La Terre avant l'Homme Notre univers est né il y a environ 15 milliards d'années à la faveur d'une grande explosion (on dit en anglais: Big Bang). Notre Soleil se forma il y a 4,6 milliards d'années à partir d'une masse gazeuse en rotation; la Terre et les huit autres planètes qui tournent autour de lui apparurent peu après. Les premiers micro-organismes seraient nés sur notre planète à la faveur d'une première période de refroidissement faisant suite à une activité volcanique intense il y a environ 3,8 milliards d'années. L'ère primaire La vie commence véritablement il y a environ 570 millions d'années (570 millions d'années BP, disent les géologues, autrement dit Before Present en anglais, avant nos jours en français). Ses premières manifestations surviennent dans les océans sous la forme d'algues sécrétant du calcaire, de trilobites (crustacés arthropodes semblables aux crabes actuels) et d'invertébrés. Cette période du Cambrien (d'après une région anglaise où l'on a trouvé beaucoup de fossiles), marque le début de ce que les savants appellent l'ère primaire (on dit aussi ère phanérozoïque, du grec phanairos, visible, et zoon, le vivant, ou ère paléozoïque, du grec paleos, ancien). Les vertébrés apparaissent dans la période de l'Ordovicien. Le Silurien voit la colonisation des terres émergées par des végétaux et des insectes. Au Dévonien se multiplient poissons, plantes à graines et fougères. Le Carbonifère dote la terre de reptiles, d'insectes volants et surtout d'immenses forêts de conifères géants dont il nous reste la trace sous forme de gisements de charbon. L'ère phanérozoïque s'achève avec le Permien. Le réchauffement et la sécheresse entraînent un appauvrissement de la faune et de la flore. A cette époque, les terres émergées forment encore un continent unique, la Pangée. L'ère secondaire Vers 245 millions d'années débute l'ère secondaire (ou mésozoïque, du grec mesos, milieu ou intermédiaire). La Pangée commence à se dissocier. Les continents que nous connaissons aujourd'hui partent à la dérive selon le processus de tectonique des plaques mis en évidence par le grand savant Alfred Lothar Wegener (1880- 1930). Au Trias apparaissent les premiers petits mammifères, les grenouilles et autres batraciens... et surtout les imposants dinosaures ou dinausoriens (du grec deinos, terrible, et sauros, lézard). Ces derniers dominent comme chacun sait la période suivante, le Jurassique. Et ils s'éteignent au Crétacé, suite à une catastrophe majeure, sans doute une météorite géante de 10 kilomètres de diamètre dont on a retrouvé la trace au Yucatan, dans le golfe du Mexique (1). Il apparaît aujourd'hui vraisemblable que cette catastrophe s'est doublée d'une activité volcanique intense qui a occasionné une alternance brutale de chaleur et de froid sur l'ensemble de la planète. La chaîne des ghâtes, en Inde, est le principal témoignage de cette activité. L'ère tertiaire L'ère tertiaire (ou cénozoïque, du grec kainos, récent) débute il y a 65 millions d'années. Les oiseaux et les mammifères prennent leur revanche sur feu les dinosaures. Se développent aussi les plantes à fleurs. Le monde se rapproche de celui que nous connaissons au fil de plusieurs périodes (Paléocène, Eocène, Oligocène, Miocène, Plioscène). L'ère quaternaire L'être humain apparaît enfin il y a quelques millions d'années et cet événement, bien qu'insignifiant au regard des longues périodes géologiques qui l'ont précédé, a mérité d'être considéré comme le début d'une ère nouvelle: l'ère quaternaire! A fin du Plioscène débute une succession de glaciations qui auront pour certaines des incidences importantes sur le développement de l'humanité. Les premières glaciations, Donau I, II et III (du nom du Danube), surviennent il y a respectivement 3 millions d'années, 2,5 et 2 millions d'années. Elles entraînent à chaque fois une régression marine (baisse du niveau des océans), une grande partie de l'eau se figeant dans la banquise et les glaciers. Puis surviennent les glaciations du Günz I et Günz II, il y a 1,2 million d'années et 700.000 ans; Mindel (de 600.000 à 400.000 ans) et Riss (avec trois pics de refroidissement il y a 300.000, 200.000 et 100.000 ans). C'est à cette époque que les hommes domestiquent le feu. Enfin les plus lourdes de conséquences: - Würm I, il y a 80.000 ans, - Würm II, il y a 45.000 ans; des hommes en profitent pour traverser le détroit de Béring et peupler le continent américain, - Würm III, il y a 32.000 ans, - Würm IV (la plus froide), il y a 18.000 ans... soit à l'époque où l'homme de CroMagnon peignait la grotte de Lascaux. Découverte de Lucy Le 30 novembre 1974, les anthropologues Tom Gray, Donald Johanson, Yves Coppens et le géologue Maurice Taïeb découvrent 52 restes d'un squelette vieux de 3 millions d'années dans la vallée desséchée de l'Omo, au sud de l'Éthiopie. Ces ossements se révèlent être ceux d'une femme de 1 mètre 10. Elle se serait noyée, à en juger par la nature des roches qui forment son linceul. Son âge? Environ 20 ans à en juger par ses dents de sagesse non encore usées. Son alimentation? Essentiellement végétarienne. Les savants la baptisent Lucy d'après… une chanson des Beatles qu'ils écoutaient à leur bivouac: «Lucy in the Sky with Diamonds». Cette circonstance va réveiller l'intérêt du grand public pour la préhistoire. Invention des Australopithèques Lucy et ses congénères appartiennent à l'espèce Australopithecus afarensis, du groupe des australopithèques (ou «singes du sud», en latin et grec). Il s'agit d'hominidés avec une forte mâchoire et une capacité crânienne faible (moins de 500 cm3). La découverte du premier australopithèque remonte à la fin de l'année 1924. Elle revient à une étudiante de l'université du Witwatersrand, en Afrique du sud, Josephine Salmons, qui apporta à son professeur d'analotomie, Raymond Dart, un crâne découvert par des ouvriers dans une mine du Bechuanaland. Dans une note à la revue Nature en date du 7 février 1925, Raymond Dart avance l'hypothèse que le crâne est celui d'un hominidé (un enfant de six ans) et le baptise Australopithecus africanus. Les australopithèques sont nés! A ses confrères sceptiques, le savant déclare qu'ils sont la preuve que l'humanité serait née en Afrique. C'est seulement après la deuxième guerre mondiale que la communauté scientifique admettra l'hypothèse de Raymond Dart classant les australopithèques parmi les hominidés (ou parents de l'homme actuel), lointains intermédiaires entre les primates et nous-mêmes (1). Trésors d'Afrique En 1959, deux savants kényans d'origine anglaise, Richard et Mary Leakey, découvrent les fabuleux gisements anthropologiques de la vallée du Rift, une grande faille qui traverse l'Afrique orientale du nord au sud, de l'Éthiopie au Malawi. Ils mettent à jour dans les gorges d'Olduvai, en Tanzanie, des restes humanoïdes accompagnés d'outils en pierre taillée dans un niveau géologique vieux de 1.700.000 années. Cette découverte repousse déjà de près d'un million d'années la date d'apparition supposée de l'humanité. Elle donne du crédit à l'hypothèse de Raymond Dart qui fait de l'Afrique le berceau de l'humanité. En raison de sa maîtrise de la pierre taillée, l'australopithèque d'Olduvai est dénommé homo habilis (en latin, l'homme habile). En 1974, l'International Afar Research Expedition met à jour la petite Lucy et, du coup, fait reculer jusqu'à 3 millions d'années l'origine de l'humanité... A un détail près: c'est qu'aujourd'hui, les australopithèques, y compris Lucy, ne sont plus considérés par les spécialistes comme nos lointains ancêtres mais simplement comme de vieux cousins. Lucy est notre grand-tante en quelque sorte. Et les savants n'en ont pas fini avec les découvertes qui repoussent toujours plus loin l'origine de l'humanité... Le roman de l'East Side Story La vallée du Rift est une grande faille qui traverse l'Afrique orientale du nord au sud. Dans un essai retentissant qui l'a propulsé au zénith de la popularité médiatique, Le singe, l'Afrique et l'homme (Fayard, 1983), l'anthropologue Yves Coppens y a vu le lieu de naissance de l'humanité. Il a suggéré que la formation de cette faille, il y a huit millions d'années, aurait entraîné la disparition de la forêt au profit de la savane du côté le plus sec, à l'Est. Les primates de la partie occidentale de la faille, continuant de bénéficier du couvert forestier, auraient poursuivi leur évolution normale jusqu'aux grands singes actuels (chimpanzés, gorilles,...). Du côté Est de la faille, les primates auraient quant à eux pris l'habitude de marcher sur deux pattes pour guetter les prédateurs par-dessus les hautes herbes. Mieux soutenu, leur cerveau aurait progressivement gagné en volume et se serait développé jusqu'à atteindre notre capacité crânienne (de l'ordre de 1250 cm3). Avec cette «East Side Story», Yves Coppens a tenté d'expliquer l'origine de diverses espèces ou sous-espèces d'hominidés dont la nôtre. Mais cette thèse est fortement contestée par les découvertes les plus récentes, à l'ouest du Rift, auprès du lac Tchad. West Side Story? En 1995, une équipe conduite par un anthropologue de Poitiers, Michel Brunet, découvre une mâchoire aussi ancienne que Lucy au nord du lac Tchad, très à l'ouest du Rift. La découverte de cet hominidé baptisé Abel porte un premier coup à la thèse d'une naissance de l'humanité à l'est de la célèbre faille. Jamais au bout de leurs peines, les anthropologues découvrent en 1999, en Afrique australe, quelques restes d'un australopithèque de plus de 4 millions d'années. Puis, en octobre 2000, une équipe franco-américaine découvre au Kénya la mâchoire et quelques os d'un bipède dans des terrains remontant à... six millions d'années. Le mystérieux australopithèque auquel auraient appartenu ces ossements serait ainsi deux fois plus vieux que Lucy. Il est baptisé du nom d'Orrorin («homme originel» en langue locale). Enfin, le 19 juillet 2001, la mission franco-tchadienne de Michel Brunet réalise un nouvel exploit en mettant à jour un crâne vieux de sept millions d'années et quelques autres ossements en un lieu désertique du Tchad, autrefois baigné par les eaux du lac. Baptisé Toumaï («espoir de vie» en langue locale), le crâne appartient à un être à la limite entre notre espèce et les autres hominidés. Homme ou gorille? La question reste ouverte dans l'attente d'un fémur qui pourrait démontrer que Toumaï était un bipède, comme Orrorin, Lucy et nous. Répartition sexuelle des tâches On a vu que l'apparition de la station verticale a facilité le développement de la boîte crânienne et des facultés cérébrales. Elle a aussi entraîné chez nos ancêtres un rétrécissement du bassin et conduit les femelles à accoucher de plus en plus tôt, ce qui aurait eu une conséquence notable sur la répartition des fonctions sociales entre les sexes. En donnant le jour à des bébés de plus en plus immatures, nos aïeules auraient été conduites à s'en occuper plus intensément et plus longtemps. D'où la traditionnelle répartition des tâches: aux hommes la quête de la nourriture, aux femmes les travaux d'éducation, le ménage et la simple cueillette. Cette thèse a été reprise par Élisabeth Badinter dans son essai L'un est l'autre. L'homme social En Asie, sur l'île de Java, en 1890, un médecin hollandais, Eugene Dubois, met à jour des fossiles humains vieux d'un million d'années environ. Ces pithécanthropes (ou singes-hommes) constituent le chaînon qui relie l'homo habilis à l'homo sapiens. A l'instigation du philosophe Teilhard de Chardin, ces pithécanthropes, qui ont vécu de 1,7 millions d'années à 400.000 années avant nous, sont bientôt élevés à la dignité d'homo erectus (hommes debout). On constate en effet que les homo erectus marchent et ne conservent plus rien de l'aptitude de leurs prédécesseurs à grimper aux arbres. Plus important: certains d'entre eux enterrent déjà leurs morts, signe de la croyance en l'au-delà. Les homo erectus sont aussi à l'origine de la domestication du feu. On considère aujourd'hui que la domestication du feu remonte à près d'un million d'années. Quant aux rites funéraires, la découverte en 2003 d'une sépulture collective a montré qu'ils existaient déjà il y a... 500.000 ans! Il y a plus de cent mille ans apparaît l'homme de Neanderthal, du nom de la vallée de Neander, proche de Düsseldorf (Allemagne). C'est le premier homo sapiens (ou homme qui sait!). Neanderthal domestique le feu et a coutume d'enterrer ses morts. L'homme de Neanderthal disparaît il y a quelques dizaines de milliers d'années pour des raisons encore mystérieuses. Le flambeau de l'humanité est repris par un homme dont on a découvert en 1868 les premiers ossements dans la grotte de Cro-Magnon, en Dordogne: l'homo sapiens sapiens (nous-mêmes!). Cet homme de Cro-Magnon a fait preuve à Lascaux, Altamira, Chauvet,... d'un remarquable sens artistique. Beaucoup plus tard, ses descendants ont goûté le bonheur de vivre en communauté. Ils ont construit des villages permanents puis développé l'agriculture et l'élevage. Aujourd'hui, il ne reste plus que cinq espèces d'hominidés: le gorille, l'orang outang, le chimpanzé, le bonobo (un petit singe du Congo ressemblant au chimpanzé)... et l'homme moderne. Elles ont en commun la station debout, une longue période de croissance et la capacité à employer des outils (plus évolués en ce qui nous concerne!). Bibliographie Le film La Guerre du Feu de Jean-Jacques Annaud, d'après le roman de Rosny l'Aîné, illustre bien le Paléolithique et la lente humanisation de nos ancêtres. Il faut lire aussi le merveilleux petit livre de l'Anglais Roy Lewis: Pourquoi j'ai mangé mon père (Pocket) pour comprendre les questions qui se posaient à nos très lointains ancêtres. 8000 ans avant JC Sédentarisation des hommes et naissance de l'agriculture Entre l'an 12.500 et l'an 7.500 avant JC, de petites communautés humaines commencent de se grouper dans des villages permanents. Puis elles développent l'agriculture en complément de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Elles pratiquent ensuite l'élevage et enfin cultivent les arts du feu, notamment la poterie et la métallurgie du bronze. C'est ainsi que les hommes cessent d'être seulement des prédateurs qui puisent leur subsistance dans la nature sans se soucier de son renouvellement. Ils deviennent des producteurs qui renouvellent ce qu'ils consomment (graines, gibier) par les semis et l'élevage. Ce changement est observé au Moyen-Orient et presque simultanément en Chine du nord, au Sahara et dans la Cordillère des Andes. Avant l'agriculture Les premiers hommes, tels ceux de Lascaux et d'Altamira, vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Nomades et peu nombreux (quelques centaines de milliers en tout et pour tout), ils parcouraient la terre en quête de nourriture et jouissaient sans trop de mal des fruits de la Terre, d'autant qu'après la dernière glaciation, qui remonte à 16.000 ans avant JC, le réchauffement du climat avait favorisé dans les zones tempérées la prolifération du gibier, des céréales (blé et orge) et des légumineuses (pois ou lentilles). Les premiers hommes utilisaient des pierres et des os pour se défendre, découper la viande et déterrer les racines. Pour rendre ces outils rudimentaires plus coupants et plus pointus, ils les taillaient avec du silex (une pierre extrêmement dure). Cette lointaine époque est pour cela appelée l'Âge ancien de la pierre taillée, ou Paléolithique (du grec palaios, ancien, et lithos, pierre). Elle a duré 20.000 ans. Mines à silex Le silex, roche siliceuse très dure, est présent sous forme de gisements dans certains sols calcaires. Il a été très utilisé par les premiers hommes et même, au temps des pharaons, par les Égyptiens. Les meilleurs gisements étaient exploités comme des mines de charbon et la précieuse pierre faisait l'objet d'échanges commerciaux. On peut voir une reproduction de mine de silex à Samara, près d'Amiens. Premiers villages Tout change vers 12.500 ans avant JC. Le Moyen-Orient se couvre de graminées (céréales) et l'«on a pu calculer qu'une personne pouvait récolter en deux semaines assez d'engrain sauvage pour nourrir une famille de quatre personnes pendant un an» (1). (1) cité par George Willcox, in Premiers paysans du monde, Naissance des agricultures, p. 127 (sous la direction de Jean Guilaine), Au Proche-Orient, dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Ces villages marquent le début d'une période charnière appelée Mésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu). L'archéologue Jean Perrot a mis à jour le site d'un tel village à Mallaha, au nord d'Israël, en 1955. Il s'agit d'un hameau de cinq ou six maisons rondes, semienterrées et en dur, construit entre 12.500 et 10.000 avant JC. Des hameaux similaires ont été aussi mis à jour près du Mont Carmel et sur le site de Ouadi en-Natouf d'où l'appellation de Natoufiens donnée par les savants aux représentants de cette lointaine culture. Avec les Natoufiens, nous découvrons aussi le plus ancien ami de l'homme: le chien. C'est le premier exemple de domestication animale... Les hommes du Mésolithique ont attendu trois mille ans avant de domestiquer un nouvel animal: la chèvre! «Par leur sédentarité, ces groupes accrus s'enracinent en outre dans un milieu stable, où la société des morts, dont témoignent les premiers cimetières mêlés aux habitants, renforce métaphoriquement celle des vivants et peut légitimer en quelque sorte son implantation fixe», écrit Jacques Cauvin (2). Au cours du demi-millénaire suivant (10.000 à 9.500 avant JC), dans la même région, les Khiamiens réalisent les premières statuettes de femmes (auparavant, les hommes ne représentaient que des animaux). Il s'agit de figurines en calcaire assimilables à une déesse Mère. Elles cohabitent avec des représentations de taureaux, le taureau étant le symbole de la force virile et indomptable. Les cultes de la déesse Mère et du taureau se diffusent de concert... de même que la vénération des crânes. Premiers semis Les archéologues ont repéré les premiers signes d'une domestication des céréales chez les Khiamiens de l'oasis de Damas. De tous temps, les hommes avaient observé qu'une graine tombée dans le sol générait une nouvelle plante mais ils n'avaient pas exploité cette observation. Cette fois, les villageois prennent l'initiative de récolter des graines et de les semer sur place ou à proximité de leurs habitations. C'est le début de l'agriculture. Les origines de ce changement ne sont pas complètement élucidées mais le préhistorien Jacques Cauvin peut toutefois affirmer que «le passage à l'agriculture n'est pas, à ses débuts, une réponse à un état de pénurie» (3). Plantes sauvages, plantes cultivées Le tournant agricole se repère à la modification des caractères génétiques des restes végétaux qu'ont retrouvés et analysés les archéologues: Les céréales sauvages ont des graines qui, à leur maturité, s'envolent d'elles-mêmes au premier souffle de vent. C'est la condition de leur reproduction. Or, les hommes, quand ils récoltent les graines mûres en vue de leur consommation ou d'un semis volontaire, prennent, par la force des choses, les graines qui sont restées attachées à l'épis du fait d'une mutation génétique rare. C'est ainsi que les céréales mutantes caractérisées par un rachis solide (le rachis désigne la fixation de la graine à l'épis) tendent à se multiplier dans les zones cultivées, au détriment des céréales ordinaires. C'est à ce phénomène que les archéologues reconnaissent l'existence de pratiques agricoles. Révolution culturelle Des deux millénaires qui s'écoulent entre 9500 et 7500 avant JC, il nous reste des vestiges remarquables sur le site de Jéricho, la plus ancienne des villes actuelles, comme sur celui de Mureybet, au bord de l'Euphrate (l'Irak actuel). Selon les propos de Jacques Cauvin, ces vestiges témoignent d'un véritable choc culturel avec la banalisation de l'agriculture, l'apparition de l'élevage et le développement d'une civilisation urbaine, avec aussi une hiérarchie sociale et une segmentation par profession. Une nouvelle architecture émerge avec des maisons à plan rectangulaire. La forme ronde est dès lors réservé aux maisons communautaires ou aux sanctuaires (comme aujourd'hui le chevet des églises ou le mirhab des mosquées). Les maisons rectangulaires non enterrées et les premières chèvres domestiquées témoignent de la volonté des hommes de s'affranchir des éléments naturels et de les dominer. Révolution néolithique La période comprise entre l'an 12.500 et l'an 7.500 avant JC est appelée par les préhistoriens l'Âge nouveau de la pierre polie, aussi appelé Néolithique. Ce mot a été forgé en 1865 par le banquier et naturaliste sir John Lubbock à partir du grec neos, nouveau, et lithos, pierre. L'Âge nouveau de la pierre polie fait suite à l'Âge ancien de la pierre taillée, aussi appelé Paléolithique, du grec paleos, ancien. Le Néolithique se caractérise par l''apparition des premiers villages permanents et la naissance de l'agriculture, ainsi que par la mise au point de techniques raffinées pour la taille des outils en pierre. Il est à l'origine d'une première expansion démographique qui a porté l'humanité de quelques centaines de milliers à quelques dizaines de millions d'hommes. Aussi le préhistorien Gordon Childe a-t-il vu dans cette période de 5.000 ans une «révolution néolithique» comparable par ses conséquences à la révolution industrielle de notre époque. La révolution néolithique se diffuse assez vite du Levant (la région du Jourdain) vers l'Anatolie (la Turquie actuelle). On en trouve les traces à Cayönu et Nevali ainsi qu'à Catal Hüyük. Le site archéologique de Catal Hüyük, près du lac de Konya montre des maisons resserrées, auxquelles on accède par le toit (à cause du climat froid de la région). Ce village aurait été fondé vers 7.500 avant JC. Enfin, entre 7.500 et 6.200 avant JC, c'est l'explosion, le «grand exode»! Des migrants diffusent l'économie urbaine et agro-pastorale du néolithique au-delà du Moyen-Orient, vers l'Europe comme vers les monts Zagros (Iran). L'émergence au Néolithique de la sédentarisation et de l'agriculture a partout des conséquences incalculables sur l'organisation sociale. Il faut que chacun se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions. Ainsi naissent la propriété et le droit qui s'y attache! Vers l'âge des métaux La révolution néolithique se clôt avec l'apparition de la poterie et des premiers objets métalliques. Les paysans font appel à des artisans spécialisés pour leur fournir les outils et les vêtements dont ils ont besoin. Ces artisans tissent la laine du mouton ainsi que des fibres végétales comme le lin ou le chanvre, pour en faire des vêtements. D'autres fabriquent des poteries en terre cuite pour conserver les céréales et l'huile ainsi que pour cuire les aliments... Notons que la poterie surgit au Japon dès le XIIe millénaire avant JC et dans le Sahara au IXe millénaire, soit bien avant l'invention de l'agriculture! Pour travailler la terre, les paysans utilisent des outils de plus en plus spécialisés: houe, faucille,... Ces outils sont en bois, en pierre polie, voire en bronze. Dès 4.500 ans avant JC, les hommes du Levant s'aperçoivent qu'en faisant fondre certaines roches (il s'agit de minerais), ils obtiennent un matériau mou et malléable à chaud qui devient très dur et résistant en refroidissant. Quand il est bien modelé à chaud, ce matériau (le métal) rend plus de services que la pierre taillée ou polie. Le premier métal qu'apprennent à travailler les hommes est le bronze. C'est ainsi qu'après l'époque néolithique vient l'Âge des métaux. Au Moyen-Orient, au bout de quelques milliers d'années, les pluies se faisant plus rares, les populations d'agriculteurs se concentrent dans une région en forme de croissant que nous appelons pour cette raison Croissant fertile. Le Croissant fertile Cliquez pour agrandir la carte Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écriture!. Dans ce Croissant fertile, de grands fleuves favorisent l'irrigation des champs et compensent la raréfaction des pluies. Ces fleuves sont le Nil, qui traverse l'Égypte, le Jourdain, qui baigne la Palestine et surtout le Tigre et l'Euphrate dont le bassin forme la Mésopotamie (aujourd'hui l'Irak). L'écriture, apparue presque simultanément en Mésopotamie et en Chine, 3 à 4.000 ans avant notre ère, engendre les premiers États avec un embryon d'administration. L'humanité entre dans l'Histoire. Épisode suivant La Bible et la révolution néolithique La Bible des Hébreux, ensemble de textes faisant référence à des événements immémoriaux, témoigne d'une singulière concordance avec le déroulement de la révolution néolithique d'après le préhistorien Jacques Cauvin. Ainsi la découverte de la nudité par Adam et Ève serait-elle assimilable à la révélation de la finitude de la vie; la perte du jardin d'Eden traduit l'éloignement de la divinité (opposition architecturale entre le cercle et le rectangle); Caïn témoigne de l'avènement de l'agriculture et Abel, son frère cadet, de l'élevage... Au Proche-Orient, dans la région du Jourdain, certaines communautés profitent de cette nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Ces villages marquent le début d'une période charnière appelée Mésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu). L'archéologue Jean Perrot a mis à jour le site d'un tel village à Mallaha, au nord d'Israël, en 1955. Il s'agit d'un hameau de cinq ou six maisons rondes, semienterrées et en dur, construit entre 12.500 et 10.000 avant JC. Des hameaux similaires ont été aussi mis à jour près du Mont Carmel et sur le site de Ouadi en-Natouf d'où l'appellation de Natoufiens donnée par les savants aux représentants de cette lointaine culture. Avec les Natoufiens, nous découvrons aussi le plus ancien ami de l'homme: le chien. C'est le premier exemple de domestication animale... Les hommes du Mésolithique ont attendu trois mille ans avant de domestiquer un nouvel animal: la chèvre! «Par leur sédentarité, ces groupes accrus s'enracinent en outre dans un milieu stable, où la société des morts, dont témoignent les premiers cimetières mêlés aux habitants, renforce métaphoriquement celle des vivants et peut légitimer en quelque sorte son implantation fixe», écrit Jacques Cauvin (2). Au cours du demi-millénaire suivant (10.000 à 9.500 avant JC), dans la même région, les Khiamiens réalisent les premières statuettes de femmes (auparavant, les hommes ne représentaient que des animaux). Il s'agit de figurines en calcaire assimilables à une déesse Mère. Elles cohabitent avec des représentations de taureaux, le taureau étant le symbole de la force virile et indomptable. Les cultes de la déesse Mère et du taureau se diffusent de concert... de même que la vénération des crânes. 3300 ans avant JC De Sumer à Babylone Les cités de Sumer, Babylone et Bagdad ont rayonné tour à tour sur le monde civilisé pendant trois millénaires. Dans un paysage aujourd'hui aride et désolé flottent les fantômes d'Abraham, Hammourabi, Nabuchodonosor, Alexandre le Grand, Haroun al-Rachid, Saladin et Tamerlan. Quelques clés pour comprendre l'Irak actuel: De Sumer à Babylone 23 septembre -605: avènement de Nabuchodonosor 10 octobre 680: Kerbela et le chi'isme musulman 14 septembre 786: Haroun al-Rachid devient calife 10 février 1258 : les Mongols détruisent Bagdad 11 mars 1917: les Britanniques entrent à Bagdad 1er juin 1941: les Britanniques de retour à Bagdad 31 juillet 1968: le Baas au pouvoir 22 septembre 1980: Saddam Hussein attaque l'Iran 17 janvier 1991: opération "Tempête du désert" Quelle "vengeance" pour les victimes du 11 septembre? «L'Histoire commence à Sumer» selon la formule célèbre de l'historien américain Samuel Noah Kramer. Située au sud de l'Irak actuel, Sumer est une région de l'antique Mésopotamie, une expression qui veut dire: «le pays d'entre les fleuves», d'après les mots grecs méso, (milieu), et potamos (fleuve). Cette région du Moyen-Orient, très ensoleillée et manquant de pluies, doit son nom au fait qu'elle est traversée par deux grands fleuves, le Tigre et l'Euphrate. Ces fleuves ont attiré très tôt de nombreuses communautés humaines et favorisé le développement de l'agriculture. Le Croissant fertile Cliquez pour agrandir la carte Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écriture!. Naissance de l'écriture Vers 3.300 avant JC, dans la région de Sumer, apparaissent de nombreuses cités avec une organisation sociale hiérarchisée, dominée par un roi-prêtre. Ces communautés pratiquent le culte de la déesse de la fécondité. L'une de ces cités, Ourouk, peuplée à son apogée de plusieurs dizaines de milliers d'habitants, a engendré la légende épique du roi-héros Gilgamesh. Cette légende évoque un déluge semblable à celui dont parle la Bible. Ourouk est aussi à l'origine de la première écriture de l'histoire humaine. Il s'agit de signes gravés avec la pointe d'un roseau sur des tablettes d'argile humides. Après séchage au soleil ou cuisson au four, ces tablettes deviennent très résistantes. Elles permettent aux riches propriétaires de la cité de tenir les comptes de leurs richesses. Au début, les signes sont de simples dessins ou pictogrammes qui représentent les biens (troupeaux, esclaves, maisons, outils,...). Au fil du temps, les personnes en charge de la gestion des biens simplifient ces signes et les réduisent à des symboles afin d'écrire plus vite. Elles ajoutent aussi des signes qui représentent des sons pour élargir leur vocabulaire. De cette combinaison de plus en plus savante de pictogrammes et de symboles phonétique est issue l'écriture des Sumériens. Les signes sont en forme de clous ou de coins d'où le qualificatif de cunéiforme donné à cette première écriture (d'après le latin cuneus, qui signifie coin). D'une écriture à l'autre A peu près en même temps que les Sumériens, les Égyptiens mettent au point leur propre système d'écriture. Il est composé d'environ 5.000 signes. Beaucoup plus tard , les Grecs de l'époque classiques, contemporains de l'historien Hérodote, les ont appelés hiéroglyphes (d'après les mots hieros, sacré, et gluphein, graver), car ils croyaient que ces caractères, pour eux mystérieux, étaient exclusivement dédiés à un usage sacré. C'est seulement en 1822 de notre ère que les anciens hiéroglyphes ont perdu leur mystère. Le mérite en revient à un jeune Français de génie, Jean-François C hampollion. Vers 1200 avant JC, les Phéniciens, un peuple commerçant de langue sémitique qui habite l'actuel Liban, mettent au point un système d'écriture novateur, réduit à une vingtaine seulement de signes phonétiques, l'alphabet. Les Phéniciens ont transmis ce système révolutionnaire aux Grecs puis aux Latins... et à nousmêmes. L'alphabet tire son nom des deux premières lettres de sa version grecque: alpha et bêta. Avec un peu d'imagination, on peut reconnaître dans alpha (notre A) l'image d'une bête à corne car à l'origine, cette lettre représentait le boeuf. bêta est le signe phonétique inspiré du mot maison. Maison se dit en effet beth dans les langues sémitiques (comme dans Bethléem, lieu de naissance de Jésus-Christ). Relativement tardive, la nécropole d'Our, une cité-État d'où serait originaire Abraham, témoigne à sa manière de la grandeur de la civilisation sumérienne. Avec environ 2.000 tombes dont beaucoup richement meublées et décorées, elle est contemporaine des pyramides d'Égypte (2700 à 2500 avant JC)... Nous avons conservé de l'époque sumérienne de nombreux cylindres-sceaux, des milliers de tablettes d'argile recouvertes de caractères cunéiformes et bien sûr d'innombrables œuvres d'art: représentations de dieux et de rois. Les apports de Sumer s'étendent à l'astronomie et au calcul. Bénéficiant d'un ciel très pur, les habitants de la région ont pris le temps d'observer les astres. Ils sont devenus très férus en astronomie et nous leur devons la division sexagésimale du temps et du cercle: 60 minutes dans une heure, 24 heures dans une journée, 360 degrés dans un cercle... A la lumière de toutes ces avancées civilisatrices, on conçoit que les auteurs de la Bible aient situé le paradis terrestre en Mésopotamie, sur le site actuel de... Bagdad (1). Querelles de clocher à Sumer Grâce à l'écriture, les chefs des cités sumériennes transmettent plus facilement leurs ordres à leurs soldats et à leurs adjoints. Personne ne peut faire mine d'ignorer ces ordres. L'autorité des chefs s'accroît et conduit à la naissance de véritables États avec une administration efficace et des sujets obéissants. Pendant le IIIe millénaire avant JC, les cités-États de Sumer ne cessent de se combattre entre elles un peu comme les républiques urbaines de l'Italie de la Renaissance. Vers 2300 avant JC, les rivalités entre cités sumériennes se concluent provisoirement par la domination de Sargon 1er, roi d'Agadé, une ville située plus au nord, dans le pays d'Akkad. Les nouveaux maîtres de la région, les Akkadiens, semblent être des Sémites venus de la péninsule arabe. Ils tirent leur supériorité militaire de la maîtrise de l'arc. Le déclin rapide de la dynastie akkadienne entraîne une renaissance de Sumer et la montée en puissance de la cité d'Our. L'une de ses principales rivales est Lagash, dont le prince le plus célèbre est Goudéa. Nous en avons gardé de nombreuses représentations en calcite. Les cités sumériennes de cette époque se dotent de ziggourats, monumentales tours à étages destinées au culte, en simples briques de terre cuite comme toutes les constructions de la région. L'histoire biblique de la tour de Babel est sans doute inspirée par ces ziggourats, témoignage de l'orgueil humain. Avènement de Babylone Vers 2000 avant JC, l'effondrement des cités sumériennes et d'Our en particulier ouvre la voie à de petits royaumes indépendants. L'un d'eux, organisé autour de la cité de Babylone, va connaître un destin exceptionnel. La ville se situe à une centaine de kilomètres au sud de l'actuelle Bagdad. Sa région, la Chaldée ou la Babylonie, occupe l'ancien pays d'Akkad. Ses habitants parlent l'akkadien (ou le chaldéen). Comme toutes les langues de la famille sémitique, elle se reconnaît à la racine El ou Bal qui désigne la divinité. On en suit la trace de l'Arabie (Allah) à Carthage (Hannibal) en passant par la Phénicie, la Palestine et bien sûr la Chaldée. Babylone, dans la langue sémitique de l'époque, signifie «porte des dieux». Babylone atteint son apogée sous le long règne d'Hammourabi (1792-1750 avant JC). Ce souverain illustre achève la conquête des pays de Sumer et d'Akkad et détruit le royaume de Mari, dans la Syrie actuelle. C'est aussi un grand législateur. Il a laissé un code célèbre de 282 articles dont une copie sur une stèle de basalte est conservée au musée du Louvre. Avec cette juriprudescence, Hammourabi manifeste le désir d'homogénéiser le droit dans son vaste empire. Le souverain a soin de placer toutes les divinités locales sous l'autorité d'un dieu suprême, Mardouk, le dieu de Babylone. On peut y voir l'ébauche du monothéisme! Ce premier empire babylonien est ruiné vers 1595 avant JC par les Hittites sous la conduite de leur roi Mursili. Ces Hittites, nouveaux-venus au Moyen-Orient, sont un peuple de langue indo-européenne établi au coeur de la Turquie actuelle en un royaume du nom de Hatti. Leur capitale est Hattousa. Ils ont l'avantage sur leurs voisins de maîtriser la métallurgie du fer et non plus seulement du bronze. Leur armement s'avère plus résistant. Intermède assyrien Abattus, les Babyloniens passent sous la coupe des Kassites, un peuple venu de l'Est cependant que monte au nord de la Mésopotamie l'étoile de l'Assyrie. Les Assyriens ont même culture que les Babyloniens et comme eux, parlent l'akkadien, une langue sémitique. Mais ils se montrent plus brutaux et plus rustres. Leur capitale, Ninive, sur les ruines de laquelle est construite l'actuelle Mossoul, se signale par des palais colossaux et sans grâce. Les Hittites ayant détruit le royaume du Mitanni qui faisait de l'ombre aux Assyriens, ces derniers montent rapidement en puissance avec le roi Salmanasar 1er, vers 1274 avant JC. Ils soumettent peu à peu tout le Moyen-Orient à leur loi. C'est ainsi que le roi Sargon II envahit le royaume d'Israël en 721 avant JC. Son fils et successeur, Sennachérib, déporte les Hébreux d'Israël entre le Tigre et l'Euphrate. Sous le règne d'Assourbanipal, qui débute en 668 avant JC, la domination assyrienne s'étend jusqu'en Égypte! Mais à peine vingt ans après la mort de ce grand roi, survenue en 630 avant JC, l'empire assyrien s'effondre, victime d'une coalition des Mèdes et des Babyloniens. Babylone va retrouver sa grandeur pour plusieurs siècles 23 septembre -605 Avènement de Nabuchodonosor Le 23 septembre de l'an 605 avant notre ère, Nabuchodonosor II est couronné roi de Babylone. Il succède à son père, Nabopolassar. Histoire d'une renaissance Nabopolassar était à ses débuts le gouverneur de Babylone et devait obéissance à l'empereur assyrien. Celui-ci n'était autre que le prestigieux Assourbanipal, un conquérant qui avait repoussé jusqu'en Égypte les limites de son empire. Mais après sa mort, l'Assyrie, usée par les guerres et détestée par ses sujets allogènes, ne tarde pas à se déliter sous l'effet des révoltes et des luttes de palais. C'est ainsi que le gouverneur de Babylone s'allie à Cyaxare, le roi des Mèdes, un peuple de l'Iran actuel, et porte le coup de grâce à la monarchie assyrienne. Les Assyriens sont défaits en 615 avant JC à Arapkha (aujourd'hui Kirkouk) et leur capitale Ninive est détruite en 612 avant JC. Nabopolassar peut dès lors restaurer l'indépendance de l'empire chaldéen et le prestige de Babylone. Son fils Nabuchodonosor II ne montre pas moins de talent. Peu avant son couronnement, il vainc les Égyptiens à Kharkémish et les chasse du Moyen-Orient. Un peu plus tard, il soumet Jérusalem et le royaume de Juda. Il réduit aussi la cité de Tyr, en Phénicie. Le 28 mai de l'an 585 avant JC, une éclipse de soleil interrompt un combat entre les Mèdes et les Lydiens. Nabuchodonosor, allié des Mèdes, en profite pour annexer la Lydie (l'éclipse a été identifiée par les astronomes et a permis aux historiens modernes de dater avec précision ladite bataille). Surtout, le roi de Babylone se consacre à l'embellissement de sa capitale. Il fait aménager une enceinte de 18 kilomètres de long, dont le principal point de franchissement est la porte d'Ishtar. De celle-ci, une voie processionnelle en brique émaillée conduit au temple de Mardouk, le dieu de Babylone. Il fait aussi rénover la ziggourat, qui a donné naissance au récit biblique de la «tour de Babel»: elle s'élève à 90 mètres de haut et sa base a 90 mètres de côté. Enfin, le roi fait aménager les jardins suspendus. Une légende prétend qu'il aurait ainsi voulu faire une faveur à son épouse d'origine mède qui regrettait les montagnes verdoyantes de son enfance. Les jardins suspendus de Babylone Cette représentation fantaisiste de Babylone montre la tour de Babel et les célébrissimes jardins suspendus. La tradition attribue la création de ces jardins ainsi que la fondation de Babylone à Sémiramis, reine légendaire d'Assyrie. Depuis Antipater, un poète grec du IIIe siècle après JC, il est habituel de ranger ces jardins suspendus parmi les Sept Merveilles du monde antique, avec les pyramides d'Égypte, le phare d'Alexandrie, le temple d'Artémis à Éphèse, la statue de Zeus, par Phidias, à Olympie, le mausolée d'Halicarnasse et le colosse du port de Rhodes. Seules les pyramides sont encore debout. On peut aussi voir des vestiges du mausolée d'Halicarnasse au British Museum de Londres. Tutelles étrangères L'empire néo-babylonien de Nabopolassar et Nabuchodonosor n'aura qu'une existence éphémère. Nabuchodonosor s'éteint en -562 et peu après, un usurpateur, Nabonide, s'empare du trône. Son fils Balthazar lui succède en 548 avant JC mais il est lui-même chassé par l'invasion perse. Ces épisodes de l'histoire babylonienne sont transfigurés par la Bible judaïque dans le Livre de Daniel. En 539 avant JC, Cyrus le Grand, Roi des Perses et des Mèdes, s'empare de toute la Mésopotamie, y compris de la prestigieuse Babylone, réduite désormais à n'être plus qu'une ville provinciale. Il délivre au passage les Hébreux. Babylone reprend espoir avec l'irruption d'Alexandre le Grand. Le conquérant macédonien entre dans la ville en 331 avant JC et songe à en faire la capitale de son empire, unissant l'Orient perse et l'Occident héllénique. Il engage de grands travaux dans la cité et restaure le magnifique temple consacré à Mardouk, le dieu de Babylone. Malheureusement, Alexandre ne revient à Babylone huit ans plus tard que pour y mourir. Avec l'éclatement de son empire, le rêve babylonien s'évanouit à jamais. Le site, qui s'étend sur plusieurs centaines de kilomètres carrés, revient peu à peu à la steppe après avoir donné vie à une cité qui rayonna sur l'Orient civilisé pendant près de... quinze siècles! Le général Séleucos 1er, qui gouverne la région après la mort d'Alexandre, transfère sa capitale dans un camp grec du nom de Ctésiphon, aujourd'hui dans la banlieue sud de Bagdad. Disputée entre les Perses et les Romains, la Mésopotamie tombe beaucoup plus tard sous la coupe des Arabes. Elle retrouve un rôle de première importance avec la fondation de Bagdad (en arabe, la «cité de la paix»), sur les bords du Tigre, et la montée en puissance de l'empire abbasside. Celui-ci atteint son apogée sous le règne du calife Haroun al-Rachid, en 786 de notre ère. 14 septembre 786 Haroun al-Rachid, calife des Mille et une NuitsLe 14 septembre 786, à Bagdad, sur les bords du Tigre, Haroun al-Rachid devient calife, c'est-à-dire «remplaçant» du prophète Mahomet. Son titre lui confère l'autorité sur la totalité des musulmans à l'exception de ceux d'Espagne. À la même époque, vers l'An 800, Charlemagne règne à Aix-la-Chapelle, près du Rhin, sur l'Empire d'Occident. À Constantinople, sur le Bosphore, Irène gouverne l'empire byzantin. Haroun al-Rachid, Charlemagne, Irène... Ces trois personnages magnifiés par la légende symbolisent une période de transition. Sous les cendres de l'empire romain, un monde nouveau est en train de germer mais les contemporains n'en ont guère conscience. Autour de la Méditerranée, la paysannerie vit dans une extrême misère. La paix est sans cesse violée et, qui plus est, de nouvelles vagues d'envahisseurs se profilent au nord et à l'est (Vikings, Magyars). Essor de l'empire arabe À la suite du prophète Mahomet, les premiers califes ont soumis à l'Islam tous les pays de la Méditerranée orientale. Ils ont installé leur capitale à Damas, en Syrie. En 750, de violentes luttes de palais ensanglantent la capitale arabe. Une nouvelle dynastie de califes, dénommée abbasside, du nom d'un aïeul éponyme, Abbas, oncle de Mahomet, se substitue à la précédente. Ces califes, sous l'influence des musulmans shiites de Perse, abandonnent Damas et créent une capitale de toutes pièces, au cœur de l'ancienne Mésopotamie et au confluent des civilisations hellénistique et persane, non loin de l'antique Babylone. La nouvelle capitale de l'empire arabe est baptisée Bagdad (en arabe, ce nom signifie la «cité de la paix»). La ville est construite avec les pierres tirées des ruines de l'ancienne Ctésiphon, capitale des Parthes et ennemie de Rome. En accédant au pouvoir, Haroun al-Rachid (en arabe, Haroun «le bien guidé») porte l'empire arabe à son apogée. Sous son règne, Bagdad devient la cité la plus remarquable de l'univers. Elle offre l'exemple d'une civilisation raffinée dont les contes des Mille et une Nuits, contemporains d'Haroun al-Rachid, nous conservent le souvenir. Ses commerçants entretiennent des relations avec le monde entier comme le rappelle le conte de Sindbad le marin. Ses poètes chantent le vin et l'amour, comme Abou Nouwas (ou Abû Nuwas). Ses théologiens et ses savants élaborent une culture de premier plan. Sa population, en trois ou quatre générations, s'élève jusqu'à près de deux millions d'habitants, ce qui en fait la plus grande métropole de son époque. Abou Nouwas, poète heureux Abou Nouwas (757-809) est l'un poètes les plus aimables de la littérature arabe. à la cour du calife, il chante l'amour de la vie, des femmes, des garçons et du vin! De quoi s'attirer la vindicte des islamistes obtus de notre époque. Le vin m'est présenté par un jeune échanson de sexe féminin, mais vêtu en garçon Une garçonne, enfin, qui mélange les genres et qui se laisse aimer d'une double façon ... Mais si l'on mélangeait le vin à la lumière le résultat serait lumière sur lumière. (cité par Paul Balta, L'islam, 2002, page 79) Dans ses relations diplomatiques, le calife Haroun al-Rachid témoigne d'une remarquable activité. Il impose pendant quelques années un tribut aux Byzantins. Il envoie une ambassade à Charlemagne, lui offrant selon la tradition une somptueuse horloge à eau ou clepsydre... Mais son règne témoigne aussi de la fragilité de l'autorité califale. Yahya, qui fut le précepteur du calife dans sa jeunesse et est devenu au fil du temps son principal ministre, installe sa famille, les Barmécides, au premières places de l'État. L'aventure connaît une fin tragique avec le massacre des Barmécides sur ordre d'Haroun al-Rachid. Malgré ce coup d'éclat, le pouvoir du calife va peu à peu tomber aux mains des ministres et des conseillers. Déclin de l'empire arabe Après la mort d'Haroun al-Rachid, en 809, c'en est très vite fini de l'«Âge d'or» de l'islam. L'empire abbasside décline sous l'effet de l'incurie administrative, des injustices sociales, des révoltes d'esclaves et des tensions religieuses entre chi'ites et sunnites. Sa richesse repose en effet sur des bases fragiles: l'oppression de la paysannerie par les dignitaires et l'esclavage. Dans un premier temps, pour cultiver leurs domaines, les conquérants arabes s'approvisionnent en main-d'œuvre servile auprès de l'Occident. Tandis que l'Occident est encore plongé dans l'obscurité du haut Moyen Âge, les commerçants de Venise font fortune en livrant aux musulmans d'Orient des prisonniers de guerre originaires des régions slaves de l'est de l'Europe, encore païennes. C'est ainsi que le mot Esclavon, qui était à l'époque synonyme de Slave, se substitue au latin servus (que l'on retrouve dans servile et serf) pour désigner une personne privée de liberté. De ce mot nous avons fait le mot esclave. Venise conserve le souvenir de son fructueux commerce dans le nom d'un quai célèbre à l'extrémité du Grand Canal: le quai des Esclavons. A mesure que les Slaves se convertissent au christianisme, ce commerce va se tarir. Les Arabes se tournent alors vers l'Afrique noire, où l'esclavage est une institution solidement établie. Le trafic d'esclaves noirs vers l'Orient arabe va prospérer pendant plus d'un millénaire. Il va concerner dix à quinze millions d'individus, soit à peu près autant que la traite européenne à travers l'océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle. Beaucoup de ces esclaves, qui servent comme domestiques dans les harems, sont castrés pour empêcher qu'ils ne fassent souche et parce que le réapprovisionnement est facile et bon marché. Les Mille et une Nuits ne tarissent pas de commentaires brutaux ou salaces sur les relations entre Arabes et noirs. De nombreux esclaves noirs, appelés Zendj (d'un mot arabe qui désigne les Africains), travaillent très durement comme manœuvres agricoles dans les zones marécageuses du Chott al-Arab, au sud de l'Irak actuel. En 869, n'en pouvant plus d'être mal traités, les Zendj de basse-Mésopotamie s'insurgent. Ils ne sont écrasés qu'en 883 au prix de 500.000 à 2,5 millions de victimes (1)! Cette révolte ébranle les fondations de l'empire arabe. C'est le début du déclin pour les Abbassides. En 1019, le calife al Qadir publie une profession de foi, l'«Épître de Qadir», par laquelle il interdit toute nouvelle interprétation du Coran. C'est un coup d'arrêt brutal au développement de l'esprit critique et aux innovations intellectuelles et scientifiques dans l'empire arabe «dont les conséquences se font sentir jusqu'à nos jours» (2). Le coup de grâce à l'empire abasside est donné par les envahisseurs mongols au XIIIe siècle. 10 février 1258 Les Mongols détruisent Bagdad Le 10 février 1258, après un siège de deux semaines, Bagdad tombe entre les mains de Houlégou (ou Hulagu Khan), un petit-fils du terrible Gengis Khan à peine âgé de 30 ans. Les Mongols de Houlégou massacrent méthodiquement la population et mettent au supplice le dernier calife arabe, al-Mustasim. Celui-ci est cousu dans un sac et foulé aux pieds des chevaux! Le nombre des victimes est d'au moins une centaine de milliers. 500 ans plus tôt, les Arabes avaient fait de Bagdad le siège du califat, autrement dit la capitale de l'islam. Une civilisation nouvelle était née sur les bords de l'Euphrate, fécondée par les cultures grecque et perse, et les califes de la dynastie des Abbassides, à l'image d'Haroun al-Rachid, contemporain de Charlemagne, avaient fait rêver le monde occidental. Cette civilisation arabe est détruite sous les coups des Mongols. Survivance du califat À la suite de l'irruption des Mongols, quelques survivants de la famille des Abbassides se réfugient au Caire, en Égypte, où le califat est restauré à leur profit sous une forme purement honorifique par les sultans de la dynastie des Fatimides. Le sultan turc d'Istamboul, Sélim 1er, relèvera à son profit le titre de calife après sa conquête de l'Égypte en 1517. Le califat ottoman disparaîtra en 1924. La ruine de Bagdad est achevée par l'irruption de Tamerlan, lointain descendant de Gengis Khan. Dès lors, la prestigieuse capitale n'est plus que l'ombre d'elle-même et la destruction des réseaux d'irrigation par les Mongols réduit à la misère les populations. Le déclin du pays, que l'on appelle désormais Irak (en anglais Iraq), d'un mot arabe qui désigne le rivage, est inéluctable. L'ancienne Mésopotamie est longtemps tiraillée entre les Perses, musulmans de confession chi'ite, et les Turcs ottomans, musulmans de confession sunnite. Elle tombe sous la tutelle de ces derniers au début du XVIe siècle, suite aux campagnes militaires de Soliman II le Magnifique, sultan d'Istamboul. Celui-ci annexe définitivement l'Irak à son empire en 1533. L'Irak moderne est créé à la fin de la Première Guerre Mondiale par les Britanniques sur les ruines de l'empire ottoman. Le pays garde de son histoire agitée une grande hétérogénéité religieuse. Plus de la moitié des habitants sont des musulmans chiites, comme les Iraniens voisins. Les autres sont sunnites comme les neuf dixièmes des musulmans du monde. Mosaïque chrétienne Les chrétiens qui ont résisté à l'islamisation représentent 2% de la population. Ils sont près de 450.000 sur un total de 25 millions d'Irakiens au début du XXIe siècle. La majorité de ces chrétiens sont des catholiques de rite chaldéen (la Chaldée était une région de la Mésopotamie sous l'Antiquité). Ils parlent l'araméen, la langue ordinaire du Christ! Dans le nord du pays, 80.000 chrétiens descendent de communautés nestoriennes. Aujourd'hui, ils se rangent parmi les chrétiens orthodoxes. Leur langue est... l'assyrien. Une autre partie des chrétiens d'Irak (environ 75.000) relèvent du monophysisme, comme les coptes d'Égypte ou d'Éthiopie. Leur église est dite syrienne ou syriaque.