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Fiche : Les politiques de l’emploi (Puf QSJ ?- C. Erhel- 2009)
I/ Objectifs et instruments des politiques de l’emploi :
 Def : l’ensemble des interventions publiques sur le marché du travail, visant à en corriger les éventuels
déséquilibres et/ou à limiter les effets néfastes de ces derniers.
 Elles désignent ainsi plutôt des politiques structurelles.
 Objectifs :
o Trouver un emploi pour chaque chômeur (ou travailleur cherchant un autre emploi)
o Fournir un travailleur pour chaque emploi
 Politiques :
o Passives : indemnisation de la perte d’emploi et du retrait d’activité (préretraite)
o Actives : favoriser l’accès à l’emploi
Incitations
(notamment
fiscales) à l’activité :
Prime pour l’emploi
(2001), RSA (2008)
Mesures ciblées sur
les chômeurs:
Formation ;
Aide à la rech
d’emloi ;
Contrats aidés ;
Stages.
Intervention sur le
coût du travail :
Exonérations de
charges sociales ;
Subventions à
l’embauche.
Indemnisation du
chômage
(dégressivité des
allocations, cumul
avec reprise
d’activité)
Politiques
de l’emploi
Préretraites :
dispositif de retrait
d’activité surtout
utilisé au début des
années 80
Fonction d’appariement résume le fonctionnement du marché du travail, c’est-à-dire sa capacité à mettre en
adéquation des offres et des demandes d’emploi.
 Outre les politiques de demande de travail (centrées sur les entreprises et la réduction du coût du travail) et
celles d’offre de travail (incitations au travail, indemnisation du chômage/formation), existent des politiques
centrées sur l’appariement (agences pour l’emploi, aides à la recherche d’un emploi).
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 Deux leviers principaux des politiques actives :
o Les incitations financières pour l’offre de travail
Sont liées au « salaire de réserve » (= salaire que les individus considèrent comme un minimum pour
entrer sur le marché du travail) : au vu d’une offre de travail, le chômeur arbitre entre l’accepter ou
poursuivre sa recherche d’emploi (dans la perspective d’avoir une offre plus intéressante).
 Plus l’indemnisation est longue et généreuse, et plus le chômeur sera exigeant et aura un salaire de réserve
élevé (mais plus il a de chances de trouver une offre en rapport avec ses aspirations et de qualité => meilleure
productivité, stabilité, …).
o La réduction du coût du travail pour la demande de travail
Théorie = la réduction du coût du travail non qualifié => effet de substitution en faveur de l’emploi
non qualifié (ms effet produit ssi travail substituable) => diminution du coût total du travail => baisse
des prix => hausse de la demande et du niveau d’activité => hausse de la demande de travail.
Nota : les préretraites sont à manier avec précaution car engendrent des effets pervers importants :
- Elles ont un coût élevé
- augmentation du nombre de pensionnés qui sont autant de cotisants en moins
- sont une forme de désincitation au travail => difficultés en matière d’emploi des séniors.
II/ Modèles nationaux :
 3 modèles de politique de l’emploi :
o Modèle avec un faible niveau de dépense totale (- de 1 % du PIB) : USA, Australie, R-U, Japon =>
intervention minimale de l’Etat sur le marché du travail, limitée à une indemnisation peu généreuse du
chômage et à l’amélioration du fonctionnement du marché du travail (information, mobilité).
o Modèle avec des niveaux de dépenses plutôt élevés, caractérisés par un interventionnisme important :
pays nordiques => développement des mesures ciblées (notamment vers les personnes handicapées),
systèmes d’indemnisation du chômage généreux (tx de remplacement élevés et durée d’indemnisation
longue), une bonne articulation avec les mesures actives.
o Modèle Bismarckien : Pays d’Europe occidentale => niveaux de dépenses élevés => ont eu
massivement recours aux politiques de retrait d’activité (préretraites en particulier) dans les années
80. Face au poids des cotisations sociales dans le coût du travail, ces pays se sont fortement appuyés
sur des mesures de baisse du coût du travail, ciblées (jeunes notamment) ou générales.
 Ces modèles identifiés s’articulent avec les régimes de protection sociale : libéral, social-démocrate, et
conservateur-corporatiste (continental).
 Les points d’intersection avec la PS sont nombreux, notamment sur la question du financement (surtout pour
systèmes de PS financés par cotisations sociales qui alourdissent le coût du travail).
 Il est donc difficile de dissocier l’analyse comparative des politiques de l’emploi de celle des modèles de PS.
Les politiques de l’emploi, même ciblées, font partie d’un ensemble plus large de politiques et d’institutions
(il est donc impossible de copier directement une mesure d’un pays vers un autre).
 France :
o Jusqu’aux années 60, les interventions de l’Etat se concrétisent essentiellement dans des « politiques
de main d’œuvre », conjoncturelles (ex : appel à l’immigration).
o L’apparition d’un chômage frictionnel dans le contexte des restructurations des années 1950 et 60 va
conduire à la création des principales institutions en charge des politiques de l’emploi :
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
Syst d’assurance chômage : Union Nationale pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce
(Unedic) en 1958
 Fonds National pour l’Emploi (FNE) en 1963
 Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE) en 1967
o Le développement massif des outils de politiques de l’emploi a eu lieu après les deux chocs pétroliers.
Face au chômage de masse et à l’inefficacité des tentatives de relance macro-économique de 1975, la
plupart des pays occidentaux ont réagi en créant des dispositifs ciblés d’aide au retour à l’emploi :
 70’s : 1er choc = montée du chômage et donc des dépenses passives (indemnisation du
chômage) + accompagnement des restructurations industrielles, réduction de la pop active
(préretraites et blocage immigration), et insertion des jeunes.
 80’s – 1992 : maintien de ces politiques : intervention en faveur des jeunes via la formation en
alternance et aux mesures d’aide directe à l’emploi (ex : TUC [travaux d’utilité collective]), et
logique de retrait d’activité : explosion des préretraites (multiplié par 3 entre 1980 et 83).
 A partir de 1992-93 : tournant => mesures précitées persistent ds leur pcpe, affirmation d’une
logique d’intervention générale, et non plus ciblée, avec notamment les dispositifs
d’exonération de charges (pour les tps partiel, puis les « bas salaires » en 1993).
 Début des 90’s = Passage d’une logique d’intervention centrée sur des publics prioritaires à une logique
d’intervention structurelle (confirmée avec la RTT – Lois Aubry de 1998 et 2000), et d’activation des
dépenses => la prime pour l’emploi en 2001 et le RSA en 2008.
 Suède :
Dès début du XXe s, modèle suédois privilégie les politiques actives d’emploi, d’interventions ciblées, visant à
favoriser l’accès à l’emploi de catégories en difficulté sur le marché du travail (ex : mesures d’aide à la mobilité,
formation, emplois publics temporaires …). En effet, la politique de l’emploi est un outil essentiel au maintien du
plein emploi, indispensable à la survie du système.
Modèle en crise au début des années 90 : taux de chômage atteint alors plus de 8 % => réorientation des politiques sur
la formation, ou des mesures de demande de travail plus ciblées (par ex vers les handicapés).
III/ Les réformes des politiques de l’emploi :
 Un nouveau contexte :
o Economique :
- Mondialisation de l’économie accroît la pression concurrentielle pour les entreprises, et fait craindre
une compétition par le coût du travail ; (mais se vérifie essentiellement sur les secteurs intensifs en MO
peu qualifiée)
- Tertiarisation de l’économie s’accompagne d’un ralentissement des gains de productivité, qui rend plus
difficile le financement de la croissance des dépenses sociales (contrairement à période des 30
glorieuses)
o Mutations sociales :
- Vieillissement de la population impose des taux d’emploi élevés afin d’assurer la soutenabilité des
systèmes de PS
- Entrée des femmes sur le marché du travail suppose de mieux concilier vie professionnelle et vie
personnelle/familiale.
Ces transformations de l’environnement économique et social ont amené à réformer les politiques de
l’emploi => changement de paradigme de référence.
 Fin des 80’s : modèle de référence devient le modèle Wage Setting-Price Setting (WS-PS) = le chômage
s’explique principalement par les effets des politiques sociales et des institutions du marché du travail sur le
coût du travail.
o Politiques de l’emploi doivent viser prioritairement à la baisse du coût du travail et à
l’accroissement de la concurrence sur le marché du travail (par l’affaiblissement de la protection
de l’emploi des travailleurs intégrés et par des politiques visant à accroître l’employabilité des
chômeurs).
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o Le recours aux politiques passives doit être limité, et celles-ci doivent inciter au retour à l’emploi
(ex : dégressivité des allocations) = logique d’activation des dépenses passives.
 Fin des 90’s : préoccupation centrale se déplace vers les problèmes d’incitation à l’activité => nécessité
d’accroître le différentiel entre revenus du travail et allocations chômage ou minima sociaux pour éviter les
« trappes à inactivité ».
 Les réformes des politiques de l’emploi :
o La tendance à l’activation :
 Restriction des dépenses passives avec la fermeture des dispositifs de préretraite et une restriction des
indemnités de chômage, avec un double obj de rééquilibrage des comptes et d’incitation au retour à
l’emploi.
 1999 : création du Plan d’Aide au Retour à l’Emploi (PARE) introduit un pcpe de contractualisation
entre le chômeur et le régime d’indemnisation.
 2001 : PPE
o Les réformes institutionnelles :
 Regroupement des services d’indemnisation et d’aide à la recherche d’emploi : « guichet unique » :
RU = Jobcenters en 1995, F = Fusion ANPE-Unedic ds Pole emploi au 01/01/2009.
 Externalisation du placement (appel à des org privés) : Fin monopole ANPE en 2005.
o De nouveaux publics prioritaires :
 Les seniors, cibles prioritaires depuis fin des 90’s (cf SEE-Lisbonne 2000), d’où réformes des
retraites (2003 et 2009) visant à prolonger l’activité (aug nbre de trimestres nécessR, décote/surcote,
cumul emploi/retraite).
 Politiques de l’emploi et activité des femmes : une relation ambigüe.
o Les avatars du temps de travail comme levier d’intervention sur l’emploi : Tps partiel, réduction
durée collective du travail.
o La « flexicurité », stratégie globale de réforme des politiques de l’emploi ?
IV/ Les effets des politiques (actives) de l’emploi :
Qu’elles soient micro ou macroéconomiques, les évaluations des politiques de l’emploi sont assez délicates à mener
en raison de la multitude des biais statistiques => une diversité des résultats obtenus dans les études (nombreuses)
existantes (Difficultés méthodologiques de l’évaluation).
 Distinguer l’effet brut (le nombre d’entrées dans le dispositif) de l’effet net (le nbre d’emplois qui n’auraient
pas été créés sans la mesure).
 Attention aux :
o Effet d’aubaine : l’emploi aurait de toute manière été créé pour la même catégorie d’individu …
o Effet de substitution (résulte du ciblage du dispositif) : … ou pour une autre (ex : embauche d’un
jeune [avec exo] plutôt qu’une personne de + de 25 ans)
o Effet d’éviction : les emplois détruits indirectement par la mesure dans les entreprises non aidées du
fait de la concurrence de celles en bénéficiant.
 Afin d’estimer l’impact sur le chômage des créations d’emplois entraînées par un dispositif de politique active
d’emploi, il faut (inversement) ne pas négliger un « effet d’appel » ou « effet de flexion du taux d’activité » =
attirer sur le marché du travail des inactifs (ex : les jeunes) => limite les effets de réduction du chômage.
 Au total, l’écart entre les entrées dans un dispositif et ses effets sur l’emploi et le chômage peut s’avérer
important.
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Quelle efficacité des mesures de politique de l’emploi (synthèse des résultats des différentes évaluations) ?
 Mesures ciblées :
o Les mesures d’emploi aidé centrées sur le secteur privé sont les plus efficaces en termes de
retour à l’emploi normal, mais supportent les effets de déperdition (aubaine, substitution,
éviction) les plus importants. => mesures ciblées créent peu d’emplois nouveaux.
 le Contrat Initiative Emploi a un impact nettement positif sur le retour à l’emploi, à la
différence du Contrat Emploi Solidarité, dont l’effet net semble négatif (Dares), notamment
en raison d’emplois dans le secteur public en général faiblement qualifiés et sans accès à une
formation (+ effet de stigmatisation).
o L’apprentissage et l’alternance (contrats de qualification) ont des effets favorables sur
l’insertion professionnelle des jeunes. 3 ans après leur sortie du dispositif, 8 apprentis sur 10
sont en emploi (non aidé).
o Les dispositifs d’aide à la recherche d’emploi sont en général considérés comme ayant un
rapport coût/efficacité très favorable.
 Mesures générales :
o RTT/35 heures : ex post, un consensus pour 300 à 350 000 emplois créés entre 1998 et 2002.
o Baisse des cotisations sociales : création nette de 150 à 460 000 emplois
 mais ½ d’emplois peu qualifiés => un effet de substitution ; + dispositif aurait contribué à
accroître la « trappe à bas salaires ».
 => doutes importants sur l’efficacité globale du dispositif d’exonérations de cotisations
sociales.
o L’impact des mesures d’incitation à l’activité semble limité :
 En général, ces mesures (ex : PPE) = intérêt en termes de lutte contre la pauvreté, mais faibles
effets sur les taux d’emploi.
 Ex évaluation impact RSA : faible écart entre le taux de retour à l’emploi mensuel des
allocataires du RMI ds les zones expérimentales (2.92 %) et ceux des zones témoins (2.25 %).
o D’autant qu’elles tendent à soutenir le développement d’emplois à bas salaires et/ou temps partiel,
rendus « acceptables » par le biais de ces dispositifs => renforce « trappes à bas salaires ».
 Analyses récentes insistent sur l’existence de combinatoires favorables et sur la complémentarité des
politiques et des institutions.
o Ainsi, les pays anglophones (R-U) et les pays d’Europe du Nord ont de bonnes performances en
termes d’emploi, avec des politiques et institutions complètement différentes : politiques réduites au
R-U / très importantes en Europe du Nord (associant indemnisation généreuse et politiques actives
efficaces).
o Remet en cause la suprématie du modèle libéral de fonctionnement du marché du travail.
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Annexes :
Politiques de l’emploi =
- 40 Mds d’€
- 2.15 pts de PIB
- Répartition des Dépenses
o Mesures actives (formation prof, incitations à l’emploi, emplois protégés, aides à la création
d’emploi) : 32 %
o Mesures passives (indemnisation perte emploi et préretraites) : 57 %
o pôle emploi : 11 %
- Bénéficiaires des pcpaux dispositifs sont majoritairement les jeunes de – de 26 ans, et plus les hommes (nota :
femmes sont également plus diplômées + emplois tertiaires, donc moins touchées par le chômage).
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Forces du Modèle Nordique :
Dans la plupart des enceintes européennes, le Royaume-Uni et les pays du Nord, autrement dit le modèle libéral et le modèle
nordique, apparaissent comme les deux modèles vraiment performants en Europe. Le modèle nordique apparaît comme celui qui
est à la fois efficace et équitable. Comment s'expliquent les performances nordiques?
Les performances nordiques en matière de chômage et d'emploi sont incontestables: faibles taux de chômage, notamment de
longue durée, taux d'emploi très élevés, non seulement pour l'ensemble de la population en âge de travailler mais aussi pour
chaque catégorie : femmes, seniors et jeunes. Les taux d'emploi des seniors et des femmes sont les plus élevés de toute l'Europe :
les objectifs à atteindre par les États-membres en 2010 (60 p.100 de taux d'emploi des femmes en âge de travailler et 50 p.100 des
travailleurs de 55 à 64 ans) sont atteints depuis 1994.
Avant toute autre chose, les performances nordiques tiennent à la force du modèle lui-même, sa philosophie : si l'objectif
essentiel de l'État-providence nordique est de « démarchandiser » la force de travail et de libérer l'homme de la dépendance du
marché, cela implique de disposer d'un système de couverture des risques et de remplacement avantageux pour tous: il est donc
indispensable de disposer en permanence de très hauts taux d'emploi pour financer un tel système de protection sociale. Cela
signifie que l'État-providence des pays nordiques a comme condition absolument nécessaire le plein-emploi, contrairement aux
autres types de régime: "Les énormes coûts de maintien d'un système de bien-être, solidaire, universel et "démarchandisant"
signifient qu'il est dans l'obligation de minimiser les problèmes sociaux et d'augmenter les revenus de l'État. Il est évidemment
plus facile d'y parvenir avec un maximum de gens qui travaillent et le moins de gens possible dépendant de l'aide sociale"
(Esping-Andersen, 1990). Trois autres facteurs d'explications complémentaires peuvent être mis en avant (Lefebvre, Méda, 2006).
Une coopération tripartite
La coopération et la coordination entre les différents acteurs (État, syndicats, patronat) confèrent au modèle nordique une grande
force d'impulsion. Une large part de ce qui est défini par la loi en France relève dans les pays nordiques des conventions
collectives, dans lesquelles l'État n'intervient pas. Ainsi, il n'existe pas de salaire minimum en Suède, et la loi se limite à la lutte
contre les discriminations. Le taux de syndicalisation élevé (plus de 85 p.100) s'explique par le fait qu'il s'agit d'un syndicalisme
de services, qui offre à ses membres tout une palette de services: de l'aide pour retrouver un emploi, des formations, du conseil
pour la négociation des salaires individuels, voire parfois aussi des services de banque et d'assurance. De plus, le fait que l'État ne
se substitue pas aux partenaires sociaux rend ces derniers plus crédibles pour l'opinion, qui les soumet aussi davantage à sa
pression pour arriver à un accord.
La liberté d'organisation de l'entreprise est le résultat de compromis historiques, établis depuis la première partie du XXe siècle,
tels que les accords de Saltsjöbaden en Suède (1938) où, après un conflit historique, les partenaires sociaux ont renoncé à une
position d'affrontement en échange d'une participation importante aux décisions. La même chose s'était produite au Danemark
(1899, compromis de septembre), ce qui a contribué à faire perdre de son acuité au concept de lutte des classes. La liberté de
s'organiser des syndicats et le droit à la négociation collective qui fondent les modèles nordiques ont dès lors comme contrepartie
la liberté de l'entrepreneur de s'organiser à sa guise, ce qui inclut la possibilité de se séparer d'une partie de la main-d'œuvre pour
améliorer les profits de l'entreprise, ce qui est considéré comme bon pour l'emploi futur dans l'entreprise (Lefebvre, 2006).
Indemnisation généreuse du chômage et politique active de l'emploi
Depuis longtemps, l'institution fondamentale qui permet une véritable sécurisation des trajectoires est le régime d'indemnisation
du chômage. Mis en place dès le début du XXe siècle en Suède et au Danemark, ce régime se caractérise par sa générosité.
En Suède, les demandeurs d'emploi ont droit à une allocation de 80 p.100 du salaire de référence, plafonné à 2015 euros,
pendant trois cents jours. Au Danemark, l'indemnité s'élève à 90 p.100 du salaire de référence, plafonné à un peu moins de 1900
euros, pendant quatre ans. La période d'indemnisation est donc longue, et les revenus bien remplacés, surtout les bas revenus.
Le développement de politiques actives d'emploi constitue le verso de cette indemnisation généreuse, l'idée étant que le chômeur
s'inscrit, comme tout citoyen, dans un système de droits et de devoirs. La conjonction de l'indemnisation généreuse du chômage
et de politiques actives d'emploi semble expliquer que le chômage de longue durée soit faible et que les transitions soient
sécurisées. Les changements intervenus dans les règles de l'assurance-chômage et de la politique active d'emploi expliquent sans
doute en partie la "sortie" de crise du milieu des années 1990. En effet, dans les deux pays, de nouvelles règles ont été mises en
place.
Au Danemark, une première réforme a eu lieu en 1994, révisant à la fois les règles de l'assurance-chômage et la participation aux
programmes d'activation. Elle a consisté, d'une part, à ce que la durée maximale d'indemnisation soit ramenée de neuf à quatre ans
et, d'autre part, à ce que la participation aux programmes d'activation soit rendue obligatoire au bout d'un an de chômage (contre
deux ans et demi auparavant), sans que cette participation permette désormais de rouvrir des droits. La période minimale de
contribution afin d'être éligible au régime d'assurance-chômage est passée de six mois à un an. La réforme s'est poursuivie en
2002, avec la mise en place du "plan national pour l'emploi : plus de personnes au travail" : il n'y a plus de distinction entre
l'activation destinée aux chômeurs et l'activation destinée aux bénéficiaires de l'aide sociale :
- toutes les personnes doivent être couvertes par un plan individualisé ;
- pendant toute la période de chômage, il doit y avoir un contact personnel au moins tous les trois mois entre les services
de l'emploi et les demandeurs d'emploi ;
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-
toutes les personnes au chômage doivent faire l'objet de mesures d'activation dans les six premiers mois;
les offres d'activation doivent être proposées uniquement dans le cadre de la recherche d'un emploi spécifique : plus
question de proposer une formation sans lien avec les emplois recherchés ;
les activités de placement ne doivent plus être traitées uniquement par le service public de l'emploi, d'autres acteurs
doivent y être associés ;
l'activation peut commencer dès le premier jour : il n'y a plus de période de recherche d'emploi d'un an pendant laquelle
le chômeur est dispensé.
"Flexicurité"
Pour de nombreux analystes, la conjonction d'une indemnisation généreuse du chômage et d'une politique active de l'emploi
permet d'expliquer les nombreuses transitions sur le marché du travail dans les pays nordiques, sécurisées, l'absence
d'enfermement dans des "trappes à chômage" et l'amélioration des performances en matière de chômage et d'emploi (Boyer,
2006). Dans ces conditions, la flexibilité du marché du travail qui constitue le troisième pilier, souvent évoqué à travers la notion
de "flexicurité" (associant la sécurité du régime d'indemnisation de chômage et la flexibilité du marché du travail), semble moins
essentielle.
Certes, dans les pays nordiques, la protection contre le licenciement est moindre qu'en France, mais pas inexistante comme on le
croit souvent. Au Danemark, la loi prévoit pour les employés (cols blancs) une période de préavis minimale d'un mois (et plus
dans les accords collectifs) et de six mois pour les salariés qui ont travaillé neuf ans dans la même entreprise. Il est vrai que des
professions spécifiques (comme les dockers ou les travailleurs du bâtiment) ne bénéficient pas de cette protection et peuvent être
licenciés ou démissionner du jour au lendemain. De même, toujours au Danemark, le licenciement doit reposer sur des causes
"raisonnables" concernant l'employé ou l'entreprise. Il reste que l'opinion publique et le juge considèrent que l'amélioration des
profits par la restructuration est une cause raisonnable. Enfin, il n'existe pas d'indemnités légales de licenciement, sauf au
Danemark pour les salariés cols blancs qui bénéficient de trois mois de salaires après dix-huit ans d'ancienneté. En Finlande, il
existe une indemnité spécifique de licenciement pour les travailleurs qui auront du mal à trouver un autre emploi (du fait de leur
âge par exemple) et, dans les trois pays, des indemnités conventionnelles de licenciement variables selon les secteurs.
D'une manière générale, les législations finlandaise et suédoise protègent donc bien contre le licenciement individuel, tandis que la
législation danoise est effectivement moins protectrice en la matière. Par contre, les licenciements économiques sont beaucoup
plus libres que dans la plupart des autres pays européens, et il n'existe pas d'obligation d'établir des plans sociaux.
La priorité accordée à la formation et à la recherche
Dernier facteur d'explication et non le moindre, l'investissement consenti par les pays nordiques dans les déterminants de la
croissance : éducation, formation, recherche.
La main-d'œuvre nordique est, en effet, bien formée (et les niveaux de formation sont plus homogènes qu'en France), ce qui
permet d'instaurer un cercle vertueux avec le développement d'emplois bien qualifiés (qui donnent de bons salaires et permettent
de financer le système de protection sociale) et une amélioration progressive du positionnement dans la division internationale du
travail (déplacement vers des produits à forte valeur ajoutée).
L'indicateur le plus communément utilisé pour mettre en évidence la différence de niveau de formation de la population active est
le pourcentage d'individus âgés de vingt-cinq à soixante-quatre ans ayant atteint le niveau d'études secondaires: plus de 80 % en
Suède et au Danemark, contre 65 % en France.
Ce haut niveau de formation s'explique à la fois par la qualité de la formation initiale, les efforts réalisés pour éviter des sorties
précoces du système scolaire, par les dispositifs facilitant les transitions entre système scolaire et monde du travail et par le
recours massif à la formation continue dont les dépenses sont parmi les plus élevées d'Europe.
L'école nordique est, plus que dans les autres pays, un facteur d'inclusion : le pourcentage de jeunes ayant quitté prématurément
l'école est dans les trois pays parmi les plus bas de l'Union européenne. Le système nordique se caractérise par l'attention portée à
la taille des classes, à l'investissement dans le capital humain dès les premières années de l'enfant, au rattrapage des enfants en
difficulté à la requalification des populations via un système actif de formation continue.
Incontestablement, tous les modèles sociaux ne se valent pas pour traiter de la question de l'emploi dans un contexte de
mondialisation accélérée. Sur la base d'une analyse comparée de ces différents modèles, l'économiste Gösta Esping Andersen
invite les États membres à soutenir le développement d'un nouvel État-providence, incitant à l'activité, dont l'action serait
accompagnée par un investissement massif dans le social et le capital humain : Un « Etat d’investissement social ».
Un vaste programme mieux avancé chez certains que chez d'autres.
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