cela est exactement compensé par un excès d'énergie reçu en été. Si le contraste saisonnier
varie avec la précession, l'intégrale annuelle de l'énergie reçue ne change absolument pas.
Pourquoi alors y aurait-il un quelconque effet climatique ?
C'est James Croll qui proposa en 1864 une solution en suggérant que, si le forçage
astronomique était effectivement anti-symétrique par rapport aux saisons (et par conséquence
nul en moyenne annuelle), les processus climatiques ne l'étaient sans doute pas. Si
l'accumulation de la neige s'effectue avant tout en hiver, la fonte se produit en été. Croll
insista fortement sur le rôle de l'accumulation hivernale, de sorte que l'argumentation
d'Adhémar restait essentiellement valable: des hivers plus longs ou plus froids favorisent une
plus grande accumulation de glace qui permet l'avènement d'une glaciation. Par ailleurs,
conscient des développements récents de la mécanique céleste (notamment par Pierre Simon
de Laplace, et Urbain le Verrier), Croll va introduire l'effet des variations de l'excentricité de
l'orbite terrestre. Celle-ci module l'intensité des constrastes saisonniers. En effet, pour une
orbite circulaire, l'effet climatique de la précession est tout simplement nul, puisqu'il n'y a ni
périhélie (point le plus proche) ni aphélie (point le plus éloigné). Plus l’excentricité est
grande, plus les effets climatiques de la précession le seront. Croll associe donc les grandes
glaciations aux maxima d’excentricité. Il repousse ainsi la dernière glaciation à 80 000 ans
dans le passé, et suggéra une glaciation plus intense encore il y a 240 000 ans. Bien que Croll
ait proposé une théorie astronomique beaucoup plus solide et évoluée, il ne parviendra pas à
convaincre la communauté scientifique de son époque. Pourtant, les alternances glaciaires-
interglaciaires découvertes dans certains sédiments plaidaient en faveur d’un mécanisme plus
ou moins périodique. Mais les premiers éléments de datation disponibles à cette époque, en
extrapolant des taux d’érosion ou en comptant des varves lacustres, indiquaient une glaciation
beaucoup plus récente.
C’est Milutin Milankovitch [1941] qui formulera la théorie astronomique encore aujourd’hui
d’actualité. La principale critique que l’on puisse faire à la théorie de Croll est de considérer
l’hiver comme la saison la plus importante. Milankovitch s’appuiera sur les observations des
neiges éternelles et des glaciers de montagne pour montrer que la fonte estivale est beaucoup
plus déterminante sur le bilan de masse de la glace que ne l’est l’accumulation neigeuse. Il en
déduit correctement que la saison critique est l’été, ce qui renverse complétement les
raisonnements d’Adhémar et de Croll. De plus, Milankovitch introduit un troisième paramètre
astronomique important pour le calcul des variations de l’énergie solaire reçue en un lieu
donné : l’obliquité de l’axe terrestre, c’est-à-dire son inclinaison par rapport au plan de
l’orbite terrestre. Les bases de la théorie astronomique moderne sont alors jetées.
7.1.3 – De Tyndall à Arrhénius: le rôle du gaz carbonique
Si l’importance du rôle de l’effet de serre était bien comprise au XIXème siècle, c’est John
Tyndall qui mesura le premier l’absorption et l’émission infra-rouge de différents gaz. Il
démontra ainsi que l’azote ou l’oxygène sont essentiellement transparents aux rayons infra-
rouges et que l’effet de serre de notre planète est causé avant tout par des gaz présents en très
petites quantités, en premier lieu la vapeur d’eau, mais aussi le gaz carbonique, le méthane, le
protoxyde d’azote ou l’ozone. Jacques Joseph Ebelmen, géologue français, fût le premier, dès
1845, à proposer que des changements de la concentration atmosphérique en CO2 devaient
avoir des conséquences sur le climat [Bard, 2004] mais ce sont les mesures de Tyndall en
1861, qui permettent d’envisager d’en quantifier l’effet. Ce dernier suggérera alors que tous
les changements climatiques découverts par les géologues pouvaient s’expliquer par des
changements des teneurs atmosphériques en gaz à effet de serre.
Ces arguments seront repris notamment par le géologue américain Chamberlin, qui mit en
évidence la succession d’au moins cinq stades glaciaires aux Etats-Unis. Mais c’est le