Le mythe Richard Cœur de Lion :
- Un personnage entre mythe et réalité
Qui était-il ? :
Le personnage :
Richard Cœur de Lion fut l’un des personnages les plus connus du Moyen
Age. Récemment, le cinéma et la littérature en ont fait l’une des figures les plus
emblématiques de cette période à travers des histoires romancées telles que Robin des Bois ou
Ivanhoé. On garde à son propos l’image d’un roi guerrier, partant pour la croisade et allant
combattre vaillamment en Terre Sainte et en Europe. Mais la réalité du personnage et de son
époque est mal connue ou souvent vue à travers des stéréotypes et des idées reçues. Comme
toujours, la réalité était plus complexe et plus nuancée.
- Son apparence physique :
Il est difficile de connaître avec précision
l’apparence des grands personnages du Moyen
Age. Les quelques représentations que l’on
possède d’eux, que ce soit dans des enluminures,
des bas reliefs, fresques et autres gisants sont très
imprécises et répondent à des démarches
esthétiques et artistiques qui ne restituent pas la
réalité de l’apparence de ces personnages. Leurs
traits sont souvent idéalisés et correspondent
davantage aux canons esthétiques de l’époque.
Les descriptions de l’apparence physique
des personnes évoquées dans les chroniques sont
rares et souvent imprécises. Richard Cœur de
Lion n’échappe pas à ces constatations. Il est tout
de même possible, en recoupant diverses sources
iconographiques et écrites de se donner une idée
de ce à quoi il pouvait ressembler, bien que tenter
de retrouver sa véritable apparence soit totalement
illusoire.
Le chroniqueur Mathieu Paris rapportait
« bien que physiquement comparable au plus
beau des hommes, avait cependant parfois un
aspect terrifiant ». Richard fut comparé également à son père Henri II, pour lequel certains
éléments sont connus. Son père était décrit comme un homme de stature moyenne, roux, avec
un corps bien charpenté et possédant la force d’un homme de guerre. Il fut décrit également
comme luttant contre une surcharge pondérale, ce qui semblait également être le cas de
Richard.
Gisant de Richard Cœur de Lion dans la cathédrale de Rouen
(Domaine public).
Dans tous les cas, Richard Cœur de Lion était décrit comme possédant une grande
force et des capacités physiques plus que suffisantes pour exercer sans ménagement le métier
des armes. On a donc l’image d’un homme possédant le physique d’un chevalier, d’un
guerrier. De nombreux chroniqueurs nuançaient cet aspect en évoquant son obésité à la fin de
sa vie et le fait qu’il ait été fortement éprouvé par les nombreux combats et voyages auxquels
il avait participé durant sa vie.
- Un portrait moral et psychologique :
On rencontre les mêmes difficultés pour appréhender le caractère de Richard. Les
textes du Moyen Age évoquent à de nombreuses reprises les attitudes du roi au cours de sa
vie. Mais ils sont souvent partiaux, soit favorables soit critiques vis-à-vis du personnage. De
plus, ils définissent ces traits de caractère selon un système de valeur et une mentalité
différentes des nôtres. A cette époque, l’individualisme n’était pas de mise et il est très
difficile de discerner ce qui est une spécificité du personnage et ce qui lui est attribué en
fonction de son rang et son statut.
Même les puissants étaient décrits selon des archétypes pré établis. Ainsi, on prêtait de
nombreuses qualités et beaucoup de défauts à Richard Cœur de Lion, mais qui étaient
globalement les mêmes que l’on prêtait à d’autres personnages de son rang. encore, on
remarque beaucoup de similitudes avec son père, Henri II et même avec les autres membres
de sa famille.
Richard Cœur de Lion est perçu, au XIIème siècle comme aujourd’hui, comme étant
un roi guerrier au caractère impulsif. On lui reprochait beaucoup, déjà de son vivant, de se
comporter plutôt comme un chevalier que comme un monarque, parcourant son royaume en
quête de prouesse et de gloire plutôt que de réellement le gouverner. A cette époque, on
attendait d’un roi qu’il mène ses hommes à la bataille, qu’il les dirigea par l’exemple. Mais
Richard s’était particulièrement impliqué lors de ses entreprises guerrières, au point où il reçut
de nombreuses blessures. Ce fut d’ailleurs cette impulsivité et cette soif de gloire et de combat
qui l’amenèrent à s’exposer sous les murs de Châlus en 1199.
Contrairement à lui, ses adversaires, et notamment les rois de France, se comportèrent
d’avantage en monarques. Richard semblait faire preuve d’un grand courage. Les
chroniqueurs de l’époque en firent l’éloge et aucun ne manqua de souligner cet aspect de son
caractère. Sa férocité dans les combats était mise en avant, bien que certains évènements
fussent exagérés à des fins de propagande, surtout dans un contexte de rivalités incessantes
avec ses frères, son père et le roi de France.
Son surnom de « Cœur de Lion » reflétait cette réputation. On se rend compte de ce
trait de caractère quand des auteurs comme Bertran de Born, chevalier troubadour très
belliqueux et souvent très critique vis-à-vis des grands personnages de son temps, louaient
également le courage et la vaillance de Richard. Toujours en considérant cet aspect guerrier
de son caractère, Richard fut perçu, notamment par les musulmans comme un homme
sanguinaire et cruel, après le massacre des prisonniers au siège de Saint Jean d’Acre durant la
Croisade, mais également, à d’autres moments, comme un redoutable adversaire, digne de
respect.
Les autres traits du caractère de Richard sont encore plus difficiles à cerner. Sa
générosité et ses largesses vis-à-vis de ses alliés et serviteurs semblent avoir été
contrebalancées par une facilité à s’emporter et de violentes colères qui l’amenèrent à prendre
des décisions inconsidérées. Citons à nouveau l’exemple du massacre des prisonniers
musulmans après la chute de Saint Jean d’Acre, pendant la Troisième Croisade, qui entraîna
une rupture diplomatique avec Saladin et les armées musulmanes. Il semble que Richard ait
eu un caractère versatile, prompt à l’emportement. Bertran de Born, dans une de ses chansons,
lui attribua ainsi le sobriquet de « oc et no », « oui et non » parce qu’il changeait tout le temps
de décision.
Richard fut également opportuniste et fier. Il n’hésita pas à s’allier avec le roi de
France contre son père alors qu’il le combattait quelques mois auparavant. Il se montra
également orgueilleux et rancunier.
Le dernier point que soulignent les textes médiévaux sur le caractère de Richard est
son côté bon vivant, amateur de tous les plaisirs de la vie, notamment des arts de la table. Il
était également lettré et s’intéressait à la littérature et à la poésie. Il écrivit quelques poèmes et
chansons pendant sa captivité dans le Saint Empire Romain Germanique, à la manière des
troubadours dont l’art connaissait son apogée dans les fiefs Plantagenêt d’Aquitaine et du
Poitou. Il n’est pas aisé de dresser un portrait de Richard Cœur de Lion, tant ce personnage est
auréolé de légendes. Sa mort fait également partie de son mythe.
- La mort de Richard
La mort de Richard Cœur de Lion est un évènement relativement mystérieux. Les
textes sont souvent contradictoires sur les circonstances, l’auteur, et parfois le lieu de la mort
du roi. En recoupant plusieurs chroniques de l’époque, les historiens ont pu retracer avec une
certaine précision les derniers instants de Richard Cœur de Lion. Le vicomte de Limoges
n’avait pas cessé d’attiser la révolte contre Richard, alors que sa seigneurie, la Vicomté de
Limoges, faisait partie de l’Aquitaine, domaine Plantagenêt. En 1198, le vicomte se rebella à
nouveau contre Richard. Il est également question d’un trésor, qu’il aurait trouvé et dont il
aurait refusé de faire bénéficier le roi d’Angleterre. Cette légende montre que dès le Moyen
Age, le mythe s’était emparé du personnage
Courroucé, Richard Cœur de
lion leva une armée pour aller mater
la rébellion de son vassal. Il vint
donc en Périgord, puis en
Limousin, dans le Sud-ouest de
l’actuelle Haute-Vienne. Là, il
assiégea les forteresses du vicomte
et de ses vassaux. A Châlus se
trouvait une place forte appartenant
aux vicomtes, le château de Châlus
Chabrol. Mercadier, fidèle capitaine
de Richard depuis plus de quinze
ans, vint y mettre le siège. Richard
l’y rejoint en Mars 1199.
Le soir du 3 Mars, après
avoir diné, Richard sortit inspecter
les défenses du château et les
travaux de siège de ses hommes. Le château de Châlus Chabrol devait être alors très différent
Châlus Chabrol, château où Richard Cœur de Lion fut touché par un carreau
d’arbalète (photo Office de tourisme des Monts de Châlus)
des ruines que l’on peut voir aujourd’hui. Construit au XIème et peut-être remanié au XIIème
siècle, il comportait probablement une enceinte et plusieurs tours. Les ruines visibles de nos
jours remontent surtout à la seconde moitié du XIIIème siècle, sauf pour la chapelle qui date
du XIème siècle et devait donc déjà se trouver là lorsque le château fut assiégé par l’armée de
Richard Cœur de Lion.
Ce jour du 3 Mars, un arbalétrier, vraisemblablement un chevalier limousin du nom de
Pierre Basile, le prit pour cible, se défendant lui-même des tirs des soldats de Richard,
apparemment à l’aide d’une poêle à frire selon certains textes. Le carreau atteignit le roi
d’Angleterre à l’épaule. On ignore ou se tenait exactement le roi, et d’où fut tiré le projectile,
probablement d’une tour ou d’une section de l’enceinte qui n’existe plus.
La pointe du projectile s’était enfoncée profondément dans l’épaule du roi. Richard,
d’un fort tempérament et peu soucieux de sa sécurité, tenta apparemment de retirer lui-même
le carreau de son épaule, le brisant et laissant la pointe dans la plaie. Blessé, il souffrit le
martyr pendant des jours. Les chirurgiens, aux talents limités à cette époque, ne purent
empêcher la plaie de s’infecter. La gangrène se déclara et le roi mourut le 9 Avril 1199, aux
côtés de sa mère, Aliénor d’Aquitaine. Il fut enseveli à l’abbaye de Fontevraud, près de son
père, alors que son cœur était envoyé à Rouen et ses entrailles dans la chapelle du château de
Châlus Chabrol, qui fut finalement pris par Mercadier juste après que le roi ait été touché.
Cette mort pourtant peu glorieuse en comparaison des évènements auxquels Richard
Cœur de Lion prit part, est auréolée de mystère. Plusieurs versions en furent données dès le
Moyen Age et certains points demeurent mystérieux. Le récit de la poêle à frire, du trésor
caché, de Richard arrachant rageusement le carreau de son épaule, font vraisemblablement
partie du domaine de la légende. Aujourd’hui encore, on pense qu’une pierre se situant à
plusieurs centaines de mètres du château marque l’endroit Richard fut touché. Malgré
l’invraisemblance de cette légende, à la fin de la Première Guerre mondiale, un régiment de
soldats américains aurait dynamité la pierre pour en emporter des fragments, tellement l’aura
mythique de ce personnage est importante.
Le mythe de Richard Cœur de Lion au Moyen Age :
La fin du XIIème siècle fut marquée par de nombreuses mutations sociales, culturelles
et économiques. Parmi elles, l’émergence de la chevalerie, combattants d’élite liés par un
système de valeurs particulier, prend beaucoup d’importance. Richard Cœur de Lion se
voulait et fut considéré comme un parangon de cet « ordre de la chevalerie ».
Héritier d’une des familles les plus puissantes de son époque, il se comportait à tout
point de vue comme un simple chevalier, cherchant gloire et fortune par ses prouesses
guerrières. Certains chroniqueurs lui ont d’ailleurs reproché cette attitude, le rôle d’un roi
étant de commander et de gouverner et non pas de s’impliquer dans les combats.
Malgré cela, sa réputation se forgea dans les combats et les nombreuses guerres qu’il
mena. Son surnom de « Cœur de Lion » révèle ce caractère guerrier et héroïque qui est petit-
à-petit amplifié et exagéré par les chroniqueurs afin de créer sa légende. Le lion était, dans la
culture guerrière et chevaleresque du Moyen Age, symbole de férocité, de force et de courage.
Contrairement à ses frères, surtout Henri le Jeune, il n’était pas un pratiquant assidu
des tournois. Il leur préférait la « véritable » guerre. Sa légende s’est ainsi forgée surtout à
partir de son couronnement en 1189. Ses exploits en Terre Sainte ont été rapportés et
exagérés. Sa participation aux combats, que ce soit à Acre, à Arsouf ou à Jaffa, étaient dès
lors mis en avant et contribuèrent à la création du mythe du « roi chevalier », brave et féroce
au combat, faisant preuve de largesses et de générosité hors du champ de bataille. Même
certains musulmans, comme Al Adid, le frère de Saladin, reconnurent à Richard ces qualités
guerrières et chevaleresques.
Blessé maintes fois, on lui reprocha souvent sa témérité qui mettait sa vie en péril. Sa
mort d’un carreau d’arbalète à Châlus vint confirmer les craintes de son entourage. Alors que
Richard, roi croisé, roi chevaleresque était parvenus à maintenir en respect de redoutables
adversaires comme Saladin ou Philippe Auguste, il vint assiéger un petit château du Limousin
dans une énième guerre féodale, il mourut d’un trait et non l’épée à la main sur un champ
de bataille. Cette mort peu glorieuse fut cependant dès le début enjolivée et mêlée au
légendaire.
Dans les siècles qui suivirent sa mort, Richard continua à être un symbole pour la
chevalerie et ses valeurs. Il fit l’objet de nombreuses chansons de geste et poèmes épiques ou
courtois. On le comparait aux plus grands héros : à César, Roland ou aux chevaliers de la
Table Ronde.
Déjà son père, Henri II, avait tenté de s’identifier au roi Arthur, modèle du roi juste et
sage. Les mythes liés au roi Arthur et à ses chevaliers servirent, à la fin du XIIème siècle et
jusqu’à la fin du Moyen Age, à exprimer la culture chevaleresque en plein essor. Richard fut
assimilé à Lancelot ou Gauvain, modèles de chevalerie, également à Arthur. Comme son
père, il fit rechercher le tombeau de ce roi légendaire. La dynastie des Plantagenêt, en
s’assimilant au mythe arthurien, tenta ainsi de trouver une légitimité à travers des mythes liés
à l’Angleterre, mais aussi à la Bretagne continentale et à une partie du Nord de la France.
Sa vie est très tôt assimilée au légendaire. On amplifia ses faits d’arme, son rôle lors
de la croisade, ses prouesses en Terre Sainte, malgré le fait qu’il n’ait pas pris Jérusalem.
C’est un aspect typique de la mentalité médiévale : le comportement importait plus que le
résultat. Trente ans après la mort de Richard, Fréderic II, empereur germanique, réussit à
reprendre Jérusalem, alors que Richard avait échoué. Et pourtant, Frédéric fut critiqué avec
virulence par ses contemporains, car il reprit la ville sainte par la négociation et la diplomatie,
et non par des actes dignes d’un chevalier.
Ce mythe de Richard Cœur de Lion qui pourtant a régné relativement peu, se transmit
ainsi à travers les siècles. Une littérature abondante et de nature diverse, a été inspirée par ce
personnage du Moyen Age à nos jours. Il est largement exploité à partir du XIXème siècle,
pendant lequel des auteurs et autres artistes, avides de
personnages héroïques et hauts en couleur, s’emparent du
personnage et de sa légende.
Le mythe de Richard à la période
contemporaine (XIXème, XXème siècles) :
La légende de Robin des Bois prend place, dans les
versions les plus récentes, durant le règne de Richard, et en
particulier pendant sa période de captivité. La légende, plus
ou moins basée sur des faits réels, apparut dès le XIIIème
siècle. Il faut cependant attendre le XVIème siècle pour que
cette légende soit associée à Richard Cœur de Lion et à son
Représentation romantique de Richard, (Tableau de
Merry-Joseph Blondel (1781-1853), Richard Cœur
de Lion roi d’Angleterre, Domaine Public)
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