27 Janvier 2009 Conférence Economie sociale Les Echos Quelles stratégies de développement ? Maison de la Chimie à Paris. Cette première conférence, organisée par les Echos et le CEGES, fait suite à la collaboration engagée depuis plusieurs années avec PriceWaterHouseCoopers (PWC) et le Groupe Caisse d’Epargne (GCE) dans le cadre des petits déjeuners de l’Economie Sociale, qui se tiennent régulièrement au Cercle Républicain, à Paris. Promouvoir une manifestation plus large que les petits-déjeuners, donner un prolongement à la première Rencontre nationale des chefs d’entreprise de l’économie sociale du 18 janvier 2008 à la Mutualité, ont fait partie des réflexions qui ont conduit les 3 partenaires à répondre positivement à la proposition des Echos, d’organiser une conférence sur l’Economie Sociale, en développant l’aspect entrepreneurial de ce secteur. Cette conférence, a pour objet de mettre en lumière les capacités de nos entreprises, leur ambition aussi, celle de continuer à entreprendre autrement, dans un monde tel qu’il est, que nous voudrions voir changer et pour lequel elles proposent leur modèle. Or, les difficultés majeures de notre secteur sont aujourd’hui celles de la visibilité et de la reconnaissance. Comment promouvoir nos modalités d’entreprendre autrement auprès de ceux qui les ignorent ou les dénigrent ? Utiliser les moyens de communication qui permettent aujourd’hui d’exister sur la place publique est la stratégie adoptée par le CEGES. Sortir des cercles clos, des initiés, pour aller à la rencontre des vecteurs d’opinion, en l’occurrence les grands médias, comme Les Echos. Les entreprises de l’Economie Sociale agissent dans le marché, assument et gèrent les tensions qui naissent de leur positionnement original. La question des stratégies de développement à mettre en œuvre, par des entreprises qui affichent « entreprendre autrement », « tout en relevant le défi du marché concurrentiel et mondialisé, sans faire de compromis sur leur valeurs originelles » est un thème qui intéresse autant Les Echos (leur lectorat et le public auquel ces conférences s’adressent habituellement), que nous-mêmes. Quelques propos tenus et entendus… Près de 160 participants représentant une centaines de structures de l’économie sociale et du secteur marchand (20% avec principalement des experts, des cabinets d’audit et agences d’analyse financières ) débattaient, le mardi 27 janvier à la maison de la chimie sur le thème : « Economie sociale : quelles stratégies de développement ? » Le Marché européen, les stratégies de développement externe, de l’internationalisation des activités, du financement du développement, les modes et outils de gouvernance, l’internationalisation des activités étaient à l’ordre du jour. ●◘● L’économie sociale représente aujourd’hui 10% des emplois sur tout le territoire européen mais ses organisations ne sont pas reconnues dans leur spécificité de société de personnes et non de capitaux. Comment faire reconnaître leurs valeurs, leurs modes de gouvernance par les institutions européennes ? Depuis les années 80, leur importance a été reconnue par le Parlement Européen et le Comité économique et social Européen et concrètement, plusieurs rapports et résolutions insistent la nécessité de valoriser l’importance et la spécificité des acteurs en créant un statut juridique européen propre à chacun d’eux. Si le statut de la Coopérative européenne (SCE) l’est depuis 2003, il ne peut s’agir que d’une étape vers la reconnaissance des autres entreprises de l’économie sociale : associations, fondations, mutuelles. Les dispositifs de soutien et de développement aux entreprises mis en place récemment par la Commission européenne : le Small Business Act (SBA) et le statut de Société privée européenne (SPE). Ils ne laissent pas de place aux entreprises de l’économie sociale. C’est la liberté d’entrependre qui est ici remise en question. ●◘● En France, l’économie sociale représente 12% des salariés. Les structures varient en tailles et se développent selon des modalités diverses. Comment s’associer et se développer ? En réalisant une « fusion solidaire » précise Jean-Guy Henckel (Directeur national des Jardins de Cocagne). Ainsi, le développement passe aussi par une logique de réseau comme le montage de projets avec des équipes diversifiées (belges, espagnoles, marocaines…) sur le territoire national et européen, la diversification de la production, en soutenant des personnes exclues sociales (femmes, handicapés…) pour des activités de restauration (« Planète Sésame » à Marseille), de vente de fleurs (« Fleurs de Cocagne » à Avignon). Pour Unigrains, il s’agit plutôt d’organiser les alliances mais avec une logique de pérennisation des filières de la structure. Cette société financière spécialiste de l’agro-alimentaire, est née de la solidarité des céréaliers envers les éleveurs, il y a 40 ans. Assurer aux 2 secteurs de la céréaculture et de l’élevage, un développement fort et solidaire, a été le moteur de l’action. Les 330 entreprises partenaires qui viennent tout autant du secteur coopératif que du secteur marchand, permettent à Philippe Ducroquet (Directeur général délégué), de constater que « Les alliances mixtes ont aussi du sens ». Y-a-t-il une taille critique pour la Mondragon Corporacion Cooperativa (MCC) créée en 1956, au Pays Basque ? Elle emploie plus de 100 000 personnes dans les 250 entreprises et entités dont environ la moitié sont des coopératives et dont l’activité couvre trois domaines : Financier, Industriel et distribution. De quelle façon, le groupe coopératif Mondragon vit-il la mondialisation ? Le groupe intensifie sa présence internationale, en renforçant l’exportation et l’implantation productive à l’extérieur (Afrique du sud, Brésil, France, Mexique, Royaume Uni, Thaïlande…). Jusqu’où ira le développement du groupe coopératif Mondragon ? L’investissement à l’étranger est décidé par l’Assemblée générale : aujourdhui, 72 structures, en 2010, l’objectif est de 90. ●◘● Les entreprises de l’économie sociale revendiquent des signes distinctifs des sociétés marchandes. Quels modes et outils de gouvernance mettent-elles en place, pour avoir un sociétariat qui se sente concerné, qui soit participatif ? Qu’est-ce qu’une « bonne » gouvernance ? Quelles en sont les règles, les contraintes notamment face à la nécessité de performance économique ? La gouvernance, déclare Daniel Lebègue (président de l’IFA) est « le système de contrôle et de direction d’une organisation ». Conçue au départ pour les sociétés cotées en Bourse, elle a été très rapidement une préoccupation des entreprises de l’économie sociale. Pour ces dernières, la gouvernance présente 3 spécificités : l’autorité émane de l’Assemblée générale qui représente les sociétaires, le processus de décision s’appuie sur le principe démocratique « un homme, une voix », et les entreprises sont à but non lucratif, c'est-à-dire qu’elle ne rémunèrent pas l’actionnaire mais réinvestissent les bénéfices pour le bien commun des sociétaires dont « l’exigence est différente » souligne Yves Nicolas (Directeur général de PricewaterhouseCoopers) des actionnaires des sociétés marchandes. La gouvernance est une préoccupation qui remonte aux années 97 et 98, rappelle Gérard Andreck (Directeur de la Macif). Un premier bilan a été fait en 1998/99, quand la réglementation s’est faite plus prégnante. Mais c’est aussi la question du lien fort avec le sociétariat. Pour ce faire, cela passe par la régionalisation des structures (11) la représentation des sociétaires par les délégués (2000 hommes et femmes de terrain, militants dans l’action associative ou sociale). Ceux-ci, notamment, débattent chaque année de la politique tarifaire de l’entreprise avant qu’elle ne soit présentée au Conseil d’Administration. La gouvernance, c’est aussi la formation des élus, la formation interne des salariés car « comment envisager une entreprise de l’économie sociale dans laquelle les salariés n’ont pas de tradition mutualiste » ? A l’Una, la gouvernance a été pratiquée « sans le savoir » déclare André Flageul (Président) car elle s’est organisée à partir des défis que la structure s’est fixée. « Etre à l’écoute de l’usager. Le mettre au cœur du dispositif et refuser toute forme d’exclusion ». La gouvernance a besoin de principes : l’affirmation de la prééminence du projet et du politique, la liaison entre le politique et le technique, la démarche de coopération et de mise en synergie… Et la démocratie participative ? Pour André Flageul, c’est la façon de l’organiser qui la rend efficace : elle repose sur une cohérence entre les valeurs et les modes d’organisation par une intensification de la démocratie participative (l’organisation des débats dans le dispositif institutionnel de l’entreprise, organisation de réunions avant chaque Conseil d’administration, réunions trimestrielles des réunions de régions et départements…). Avant tout, « la démocratie est une question de citoyenneté » déclare le Président de l’Una. Position identique à la Macif, qui a lancé depuis la fin 2008 une consultation pour déterminer ses priorités stratégiques pour la période 2010-1015. Les 2000 délégués régionaux sont associés aux travaux ainsi que les salariés, les partenaires sociaux et pour la première fois, les 4, 7 millions de sociétaires. En effet, « Un projet à la Macif ne vaut que s’il est partagé… Il s’agit d’un acte de démocratie participative où tous les intéressés peuvent donner leur avis ». La Conférence les Echos voulait parler des stratégies de développement des structures de l’économie sociale mais parler de développement pour ces structures, c’est conserver les valeurs fondatrices, c’est réaliser des fusions qui sont aussi solidaires, à caractère social tout autant qu’économique et financier, c’est gérer de façon participative, c’est être à l’écoute des individus pour satisfaire leurs besoins, c’est avoir une pratique équilibrée dans la gestion des excédents, c’est privilégier la recherche, l’innovation en matière de services. Autant de défis à relever pour les entreprises de l’économie sociale, mais ce n’est pas impossible : les entreprises présentes en ont fait la démonstration.