
Au plan personnel, pour le protestant, le sujet croyant est primordial : c’est le « Je »
proclamé par Luther.
Du côté collégial, les églises locales protestantes exercent l’autorité dans le cadre d’un
système de direction dit « presbytéro-synodal », comprenant une responsabilité locale
complétée par le recours aux synodes « nationaux ». Le problème est qu’il n’existe pas
encore de « synode » commun aux luthériens, aux réformés et aux baptistes… Mais
les protestants réalisent que, même s’ils vivent une dispersion sur la façon d’exprimer
l’autorité, il faut, pour la régulation de la foi, un échelon de décision à un niveau plus
que local,- et peut-être même plus que national.
Jusqu’ici, chacun garde ses méthodes de décision et avance à son rythme : exemple de
la décision d’appeler des femmes au ministère pastoral prise en 1925 en Alsace-
Lorraine luthérienne et seulement en 1965 chez les Réformés de France.
A l’inverse, le mode de proclamation du dogme de l’Assomption par Pie XII en 1950,
raide, précis et rigoureux, est très choquant pour protestants et orthodoxes !
Image : pour le moment, les protestants, c’est un village de maisons distinctes où
vivent des frères croyants, et les catholiques, c’est une cathédrale où est rassemblé un
peuple adorant…
6. Le témoignage de l’Écriture :
La façon de s’exprimer sur l’autorité diffère selon les auteurs des livres du Nouveau
Testament : ils s’adressent en effet, à des époques différentes, à des auditoires
différents, avec des soucis pastoraux différents ; approches et perspectives varient
donc.
Le livre du Groupe des Dombes analyse , par suite , les différences sur le sujet entre
les « synoptiques » (Mt et Mc, puis Lc), les épîtres pauliniennes, les épîtres pastorales
et le canon du Nouveau Testament.
Dans l’évangile de Matthieu sont relevés les textes suivants relatifs à « l’autorité de
Jésus » : Mt 7,28-29, Mt21,23-27, Mt13,53-54. Ce qui frappe, dans cet évangile c’est
la coïncidence et la cohérence parfaites entre ce que Jésus dit et fait et ce qu’il est. Il
dit ce qu’il fait et est ce qu’il dit et fait. Personne ne résiste à cette autorité. Et cette
autorité , il la transmet à ses disciples : Mt18,18.
Dans les textes de Luc (évangile et Actes) cette transmission est particulièrement mise
en valeur : Lc10, 16 (« qui vous écoute m’écoute ») ; l’envoi de l’Esprit authentifie
l’autorité des apôtres ; ces derniers donnent toujours un témoignage collégial et
communautaire de leur autorité, même si un seul (Pierre) exprime parfois l’avis de
tous.
Est particulièrement intéressant le chapitre 15 des Actes relatif au concile de
Jérusalem (soumission des païens aux rites juifs), tant il reste actuel dans nos Églises.
Les apôtres y témoignent de leur ministère. Un consensus se forme avec l’aide de
l’Esprit sur la décision à prendre. Cette dernière est répercutée par une lettre adressée à
toutes les Églises et portée par tel ou tel apôtre pour bien assurer sa « réception ». Il y
a là une régulation de l’autorité tout à fait extraordinaire : autorité de l’Évangile, de
l’Esprit et de la communauté des frères !
Dans nos Églises d’aujourd’hui il y a certes des hiérarchies formelles et
psychologiques mais ,devant Dieu, nous sommes tous frères : chacun est responsable,
comme à Jérusalem alors.
Dans les épîtres pastorales de Paul, il est surtout question de transmettre un « bon
dépôt » à la génération suivante, de confier des ministères à des personnes
exemplaires. Tout est très précis, circonstanciel et inscrit dans des réalités quotidiennes
concrètes.