Diner débat sur le thème : La gouvernance environnementale à la lumière de la nouvelle structure gouvernementale Hôtel Hilton – Rabat – Mardi 20 Novembre 2007 COMPTE RENDU Le diner-débat sur le thème de « La gouvernance environnementale à la lumière de la nouvelle structure gouvernementale » a débuté à 18h30 en présence d’une vingtaine de personnes ressources. A- Introduction Mr Hassan Chouaouta, Président de l’AMEDE a ouvert la séance en remerciant les participants et en faisant un bref rappel des activités de l’AMEDE. Il a rappelé le contexte de la tenue de ce diner-débat et les trois axes de réflexion proposés, à savoir : 1- Quelles approches et instruments à élaborer pour une mise en œuvre efficace des politiques environnementales ? 2- Comment assurer une continuité dans l’action gouvernementale dans le domaine de l’environnement et une pérennité des programmes environnementaux? 3- Quels mécanismes à mettre en place pour la mise en œuvre au niveau local de la politique environnementale ? Il a rappelé également que l’AMEDE a eu le plaisir d’adresser un appel à Monsieur le Premier Ministre, Abbas El Fassi (lettre adressée le 28 septembre) pour accorder à la protection de l’environnement et la valorisation de ses ressources l’attention qu’elle mérite au sein de la structure Gouvernementale (Cf. appel/www.amede.ma et annonce dans le Matin du 1er octobre 2007). B Exposé Par la suite, la parole a été donnée à Mr Abdelhadi Bennis, membre d’AMEDE, pour un exposé introductif s’articulant autour de quatre axes : - Premier axe : Les définitions L’orateur a tout d’abord défini brièvement « l’environnement » en insistant sur son caractère de transversalité et donc sur la nécessité d’intégrer les activités relevant de plusieurs institutions et départements ministériels. 1 Il a ensuite défini le concept de la gouvernance comme étant un « Processus d’organisation et d’intervention de plusieurs acteurs partageant les mêmes objectifs et recherchant une plus grande synergie et une plus grande efficacité dans l’action, ainsi que l’optimisation des moyens dont ils disposent ». Il a cité les différentes catégories d’acteurs : La Justice, le parlement, le Gouvernement, les Collectivités Locales, les Organisations professionnelles et les ONG. Concernant l’organisation, il a souligné que la bonne gouvernance implique est (i) une coordination horizontale à tous les niveaux : central, régional, provincial et local (ii ) et une articulation verticale entre ces différents niveaux Concernant les interventions, l’orateur a cité les leviers fondamentaux en matière (i) d’actions : techniques, économiques et socioculturel et (ii) d’approche : Planification, partage des tâches, concertation, coordination, partenariat, suivi évaluation etc… Il a conclu ce premier axe en soulignant que le défi de la bonne gouvernance de l’environnement réside dans son intégration, de manière cohérente, dans toutes les activités de tous ces acteurs et à tous les niveaux. Ceci implique de lui dédier une place de « haut rang « dans la structure gouvernementale ou son rattachement, en cas de besoin, à une autre activité « horizontale » de même nature. Deuxième axe : Corrélation Gouvernance / Bilan Dans quelle mesure le Maroc a-t-il appliqué ces principes de la bonne gouvernance de l’Environnement ? Quelles corrélations entre la place de l’Environnement dans la structure gouvernementale et les résultats enregistrés ? Pour enrichir le débat sur ces questions, Mr Bennis souligné deux aspects : * Le premier concerne l’évolution de la place de l’environnement dans la structure des différents gouvernements qui se sont succédés depuis le Sommet de la Terre de Rio de Janeiro: - En 1992, un Secrétariat à l’Environnement rattaché au Ministère de l’Intérieur ; En 1995, un Ministère de l’Environnement à part entière (seule fois dans l’histoire) ; 1997 : Rattachement à l’Agriculture et à l’Equipement Depuis 1998, l’Environnement a souvent été représenté par un Secrétariat d’Etat rattaché ( entre autre ) à l’ Aménagement du Territoire, qui est une activité horizontale de la même nature. Mr Bennis a fait remarquer que le rattachement actuel de l’Environnement à l’Energie et aux Mines ( MEMEE) rappelle la structure de 1997 et va à contre courant de ce qui se fait dans d’autres pays, comme par exemple la France (rattaché au développement durable), la Tunisie (Ministère à part entière) et le Mali (Environnement et Ressources naturelles). 2 * Le deuxième concerne le bilan des réalisations. Tout en soulignant qu’il est difficile d’établir scientifiquement la corrélation entre la structure et le bilan, l’orateur a estimé que le Maroc a pu créer, sous le Ministère de l’Environnement en 1995, une dynamique appréciable. Il a estimé aussi que les réalisations sous le MATEE, liant l’Environnement à l’Aménagement du Territoire, depuis 2002, ne sont pas négligeables non plus. - Troisième axe : Questions pour le débat M Bennis a souligné qu’à l’heure actuelle, et en dehors de la Déclaration générale d’investiture du nouveau gouvernement, on n’a pas enregistré d’informations spécifiques de la part du MEMEE sur sa politique environnementale et sur les structures qui lui seront dédiées. Tout ce qu’on a appris, c’est que les IRATEE ont été mis sous la tutelle du Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement de l’Espace, plus précisément du Secrétariat d’Etat chargé du Développement Territorial. La structure gouvernementale actuelle incite donc à se poser plusieurs questions qu’on peut scinder en deux catégories selon les perceptions positives ou négatives qu’elles inspirent : Inspiration négative : Un Secrétariat d’Etat chargée de l’Eau et de l’Environnement, au sein du MEMEE, est-il la structure idoine pour la prise en compte de la problématique environnementale qui est une problématique « transversale » ? Ne donne -t-il pas une impression de dispersion du secteur de l’Environnement ? Comment interpréter l’absence du mot « environnement » dans la Déclaration d’investiture du gouvernement ? De quelle « légitimité » peut être armé un département thématique, chargé de l’eau, pour coordonner des activités sans lien direct avec son domaine d’intervention ? C’est le cas de l’animation des commissions interministérielles comme celle de la biodiversité, des études d’impacts, des déchets solides etc… ? Qui sera l’interlocuteur des ONG qui oeuvrent dans les différents domaines de l’environnement ? Qui remplacera les IRATEE sur le terrain pour les activités environnementales ? Vont-elles continuer à s’en occuper sous la tutelle d’un ministère qui n’est pas chargé de l’environnement ? Les Agences de Bassin peuvent –elles s’en charger ? Inspiration positive La nouvelle organisation ne traduit-elle pas une volonté de réduire les effets négatifs d’une structure environnementale « dominante » qui « étouffe » les autres et qui génère parfois des disfonctionnements et des conflits ? Ne traduit-elle pas une volonté de responsabiliser chaque département de composante environnementale de son domaine de compétence ? 3 Quatrième axe : Propositions M Bennis a soumis au débat des participants les propositions suivantes : Créer une Agence Nationale de l’Environnement pour assurer l’exigence de la transversalité et veiller à l’exécution sur le terrain de projets concrets ; Créer une « Commission Environnement » au niveau du premier ministre pour contribuer à la coordination entre les différents départements ; Instituer au niveau de chaque département ministériel une structure de rang élevé chargée de l’Environnement. C Débat Le débat a été modéré par Sefiane Benyahia qui a rappelé la philosophie des ateliers et diner-débats de l’AMEDE qui se veut d’abord et avant tout une contribution substantielle au débat sur les grandes problématiques environnementales et une plateforme de propositions émanant de praticiens du domaine. Il a ouvert le débat en invitant les intervenants à se mettre en « mode propositions » pour être pleinement constructif. Les principaux aspects abordés au cours du débat sont synthétisés ci-dessous : Les politiques se doivent de gérer les affaires publiques de manière raisonnée ; Relié l’Energie à l’Environnement et à l’Eau est une excellente initiative pour une plus grande synergie ; Avoir un ministère de développement durable n’est pas non plus une solution qui garantirait une place importante à l’environnement, car les autres piliers du DD sont aussi très importants, l’économique et le social qui peuvent relayer au dernier plan l’environnemental Le développement durable est-il une priorité pour le gouvernement ? Il y a un réel besoin d’un régulateur de toute la politique de développement durable ; Il est trop tôt pour faire un bilan de l’organisation actuelle du MEMEE, il faut éviter les procès d’intention ; laissons les choses se faire et soyons une force de propositions ; Le Maroc accorde un intérêt à l’environnement l’Environnement, on l’aurait fait bien avant » ; « Si on avait voulu sacrifier Les différentes évolutions du DE ont été enrichissantes et ont permis de capitaliser des expériences ; 4 Se référer à l’exemple français où l’environnement est devenu un droit humain garanti par la Constitution; La gouvernance inclut plusieurs acteurs et il faut éviter de se braquer sur un seul acteur (le DE) qui est un acteur important mais pas le seul ; il faut viser l’ensemble des acteurs de manière exhaustive ; Le législateur a confié des missions au DE qui sont toujours d’actualité, c’est un département créé ex-nihilo qui a une mission d’assistance aux autres acteurs ; Il faut évaluer l’action de tous les acteurs ; le DE a connu des échecs mais aussi certains succès comme une sensibilisation élargie aux questions environnementales, une contribution majeure au développement de la société civile dans ce secteur, l’implication du secteur privé et des associations professionnelles (comme la CGEM par exemple). Plus que la prise de conscience, il y a eu des actions concrètes. Il faut évaluer le DE sur les missions qui relèvent de sa compétence ; L’environnement est l’affaire de tous, il faut militer pour une plus grande prise de conscience à tous les échelons ; Le constat de l’action du DE est somme toute assez positif, il faut analyser composante par composante et faire des propositions concrètes ; Le problème fondamental est que les lois ne sont pas appliquées et l’Etat ne donne pas toujours l’exemple (exemple : les études d’impacts sur les barrages et les méga projets) ; il faut faire le point sur la situation pour pouvoir avancer ; Il manque une agence d’exécution pour le contrôle de l’environnement qui pourrait être le bras armé du département ministériel qui n’est qu’un organe de régulation et d’accompagnement ; Il y a des approches gouvernementales qui vont à l’encontre de l’environnement, il faut joindre les actes à la parole ; Il faut sensibiliser les décideurs ; il y a une prise de conscience assez générale mais moins chez les décideurs qui restent "ataviques" ; plusieurs exemples l’attestent (chauffe-eau solaire dans les programmes de l’Etat, …); Le diagnostic global est à peu près partagé par tout le monde, il faut agir à travers différents instruments qui peuvent être regroupés en trois volets : (i) les aspects institutionnels, juridiques et règlementaires (structure de gouvernance, applicabilité des lois, …), (ii) les aspects économiques et financiers (moyens vs objectifs, incitatifs financiers et fiscaux, …) et, (iii) les engagements volontaires (engagement citoyen, les apports de la société civile, l’implication du secteur privé, …) ; 5 Le secteur des média n’est pas assez sensibilisé, on constate l’absence d’un réel mouvement national de protection de l’environnement qui dénonce les manques et défaillances ; Il va falloir éviter le travers qui lie la bonne gouvernance à la création de structures ; Il faut évaluer ce qui existe avant de créer quoi que se soit ; Il va falloir agir au niveau des incitations et la meilleure des incitations est le financement ; Il est proposé de tenir un « Grenelle » de l’environnement à la façon marocaine pour réfléchir collectivement aux actions concrètes qui s’imposent. D Recommandations A l’issue des discussions, les principales recommandations peuvent être synthétisées comme suit : Revendiquer le droit à l’environnement ; Faire pression sur les décideurs pour plus d’engagements; Militer pour une effectivité des lois (réclamer que les lois soient appliquées) ; Essaimer les bonnes pratiques ; Favoriser la création d’une Agence Nationale de l’Environnement pour doter le DE d’un bras armé efficace ; Encourager le partenariat avec des organismes privés qui peuvent porter le message de l’environnement ; Réactiver le Fons National de l’Environnement en incitant le privé à alimenter le fonds mais de manière non contraignante; Sensibiliser et impliquer encore plus les médias ; Inciter et susciter une véritable prise de conscience nationale sur les questions environnementales (sensibilisation à grande échelle, « Grenelle » de l’Environnement adapté au Maroc, …). 6 E La suite … Tous les participants se sont accordés sur la pertinence du thème débattu mais la gouvernance reste une affaire complexe qui englobe plusieurs aspects qu’il convient de dissocier pour plus de pertinence. Les participants ont ainsi recommandé la poursuite du débat en le segmentant composante par composante. L’AMEDE s’est engagé à poursuivre le processus en organisant la suite des débats selon les volets suivants : 1- Aspects institutionnels ; 2- Aspects législatifs et règlementaires ; 3- Aspects économiques et financiers ; 4- Engagements volontaires. Il a été proposé de constituer des petits groupes de travail pour préparer une plateforme de discussion comme introduction aux différents débats thématiques. L’AMEDE prendra les dispositions pour l’organisation des prochains rendez-vous et en fera l’annonce. La séance a été clôturé en rappelant l’importance du thème traité ainsi que l’apport de la Coopération internationale dans les différentes réalisations en matière d’environnement au Maroc. Il a également remercié la GTZ-PGPE et Ecoval pour leur appui et soutien à l’AMEDE dans ses activités. La séance a été levée à 21 heures. 7