». L’Ancien Testament parle à l’enfance de l’humanité, il présente un Dieu autoritaire, jaloux
et toute une série de mythes ; le Nouveau Testament parle à la jeunesse de l’humanité en
proposant une conception plus abstraite du divin (la trinité) et des paraboles plus élaborées ; la
philosophie (des Lumières) doit désormais parler à l’âge adulte de l’humanité : « cet âge de la
perfection où l’homme fera le bien parce que c’est le bien ».
• Hegel : La philosophie de l’histoire de la philosophie.
Qu’est-ce que la dialectique ?
La dialectique rythme toute la philosophie de Hegel et, selon Hegel, toute la vie. Elle en est comme la
respiration. Le principe de la dialectique est que l’on ne peut se poser qu’en s’opposant. Une métaphore, utilisée
par Hegel lui-même, permet de comprendre ce mouvement qui ne définit pas seulement (comme chez Platon ou
Aristote) une méthode pour accéder à la science, mais le mouvement même du réel. 1) Le «germe» correspond
au premier moment (ce que Hegel appelle « l’en soi ») : il contient «en puissance», mais de manière non
déployée, toute la richesse de la réalité à venir ; 2) le germe passe ensuite à « l’existence » (« Dasein ») qui est le
développement diversifié des potentialités : c’est le moment de la différence et de l’opposition ; 3) Le troisième
moment est le « pour soi » qui marque le retour à l’unité : c’est le fruit, qui est à la fois le produit ultime du
développement et le porteur de nouveaux germes. Le « pour soi » à la fois dépasse et conserve les deux moments
précédents. Exemple.
Art, Religion, Philosophie
Selon Hegel ces trois grands domaines de la culture obéissent à une seule et même visée : exprimer
l’absolu ou le divin, c’est-à-dire l’idée qu’il y a, en l’homme, « du plus grand que l’homme ». Ils se distinguent
simplement dans leur mode d’expression.
L’art représente le divin dans une œuvre, c’est-à-dire qu’il traduit cette grandeur supra-humaine dans
une matérialité qui s’adresse aux sens. Tout art en ce sens est sacré, mais le sacré échappe nécessairement à l’art,
puisque celui-ci exprime le sacré dans un élément (le sensible) qui n’est pas le sien. C’est ainsi qu’il faut
comprendre la fameuse thèse hégélienne de la «mort de l’art» selon laquelle l’art appartiendrait à une époque
révolue de l’histoire humaine. Elle ne signifie pas que l’art est voué à disparaître. L’art nous plaît et continuera
de nous plaire, mais il ne fait que nous plaire, il ne définit plus essentiellement notre rapport au monde et à la
transcendance.
Face à cet épuisement de l’esthétique, c’est la religion qui prend le relais. Elle va aller beaucoup plus
loin que l’art, car elle exprime le divin, non dans une œuvre, mais dans le for intérieur (la foi). Pour ce faire, elle
va avoir recours, comme le Christ, à des paraboles, à des mythes, à des métaphores qui parlent à la conscience
des hommes. Mais cette expression reste encore limitée, car la religion s’adresse aux hommes comme à des
enfants (voir l’encadré sur Lessing). Ici non plus Hegel ne prédit pas la disparition des religions ; il constate
seulement que le discours religieux a cessé de nous guider comme avant dans toutes les étapes de notre vie
individuelle et collective.
Penser la grandeur de l’homme
Seule la philosophie — et évidemment, pour Hegel, la sienne — pourra accomplir la tâche de penser et
de dire convenablement le divin : c’est dans l’élément de la raison, ou comme dit Hegel, du concept, que
l’absolu se retrouve « chez lui ». L’homme alors grâce à la philosophie devient véritablement « grand ». Grand,
au sens d’adulte, parce qu’il accède enfin à l’autonomie et à l’expérience qui caractérise cet âge ; grand aussi, au
sens où l’on parle de la grandeur d’un « grand homme», c’est-à-dire d’un individu qui se dépasse lui-même, qui,
comme on dit, se « transcende ».
Bref, la religion d’un peuple libre, c’est la philosophie ; la philosophie, c’est la philosophie hégélienne
qui en achève l’histoire conflictuelle ; la philosophie hégélienne c’est le point de vue de l’humanité enfin
parvenue à l’âge adulte, réconciliée et transcendée. Tel est le sens de la formule célèbre sur la «fin de l’histoire»
(voir F. Fukuyama). Elle ne signifie pas qu’il ne se passera plus rien dans la vie des peuples ou dans la vie de la
pensée, mais que l’humanité est parvenue à un état de lucidité (le savoir absolu) tel que tous les événements
pourront désormais être interprétés et compris. Etre adulte, avoir de l’expérience, ce n’est pas avoir tout
expérimenté, c’est être capable de faire face à la nouveauté.
4) L’histoire de la philosophie comme déconstruction : la généalogie nietzschéenne
Conclusion : le maintien du tragique (il n’y a pas de fin de l’histoire) — pour une histoire
philosophique de la philosophie (Kant).