« Baroque »

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« Baroque »
« La littérature baroque »
Marie-Annick Cluzan
Conseillère pédagogique Pessac
Décembre 2009
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« La littérature baroque »
Sommaire
INTRODUCTION
Les origines du baroque
PERIODE
1598 – 1630
CARACTERISTIQUES
Une conception du monde en transformation permanente
Le triomphe du mouvement
Le goût pour le provisoire
Le sens de la complexité
Une aspiration à la liberté
La maîtrise des évènements
Une ouverture sur l’extérieur
L’inconstance amoureuse
La force des apparences
Un art de la vie
LES GENRES LITTERAIRES
La poésie
Le roman
Le théâtre
La littérature d’idées
Le militantisme religieux
L’humanisme chrétien
La libre pensée libertine
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INTRODUCTION
Le terme « baroque » provient du portugais « barrocco », terme technique de joaillerie, et
désigne à l’origine les perles de forme imparfaite. Il a dérivé dans certains pays, notamment
en France, dans le sens de l’irrégularité, de l’insolite ou du barbarisme. Il n’en a pas été de
même dans d’autres pays, notamment en Allemagne ou en Espagne, où le terme a défini l’art
d’une période historique, sans jugement de valeur. Les Français, qui ont été très résistants à
l’idée de baroque, y ont vu longtemps une importation étrangère (italienne, ibérique,
germanique) qui viendrait perturber une « clarté » classique, inhérente à la culture française.
Le mot « baroque », comme la plupart des termes qui servent à définir la création artistique, a
un double champ d’application. Il est utilisé, de façon générale, pour rendre compte d’une
forme d’esprit qui peut apparaître à n’importe quelle époque. Le baroque peut ainsi se
manifester au XXème siècle et l’on dira de tel auteur contemporain, comme Céline, qu’il s’en
inspire.
PERIODE
La période à dominante baroque en littérature est limitée dans le temps. Bien que cette notion
n’ait été utilisée que beaucoup plus tard par la critique littéraire, elle s’applique
particulièrement aux années 1598-1630. Après 1630, on assiste à une période de transition, où
le baroque continue à jouer son rôle mais est peu à peu supplanté par un classicisme qui
mettra du temps à éliminer les influences antérieures.
CARACTERISTIQUES
C’est une période d’instabilité permanente, d’incessantes remises en cause qui, tout
naturellement, est marquée par une littérature de l’excès, de la démesure, de l’apparence qui
s’exprime dans une langue riche, parfois jusqu’à la luxuriance. Les caractéristiques de
l’homme baroque se retrouvent dans sa littérature.
* Une conception du monde en transformation permanente
- Le triomphe du mouvement
L’homme du début du XVIIème connaît une situation perturbée, bouleversée par des
transformations incessantes. C’est cette agitation permanente qui explique une des idées
forces de la pensée baroque : le monde est en train de se construire. Rien n’est définitif. Rien
n’est figé. Tout se modifie sans cesse. Tout change. Tout bouge.
- Le goût pour le provisoire
L’homme baroque est attiré par l’eau, image même de l’écoulement, de l’insaisissable ou par
le feu aux formes étranges et éphémères. Il aime se déguiser, se travestir. C’est l’apparence
qui compte, c’est « l’habit qui fait le moine ».
De même, il est très sensible à la nature parce que, pour lui, les modifications qu’elle subit, au
fil des saisons, sont des signes palpables, concrets de ces transformations incessantes : poète,
il exalte volontiers les charmes de la campagne. Il est séduit par l’aventure qui, en cette
période troublée, marque sa vie : il se délecte de passion, de bruit, de fureur et de péripéties.
- Le sens de la complexité
L’homme baroque développe un sens aigu de la complexité. Une réalité n’est jamais simple et
il faut tenir compte de tout ce qui la constitue. Une réalité peut être contradictoire et certains
écrivains s’efforcent de montrer les contradictions qui divisent l’être humain.
Une telle approche permet de saisir la diversité des choses et évite également l’intolérance.
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Personne n’est détenteur d’une vérité absolue. Chacun possède sa vérité qui ne condamne pas
pour autant la vérité des autres.
* Une aspiration à la liberté
- La maîtrise des évènements
Pour l’homme baroque, rien n’est plus aliénant que les règles et il n’existe pas de lois
intangibles. L’être humain dispose, dans ces conditions, d’une liberté d’action. Il peut lutter
contre les forces extérieures avec des chances de succès. Son avenir lui appartient, il dépend
de ses choix et l’irréversible n’existe pas. Le hasard même qui marque le monde lui est
favorable parce qu’il lui offre, sans cesse, des chances nouvelles.
Quant à la mort, elle n’est qu’une transition dans cette incessante transformation que connaît
la matière.
- Une ouverture sur l’extérieur
L’homme baroque refuse de se laisser dominer par les évènements. Il ne s’enferme pas à
l’intérieur de lui-même. Au contraire, il aspire à s’emparer de toutes les expériences qui
s’offrent à lui. Il est, avant tout, homme d’action. Il exerce sa curiosité sur tout ce qui
l’entoure, sans cesse avide de nouveautés.
- L’inconstance amoureuse
Le sentiment amoureux n’est jamais suffisamment puissant pour enfermer le héros baroque
dans une passion destructrice et exclusive. La fidélité n’est pas son fort. Il peut être désespéré
mais meurt rarement d’amour.
* La force des apparences
L’homme baroque rejette l’absolu. Il ne croit pas en l’existence de vérités définitives. Il
pense, au contraire, que tout est apparence. Ce qui compte pour lui, ce n’est pas ce qui est
mais ce qui paraît être. Les auteurs dramatiques jouent avec la fiction et la réalité. Cette
« floraison décorative » est en liaison avec leur volonté de laisser s’exprimer leur fantaisie, de
ne pas soumettre leur art à des règles, de revendiquer la pleine liberté d’expression.
* Un art de la vie
L’homme baroque entend profiter de la richesse de la vie. Il est attiré par le pittoresque, par
l’anecdotique, par ces mille détails qui font la saveur des choses, par tout ce qui bouge, par
tout ce qui vit. Il recherche les effets de surprise.
Il aime le concret. Il est ouvert aux sensations. Il est fasciné par l’ornement, voire la surcharge
qui s’exprime en particulier dans l’hyperbole, forme d’exagération.
L’homme baroque est obsédé par le mouvement, préfère la ligne courbe à la ligne droite, les
sentiers sinueux aux chemins rectilignes, la périphrase qui développe au mot qui précise.
Il a le culte du lyrisme et du pathétique qui lui permettent d’exprimer avec force ses
sensations. Il n’en dédaigne pas pour autant le réalisme dont il se sert pour cerner la
complexité des réalités humaines. Il est attiré par le fantastique, par tout cet inconnu auquel sa
curiosité aspire.
La littérature baroque utilise des moyens destinés à produire des effets, à agir sur l’imaginaire
et l’affectivité, avec une oscillation entre les deux pôles de :
- la « venustà », le charme, utilisant des moyens de séduction comme le mot d’esprit, le
« concetto », cliquetis précieux,
- la « terribilità », désir d’impressionner, par la grandeur, la pompe, l’emphase, la volonté
d’en imposer.
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LES GENRES LITTERAIRES
Dans cette période, on assiste à l’épanouissement de quatre genres :
- la poésie,
- le roman,
- le théâtre,
- les écrits moraux ou spirituels.
* La poésie
Le baroque se prête à la satire. Il lui offre, pour dénoncer les vices du temps, toutes les
ressources de ses comparaisons, toute le gamme de ses exagérations.
Extrait : « Satire IX » de Mathurin Régnier (1573-1613)
Mais le baroque donne surtout naissance à une poésie lyrique, subtile et émouvante,
expression des sentiments personnels face à l’amour, à la nature, à la fuite du temps ou à la
mort.
Extrait : « Et rose elle a vécu… » de François de Malherbe (1555-1628)
Certains poètes s’adonnent à l’outrance, en multipliant les images, les comparaisons et les
oppositions.
Extrait : « Les solitudes et autres poèmes » de Luis de Gongora (1561-1627)
On retrouve l’amour à la nature et la sensibilité au changeant, à l’éphémère
Extrait : « Le matin » de Théophile de Viau (1590-1626)
* Le roman
Le roman baroque présente deux aspects :
- l’idéalisme,
- le réalisme,
et la ligne de démarcation entre les deux est généralement nette et tranchée. Les uns croient en
la suprématie de l’esprit et donnent à l’amour une signification essentiellement spirituelle,
l’interprètent comme une communion des âmes. Ils se livrent à une description idéalisée de
l’homme.
Les autres attachent une plus grande importance au corps, soulignent l’aspect sensuel de
l’amour. Ils peignent l’homme de façon réaliste, tel qu’il est, avec ses défauts, ses
insuffisances, ses ridicules.
L’idéalisme s’affirme dans le roman héroïque (« Carithée » de Marin Le Roy de Gomberville
1660-1674) et le roman pastoral, romans-fleuves, qui atteignent parfois plusieurs milliers de
pages. L’exactitude historique n’y est que relative et ce qui importe surtout, c’est la
description de la passion amoureuse. Il s’agit d’un amour éthéré qui incite le héros à se livrer
à de hauts faits pour plaire à la femme aimée.
Extrait : « L’Astrée » d’Honoré d’Urfé (1567-1625)
Le roman comique, à travers des aventures pittoresques et amusantes, décrit la société, en
soulignant l’importance des réalités quotidiennes, en éclairant d’une lumière crue tout ce qui
est prosaïque dans la vie humaine.
Extrait : « Francion » de Charles Sorel (1602-1674)
Charles Sorel reprend du roman espagnol, la tradition du Picaro, cet être en marge de la
société. Dans ce registre, le roman « Don Quichotte » de Miguel de Cervantés (1547-1616)
joua en France un rôle déterminant.
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* Le théâtre
Le théâtre apparaît comme le domaine privilégié de l’outrance baroque. Tout naturellement,
dans cette période troublée, les thèmes développés s’inspirent des faits de la vie quotidienne :
la mode des épisodes guerriers et romanesques rappelle combien l’existence était semée
d’embûches et de dangers, tandis que l’horreur et la cruauté deviennent matière à spectacles.
L’histoire de la littérature ne fait guère de place à ces auteurs, pourtant en grand nombre, tant
leur style, aussi bien que la complication des intrigues rendent la lecture de leurs œuvres bien
difficile. On peut retenir le nom de Thomas Hardy ( 1570-1632), auteur à succès, qui aurait
composé quelque 600 pièces. En Angleterre, les pièces de Shakespeare, atteignent le
paroxysme dans la cruauté et dans l’horreur et sont servies par une expression luxuriante qui
fait une large part au lyrisme.
Extrait : « Hamlet » de William Shakespeare (1546-1616)
C’est la tragi-comédie qui domine. Son originalité réside dans le traitement du ton : comme la
tragédie, elle connaît une tension dramatique mais s’achève, comme la comédie, sur une fin
heureuse pour des personnages sympathiques.
Les tragi-comédies pastorales s’inspirent des modèles italiens et connaissent une grande
vogue. La pastorale se déroule dans un décor champêtre. Elle met en scène des bergers et des
bergères. Elle repose sur un système d’amours d’une complexité baroque : un personnage
aime un autre personnage mais n’en est pas aimé. Ce second personnage en aime en effet un
troisième qui ne l’aime pas, car lui-même éprouve une passion pour un quatrième qui, pour sa
part, est épris du premier. Tout se terminera au mieux, après de nombreux rebondissements,
sur une constitution harmonieuse des couples.
* La littérature d’idées
La religion occupe une place essentielle dans ces écrits. C’est par rapport aux problèmes de
foi que se définissent les trois courants qui la traversent :
- le militantisme religieux,
- l’humanisme chrétien,
- le libertinage.
- Le militantisme religieux
Les divergences qui existent entre catholiques et protestants ne se règlent pas seulement par
les armes, elles s’expriment aussi par les mots et donnent lieu à une littérature militante,
marquée par la passion.
Du côté protestant, on peut citer « Les Tragiques » d’Agrippa d’Aubigné(1552-1630) et du
côté catholique, « Les Trois Vérités » de Pierre Charron (1541-1603)
- L’humanisme chrétien
Il s’inscrit dans un souci d’apaisement et de réconciliation. C’est surtout François de Sales
qui en apparaît comme le modèle. Il est l’exemple même d’un engagement tolérant, de cette
conviction que le véritable militantisme religieux doit exclure la violence et le fanatisme.
Extrait : « Introduction à la vie dévote » de François de Sales ( 1567- 1622)
- La libre pensée libertine
S’inspirant du philosophe grec Epicure, elle développe une conception matérialiste du monde.
Le libertinage revendique le droit à la libre pensée, fournit une explication du monde qui
échappe aux schémas religieux traditionnels. Comme Dieu n’existe pas, il faut profiter de
l’existence terrestre. Dans ces conditions, son but, son devoir d’homme est de rechercher les
plaisirs. Le libertin est constamment ouvert aux satisfactions de l’esprit et du corps. Il
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apprécie les beautés de la nature et de l’art. Il aime bien boire, manger, dormir et est sensible à
l’amour. On peut citer des auteurs tels que : Gassendi (1592-1655), Théophile de Viau (15901626), Tristan l’Hermite (1601-1655), Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655), SaintAmant (1594-1661).
Extrait : « Le paresseux » de Saint-Amant (1594-1661)
Mais les autorités religieuses veillent et essaient, par tous les moyens, de dénigrer cette
conception en la réduisant à un comportement moral dépravé, en attribuant au mot « libertin »
une étiquette résolument péjorative.
CONCLUSION
Bref, le baroque, c’est la vie, c’est l’art de la vie, parfois outrancier et théâtral, mais séduisant
par sa capacité à adhérer pleinement au monde.
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