
Pouvez-vous imaginer un ménage qui ne ferait que consommer. Pendant
trente ans ce ménage consommerait deux à trois fois plus qu’il ne produirait
(ou qu’il ne gagnerait). Son déficit annuel courant serait chaque année plus
important et cela depuis trente ans. De l’autre côté de la rue, le ménage d’en
face approvisionnerait le déficitaire année après année. Un jour le ménage
créancier risque de se présenter chez le débiteur et lui réclamer son dû. C’est
ce qui risquait de se produire pour les américains.
Le dollar a servit de monnaie d’échange international depuis l’accord
monétaire international de Bretton Woods (2). Les américains ont donc
imprimé des dollars – émis des devises – non pas autant que leur économie
en avait raisonnablement besoin, mais autant que l’économie mondiale en
avait besoin. Depuis dix ans environ les États-Unis ont émis pour 29 000
milliards de dollars de devises au-delà de leur développement économique
national. C’est ainsi que notre voisin consommateur réussit à vivre au-dessus
de ses moyens depuis trente ans. C’est ainsi que la valeur du dollar diminue
progressivement face à l’Euro et face au Yen. Malgré la force de leurs devises
les japonais et les allemands parviennent tout de même à exporter
largement grâce à une productivité supérieure et à la qualité de leurs
produits. Par ailleurs, leur monnaie forte attire les investissements à la
recherche de profits juteux. Tout cela mine le dollar qui perd peu à peu son
titre de monnaie refuge au profit de l’or, de l’Euro et du Yen dont les valeurs
n’ont cessé de croître…jusqu'à la crise spéculative du mois d’avril.
L’an dernier un groupe de pays producteur de pétrole et de pays émergent
réuni autour de la Chine, de l’Iran, de la Russie et du Brésil ont décidé de
convertir leurs dollars en un panier d’autres devises, l’Euro étant la première
de ces devises, et de cesser de faire leur commerce, au premier chef le
commerce du pétrole, en se servant de l’étalon dollar. Cette décision doit
entrer en vigueur progressivement à partir de 2012.
La spéculation boursière visant l’Euro est la première riposte des
spéculateurs américains contre cette décision qui les priverait de leur statut
privilégié de banquier du monde. En ramenant l’Euro à parité avec le dollar
(1) - l’avantage Euro - l’intérêt pour les détenteurs de devises de posséder
des Euros plutôt que des dollars, s’amenuise. Évidemment, un Euro moins
cher favorisera les exportations européennes sur les marchés mondiaux mais
c’est le Japon et la Chine qui en pâtiront. Il y a déjà un certain temps que les
États-Unis ont renoncé à défendre leur industrie et leur force productive
contre la concurrence étrangère. Les services représentent 78 % du PIB
américain, alors que l’industrie ne représente plus que 16 % du PIB
américain.
Jean-Michel Vernochet n’a pas tort d’affirmer que ce jeu spéculatif contre
l’Euro ce – chaos constructeur – présente un réel danger de voir s’effondrer
l’ensemble de la structure monétaire mondiale. L’Euro représente tout de
même la première économie du monde (30 % du PIB mondial). Mais