Fédération des Associations de Chasse et Conservation de la Faune Sauvage de l’U.E. Federation of Associations for Hunting and Conservation of the E.U. Zusammenschluss der Verbände für Jagd und Wildtiererhaltung in der E.U. Federazione delle Associazioni venatorie e per la Conservazione della Fauna Selvatica dell’U.E. Federación de las Asociaciones de Caza y Conservación de la Fauna Silvestre de la U.E. CC/2006-011 10.04.2006 Le Plan d’Action « Bien-être animal » de la Commission européenne Une tentative d’étendre la compétence de l’UE dans ce domaine aux animaux sauvages ? 1. Le concept de bien-être animal Les préoccupations pour le bien-être animal ont pour objet de minimiser la souffrance des animaux, notamment en améliorant leurs conditions de vie et en s’assurant qu’ils soient abattus ou tués d’une manière correcte et rapide. Dans l’UE, les règles et la législation pour le bien-être animal ont principalement trait aux animaux de ferme. A côté d’arguments d’ordre éthique ou moral, il est généralement accepté que des meilleurs normes de vie vont résulter en une meilleure santé animale et par conséquent aussi en des produits d’origine animale de meilleure qualité. Le principal argument juridique est toutefois que des normes minimales communes de bien-être pour des animaux de ferme sont nécessaires afin d’éviter de la distorsion de concurrence qui seraient le résultat au cas où les exigences imposées aux agriculteurs diffèreraient considérablement d’un pays à l’autre. 2. Le bien-être animal dans la réglementation communautaire En vertu du Traité CE (et en particulier de son Protocole sur la protection et le bien-être des animaux) l’UE est compétente pour l’adoption de législation sur le bien-être d’animaux vivants dans le cadre et les objectifs des politiques en matière de l’agriculture, du transport, du marché intérieur et de la recherche. Leur bien-être ne constitue toutefois pas une fin en soi, mais uniquement comme un facteur qui doit être pleinement pris en compte lors de l’élaboration et la mise en vigueur de ces politiques. Le Traité CE ne fournit donc pas de base juridique pour l’introduction de législation visant spécifiquement l’amélioration du bien-être des animaux. Ceci ressortait déjà clairement de la Décision 78/923/CEE, approuvant au nom de la CEE (ayant précédé l’UE) la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages (adopté en 1976 par le Conseil de l’Europe). Elle stipule que « la protection des animaux ne constitue pas en soi l'un des objets de la Communauté (…) toutefois, les législations nationales actuellement en vigueur dans le domaine de la protection des animaux dans les élevages présentent des disparités pouvant créer des conditions de concurrence inégales et avoir, de ce fait, une incidence directe sur le fonctionnement du marché commun. » L’UE a adopté plusieurs Directives et Règlements qui améliorent le bien-être d’animaux d’élevage ou de recherche, utilisant les Articles du Traité en rapport avec la Politique Agricole Commune ou avec le Marché Intérieur en tant que base juridique. 3. Jurisprudence de la Cour de Justice des CE La Cour de Justice CE (Affaire C-189/01) a confirmé qu’il faut donner une interprétation restrictive au concept de bien-être animal : 1 “71. À titre liminaire, il convient de rappeler qu'assurer le bien-être des animaux ne fait pas partie des objectifs du traité, tels qu'ils sont définis à l'article 2 CE, et qu'une telle exigence n'est pas mentionnée à l'article 33 CE, qui décrit les objectifs de la politique agricole commune. (…) 73. S'agissant du protocole (sur la protection et le bien-être des animaux), il ressort de son libellé même qu'il n'établit pas un principe général de droit communautaire d'un contenu bien déterminé qui s'impose aux institutions de la Communauté. En effet, s'il impose de «tenir pleinement compte» des exigences du bien-être des animaux lors de la formulation et de la mise en oeuvre de la politique communautaire, il limite cependant cette obligation à quatre domaines spécifiques de l'activité de la Communauté (agriculture, transport, marché intérieur et recherche) et prévoit le respect des dispositions législatives ou administratives et des usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. » 4. L’UE et le bien-être d’animaux sauvages En vertu de l’Article 174 « Politique environnementale » du Traité CE, l’UE a adopté depuis 1979 un certain nombre d’instruments juridiques – tels que les Directives « Oiseaux » et « Habitats » - pour la conservation de la nature, y compris des animaux sauvages. Leurs dispositions peuvent par exemple interdire l’utilisation de moyens de capture ou de mise à mort non discriminatoires ou non sélectifs – non pas parce qu’ils seraient considérés comme « cruels » mais seulement parce qu’ils risquent de menacer certaines espèces rares. Le bien-être d’animaux sauvages individuels n’est pas en relation avec la conservation de l’espèce en question – d’un point de vue de la biodiversité, il n’est pas pertinent si un animal individuel meurt plus ou moins rapidement, ou avec plus ou moins de souffrance. L’UE a adopté quelques instruments juridiques qui semblent être en rapport avec le bien-être d’animaux sauvages mais ceux-ci visent en fait également à la conservation de la biodiversité et de la vie sauvage. La motivation de la Directive « Bébés phoques » 83/129/CEE était basée sur des soucis pour la conservation et le statut de population des phoques à capuchon – la « cruauté » ou le bien-être animal n’étaient mentionnés nulle part. Cette Directive fut adoptée sous l’Article 235 du Traité CEE (maintenant 308 du Traité CE) qui permet aux Institutions d’agir dans un domaine pour lequel elles n’ont pas de pouvoir en vertu du Traité, à condition que tous les Etats membres soient d’accords. Le Règlement « Pièges à mâchoires » 3254/91/CEE – dans lequel le concept « bien-être animal » n’apparaissait pas – utilisait comme base juridique l’Article 113 du Traité CE (maintenant 133, Politique commerciale) mais aussi l’Article 130s (maintenant 175, Politique environnementale). L’utilisation de ce dernier était justifiée dans le Considérant du Règlement avec l’argument que la Convention de Berne « interdit l'utilisation de tous les moyens non sélectifs de capture et de mise à mort de certaines espèces, y compris les pièges-trappes, si ces derniers sont appliqués pour la capture ou la mise à mort massive ou non sélective » et que « l'abolition du piège à mâchoires aura un effet positif sur l'état de conservation des espèces de la faune sauvage menacées d'extinction tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Communauté, y compris les espèces protégées en vertu du règlement (CEE) no 3626/82 (le Règlement CITES) ». L’utilisation de l’autre Article du Traité était aussi justifiée dans la Considérant « pour protéger de manière adéquate les espèces de la faune sauvage et éviter des distorsions de concurrence, il est nécessaire de faire en sorte que les mesures du commerce extérieur y afférentes soient appliquées de manière uniforme dans l'ensemble de la Communauté. » 2 La Directive « Zoos » 1999/22/CE est aussi basée sur la politique Environnementale (Article 175 du Traité CE) mais ne s’occupe pas du bien-être d’animaux sauvages (en captivité) – le mot « bien-être » ne figure nulle part dans le texte. Selon son Article 1er, la Directive a pour objet « de protéger la faune sauvage et de préserver la biodiversité en prévoyant l'adoption par les États membres de mesures d'octroi de licences et d'inspection des jardins zoologiques dans la Communauté, renforçant ainsi le rôle des jardins zoologiques dans la conservation de la diversité biologique. » 5. Position de la Commission européenne Jusqu’il y a assez peu de temps, la Commission européenne admettait que la compétence de l’UE en matière de bien-être animal est limitée. Dans un certain nombre de réponses à des Questions écrites de Députés européens (entre autres E-0826/00, E-0573/02, E-1634/02, E-2943/03), la Commission souligna que cette compétence se limite aux politiques agricole, de transport, du marché intérieur et de la recherche. A moins qu’il y ait un lien clair avec ces politiques, l’UE n’a pas de compétence pour des thèmes tels que les courses des lévriers, les corridas, les rodéos, les animaux errants ou la chasse à courre – pour la Commission, ceux-ci relèvent de la seule juridiction des Etats membres. Cette position semble avoir changé avec la Proposition de la Commission pour une Directive sur des normes de piégeage sans cruauté COM(2004)532 final (juillet 2004) et avec sa très récente Communication pour un Plan d’Action sur le Bien-être animal COM (2006)13 (janvier 2006). 6. Proposition pour une Directive introduisant des normes de piégeage sans cruauté Le Règlement « Pièges à mâchoire » de 1991, interdisant l’utilisation de ces pièges dans l’UE, interdisait aussi l’importation de produits de fourrure sauvage en provenance de pays tiers qui utiliseraient des pièges à mâchoire, ou tout autre piège qui ne respecterait pas des normes internationales de piégeage sans cruauté. Etant donné que pour le Canada, les USA et la Russie (les principaux pays exportateurs de fourrure) ce Règlement constituait une restriction unilatérale du commerce international, l’UE – afin d’éviter un conflit formel de commerce sous le GATT ou l’OMC – entamait des négociations avec ces trois pays pour élaborer des normes internationales de piégeage sans cruauté. Ce processus a résulté en 1998 en l’Accord sur des normes internationales de piégeage sans cruauté (AIHTS). Afin de transposer cet AIHTS, la Commission a présenté en juillet 2004 sa Proposition pour une Directive sur des normes de piégeage sans cruauté, utilisant comme base juridique l’Article 175 « Politique environnementale » du Traité CE, malgré le fait que cet Article ne réfère pas au bien-être d’animaux sauvages, mais uniquement à leur conservation. La Commission essaya de justifier son choix en prétendant que la Proposition contribuerait à la « la protection des espèces » et à « une utilisation prudente, durable et raisonnée des ressources naturelles » (3ème Considérant) en introduisant des normes de piégeage «sélectif». Néanmoins, ni ses 18 Articles, ni les points 2 et 3 de son Annexe II, indiquant les exigences pour des méthodes de piégeage (le « noyau dur » de la Proposition), abordent le thème de la « sélectivité ». En réalité, la Proposition cherche à introduire des normes de piégeage « sans cruauté », et non pas des normes de sélectivité. Selon des conseils juridiques indépendants, la base juridique correcte pour transposer l’AIHTS serait l’Article 95(1) « Marché intérieur » du Traité CE étant donné que la Proposition cherche à appliquer un accord commercial et de permettre ainsi à l’UE de respecter ses obligations internationales et d’éviter un conflit commercial (clairement énoncé dans son Exposé des motifs). 3 Certains pourraient argumenter que le principal résultat de la Directive proposée serait l’amélioration du bien-être d’animaux sauvages et que, en vertu d’une jurisprudence bien établie de la Cour de Justice CE, le but, le contenu et l’objet de l’acte sont déterminants pour le choix de sa base juridique. Toutefois, ces critères ne donnent pas le pouvoir à l’UE de légiférer dans un nouveau domaine, mais servent seulement pour déterminer la base juridique la plus appropriée lors que plusieurs options sont possibles. Au cas où le bien-être d’animaux sauvages ferait partie de la Politique environnementale de l’UE, la Proposition « Piégeage » pourrait être adoptée sous cette Politique, mais étant donné que l’UE n’a pas pareille compétence, elle peut uniquement se référer aux aspects commerciaux de l’AIHTS et dès lors utiliser l’Article 95(1) « Marché intérieur » comme l’unique base juridique – respectant ainsi les compétences des Etats membres. 7. Le Plan d’Action Bien-être animal 2006-2010 de la Commission En janvier 2006, la Commission a présenté une Communication au Parlement européen et au Conseil sur un Plan d’Action communautaire sur la Protection et le Bien-être des Animaux 2006-2010 COM(2006)13 final – accompagné d’un document de travail de la Commission - COM(2006)14 final – et d’un document de travail du personnel de la Commission SEC(2006)65, ce dernier seulement disponible en langue anglaise. Les extraits suivants indiquent clairement que la Commission considère qu’il n’y a pratiquement aucune limite aux compétences de l’UE en matière de bien-être des animaux : Section 2, « Définition du problème », SEC(2006)65 La Commission est d’avis que « le bien-être animal n’est pas seulement lié à la production d’aliments et d’importants défis existent pour la protection du bien-être d’animaux utilisés pour des expériences, des zoos, de compagnie, etc. L’importance accordée au bien-être animal évolue en termes de soucis éthiques et ceci est devenu une « attitude culturelle » pour la société européenne ». Section 3, « Domaines d’action », COM (2006)13 final Par conséquent, dans l’arène internationale « la Communauté devrait également recenser activement les problèmes transfrontaliers qui se posent dans le domaine du bien-être animal avec les animaux de compagnie et d’élevage, la faune sauvage etc.» Sections 1.1 et 1.2, COM (2006)14 final La Commission amalgame le bien-être animal et la conservation de la vie sauvage, et présume que l’Article 175 du Traité CE couvre les deux domaines. Annexe I de SEC(2006)65 La Commission inclut dans la liste de réglementation communautaire sur la protection et le bien-être d’animaux, la Directive « Zoos », le Règlement « Pièges à mâchoire », le Règlement « CITES », la Directive « Bébés phoques », la Directive « Oiseaux » et la Directive « Habitats ». Section 1 SEC(2006)65 Selon la Commission, « jusqu’à maintenant, la formulation d’initiatives législatives a été un des principaux instruments utilisés au niveau communautaire pour assurer que des animaux ne subissent pas des douleurs, détresse ou souffrance évitables et obliger le propriétaire / détenteur / chasseur / commerçant ou toute autre personne ayant à faire avec des animaux de respecter des exigences de bien-être minimales ». Cette déclaration est tout particulièrement trompeuse ! 4 D’abord, en supposant que le terme propriétaire désigne une personne privée sans intentions commerciales (contrairement à détenteur ou commerçant), il n’existe aucune réglementation communautaire sur la manière qu’un propriétaire doit traiter un animal qui n’est pas détenu à des fins d’élevage, comme un animal de compagnie. Le Règlement 998/2003/CE concernant les conditions de police sanitaire applicables aux mouvements non commerciaux d'animaux de compagnie réfère par exemple seulement aux aspects de santé publique et animale. Deuxièmement, tandis qu’il y a plusieurs instruments juridiques communautaires assurant la durabilité de la chasse et interdisant des méthodes de chasse non sélectives ou non discriminatoires (tel que le piège à mâchoire), l’UE n’a jamais adopté aucune disposition sur la manière dont des chasseurs devraient traiter le bien-être d’animaux sauvages. 8. Conclusions La FACE reconnaît pleinement que les animaux sauvages font partie d’un patrimoine européen commun, ce qui exige certaines mesures communes et actions coordonnées en vue de leur conservation et gestion durable. La FACE ne conteste dès lors nullement la compétence de l’UE pour la conservation de la vie sauvage, même si elle veut promouvoir dans ce domaine aussi les mesures soient prises au niveau le plus rapproché des citoyens que possible (principe de subsidiarité). La FACE et ses Membres sont d’ailleurs tout à fait conscients de la responsabilité que les chasseurs ont envers des êtres vivants et pour éliminer toute souffrance évitable de l’animal chassé. Toutefois, la FACE ne voit aucune justification ou nécessité pour une initiative de l’UE dans le domaine du bien-être des animaux sauvages. Celui-ci devrait rester dans la seule juridiction des Etats membres. La FACE s’inquiète particulièrement d’une réglementation communautaire interdisant des méthodes de chasse considérées par certains comme « cruelles », sur base d’émotions ou idéologies plutôt que de critères objectifs et mesurables. C’est pour cette raison que la FACE s’est prononcée en faveur d’une base juridique différente pour la Proposition « Normes de Piégeage sans cruauté » de 2004, et s’oppose maintenant également aux tentatives dans le Plan d’Action d’étendre les compétences de l’UE au bienêtre des animaux sauvages. Une modification aussi fondamentale de la base juridique pour de la législation communautaire nécessite un débat démocratique bien plus large. Manuel ESPARRAGO Secrétaire Général Adjoint : Rue F. Pelletier 82, B – 1030 BRUSSELS : +32-2-732 69 00 : +32-2-732 70 72 E-Mail: [email protected] http://www.face-europe.org 5