préfigurant au travers de paroles, de musique, de gestes, de regards, ce qui mettra
des mois, voire des années, à être accompli pour les personnes les plus touchées.
Très sensible au fait que le début et la fin du déroulement habituel d’un service
funèbre sont les plus difficiles à vivre, je propose toujours aux familles d’être avec
elles du depuis la mise en bière jusqu’au cimetière ou au crématorium. La plupart
acceptent, certaines préfèrent rester dans l’intimité familiale.
Le jour de l’enterrement proprement dit, plusieurs schémas sont possibles.
La plupart du temps, le déroulement est, entre guillemets, « classique ». Il se
déroulera depuis la chambre funéraire, (parfois la maison), passera par le temple
avant de se rendre au cimetière ou au crématorium. Il est celui dans lequel la plupart
se retrouvent, car justement habituel, sécurisant.
Depuis plusieurs décennies maintenant, la crémation est reconnue sans problème par
le protestantisme. Nous sortons de l’année Calvin. Le Réformateur a demandé à être
enterré dans la fosse commune, de façon anonyme, cousu tout nu dans un linceul à
même la terre et sans solennité. En demandant cela, il était cohérent avec la Réforme
qui avait rompu avec tout culte des morts, il était cohérent avec son « Traité des
reliques » dans lequel il s’était moqué avec jubilation de la superstition des reliques
des saints. Il voulait rendre impossible un pèlerinage sur sa tombe. Il voulait
également libérer les fidèles de toute crainte comme de toute adoration des morts, il
voulait les libérer de l’obligation onéreuse d’en passer par une institution, Eglise ou
autre, qui serait là pour faire payer aux vivants les rites funéraires. Il voulait que la
mort soit l’occasion de sentir enfin l’égalité de tous devant Dieu, l’humilité de s’en
remettre à lui, de laisser la place à d’autres dans ce monde, la simplicité d’une
confiance sans reste.
Ceci n’est pas une manière de justifier la crémation, mais peut être une manière de la
recommander, parce qu’elle illustre une manière de laisser la place à d’autres et de se
concentrer sur d’autres essentiels.
On peut également proposer (et trouver) un autre schéma, un ordre différent : la
mise en terre au cimetière ou l’incinération au crématorium précèdent le service au
temple. On parlera alors de culte d’action de grâces.
Les théologiens et les psychologues s’accordent pour reconnaître qu’il est
indispensable d’affronter la mort en face pour entamer un véritable processus de
deuil. Vu sous cet angle, la présence du cercueil au temple (et au crématorium)
conduit effectivement à toucher du doigt la réalité de la disparition et l’on sait
combien, en ces circonstances, une annonce précipitée, péremptoire ou maladroite
de la résurrection peut nier la douleur, esquiver la peine.
Reste cependant que le mouvement du culte d’enterrement est d’accompagner de la
souffrance vers l’espérance. Et on peut se poser la question de savoir si le rituel que
nous suivons habituellement, même s’il préfigure un processus qui prendra des mois,
ne connaît pas quelque contradiction en faisant suivre à un moment d’apaisement un