Stage Clinique au JAPON été de la DCEM2 IFMSA Fukui, Japon 01 juillet 2013 – 31 juillet 2013 LE GOFF Ludovic Toulouse PURPAN Le choix du Japon était une évidence pour moi. Je voulais être dépaysé. Je m’attendais à l’être mais pas à ce point. Mon stage clinique a eut lieu à Fukui la capitale de la région de Fukui, une ville de 267 000 habitants au nord Kyoto, soit une petite ville pour l’Asie et le Japon. J’ai été accueilli 10 jours en neurochirurgie dans le service du Pr. Kikuta, 10 jours en chirurgie thoracique dans celui du Pr. Koshiji et 10 jours dans le service du Pr. Hayashi. Mon stage s’est déroulé du 01 juillet au 31 juillet 2013 dans l’hôpital universitaire de Fukui le 福井大学病院. L’organisation de l’IFMSA au Japon est similaire à celle existant en France, à savoir des comités locaux dirigés par des « local exchange officers » guidés par un « national exchange officer » Mon père étant allé deux fois au Japon et pratiquant moi-même un art martial japonais j’ai été depuis petit attentif au Japon et à sa culture. La lecture d’un certain nombre de romans japonais traduits ou traitant de cette culture n’a fait que renforcer mon intérêt pour ce pays. De plus même si la médecine pratiquée dans les hôpitaux japonais est sensiblement la même que celle que l’on peut voir en occident, la façon de travailler et l’esprit sont très différents. Le fait que le Japon soit un pays développé leader dans un grand nombre de domaines et notamment sur l’innovation technologique a été un argument supplémentaire. Cet ensemble m’a fait demander en premier choix le pays du soleil levant. Dans chacun de mes 3 terrains de stage j’ai eu un médecin référent me servant de tuteur. Ils ont été très disponibles. Au Japon, avant la graduation en 6eme année de médecine, les étudiants n’ont pas l’autorisation de toucher et a fortiori d’examiner un patient sans la présence d’un médecin senior dans la chambre. Les cours et les stages sont donc davantage orientés vers la théorie avant la 6eme année. Mon mode de communication était l’anglais avec les médecins et les étudiants, dans la mesure de leurs compétences linguistique, et un peu en japonais dans la mesure de mes compétences, qui restent basiques, dans cette langue. Il est de notoriété publique que les japonais travaillent beaucoup et cette réputation est fondée. Il faut savoir que les médecins seniors, médecins et internes arrivent en général avant le professeur et finissent leur journée après. Ainsi donc le temps de travail est très long et explique qu’au cours de mon stage j’ai été présent à l’hôpital jusqu’à 13 heures par jour (mais cela a été le maximum) En neurochirurgie, j’ai assisté à plusieurs opérations dont une chirurgie transphénoïdale par voie nasale, que j’ai trouvé réellement impressionnante. Le mardi et le jeudi avait lieu la visite professorale du service. Au Japon ce sont les neurochirurgiens et non les radiologues qui s’occupent de l’angiologie cérébrale, j’ai donc eut la chance d’assister à plusieurs embolisations cérébrales d’anévrismes. Dans ce pays, régulièrement des visiteurs médicaux font des présentations sur des études récentes dans le service hospitalier devant les médecins et étudiants du service. Ils apportent des « bento » servant de dîner. J’ai donc été invité à assister à une conférence sur l’étude CATHARSIS portant sur le Cilostazol-aspirin dans le cadre d’accidents vasculaires récidivants avec des artères intracrâniennes sténosées ou sur une méthode d’approche de l’étage moyen de la base du crâne pour la résection totale de granulomes de cholestérol ou encore sur le « penumbra coil 400 » pour réaliser des embolisations dans le traitement d’anévrismes. Enfin ma présence dans ce service a coïncidé avec la « Fukui cerebral infarction conference » au Fukui Yours hotel, j’ai donc eut la chance d’y assister. Ce fut fort intéressant, tant d’un point de vue gastronomique que scientifique ! En chirurgie thoracique, j’ai passé les premiers jours au bloc opératoire à voir des lobectomies pour traiter des tumeurs cancéreuses. J’ai même eut la chance de faire les 2 derniers points de sutures d’un patient. Chance dans la mesure où la tradition est très respectée au Japon et où les étudiants ne font que très rarement des points sur les patients au bloc opératoire. Cependant le chirurgien m’a donné un cours de sutures manuelles après car, et je l’ignorais, les points effectués dans ce service sont différents de ceux que j’ai appris à Toulouse et que je pensais universels. Le jour de la visite professorale était le vendredi. J’ai pu assister à des enseignements sur la lecture d’imagerie ou encore sur l’anatomie thoracique. L’opération la plus longue à laquelle j’ai pu assister au Japon et pour l’instant au cours de ma jeune vie d’étudiant en médecin, a été un triple pontage qui a duré plus de 6 heures. L’opération qui m’a le plus impressionné dans ce service a été celle de l’éveinage pour le traitement des varices. Le service des urgences m’a semblé petit, et en effet il n’y avait pas plus de 10 lits. Il faut savoir qu’il y a 2 hôpitaux majeurs à Fukui qui sont tous les deux universitaires, le « Fukui daigaku byoin » 福井大学病院 et le « Fukui kenritsu Byoin » 福井県立病院. Ce dernier est situé bien plus au centre ville et pour avoir eut la chance d’y passer une journée grâce au Pr. Hayashi, il est également bien plus grand et accueille bien plus de patients par jour. Le Pr. Hayashi nous faisait faire des cas cliniques sur une peluche en décrivant lui-même les symptômes de ce patient improvisé, c’était extrêmement ludique et instructif. Nous avons eut, avec les étudiants du service, des enseignements sur les différents types de syncope, les traumatismes de l’enfant, sur l’imagerie d’urgence et sur les différents types de chocs. Les cas que j’ai vu ont été des accidents de la voie publique, une morsure de synanceia (« stonefish »), de conduit auditif obstrué par le cérumen (le seul patient non japonais que j’ai pu voir durant toute ma période de stage) ou des accidents domestiques. Ce qui est déroutant lorsque l’on arrive au Japon et que l’on est bien entendu seul, livré à nous même dans ce pays étranger, et que l’on se sent comme un enfant. Un enfant est vraiment le terme adéquat et qui m’est venu à l’esprit les premiers jours, en effet on ne peut rien lire car tout est en kanjis, hiragana ou katakana, nous renvoyant ainsi à l’époque de notre vie précédant l’apprentissage de la lecture. Ensuite, et ce malgré la recherche sur internet des us et coutumes ainsi que la lecture de moult articles traitant du sujet, on ne connaît pas les codes sociaux et on est à risque de commettre des impairs. Tout comme un enfant. Les japonais sont des gens très polis, serviables, respectueux et ayant un grand sens de la hiérarchie. Dès le premier jour j’ai été accueilli avec beaucoup de sympathie par le « local exchange officer » mais également par un certains nombre d’étudiants. En 1 mois, nous, étudiants étrangers, avons tissé des liens d’amitiés assez fort mais même si nous avons eut beaucoup d’affinité avec certains japonais, à aucun moment nous n’avons pénétré dans leur domicile familial, appartement ou chambre. Cela explique peut être le fait qu’aucun étudiant étranger n’a été dans une famille d’accueil. Nous étions dans un immeuble de 1 étage composé d’appartement pour les étudiants en médecine, situé en face d’un autre immeuble identique mais consacré quant à lui pour les médecins étrangers. Cela nous a donné quelque peu l’impression d’être mis à l’écart des japonais mais nous avons affectueusement et ironiquement baptisé cet endroit entre nous le « Gaijin dormitory », Gaijin étant un mot japonais signifiant « étranger » et étant un peu connoté. Les appartements étaient spacieux et propres. J’étais en colocation avec un étudiant norvégien, chanteur à ses heures perdues. Le midi je déjeunais à l’hôpital et nous avons réussi à avoir accès à la bibliothèque du campus au bout d’une semaine, nous donnant ainsi accès à internet. Les étudiants japonais nous ont proposé de très nombreuses activités passionnantes : karaoké, izakaya, la pratique de sport, la découverte de coutumes, la visite de temples, de Kyoto, d’Osaka, et surtout la dégustations des spécialités culinaires nippones ! Nos conversations étaient un mélange d’anglais et de tentative de japonais. D’un point de vue local, à Toulouse nous avons le CAT qui est le Comité d’Accueil Toulousain. Ce comité est très actif, avec notamment outre les welcome et goodbye parties, des visites de la ville rose, un accueil dans la salle des illustres du capitole de Toulouse, un week-end rafting dans les Pyrénnées et la visite de Carcassone, une soirées consacrée aux spécialités culinaires de chaque pays, une autre concernant les danses des pays. Bien évidemment, noter investissement dans ce comité fait que sommes disponibles pour les incommings et pour que leur séjour en France et dans les hôpitaux toulousains leur laisse le meilleur souvenir possible. Cela passe aussi bien par aller les chercher ou les accompagner à l’aéroport, que de les héberger dans la mesure du possible, les guider dans les services, les conseiller, être agréables ou leur enseigner deux ou trois notions de français. Les étudiants japonais nous ont fait découvrir quelques particularités japonaises qu’il est intéressant de raconter. Tout d’abord le salut « ojigi », qui consiste en une inclination plus ou moins profonde, plus ou moins longue et plus ou répétée en fonction de la personne envers qui elle est destinée. Déroutant et très technique. La présentation, en tant qu’étranger on part avec un handicap au Japon qui est un pays plutôt très conservateur, il faut donc apprendre à se présenter en japonais. Contrairement au français ou à l’anglais, la phrase japonaise se construit très différemment, par exemple le verbe se place à la fin de la phrase. Ardu de prime abord. Il est intéressant de savoir que les étudiants japonais ne quittent pas le service tant que le chef de service ne leur a pas dit qu’ils pouvaient rentrer chez eux, ainsi il n’est pas rare de voir des étudiants rester 1 à 2 heures de plus à l’hôpital tant qu’il n’ont pas eut la permission de partir, et ce, même après une nuit passée à l’hôpital. Mon tuteur en neurochirurgie travaillait à l’hôpital de 7h00 à 22h ou minuit ou 1h du matin, la semaine, le week-end et n’avait que 5 jours de vacances par an. Il m’a confié qu’il fallait qu’il continue comme ça pendant 10 ans pour devenir chirurgien senior mais que comme il voulait devenir professeur il lui faudrait 20 ans à ce rythme là. Les internes japonais peuvent passer plus de 30 minutes à discuter avec 1 patient sans montrer le moindre empressement à couper court à la discussion. Tous les patients que j’ai vus étaient extrêmement polis et reconnaissant envers les médecins. Il faut savoir qu’à Fukui ville de 250 000 habitants et contrairement à Osaka où il y a plus de 10 millions d’âmes, il y a très peu d’étrangers, probablement moins d’une centaine. Le cocasse de cette situation est que lorsque nous croisions un non-japonais dans un supermarché ou dans la rue, cela était tellement rare que nous allions naturellement le saluer et discuter avec cette personne. Beaucoup de japonais ne parlent pas anglais, certains japonais un anglais exceptionnel, d’autres japonais parlent le « japa-glais » qui est un anglais parlé avec des sons japonais. Un réel challenge de compréhension. Le Japon est probablement le pays le sûr en matière de sécurité au monde, ce qui est vraiment très agréable. Nous avons été 1 jour à la plage, il faut savoir qu’il y a des protections anti- tsunami partout ce qui nous a étonné mais pas autant que de voir des yakuzas, membres de gangs japonais plus ou moins tolérés par l’autorité et bardés de tatouages, sur la plage et en maillot de bain. Nous avons eut la chance de tester un « onsen » bain chaud japonais où on rentre totalement nu après s’être lavé, en contemplant un couché de soleil sur la mer du Japon. Nous avons pu assister à un entraînement de « kyudo » le tir à l’arc traditionnel japonais où la discipline et la rigueur sont impressionnantes. Nous avons pu également participer à une cérémonie du thé dans un club étudiant. Le thé fut délicieux et la précision de chacun des gestes des différents protagonistes donnaient une impression de sérénité et d’infini, cependant, la position durant près de 30 minutes en « seiza », la position traditionnelle japonaise, nous fit ressentir chaque instant comme une éternité en raison de la douleur, ainsi l’adjectif le plus approprié pour cette cérémonie fut vraiment « infini ». En tant qu’étudiant étranger nous avions implicitement le statut d’invité ce qui fit que nous nous fûmes régulièrement invité à déjeuner ou dîner par des médecins japonais, curieux d’apprendre de nos cultures et de nos pays respectifs. Il y aurait tant à dire encore. Toutefois, si l’on devait lister quelques aspects très étonnant du Japon, on pourrait citer : que dans les grandes villes il est banal de croiser la nuit des « salary men » ivres dormant sur le trottoirs en costume cravate, ou la banalisation de la prostitution de luxe et de tout le commerce de vêtements, de bijoux, de restaurants gravitant autour de ce secteur d’activité, ou le fait qu’il est impensable de mettre ses baguettes verticales dans son bol de riz ou de faire passer la nourriture de baguette en baguette car cela rappelle les cérémonies funéraires shintoïstes, ou que les japonais sont grands de par la taille (certes pas tous, mais beaucoup), ou qu’après 36 ans le gouvernement « n’incite pas les femmes à avoir des enfants », ou que les étudiants étudient souvent de nuit sans surveillance dans les bibliothèques universitaires qui restent ouvertes chose impensable en France, ou qu’il n’y a pas de poubelles publiques dans les rues ou très peu alors que les rues sont absolument propres, qu’à Fukui aucun vélo n’a d’anti-vol, que l’on peut boire à volonté des boissons alcoolisées pendant 90 minutes dans un izakaya, le bar japonais pour une somme modique, que les concerts de rock japonais sont… très différents, qu’après un entraînement de football les joueurs saluent le terrain pour le remercier, que quasiment toutes les voitures ont non seulement une caméra de recul mais également la trajectoire actuelle et éventuelle en fonction de la position du volant (permettant même aux femmes de réussir un créneau du premier essai…), ou que les meilleurs sushis que je n’ai jamais mangés se font au Japon ! Ce fut pour moi une expérience fabuleuse, m’ayant permis de progresser sur le plan médical, humain et linguistique. J’ai rencontré beaucoup de japonais mais également des personnes de plein de nationalités différentes m’ayant apporté leur point de vue sur le monde et la médecine. La culture nippone est absolument différente, mais passionnante. Les monuments nombreux et les musés riches de connaissances. Si cette expérience était à refaire, je n’hésiterai pas un instant, ni sur le pays, ni sur la ville, si sur l’IFMSA !