veut préciser le
lieu de l'homme, ou plutôt, puisque cela serait de l'anthropocentrisme : le lieu de la nature.
Anthropocentrisme
L’éthique anthropocentriste de l’environnement doit donc viser en premier lieu l’homme, n’attribuer qu’à lui le
statut d’Autre et conserver au rang de moyen l’environnement ou les vivants non humains qui le peuplent. C’est
une telle éthique que nous livre Jonas dans son Principe responsabilité (1992). Elle se caractérise par
l’énonciation d’un impératif ontologique. Il faut comprendre que cet impératif est bien celui de la perpétuation
de l’homme. Pour perpétuer l’homme comme essence, il faut perpétuer l’espèce et son support de vie — c’est là
qu’intervient l’écologie.
Folscheid (1994) affirme sa conviction qu’il faut une éthique environnementale, tout en insistant sur le fait que
« la responsabilité proprement écologique est forcément seconde, éthiquement parlant, par rapport à la
responsabilité humaine ». Responsabilité seconde vis-à-vis de l’environnement mais, nous assure-t-il,
« nullement secondaire ». Par ailleurs, pour Folscheid tout comme pour Jonas, l’éthique vis-à-vis de
l’environnement est de l’ordre de la responsabilité
Zoocentrisme
Pour un premier ensemble de philosophes, l’Autre ne peut se réduire au seul être humain, il lui faut y inclure
l’animal. Ce mouvement philosophique est celui du bien-être des animaux, encore appelé zoocentrisme. Il est
dominé par deux auteurs américains, Singer et Regan, Le courant dont Singer (1985, 1990) est la figure de proue
est celui de la libération des animaux.
Biocentrisme
Le biocentrisme se caractérise par l'abandon radical de la perspective anthropocentrique, perspective
caractéristique des récits de création de l'être humain selon le livre de la Genèse, où l'être humain apparaît
comme l'achèvement de la création. Une perspective non anthropocentrique considère que toutes les vies se
valent. On sait, par exemple, qu'en foresterie on distingue les espèces nobles (l'érable, le chêne, le pin) des autres
espèces (le tremble) qu'on méprise volon-tiers. Cette distinction n'a guère de sens d'un point de vue écologique,
puisqu'une population de trembles correspond à une situation pionnière alors que, dans l'erablière laurentienne,
l'érable sera l'espèce climacique qui s'établira au terme du processus de colonisation. Qu'est donc l'utilité
humaine qui nous fait désigner des espèces végétales comme nobles? D'un point de vue écologique, les fonctions
et les réseaux diffèrent. Ou bien encore, on peut parler de succession des espèces selon les processus de
l'évolution. Poussant à l'extrême l'idée de la valeur en soi de toute vie, la perspective biocentrique considère que
toutes les vies se valent et que la seule perspective valable est celle de la conservation de la vie dans son
ensemble. Il ne s'agit donc pas de considérer la vie des individus isolés mais le maintien de l'ensemble de la
communauté biotique. Le tout vaut plus que l'ensemble des parties qui le constituent et l'équilibre entre les
parties importe davantage que chaque partie prise isolé-ment. «La valeur d'un chevreuil individuel est
inversement proportionnelle à la population de son espèce
De ce point de vue, «la vie d'un simple organisme d'une espèce en danger vaudrait plus, mériterait plus de
respect éthique de la part des gens que la vie d'une personne, voire même d'une large part de la population
d'Homo Sapiens »
On peut ici parler d'un «holisme éthique», d'une espèce de monisme éthique (Norton) qui pose des problèmes
d'application quand il s'agit de droits humains. On comprend aussi que les « holistes » sont en opposition avec
les défenseurs des droits de l'animal (rightists).
Avec sa notion de respect pour la vie ( Ehrfurcht vor dem Leben ), Albert Schweitzer est généralement considéré
comme le précurseur du biocentrisme. De nos jours, c’est Paul Taylor qui en est considéré comme le pilier. L’un
des fondements de la philosophie biocentriste est donc la reconnaissance d’une valeur inhérente ( inherent
worth)au vivant, ce qui le qualifierait pour être Autre. Le débat autour d’une telle valeur, comme je l’ai déjà dit,
va bon train entre les environnementalistes. L’un des thèmes du débat concerne le fait qu’il faut un évaluateur
pour qu’il y ait valeur. En effet, après avoir donné une définition de la valeur inhérente, Taylor affirme que
l’éthique du respect pour le vivant, celle qu’il cherche à développer, repose sur le fait que les humains acceptent
de considérer tous les êtres vivants comme s’ils possédaient une valeur inhérente
Écocentrisme
Ce mouvement prend appui sur l’écologie (scientifique) et privilégie de ce fait les systèmes par rapport aux
individus. Il est donc important, pour les écocentristes, que la notion de valeur intrinsèque ne repose pas sur une
unité subjective. Adopter une philosophie écocentriste, c’est, conformément aux mots d’Aldo Leopold,
précurseur du mouvement, réussir à « penser comme une montagne »
Le biocentrisme et l’écocentrisme son deux courants qui ont en commun deux autres exigences.
 Il faut dépasser la centralité du moi humain comme point de départ du lien. C’est là le premier
dépassement de l’anthropocentrisme.
 Il faut aussi dépasser le confinement de l’altérité* à l’humanité. C’est là le deuxième dépassement de
l’anthropocentrisme.

*Altérité : Caractère de ce qui est autre
Écologie profonde
L’écologie profonde fait également partie des philosophies écocentristes et s’appuie aussi sur les écrits de
Leopold, quoique pas exclusivement puisqu’elle va puiser dans les philosophies orientales. Ce courant est
dominé par l’« écosophie T » du norvégien Naess (1984; 1989). Elle s’appuie sur l’ensemble des huit postulats
présentés dans le tableau suivant, qui sont autant des principes que des jugements sur la situation actuelle.
Les huit principes de l’écologie profonde (tirés de Naess, 1984)
Écoféminisme
La critique de l'anthropocentrisme amène aussi une critique, historique celle-là, de la dominance du mâle dans la
société, ou androcentrisme. À partir d'une critique de la prise du pouvoir dans la société par les mâles et de
l'implantation du patriarcat, la théorie écoféministe propose une restauration des valeurs féminines, en particulier
par une reconnaissance de la dimension féminine de la nature comme source de vie. Également dominées, la
nature et la femme subissent la même violence: la violence du mâle. Il faut restaurer et la nature et la femme. On
retrouve le thème de la Déesse-Mère. Cette vision renouvelée permettra d'envisager une société non
hiérarchique où la femme pourra contribuer activement et positivement selon ses caractéristiques propres. C'est
le thème du caring, du soin, de la protection en opposition à la violence et aux rapports purement instrumentaux.
Cette théorie éthique suppose donc qu'il existe une essence du féminin définie par la nature féminine primitive,
avant sa corruption et son assujettissement par le pouvoir patriarcal.
CONCLUSION :
Un cours beaucoup plus substantiel sur chacun de ces aspects demanderait une session entière. Nous sommes en
présence d'une constellation de courants divers, parfois complémentaires, parfois antagonistes. Signalons
simplement quelques thèmes récurrents: le mouvement des droits, en particulier les droits des animaux, la
question de la valeur intrinsèque de la nature, le biocentrisme, l'écoféminisme, l’écologie profonde.
RÉFÉRENCES :
Beauchamps, André, 1984. Introduction à l’éthique de l’environnement. Collection : Interpellations. 222 p.
Editions Paulines. Des Jardins, Joseph, R. 1995. Éthique et environnement. Presses de l’université du
Québec.304 p.
Folscheid, D. (1994), « Pour une philosophie de l’écologie », Éthique, la vie en question, no 13, p. 7-34.
Jonas, H. (1992), Le principe responsabilité , Paris, Cerf.
Leopold, A. (1995), Almanach d’un comté des sables , Paris, Aubier.
Naess, A. (1984), « A Defence of the Deep Ecology Movement », Environmental Ethics, vol. 6, no automne,
p. 265-270.
Naess, A. et D. Rothenberg (1989), Ecology, Community and Lifestyle: Outline of an Ecosophy , Cambridge,
Cambridge University Press.
Singer, P. (1985), In Defence of Animals , New York, Blackwell.
Singer, P. (1990), Animal Liberation , 2e éd., New York, New York Review of Books/Random House.
Taylor, A. (1996), « Animal Rights and Human Needs », Environmental Ethics, vol. 18, no 3, p. 249-264.
Taylor, P. W. W. (1981), « The Ethics of Respect for Nature », Environmental Ethics, vol. 3, no automne 1981,
p. 197-218.
TEXTE DE DISCUSSION :
L'ÉTHIQUE AU SERVICE DE LA CAUSE ENVIRONNEMENTALE?
Michel Leblanc De Neiges _ Fondation médias verts- 2 mars 2002
Pourquoi pas, diront plusieurs. En fait, les environnementalistes parlent depuis toujours de notre
obligation morale de protéger l'environnement. Mais les débats d'éthique font-ils vraiment avancer la
cause environnementale et ont-ils un autre rôle à jouer que d'être évoqués pour gagner des arguments et
impressionner les gens?
Pour les activistes, nous le savons, la lutte écologique est souvent un exercice de persuasion. La crise
écologique est peut-être évidente et objective pour nous mais, pour un trop gros segment de la
population, la question n'est pas particulièrement préoccupante. Les activistes utilisent donc toutes
sortes de moyens pour raviver la cause, y compris la sensibilisation publique et le militantisme. Dans
ces deux cas, on tente de convaincre les gens par deux moyens principaux, soit la présentation de faits
ou soit par l'appel aux émotions. D'une part, on explique les conséquences logiques de la trop grande
consommation des ressources naturelles, faisant par exemple allusion au fait que si tout le monde vivait
comme nous, les Occidentaux, on aurait besoin de quatre ou cinq autres planètes Terre. D'autre part,
toutes sortes de groupes environnementalistes utilisent des images de la nature et de la merveilleuse
diversité d'espèces animales et végétales pour toucher une corde sensible chez les individus. En fait, on
a tendance à fondre devant les photos d'ours Panda, de lionceaux et de petits singes dans la jungle. C'est
ainsi que la plupart des gens viennent à comprendre l'importance de sauver nos forêts mondiales, de
stopper la pollution, et j'en passe.)
Dans d'autres contextes, comme lors de conférences publiques, les environnementalistes ont
l'opportunité de renforcer leurs arguments pour la protection de l'environnement en développant les
thèmes de l'obligation morale et éthique. Par exemple, David Suzuki parle souvent de notre obligation
envers les peuples du monde et les générations futures. Robert F. Kennedy, Jr. évoque l'obligation de
protéger l'environnement pour ce que la nature apporte à l'homme sur le plan esthétique et culturel.
Tandis que le philosophe Peter Singer aborde souvent l'environnement comme la totalité des êtres
vivants de notre planète et du besoin d'orienter nos sociétés afin qu'elles causent le moins de
souffrances possible à chacun de ces êtres (animal et humain).
Tous ces arguments peuvent être considérés comme des éthiques environnementales. Ils peuvent être
défendus logiquement et sont donc consistants en soi. Pourtant, ces trois philosophies mènent à des
conclusions divergentes quant à nos obligations précises envers l'environnement. Car, si on traduit ces
philosophies en actions qui doivent nécessairement en découler, on réalise qu'elles impliquent des
comportements bien différents. Par exemple, la philosophie de Suzuki le porte à affirmer qu'on doit
changer le fondement de nos instances politiques et économiques de manière radicale car le présent
système est intenable et mène même au génocide. La logique de la philosophie de Kennedy, par contre,
ne sacrifierait pas le libre échange ni la concurrence économique et politique internationale. Kennedy
accepterait encore moins l'éthique de Singer voulant qu'on ne devrait pas tuer d'autres animaux pour se
nourrir et qu'on ne devrait pas expérimenter sur des animaux même si cela permet de prouver la nature
toxique et mortelle de nombreux produits chimiques industriels.
Comme nous venons brièvement de le voir, entrer dans le monde du débat philosophique peut souvent
créer plus de complexité qu'il n'en résout. Les opposants de la cause environnementale peuvent
littéralement s'amuser à confondre le public, démontrant par exemple les incohérences des différentes
philosophies et comment souvent elles se contredisent.
Donc, aussi importante qu'a été la philosophie dans la marche vers une plus grande compréhension du
monde et de la place de l'homme dans ce monde, elle peut être utilisée à tord et à travers. La
philosophie peut servir à justifier toutes sortes de différentes prises de position et on ne doit
certainement pas croire qu'elle est nécessairement au service de la cause écologique. Au fond, et autant
qu'on a tendance à la placer sur un piédestal, la philosophie est un exercice et une discipline qui nous
permet de découvrir des vérités et non pas LA vérité.
Enfin, il faudrait toujours se rappeler que c'est le point de départ de toute philosophie qui est important.
Et ça, c'est nécessairement une expérience subjective puisque la valeur de quelque chose est d'abord et
avant tout ressentie. Jean-Paul Sartre l'a bien dit lorsqu'il affirma que la racine de toute philosophie doit
être ancrée dans l'authenticité ou encore dans la bonne foi. Aussi complexe que soit la philosophie de
Sartre et sa définition de la bonne foi, je pense qu'on peut l'exprimer ainsi : la clé de la vérité est au
fond de nous. C'est lorsque nous sommes sincères avec nous-mêmes que le bien et le mal deviennent
discernables. J'ose croire qu'au fond, personne ne veut la souffrance des autres êtres et personne ne peut
sincèrement vouloir la destruction des écosystèmes. Le défi ultime du mouvement écologique n'est
donc pas de développer des éthiques philosophiques mais plutôt d'apporter les gens à vivre
honnêtement et en toute bonne foi.
Téléchargement