Rapport réalisé par convention entre l’UREI-Languedoc-Roussillon et les Pactes Locaux, par Martine Theveniaut.
combattre s’énoncent d’eux-mêmes. Les pouvoirs publics peuvent en constater l’existence et en combattre
les conséquences sociales, par l’octroi d’un secours. Ils peuvent aussi prendre des mesures plus actives
destinées à augmenter le volume d’emploi pour qu’il corresponde à celui de la population active, ou alors
réduire le nombre d’individus ayant le droit, ou le désir ou le besoin de travailler. Les pouvoirs publics
peuvent en somme soit augmenter l’offre, soit diminuer la demande d’emploi sur le marché du travail.
Mais, avant cela, ils peuvent réaliser le mieux possible une utilisation intégrale de l’offre disponible
(placement, orientation, instruction professionnelle), ou réduire le nombre d’heures de travail pouvant être
effectuées par chaque individu employé »
.
La véritable novation des années 1970 – et peut-être la seule au plan individuel depuis 1946 – c’est le
droit à une formation professionnelle, tant initiale que pendant la vie active, et surtout après la perte d’un
emploi »
. Les lois de 1970 et 1971 modifient profondément la situation française en soulignant le rôle clé
de la valorisation des ressources humaines comme facteur productif. L’idée fait son chemin dans le
concept européen de « formation tout au long de la vie », inspiré, lui aussi, par Jacques Delors qui dirige la
Commission européenne et rédige le « Livre Blanc sur la Croissance, la compétition et l’emploi » en 1993.
La sortie des « Trente Glorieuses » engage une remise en question difficile des croyances antérieures.
Le droit au travail affirmé par la Constitution de 1945 s’est traduit dans les faits par une mise au travail de
toutes les forces vives engagées dans un grand effort collectif de productivisme. Dans un raccourci
schématique, le travail de chacun était considéré comme la meilleure voie du bonheur de tous. La ligne
d’horizon était envisagée sans limites. En 1973, le premier choc pétrolier secoue ces croyances sans
preuves. Le prix du brut s’envole et la brutalité est réintroduite dans le jeu des marchés ! Mais la mutation
n’est pas qu’externe, elle est aussi sociétale. Cinq ans auparavant, « les évènements de mai 68 » ont
exprimé les aspirations des nouvelles générations. Mais dès la fin des années 60, les chiffres du chômage
sont jugés « préoccupants » par les rédacteurs du V° Plan. Si la prospective reste marquée par une vision
qui « fait fond sur une adaptation largement spontanée et naturelle de notre économie et de notre société
aux exigences résultant de ses propres ambitions », les rédacteurs reconnaissent que « les réticences devant
le changement et les disciplines indispensables se sont révélées plus profondes que prévu ». Ils craignent
que la situation en vienne à « identifier le progrès de la productivité à celui du chômage, ce qui amènerait
des attitudes hostiles envers les transformations nécessaires de notre économie »
.
Le chômage augmentant, l’emploi devient un terrain politiquement sensible et médiatisé où l’on
s’oppose sur les chiffres. Le spectre de la crise de 1929 resurgit. Jacques Delors situe la barre fatidique à
400 000 chômeurs. L’emploi devient un secteur d’intervention qui engage de plus en plus d’institutions,
nouvelles pour nombre d’entre elles, oeuvrant pour le retour à l’emploi des sans-emploi. En francs
constants, les dépenses qui y sont consacrées par le budget de l’Etat sont multipliées par six entre 1975 et
1987. En 1988, tous modes de financements confondus, les dépenses pour l’emploi représentent 200
milliards de francs »
. Face à la multiplication des licenciements collectifs qui touchent les salariés les
moins qualifiés de l’industrie, les dispositifs de formation s’ouvrent aux situations de reconversion. Bâties
sur le modèle des formations qualifiantes. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Pourquoi ? En fait, ces
personnes ont appris ce qu’elles savent par l’apprentissage social, beaucoup plus que par la formation
initiale qu’elles ont quittée très tôt. Les dispositifs produisent « une colonne de distillation fractionnée »,
dont sort « un résidu social » sur lequel on a mis l’étiquette de « bas niveau de qualification »
. Après le
rejet hors du système productif, ces personnes sont rejetées hors des circuits de la formation. Ce mécanisme
de redoublement de l’exclusion est inédit.
Lasry, C., 1938, Lutte contre le chômage et finances publiques, 1929-1937, Paris, p 199.
Lyon-Caen, G. in les Sans-Emploi et la loi », sous la direction d’Alain Supiot, éd. Calligrammes, 1988, p 209.
Rapport modifié du V° Plan, septembre 1968, p 8.
Rapport Hara, 1989, p 216.
Daniel Atlan cité dans le rapport d’activité 1992 du programme de recherche Formation et Apprentissage des Adultes Peu Qualifiés (FAAPQ)
par Gainsbourger F., Merle V., Vergnaud G.