Six études de la population carcérale utilisant le questionnaire DES ou un test similaire ont été
analysées par Moskowitz (2004a) et montrent que 22% à 49% de cet échantillon présente des
notes supérieures à 30. Ces études indiquent certaines notes DES au dessus de 50 (niveau
exceptionnellement élevé), 7% à 9.5% des personnes incarcérées étant concernées par ce taux
d'expériences dissociatives. Une estimation prudente peut établir à 25% le taux de personnes
incarcérées expérimentant des niveaux “pathologiques” de dissociation. Bien entendu, ces
expériences peuvent être des conséquences de l'emprisonnement et non des facteurs qui le
causent. De plus, la plupart de ces recherches n'ont pas distingué entre délits violents et non
violents, de sorte qu'on ne peut pas conclure – sur cette seule base – que la dissociation soit
particulièrement associée à des comportements violents. En outre, les sujets peuvent être plus ou
moins sincères, mais des résultats obtenus par interviews structurés (où il est beaucoup plus
difficile de mentir), sont comparables et suggèrent donc que les sujets sont sincères.
Par contre, les analyses des expériences d'amnésie chez les prisonniers ont presque toutes
concerné des sujets qui attendaient leur jugement pour homicide, ou l'avaient déjà reçu. Ces
recherches – au moins 10 sur les 60 dernières années – établissent le taux d'amnésie entre 20%
(étude de 1988 sur des sujets ayant commis un homicide) et 80% (étude de 2001 sur des mères
attendant leur jugement pour meurtre de leurs enfants). Malheureusement il existe une grande
disparité entre la nature et le nombre de questions posées aux sujets sur leurs souvenirs, et la
plupart des grilles ne distinguent pas l'amnésie totale de l'amnésie partielle. De plus il peut être
utile de déclarer ne pas se souvenir de ce qu'il s'est passé, particulièrement pour les sujets accusés
de crimes graves. Beaucoup d'entre eux avaient absorbé de l’alcool. Deux études Très
intéressantes ont montré que tous les sujets revendiquant de l'amnésie ont néanmoins totalement
reconnu être responsables de leurs actes (autrement dit, ils ont reconnu la responsabilité du
meurtre même s'ils ne s'en souvenaient pas). Ces sujets étaient souvent en grande détresse de ne
pouvoir se souvenir de l'événement. Après consultation des résultats de la recherche, il a été conclu
que ni la feinte ni l'absorption d'alcool ne pouvaient expliquer de façon satisfaisante la plupart des
revendications d'amnésie (qu'effectuent environ 30% des accusés d'homicides), et de ce fait, c'est
la dissociation qui était probablement à l'origine de cette amnésie la plupart du temps. L'amnésie
était surtout invoquée quand le sujet apparaissait spontané et invoquait un partenaire ou un proche
parent.
L'amnésie peut parfois indiquer que l’agresseur souffre lui-même d'une réaction post-traumatique à
l'assassinat, autrement dit, que des personnes peuvent être traumatisées de leurs propres
comportements violents – ce qui commence seulement maintenant à être reconnu. De plus, la
plupart des personnes qui revivent des flashbacks traumatiques où elles éprouvent les mêmes
sensations, perceptions et émotions que pendant le traumatisme, ne deviennent pas violentes.
Néanmoins il existe des observations de cas où les sujets deviennent violents au milieu de leur
flashback en confondant parfois les personnes présentes avec leur agresseur (ou ennemis, pour les
traumatismes de guerre).
La dissociation influe-t-elle sur dans le soi-disant “ cercle vicieux de la violence” ?
La notion de “ cercle vicieux de la violence” ou transmission intergénérationnelle de comportements
violents est un concept très puissant ayant suscité des explications à la fois génétiques et
environnementales. Dans la forme la plus courante de l'hypothèse d'une “transmission
intergénérationnelle” environnementale, la maltraitance de l'enfant est une condition nécessaire
mais pas suffisante du développement ultérieur de comportements violents. Des recherches aussi
bien rétrospectives que prospectives ont montré cette relation causale, et une récente méta-
analyse concluait : “le cercle vicieux de la violence, ou transmission intergénérationnelle de la
violence, semble être confirmé”.
Plusieurs études récentes ont proposé la dissociation comme mécanisme sous jacent à ce cercle
vicieux. Au sein d'un échantillon de femmes ayant toutes été maltraitées pendant l'enfance, une de
ces recherches a trouvé que les mères qui à leur tour maltraitaient leurs enfants avaient une note
significativement plus élevée de dissociation (DES moyen = 36) que celles qui, bien qu'ayant elles
aussi été maltraitées, ne maltraitaient pas leurs enfants (DES moyen = 16). Dans une autre
publication, on évalue chez plus de 200 étudiants universitaires nord-américains, leur expérience
de maltraitance infantile, leur niveau de dissociation et le potentiel de devenir eux-mêmes
maltraitants envers des enfants (le test était convenablement validé). Le contrôle des notes de
dissociation estompe la corrélation entre un passé de maltraitance et la tendance à des violences
physiques envers les enfants, et ce malgré les prédictions : en fait, la dissociation (notes au DES)