Ils ne sortent pas de l'Église pour cela, ils y restent
afin de mieux réussir leur travail de sape. Il le disent
eux-mêmes, non pas qu'ils parlent de sape, mais de
«changement». Changer l'Église de toujours pour une
église de leur cru. C'est ce que déclare, par exemple, le
théologien allemand Hans Kung, de l'avant-garde pro-
gressiste de son pays: «Nous qui restons dans l'Église,
dit-il, nous avons pour le faire de très bons motifs... Il
s'agira non seulement d'interpréter la réalité de l'Égli-
se, mais de la changer».
«Schismes», dit le Pape
Le lendemain, Jeudi Saint, officiant dans l'archi-
basilique de St-Jean-de-Latran, qui est la cathédrale
du diocèse de Rome, le Pape revenait sur le sujet, au
cours d'une homélie que l'Osservatore Romano inti-
tule: «Douloureux appel de Paul VI à l'unité interne de
l'Église». À lui seul, ce titre définit une situation à ser-
rer le coeur de tout catholique attaché à son Église.
Ce n'est plus l'appel conciliaire à des «frères séparés»
pour refaire l'unité chrétienne dans un seul troupeau,
sous un seul Pasteur. C'est l'appel aux catholiques eux-
mêmes, dont l'unité craque sous la pression de «ten-
dances centrifuges» s'exerçant au sein même de l'Égli-
se. Le Pape a mentionné ces divisions, allant jusqu'à
employer les termes «schismes» et «ferment pratique-
ment schismatique». Voici un passage de cette homé-
lie papale du Jeudi Saint:
«On parle d'un renouveau dans la doctrine et la
conscience de l'Église de Dieu; mais comment pour-
rait-elle être authentique et durable, l'Église vivante
et vraie, si dans l'ensemble qui la compose et la défi-
nit comme “corps mystique”, spirituel et social, elle
est si souvent et si gravement blessée par la contes-
tation ou par l'oubli de sa structure hiérarchique, fal-
sifiée dans son charisme fondamental, divin et indis-
pensable, qu'est l'autorité pastorale?
«Comment pourrait-elle s'arroger d'être l'Église,
c'est-à-dire son peuple uni, quand un ferment prati-
quement schismatique la divise, la subdivise, la brise
en groupes surtout jaloux d'une autonomie arbitraire
et au fond égoïste, masquée du nom de pluralisme
chrétien ou de liberté de conscience? Comment pour-
rait-elle se construire par une activité qui voudrait se
dire apostolique, quand celle-ci est volontairement
guidée par des tendances centrifuges, et quand elle
développe non point la mentalité d'un amour com-
munautaire mais plutôt celle de la polémique par-
ticulariste, ou quand elle préfère des sympathies
périlleuses et équivoques, sujettes à des réserves
irréductibles, à des sympathies fondées sur des prin-
cipes de base, et indulgente à des défauts communs,
nécessitant une collaboration convergente?
«On parle encore d'Église, et d'Église catholique,
la nôtre; mais pouvons-nous nous dire à nous-mê-
mes qu'elle est dans ses membres, dans ses institu-
tions, dans son travail, vraiment animée de cet esprit
sincère d'union et de charité qui la rendent digne de
célébrer, sans hypocrisie et sans insensibilité basée
sur l'habitude, notre sainte messe quotidienne? N'y
a-t-il pas au milieu de nous ces “schismes”, ces “divi-
sions” que la première lettre de saint Paul aux Corin-
thiens dénonce douloureusement?»
Le Pape parle. Mais quel cas le monde catholique
— catholique au moins de nom encore — fait-il de sa
voix? Lui-même, Paul VI, en faisait la remarque au
cours d'une de ses audiences: «J'ai parfois l'impres-
sion que je parle dans le vent».
Pourquoi? Parce que son Magistère est contesté
publiquement par des théologiens de grande renom-
mée dans leurs pays respectifs. Ou, sans être contesté
publiquement, il pèse peu ou point dans maints milieux
même épiscopaux. Et c'est pourquoi des «collégialités»
manifestent des tendances «centrifuges», vers des
églises nationales «déromanisées». Et c'est pourquoi
le sens du sacré s'en va à l'eau, et c'est pourquoi des
expériences de messes bouffonnes en maintes parois-
ses dégradent la liturgie sous l'oeil d'évêques muets.
Et c'est pourquoi le catéchisme traditionnel, qui ensei-
gnait les articles du symbole, les commandements de
Dieu et de l'Église, les sept sacrements et la prière, est
remplacé par des catéchèses de verbiage, vides de
doctrine quand ce n'est pas chargées d'hérésies...
Mais j'aborde ici un sujet sur lequel il y a beaucoup
à dire, parce que c'est tout l'ordre religieux et civil de
demain qui est en jeu. Mais le tableau est suffisam-
ment chargé, croyons-nous, pour alerter l'esprit et tou-
cher le coeur de tout catholique sincère.
Un fils de l'Église n'a pas le droit de rester indiffé-
rent devant les attaques qu'elle subit, devant la crise
qu'elle traverse, devant les contestations, les soulève-
ments internes et les infidélités qui affligent si pro-fon-
dément son chef actuel, le Pape Paul VI. N'oublions pas
que le Pape est le représentant direct du Christ, et que
mettre en question le magistère du Pape en matière
de morale comme en matière de doctrine, c'est met-
tre en question l'autorité de Notre-Seigneur lui-même.
Les théologiens qui disent non au Pape disent non à
Notre-Seigneur lui-même, et plus ils ont de prestige et
de moyens de se faire entendre, plus ils font de mal au
sein même de l'Église.
Chacun de nous, en tant que baptisé, en tant que
confirmé, n'est pas seulement un bénéficiaire des ri-
chesses du Christ dispensées par la Sainte Église, mais
il en est aussi un Membre responsable. Responsabilité
de plus en plus pressante à mesure que l'ennemi, qu'il
soit du dehors ou du dedans, redouble ses assauts.
Personne n'est sans moyen pour l'exercice de
cette responsabilité. Le premier moyen, accessible à
tous, c'est bien la prière. La prière pour la sainte Église,
pour notre saint Père le Pape, comme dans le saint
Sacrifice de la Messe, doit se faire de plus en plus ar-
dente. L'heure du démon appelle l'heure du chrétien.
Redoublons donc de ferveur.
Louis Even
VERS DEMAIN octobre-novembre-décembre 2014
www.versdemain.org 35