(Inserm), un cancer sur dix atteignant la population masculine serait d'origine professionnelle.
Les plus touchés? Les ouvriers. Selon la Fédération nationale des accidentés de la vie, un
cancer sur cinq dans cette catégorie est lié au monde du travail. Chaque année, environ 20 000
nouveaux cas sont recensés. A lui seul, l'amiante provoque 3000 décès chaque année en
France.
Des substances dangereuses, l'ancien employé de la société Metareg qui, à l'époque, détachait
ses collaborateurs au Cern, en a manipulé des quantités invraisemblables. «Mon travail
consistait à réceptionner des centaines de tonnes de déchets radioactifs. Je les triais, les
découpais au chalumeau et les stockais. Tout ça sans équipement particulier. Et j'étais bien sûr
entouré d'amiante», explique Pierre Allemann.
Lorsqu'il apprend qu'il a un cancer, sa société le met à la porte. Commence alors un long
combat juridique. Plaintes, grève de la faim, procès, recours à répétition. En onze ans, Pierre
Allemann a réussi à faire reconnaître que son cancer est bien d'origine professionnelle. Les
indemnités, en revanche, tardent à venir. Pas étonnant: en France, en 1999, seules 10 victimes
ont obtenu réparation devant le régime de la Sécurité sociale.
Jusqu'au bout
Le malade tente alors de se retourner contre le Cern. Difficile: l'homme n'a jamais
officiellement été employé par l'organisme. «En dix ans, j'ai vu mourir un grand nombre de
mes collègues de travail. J'ai toutes les preuves, mais le Cern affirme que je suis un menteur.
Curieusement, ils ne m'ont jamais attaqué pour diffamation. Plus d'une fois, j'ai demandé une
confrontation, un débat afin que l'on parle des problèmes d'amiante et des substances toxiques
qui menacent toujours la santé du personnel du site genevois. Etrangement, on ne me répond
pas», affirme-t-il.
Très vite, la position de Pierre Allemann devient intenable. «A l'époque, j'habitais dans le
pays de Gex. Dès que l'on a su que je commençais à parler, les gens changeaient de trottoir en
me voyant. On m'a même menacé. Il ne fait pas bon dire que le Cern rend malade.»
Atteint dans sa chair et dans son âme, cet homme courageux se battra jusqu'au bout pour sa
vérité. «Je ne me fais pas de souci pour moi. Je m'en fais pour tous ces jeunes qui travaillent
sur le site du Cern et qui risquent le pire. Je m'inquiète aussi pour mes enfants. Ma fille
cadette a 16 ans. Elle ne supporte plus de me voir dans cet état», souffle-t-il. Aujourd'hui,
Pierre Allemann a déménagé dans le sud-ouest de la France. «Ici, je reprends des forces. Je
suis toujours en vie, c'est le principal. Mais je ne baisserai jamais les bras. En racontant ma
vie, je ne fais que mon devoir.»
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