Emission Des Sous…et des Hommes diffusée le 16-08-2001 sur Aligre FM- 93.1
Site Internet: www.des-sous-et-des-hommes.org
l'emploi. Cela a modifié le rapport complexe et minutieux qui existe entre l'évolution de la
productivité et la durée du travail, aboutissant à un nombre d'emploi insuffisant.
Pascale Fourier : Comment expliquer également que, malgré la forte progression du chômage, la
production a continué d'augmenter, faisant croître ainsi la richesse globale du pays par rapport à
la période précédente de plein emploi ?
Michel Husson : On peut remarquer deux différences lorsque l'on compare la période des
années 60, où il y avait un quasi plein emploi, avec la période de chômage de ces dernières
années.
La première différence paradoxale est la progression rapide des gains de productivité dans
les années 60 sans montée du chômage. En effet, la forte croissance c'est traduit notamment
par une importante automatisation des chaînes de productions. Cela a entraîné une réduction du
nombre d'ouvriers pour une même production de biens. Mais le chômage n'a pas augmenté pour
autant. On constate alors que s’il y avait un lien direct entre chômage et progrès technique, il
aurait dû y avoir un chômage cent fois plus important vu l'augmentation des gains de productivité
dans ces années là. Hors, cela n'a pas été le cas. La thèse visant à faire porter les raisons du
chômage sur le progrès technique n'est donc pas valide. On voit donc le paradoxe qui existe
avec les années 80 puisque le chômage s'est mis à monter alors que le progrès technique et les
gains de productivité progressaient moins vite que pendant les années 60. Tout cela dépend
surtout de la façon dont les gains de productivités sont répartis ou utilisés.
L'autre différence est la réduction du temps de travail sous des formes socialement
régressives. En effet, la croissance ayant continué de se développer, on est passé à une
réduction du temps de travail pour ne pas se trouver en situation de surproduction. Mais cette
réduction du temps de travail a un caractère régressif et le chômage en est une forme limite. Il
a été décidé par des procédures compliquées que 10 % de la société serait inemployable, exclus
de l'emploi quasiment par définition. De nombreuses situations de demi-emploi vont alors être
créées. On va imposer des temps partiels aux femmes, des situations difficiles aux jeunes avec
des contrats à durée déterminée ou par intermittences. Toutes ces situations qui consistent à
baisser le temps de travail sous des formes socialement régressives vont être créées parce que
l'on refuse la voie équitable qui est celle du partage des gains de productivité. La forme de
partage des richesses actuellement défendu est défavorable aux salariés. Le transfert des
richesses se fait vers d'autre utilisation que la masse salariale prise très globalement.
Pascale Fourier : Mais est-ce que ce transfert des profits vers les détenteurs de capitaux
n'était pas une nécessité absolue à une certaine période justifiant ainsi le choix qui a été
fait ?
Michel Husson : Il est important de suivre une variable clé de l’économie qui est le taux de
profit. En effet, au moment de la crise, la rentabilité baissait. Le partage de la valeur ajoutée
s'est alors transféré au bénéfice du profit par le biais du passage au chômage ou la baisse des
salaires puisque c’est cela qui était visé. Le prétexte de la lutte contre l’inflation, c’est-à-dire
d’une montée trop rapide des prix était alors avancé. La principale explication économique vient
du théorème de Schmitt dont le contenu consiste à dire que les profits d’aujourd’hui sont les
investissements de demain et les emplois d’après demain. Or les profits ayant maintenant été
rétablis, on voit que le taux d’investissement ne monte pas. La proportion de la valeur ajoutée
qu’il y a dans l’investissement n’augmente pas. Les investissements attendus, devant créer des
emplois nouveaux notamment dans les nouvelles technologies, ne sont pas faits. Les salaires ont
bien baissés mais n’ont pas permis de faire monter l’investissement.