1
CONFÉRENCE ÉCONOMIQUE AFRICAINE 2013
“L’INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE”
28-30 octobre 2013, Johannesburg, Afrique du Sud
Thème:
Economie sociale et solidaire, secteur informel et intégration
régionale en Afrique
Résumé :
En Afrique, il existe une multitude de petits commerçants qui doivent régulièrement
traverser des frontières pour écouler des marchandises. Ces derniers jouent un rôle
déterminant dans la souveraineté alimentaire et contribuent activement au
développement économique. Malheureusement, leur activité connait de rieuses
difficultés à cause des exactions dont ils sont très souvent victimes dans les postes
frontières. Sur la base du constat que dans la plupart des cas ils opèrent
individuellement, sans qu’il s’agisse d’une solution définitive ou complète, nous
pensons qu’en s’associant, ces acteurs peuvent trouver des solutions efficaces et
efficientes à leur problème. Ils peuvent ainsi se constituer en coopératives et, à
travers elles, plaider pour une redéfinition des règles du commerce transfrontalier,
ainsi qu’une révision des pratiques.
Introduction
Dans la plupart des régions du monde, la construction d’une intégration
régionale constitue un axe important de la politique de développement. C’est
le cas notamment en Afrique. Toutefois, le plus important n’est pas le
nombre d’organisations, mais leur efficacité
1
.
Quoi qu’il en soit, il est impératif que des règles de droit communautaire
soient fixées afin de réglementer tous les aspects de l’intégration entre pays
membres d’une communauté donnée
2
, notamment les règles devant régir le
commerce et les activités économiques
3
.
1
Voir Doumbé-Billé (S), « La multiplication des organisations régionales en Afrique :
concurrence ou diversification ? », in Fau-Nougaret (M) (dir.), La concurrence des
organisations régionales en Afrique, l’Harmattan, 2009, pp. 15-28. Voir également la Figure 2
ci-dessous.
2
La question peut se poser également dans les relations entre pays membres de
communautés différentes.
3
voir Thiam (SM), Les institutions juridictionnelles dans l’espace communautaire ouest
africain, Mémoire de DEA, Université Cheick Anta Diop de Dakar, 2005.
2
Comme en droit national, il faudrait que les règles prévues soient adaptées
sinon elles resteraient inapplicables. C’est donc souvent à cause de
l’inadaptation des règles que l’informel nait et se propage
4
.
La notion de secteur informel est devenue une expression très usitée au fils
des années, mais dont l’usage reste marqué par l'absence d'une définition
acceptable de manière générale. Globalement, les auteurs partent de la
définition du secteur formel pour essayer d'appréhender la notion
5
. D’après
un auteur
6
, la réglementation économique édicte un certain nombre
d'obligations pour les opérateurs économiques
7
. Ainsi, ceux qui n’évoluent
pas suivant ces canons sont considérés comme des acteurs du secteur
informel, par opposition à ceux du secteur formel qui observent la
réglementation en vigueur en matière d’exercice d’une activité économique
notamment
8
.
Or même si l’activité informelle peut contribuer, à sa façon à la construction
de l’intégration régionale, il est évident que son apport ne peut qu’être
limité
9
. Les acteurs informels qui s’investissent dans le commerce
transfrontalier peuvent devenir plus forts s’ils s’organisent. En procédant
ainsi, ils peuvent s’éloigner de l’informalité et devenir de véritables
opérateurs économiques, contribuant ainsi au développement de leur pays et
de leur communauté économique. C’est dans cette perspective que
l’économie sociale et solidaire pourrait jouer un rôle capital de structuration
et de coordination
10
.
D’après Defourny et Develtere, la notion d’économie sociale et solidaire
(ESS) peut se définir suivant une double approche juridico-institutionnelle et
normative. La première consiste à identifier les principales formes juridiques
4
Voir Kanchop (TN), Le secteur informel à l’épreuve du droit des affaires OHADA, Mémoire de
DEA, Université de Dschang, 2009.
5
Voir Lomami Shomba, L’économie informelle, Mémoire université de Kinshasa, disponible en
ligne : http://www.memoireonline.com/12/05/23/m_l-economie-informelle0.html
6
Voir Buabua wa Kayembe, La fiscalisation de l'économie informelle au Zaïre, PUZ, 1995, p.
10 (cité par Lomami Shomba, L’économie informelle, op. cit., idem).
7
Voir Lomami Shomba, L’économie informelle, op. cit., idem.
8
Voir Lomami Shomba, L’économie informelle, op. cit., idem.
9
Voir De Soto (H), L’autre sentier : la révolution informelle dans le tiers-monde, La
Découverte, Paris, 1994.
10
Voir Economie sociale et solidaire : notre chemin commun vers le travail décent, Guide 2011
de l’académie pour l’économie sociale et solidaire (Montréal 24-28 octobre 2011), pp. 1-16.
3
ou institutionnelles au sein desquelles s’organisent la plupart des activités.
Ces auteurs pensent précisément aux coopératives, mutuelles et
associations, « sans pour autant négliger différentes types d’initiatives qui,
dans les pays du sud surtout, n’ont pas un statut ou un label explicitement
coopératif, mutualiste ou associatif, mais se réfèrent à peu près aux mêmes
règles et pratiques ». Sur le plan normatif, ils voient en l’ESS un
regroupement d’activités économiques exercées par des structures dont le
fonctionnement est rythmé par ces quatre principes : la finalité de service
aux membres ou à la collectivité, l’autonomie de gestion, le processus de
décision démocratique et la primauté de la personne et du travail sur le
capital dans la répartition des revenus
11
. L’ESS pourrait ainsi juguler
l’informel et contribuer plus activement à l’accroissement des échanges
intracommunautaires, et donc à l’intégration économique régionale.
Dans la grande famille des organisations de l’ESS telle que présentée ci-
dessus, nous nous limiterons aux coopératives
12
. D’après l’alliance
coopérative internationale (ACI), une coopérative est une association
autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs
aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen
d'une entreprise dont la propriété est collective et le pouvoir est exercé
démocratiquement. Il s’agit d’un forme juridique d’entreprise créée comme
alternative au capitalisme afin d’aider les personnes écrasées par les ravages
du capitalisme, à trouver des solutions durables à leurs problèmes
quotidiens
13
.
Au regard de l’éthique qui gouverne le fonctionnement des coopératives, il y
a lieu de croire qu’elles peuvent être une solution à la désorganisation des
acteurs du commerce transfrontalier en Afrique qui, faute de pouvoir
respecter les règles prescrites, se dirigent le plus souvent vers l’informel.
11
Voir Defourny (J), Develtere (P), « Origines et contours de l’économie sociale au Nord et au
Sud », in Defourny (J), Develtere (P), Fonteneau (B), L’économie sociale au Nord et au Sud,
De Boeck Université, Paris-Bruxelles, 1999, pp. 25-50.
12
Pour plus de détails sur les autres organisations, voir Defourny (J), Develtere (P),
« Origines et contours de l’économie sociale au Nord et au Sud », op. cit., idem.
13
Voir Tchami (G), Manuel sur les coopératives à l’usage des organisations de travailleurs,
Bureau International du Travail, Genève, 2004, pp. 19 et ss..
4
I- Un apport marginal du secteur informel dans l’intégration
régionale
A cause de l’incohérence des règles et des pratiques du commerce
transfrontalier, la plupart des opérateurs économiques se retrouvent dans
une certaine vulnérabilité. Ils deviennent donc obligés d’évoluer dans
l’informel, ne contribuant que marginalement dans le commerce
transfrontalier.
A- L’incohérence des règles et des pratiques du commerce
transfrontalier
L’informalité est une caractéristique majeure des économies africaines, y
compris dans le cadre des relations économiques transfrontalières. Plusieurs
aspects peuvent être étudiés
14
. Plus spécifiquement, nous voulons insister
sur le cas de petits commerçants
15
, de plus en plus nombreux, qui traversent
les frontières pour effectuer des échanges commerciaux
16
.
Le commerce transfrontalier informel est actuellement le facteur principal qui
relie les producteurs aux marchés
17
. L'échange transfrontalier constitue la
14
Dans un premier temps, l’on peut s’attarder sur le cas de plus grands opérateurs
économiques. Le Nigeria et le Bénin fournissent une illustration intéressante. En effet, plus de
80% de l’essence consommée au Bénin arrive du Nigéria en contrebande, limitant de fait les
ventes sur le marché officiel et le nombre de stations d’essence. Une telle réalité, entre pays
aussi proches géographiquement parait difficile à comprendre. L’explication se trouve dans les
différences entre les politiques commerciales des deux pays (Voir Golub (S), Entrepôt Trade
and Smuggling in West Africa: Benin, Togo and Nigeria”, The World Economy, September
2012, pp. 11391161). Dans un second, l’on pourrait s’intéresser aux petits commerçants qui
traversent les frontières et, leur cas nous intéressera le plus.
15
Voir FMI, Afrique sub-saharienne : préserver la croissance dans un monde incertain,
FMI/Perspectives économiques régionales, Octobre 2012.
16
La plupart de ces commerçants vendent des denrées alimentaires, notamment des céréales,
légumineuses, légumes et fruits. Les quantités concernées sont petites et sont généralement
portées sur la tête. Le capital de démarrage est très faible (moins de 50 $) et provient
généralement de la famille. Peu de commerçants reçoivent des prêts d'une institution
financière. Voir International Alert, «La Traversée : Petit commerce et amélioration des
relations transfrontalières entre Goma (RD Congo) et Gisenyi (Rwanda)», Rapport Juin 2010.
17
Les commerçants transfrontaliers jouent un le primordial dans l’acheminement des biens
des zones de suffisance aux zones de nurie. Leur activi permet aux agriculteurs de
connaitre des rendements plus élevés. Voir International Alert, «La Traversée : Petit
5
principale source de revenus pour un grand nombre de commerçants non-
officiels, qui transportent leurs produits agricoles d'un endroit à l’autre.
Cependant, on dénombre peu d'informations sur ces commerçants et les
conditions dans lesquelles ils évoluent
18
.
Une étude à été menée à ce sujet, et les résultats sont frappants : les
moyens de subsistance et les activités de ces commerçants (majoritairement
des femmes) sont actuellement mis à mal par des taux élevés de
harcèlement et de violence à la frontière ainsi qu'à une prédominance de
paiements non-officiels.
Figure 1 :
Fréquence des risques rapportée par les commerçants
transfrontaliers dans la région des Grands Lacs de l’Afrique
Source : Brenton (P) et al., « Les femmes pauvres qui pratiquent le commerce transfrontalier dans la région
des Grands Lacs de l'Afrique : des affaires à risque », op. cit., idem.
Il apparait donc que, au lieu de favoriser la croissance et le développement,
le commerce transfrontalier ne devient qu'un mode de survie pour ces
acteurs
19
. En réalité, le succès du commerce transfrontalier dépend de la
commerce et amélioration des relations transfrontalières entre Goma (RD Congo) et Gisenyi
(Rwanda)», op. cit., idem.
18
Voir Nancy Benjamin, Ahmadou Aly Mbaye, Les entreprises informelles de l’Afrique de l’ouest
francophone. Taille, productivité et institutions, AFD/Banque mondiale, 2012.
19
Il existe des différences considérables dans les prix des produits alimentaires de base entre
les marchés sur les côtés opposés des frontières, ce qui démontre la présence d’obstacles
importants empêchant le transport des biens et des personnes, d’un coté à l’autre des
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