Patrimoine comme ressource Africités Yaoundé – Cameroun 04 Déc 03 Bien que le Patrimoine ne soit pas exclusivement architectural, il n’en représente pas moins une grande partie. Au-delà des vieilles pierres il est utile de se rappeler que la construction peut devenir de l’architecture et, éventuellement, contenir tout un patrimoine intangible. L’Architecture, c’est beaucoup plus que le bâtiment. L’Architecture constitue une plus-value à l’environnement. Si cette plus-value est difficilement quantifiable, son absence, en revanche, se constate immédiatement. On identifie la plus value en terme d’esthétisme – la beauté étant un terme qui demande une définition très délicate dans ce contexte - mais aussi surtout dans le fait que l’architecture est une œuvre d’art universelle dans son environnement, un produit de la conscience culturelle, de la tradition historique et de la spécificité régionale. Cette œuvre d’art repose sur une mosaïque très complexe de facteurs qui forment ensemble une entité harmonieuse. Elle comprend : Un usage mesuré des ressources naturelles Un respect de l’histoire Une connaissance des relations culturelles Une réponse aux spécificités locales Une attention aux conditions sociales Une exploitation optimale des facteurs Un développement des critères de valeur Une conception du temps présent L’architecture est le produit de cette interaction complexe. Le bâtiment et l’architecture représentent 50 à 70% de la richesse nationale. Un des buts de toute politique d’architecture doit augmenter la valeur de cette ressource car seule l’architecture peut créer cette valeur ajoutée à l’environnement naturel, social et culturel. Questions Comment l’innovation en architecture peut-elle se construire sur les traditions et l’histoire de la construction ? L’identité régionale en architecture, en économie et dans la société peut-elle être perçue comme une plus-value et comment trouve-t-elle sa continuité dans le monde moderne ? De quelle manière la conception peut-elle protéger nos ressources naturelles et améliorer les valeurs spirituelles de la beauté et de l’identité ? Respect de l’Histoire L’architecture en tant que ressource n’est pas seulement la somme de matériaux ;elle est aussi le dépositaire de l’histoire, de la conscience culturelle et de l’identité. Les valeurs culturelles disparaissent très vite dans ce monde de plus en plus global et modernisé. Elles englobent les paysages, les bâtiments, les aménagements urbains et les traditions, les langues et le patrimoine national. Des guerres archaïques viennent aggraver cette situation avec des armes ultra-modernes. Chez les Asiatiques, le Vastu Vidya et le Feng Shui codifient tout un savoir établissant les principes fondamentaux de la conception des espaces de vie et de la cité. Bien que certains y voient plus de mythes et de superstition, il est juste de constater que ces principes démontrent très souvent une compréhension très poussée de la climatologie et un respect profond de l’environnement. En Afrique aussi, il existe un ensemble de traditions fortement liées à des règles et des tabous concernant la création et l’usage de l’environnement bâti et naturel. Les buts sont les mêmes : retrouver une harmonie et vivre en coexistence pacifique à tous les niveaux de la vie physique et spirituelle. Ces traditions représentent aujourd’hui des millénaires de connaissances accumulées. De même que toute une industrie pharmaceutique s’est développée au départ des herbes et des plantes médicinales, il est un défi aux architectes et chercheurs de séparer la superstition de la sagesse et la connaissance pour trouver l’or caché. Un des défis de ce XXIe siècle dans la conception des bâtiments et des villes se trouve dans cette contradiction qui oppose la préservation et la modernisation. Notre tâche est de construire sur les valeurs culturelles existantes, de superposer une nouvelle couche culturelle sans rupture. La modernisation ne pourra être acceptée que si elle établit une relation avec le tissu urbain existant. Si nous ne créons pas de liens entre le présent et le passé et si nous n’arrivons pas à intégrer les nouveaux projets dans notre environnement durable futur, la population se détournera de plus en plus de l’architecture et consacrera son énergie à réhabiliter, à restaurer et à reconstruire les bâtiments du passé. « Le progrès sans un contexte historique » gagnera de plus en plus l’opinion publique. Cette logique dépassée de développement deviendra de plus en plus conflictuelle, et finalement très peu économique. Valeur ajoutée L’usage des techniques et des matériaux disponibles localement, sans coûts de transports onéreux, adaptés au climat et aux méthodes de production, a été développé sur plusieurs siècles. Leur validité technique et leur valeur économique ont produit de nombreuses typologies dans des contextes différents. La réutilisation ou l’adaptation des constructions anciennes constitue une solution naturelle au recyclage de matériaux anciens et une optimisation des ressources. Cette démarche ne doit pas s’arrêter aux matériaux mais doit s’intéresser aussi aux personnes. Il convient de rappeler ici un élément important. Souvent dans notre continent, comme dans de nombreux pays émergents, l’aide étrangère des pays donateurs et des Institutions Financières nous arrivent sous une forme conditionnelle. Elle est sujette à de nombreuses conditions. Il y a un besoin urgent d’impliquer davantage les professionnels locaux qui sont les seuls à avoir cette connaissance du contexte local, de son histoire, de son environnement social et culturel. Des partenariats équitables pourraient assurer un transfert de technologie et de savoir-faire, développer une nouvelle valeur ajoutée et contribuer à la richesse nationale. Ce partenariat serait d’autant plus précieux que les experts locaux ont une connaissance du contexte inégalée en matière de : données climatiques usage des techniques locales et traditionnelles et des matériaux appropriés problèmes d’entretien et de remplacement culture locale Si nous réussissons dans cette première tâche de démontrer la viabilité économique de certaines rénovations, reconversions, il est certain que nous intéresserons les acteurs du privé. Cette démarche peut aller jusqu’à la création de fondations, de mesures fiscales incitatives etc. Trop souvent, le reflexe de tout demander à l’état et aux institutions est devenu naturel. Se posent, bien entendu, les questions de contrôle, de dérapage. Néanmoins les réussites démontrent qu’il est possible de mettre en place des partenariats et des formules de collaboration entre les pouvoirs publics, le secteur privé et les institutions qui garantissent le succès de projets viables. Tout système de protection et de préservation peut être contre-productif s’il est perçu comme un obstacle au développement futur, à la modernisation de l’économie, à la création d’emplois et à l’investissement. Par conséquent nous avons besoin d’inventer des solutions qui prouveront que « l’histoire peut aussi être une ressource. » Innovation et Tradition Les leaders des constructions hi-tech et les managers de l’industrie hi-tech souhaitent que leurs bâtiments véhiculent cette image de « succès ». Certains architectes et certains politiciens aussi pensent que le hi-tech exprime cette image de modernité, d’architecture futuriste et de pouvoir de la nation. Ils expriment davantage une identité globale et une culture pseudo-universelle. Pour conclure il serait opportun de rappeler que : Pour rénover, réhabiliter, restaurer notre patrimoine, il est essentiel de consulter les fils du sol et les architectes locaux. Ils connaissent leur histoire et leur culture mieux que quiconque. Ils ont la sensibilité nécessaire. Restaurer notre passé, o c’est créer une valeur ajoutée économique et culturelle pour le tourisme qui paradoxalement veut découvrir notre culture pendant que nous essayons de la « moderniser ». o C’est aussi retransmettre la connaissance de nos aînés à la jeune génération Nous devons : . Ce respect pour l’Histoire Le considérer comme une valeur ajoutée, une conscience culturelle et identitaire Et innover une nouvelle couche de tradition future.