cours n°2 - Ecole Rockefeller

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TISF 2012/2014
COURS N°2
INSTITUTION FAMILIALE EN QUESTION
Ce cours a pour but de présenter l’évolution de la famille au cours des
siècles. Nous cherchons par là à comprendre le mode de
fonctionnement de la famille contemporaine en déconstruisant son
évolution.
De plus, nous présentons l’évolution des liens parents - enfants et la
considération de l’enfant par la famille et la société.
L’idée est de comprendre les places et liens entre homme et femme,
femme et enfant, homme et enfant, mais aussi en quoi l’enfant est
aujourd’hui central dans notre société.
Nous cherchons à observer les diverses places qu’il a pu prendre et
qu’on a pu lui donner avant d’en arriver au statut qu’il possède
aujourd’hui.
Toutefois, c’est au travers de l’observation des places et statuts de
la mère que se dégage l’évolution de la place de l’enfant dans la
famille et la société.
C’est une contextualisation de l’enfant dans la dynamique familiale qui
permet de repérer à partir de quel moment la mort d’un enfant n’est
plus un phénomène banal dans notre société.
L’influence du regard et des discours sociaux traversent ce propos.
Finalement, nous percevons que l’Homme, sans y mettre une notion de
genre, se définit en fonction du contexte et de la société dans
laquelle il évolue. 1
Ce qui peut d’ores et déjà être souligné en introduction de ce propos,
c’est la place particulière et l’intérêt grandissant de la société pour
la femme et notamment la mère. Le social définit le rôle, la place et
le statut de la mère quelques soient les époques.
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La femme en tant que mère a toujours été influencée par les divers
discours de la société sur ses positionnements. Et si certaines ont pu
résister à la pression sociale ce n’est pas sans mal ni culpabilité.
Cette résistance est principalement visible dans les classes aisées de
la société plus que dans les classes les plus pauvres.
il est tout de même à noter que la femme est toujours définie en
rapport au masculin.
L’homme est le point de repère pour définir ce qui va graviter autour
de lui. Qu’il s’agisse des statuts ou bien encore des droits, ceux de la
femme sont toujours définis en fonction de ceux de l’homme.
L’émergence de l’enfant permet en partie de se décentrer de l’homme
pour se recentrer sur la femme et ses droits.
Dans tous les cas, jusqu’au 20ème siècle, la femme est souvent
définie en soumission à l’homme, passive et sacrifiée. Hommes et
Femmes sont longtemps définis en opposition l’un de l’autre et non en
complémentarité
« …la femme se débat entre l’idéal de la mère toujours disponible,
l’idéal de l’épouse parfaite et constamment séduisante, enfin l’idéal
d’une certaine réussite sociale et professionnelle – idéaux pas
forcément ou en tout cas pas facilement compatibles, et en partie le
produit des fantasmes de l’homme. »
I. Emergence d’un sentiment d’enfance et modification des droits
parentaux
La notion d’enfance a fait son apparition tardivement dans notre
société. Ce sentiment s’est développé lentement avant d’en arriver à
la fin du 15ème siècle à une considération différente de l’enfant et
de l’adulte. Ainsi alors que l’enfant était considéré comme
appartenant au monde des adultes, il a pris une place différente au
fur et à mesure des années.
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1. L’enfance : d’une notion difficilement définissable à
l’émergence d’un « sentiment d’enfance »
Au moyen âge, l’enfant n’avait ni de place, ni de statut bien définis au
sein de la société.
Au vu de la difficulté des gens de l’époque à définir la période de
l’enfance, l’enfant rentrait très rapidement dans l’âge adulte dès qu’il
devenait moins dépendant de sa mère.
Il n’y avait pas de conscience de la particularité de l’enfant. Ariès
parle de l’absence du « sentiment de l’enfance ».
Une classification en sept âges aurait en premier lieu « l’enfance »
qui irait de la naissance à 7 ans environ, on parle alors d’enfant. S’en
suit la « Pueritia » de 7 à 14 ans. Vient ensuite « l’adolescence » aussi
appelé le tiers âge de 14 à 21 ans mais semblant pouvoir durer jusqu’à
28 ans et même s’étendre à 30 ou 35 ans. Puis on parle de « Jeunesse
» jusqu’à 45 ans, nommé aussi « moyen entre les âges ». Le «
Senecté», est défini comme le moyen entre jeunesse et vieillesse, la
« Vieillesse » jusque 70 ans ou la mort selon les auteurs et enfin, le «
Senies ».
Ce n’est qu’à la fin du 15ème que l’enfance commence à prendre une
place plus reconnue au sein de la société. Ainsi le sentiment d’enfance
émerge dans une société où enfants et adultes étaient jusqu’alors
indifférenciés.
2. L’effacement des droits de la femme et de la mère
Avant le moyen âge, la femme pouvait se substituer au mari en son
absence auprès des enfants. A partir de cette période, on constate
un changement important du statut de la femme dans le ménage. Sa
situation se dégrade et « elle perd le droit de se substituer au mari
absentou fou… ». La femme n’a plus de droit sur l’enfant ou le foyer,
elle ne fait plus qu’exécuter dans une attitude de soumission à
l’homme.
L’Etat, la société et les hommes qui la composent ont à cette époque
une influence importante sur les places et rôle de chacun des
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membres de la famille et du couple. A ce moment de l’histoire, l’église
a une influence toute particulière et importante sur la société.
Elle a un poids non négligeable sur l’ensemble des populations mais
aussi et surtout sur les moeurs. Elle peut interdire et réprimer. Elle
intervient dans toutes les sphères de la vie, privée ou publique. Elle
pouvait aller jusqu’à réprimer et opposer des réprobations absolues
face à certaines pratiques.
3. L’arrivée de la notion de famille
C’est dans ce contexte que la notion de famille fait son apparition.
Dans le courant de ce siècle l’émergence du sentiment de famille a
permis l’émergence du sentiment de l’enfance. On note une volonté
d’isoler les enfants du monde des adultes et un rapprochement
familial entre les membres qui composent la famille restreinte.
L’enfant commence à prendre une place particulière à la fois au sein
de la famille et de la société, place qui commence par la distinction
des âges au niveau de la scolarité.
L’enfant devient l’être innocent qu’il faut « protéger » du monde des
adultes afin qu’il garde le plus longtemps possible cette innocence qui
est la sienne.
La famille commence à se transformer, les relations internes entre
parents et enfants se modifient et deviennent plus chaleureuses, plus
intimes. C’est l’émergence de la vie privée.
4. La société influence les changements
La société et ses représentations jouent un rôle important dans la vie
familiale.
C’est en effet, le regard social et les jugements des membres de la
société qui vont avoir une influence importante sur la vie
familiale, son organisation, l’évolution de ses droits et son implication
dans la vie publique.
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II. Du sentiment de l’enfance au « respect de l’enfance » : une
réorganisation de la famille
1. L’enfant : Une place par la scolarité, une personne à part
entière ?
Ce que le collège a initié au 15ème siècle se poursuit et se renforce
au 16ème siècle et il devient réellement l’endroit où les enfants de
huit à quinze seront éduqués selon des règles différentes des
adultes. L’idée est de les protéger de la vie des adultes, de conserver
leur innocence le plus longtemps possible et d’en faire d’honnêtes
personnes.
D’ailleurs ce qui est appris aux enfants dans les collèges est la «
civilité » qui se définitcomme les différentes règles de courtoisie ou
morale.
La société donne une place à l’enfant et reconnaît l’enfance comme
une période où il estnécessaire d’éduquer.
Toutefois, l’enfant dont nous parlons à cette époque n’est pas encore
comparable à l’enfant d’aujourd’hui. Une place différente commence
néanmoins à lui être faite dans cette société du 16ème siècle mais
elle reste encore fragile.
C’est au 17ème siècle que l’enfant devient une personne à part
entière. Il n’est plus la prolongation de l’adulte ou le futur adulte. Il
est enfant et commence à être reconnu comme tel, prenant même une
place centrale au sein de la famille. La tenue vestimentaire des
enfants, notamment les nobles et les bourgeois diffère de celle des
adultes. Elle souligne l’évolution de la considération de l’enfant comme
différent de l’adulte.
L’enfant est néanmoins défini comme un être dépendant et reste
appelé enfant tant qu’il existe une dépendance à la mère, la nourrice
ou les servantes. La durée de l’enfance est importante et toujours
définie en fonction du degré de dépendance.
L’enfant n’est plus un prolongement de l’adulte mais l’enfance devient
une période à part entière à laquelle on prend garde et qu’on
considère comme importante et nécessaire dans la vie d’un individu.
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La scolarisation continue de se développer mais l’apprentissage social
et la fréquentation sociale conserve une importance. Il subsiste une
éducation par le monde à côté de l’éducation par l’école. Il s’agit de
concilier école et civilité.
L’évolution de la place de l’enfant est aussi visible au sein de la
famille. Le sentiment de famille devient important et s’exprime avec
une vigueur définitive à la fin de ce siècle.
Le 17ème siècle est un siècle « charnière » pour la considération du
statut de l’enfant.
C’est le siècle où tout oscille. L’enfant devient fragile, à protéger
mais il est aussi l’imbécile à qui il ne faut pas donner une place trop
importante. Il doit être séparé des adultes mais peut parfois être
confondu avec eux.
A la fin de ce siècle, il rentre dans un statut particulier. Celui du «
fragile » qu’il faut choyer, éduquer et protéger.
Finalement, à la fin de ce siècle, la famille devient un lieu d’affection
nécessaire à l’évolution de l’enfant afin de lui permettre de devenir
un adulte honorable.
2. De la distance maternelle imposée à l’émergence de la mère
« tendresse »
A la fin du 16ème siècle et au début du 17ème, on assiste à la
dégradation du statut de la femme et notamment de l’épouse au sein
du système familial. la femme mariée devient une incapable et tous
les actes qu’elle ferait sans être autorisée par le mari ou par la
justice, seraient radicalement nuls… » société. Elle ne peut agir que
sous couvert d’une autorisation de justice ou de son mari. Cette
évolution du statut et des droits de la femme va de pair avec
l’augmentation ou le renforcement des droits de l’homme, de l’époux
et du père.
La femme est assujettie aux exigences que la société lui impose. Elle
ne peut s’en défaire sous peine de sanction ou d’annulation de ses
actes.
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La mère se doit d’être distante avec son enfant, et si elle montre des
signes de tendresse à ce dernier elle est accusée de faire passer son
plaisir avant le bien être de son enfant.
C’est la société qui dira à la femme comment élever son enfant,
comment le faire grandir dans les meilleures conditions.
Cependant, au cours du 17ème siècle, l’éducation, la morale et
l’intérêt psychologique des enfants deviennent importants dans sa
considération.
Il faut en faire des hommes d’honneur et de raison. Dans ce
contexte, le statut de la mère évolue de nouveau. Elle prend une place
particulière et une idéologie de la mère protectrice et affectueuse
émerge.
De fait, si durant ce siècle une nouvelle image de l’enfant se dessine,
celle de la mère évolue aussi et va à l’encontre de l’image de la mère
de la fin du 16ème siècle.
La société commence à parler de « bonne mère » et « de bonne
épouse » et l’on définit des critères de ces « Bonnes femmes ».
Dans ce contexte, la « bonne mère » se doit de choyer son enfant, de
faire preuve d’affection et de montrer cette affection à l’enfant.
Elle ne peut être une mère froide et distante comme cela lui était
recommandé. L’intérêt psychologique de l’enfant ainsi que son bien
être dépendent des preuves d’amour maternel.
Conjointement nous observons l’augmentation du pouvoir des femmes
au sein du foyer. Elle se doit à présent de veiller au bon
fonctionnement de sa maison. Elle doit être là pour son époux et pour
ses enfants dans une attitude de joie et de bonne humeur. Elle
devient responsable du système familial et de ce qui l’entoure.
Cependant, c’est avant tout la mère et l’épouse qui vont prendre une
place toute puissante et ce au détriment de la femme qui sera
réduite à l’organisation et la vie du foyer.
Point de vie sociale pour ces femmes, elles deviennent mère et
épouse mais rien de plus.
Par conséquent, durant ce siècle l’enfant est devenu une personne à
part entière et la mère un être d’amour qui ne peut et ne doit que
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chérir et choyer ses enfants. Néanmoins, ce n’est pas si simple. Si
l’enfance est une période entrée dans les moeurs de l’époque, la
considération de l’enfant comme être à part entière est encore
considération des enfants morts de manière « accidentelle ».
3. Un père qui s’efface
Tout au long du 17ème siècle évolue la considération de l’enfant ainsi
que le statut de la mère. Ce qui va de pair avec ces deux évolutions
importantes c’est la transformation de l’image du père et de son
pouvoir. Durant cette période c’est l’intégralité des places et rôles
des membres de la famille « nucléaire » qui évolue. Le renforcement
et l’affirmation du sentiment de famille entraînent aussi une
modification des rôles et statut du père
L’homme est en dehors de toute responsabilité dans l’équilibre du
couple et de l’enfant, c’est la femme qui gère le foyer et qui est
considérée comme responsable de l’équilibre de son foyer.
Le père n’a plus tous les droits sur son enfant et sa femme. Il est à
ce moment de l’histoire l’aide temporaire mais n’a que peu de poids
dans l’évolution de l’enfant.
Pour autant, on souligne qu’à cette époque les femmes acceptaient
leur condition car elles ne pensaient pas pouvoir agir sur la société
des hommes.
Par le biais du pouvoir au sein du foyer, elles gagnaient un peu de
place sur le pouvoir des hommes et prenaient alors une place
importante dans la société de l’époque.
Le père devient absent et s’efface du foyer mais renforce sa
présence dans la vie sociale à l’extérieur du foyer.
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III. Dans l’intimité de la famille
Durant le 18ème siècle une privatisation de la famille est des plus
visible. On passe d’une vie encore relativement collective et
extérieure à une vie réellement plus privée, à l’intérieur des maisons.
C’est le siècle durant lequel la famille se crée son lieu privé et
l’investit de manière importante. Cette intimité de la famille va de
pair avec l’élévation du statut de la femme et une attention de plus
en plus forte à l’éducation des enfants. C’est le début d’une réelle
centration sur le lien mère enfant.
1. L’enfant comme porte d’entrée de l’Etat dans la famille
Au 18ème siècle, se développe de plus en plus le souci de l’hygiène et
de la santé physique des enfants qui commence à prendre une
importance considérable dans l’éducation des enfants.
L’enfant prend une place centrale dans la famille et s’étend à toutes
les conditions.
A la fin du siècle l’enfant deviendra même le bien le plus précieux des
biens, celui qu’on ne remplace pas.
La dimension du sacré apparait au cours du siècle. L’enfant devient
l’être sacré et l’enfant roi, mais c’est aussi le sacré de la famille par
le renforcement de l’intimité.
A l’opposé de ce sacré de l’enfant et de la famille, à cette même
époque, il était très courant que les parents envoient leur enfant en
nourrice quelque soit leur milieu socioprofessionnel
L’enfant était considéré comme un objet ennuyeux et indigne de
retenir l’attention. C’est l’air de l’enfant sacré mais excentré de la
famille car envoyé en nourrice pour des raisons à la fois économiques
et culturelles considérant que l’éducation de ces enfants revenait aux
nourrices et non aux mères. Pour autant, il était déjà su à l’époque
que beaucoup d’enfants mourraient en nourrice.
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Au 20ème siècle, bien que l’idée de chérir son enfant continue son
chemin et que le parent ne peut défaillir sur cette question sous
peine d’être jugé comme « mauvais », une autre notion importante
fait son entrée. Arrive l’idée d’éveiller chez l’enfant dès son plus
jeune âge
De siècle en siècle la femme et plus particulièrement la mère est
guidée, instruite et largement obligée à se conformer aux attentes
qu’une société attend d’elle envers son enfant.
Entre fusion et rejet la mère n’a d’autre choix que d’être mère à
l’image de la société. Si elle ne rentre pas dans les attentes, elle sera
qualifiée de marginale ou bien encore de mauvaise mère. La bonne
mère n’est finalement pas la même selon les siècles, elle est froide et
distante au 16ème siècle, elle est douce et aimante à la fin du 18ème
mais dans tous les cas son positionnement maternel lui est toujours
imposé.
La fonction maternelle, le statut de mère permettait aux femmes de
prendre une place et du pouvoir dans la société.
Au sein de la société du 19ème siècle, se distingue alors deux types
de femme.
Celles qui se servent de la maternité comme d’une opportunité pour
avoir une reconnaissance sociale en tant que mère, ne pouvant l’avoir
en tant que femme. Celles ne souhaitant pas accéder à la maternité
car cherchant avant tout la reconnaissance de leur statut de femme.
les pères vont être interpellés par l’Etat.
A cette époque, il n’y avait pas d’entre deux. On était « bonne mère »
ou « mauvaise mère ».. Le premier type de mauvaise mère est «
L’indigne ». Celle qui n’aime pas son enfant, elle est donc caractérisée
par le manque d’amour, considéré à cette période comme un crime
impardonnable. Cette femme n’aime pas ses enfants ou ne manifeste
pas ses sentiments en apparence. La seconde est « L’égoïste ». Celle
qui s’occupe de son enfant au gré de ses propres désirs et non selon
les besoins réels de l’enfant. Cette femme aime son enfant mais ne
s’y sacrifie pas. Elle est incapable de l’éduquer et fait passer ses
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devoirs maternels après son propre plaisir. Enfin, le troisième type
de mauvaise mère est « La travailleuse ». Malgré une prise de statut
de la femme, à cette époque, le travail féminin est condamné par la
société du 19ème siècle.
C’est bien à la fin du 19ème siècle une élévation des femmes contre
une position de soumission à l’homme à la fois dans ses statuts
de mère et de femme.
3. La réduction autorité paternelle
C’est finalement, par les enfants et leur statut de mère que les
femmes finissent au fur et à mesure des siècles à avoir un ascendant
sur l’homme. Elles prennent une place qui se veut supérieure à
l’homme au sein de foyer. Par conséquent, si l’homme reste supérieur
sur la scène sociale, sur la scène privée la femme lui devient
supérieure.
La vie sociale est une justification du retrait de l’autorité paternelle.
Il était souligné que cette vie sociale empiète de plus en plus sur la
vie privée et que les hommes sont généralement occupés dans des
tâches politiques.
De plus, il est mis en avant l’idée de compétition entre les hommes
pour assurer une vie sociale correcte ce qui va de pair avec le trop de
travail et de pression, le surmenage qui empêchaient les hommes
d’être père.
Trop fatigué par leur journée en rentrant le soir, ils ne peuvent pas
être disponibles à l’éducation des enfants.
Toutefois, le philosophe Alain tenta d’apporter une réponse et de
démontrer la nécessaire distinction des rôles parentaux. Il souligna
une question de territoire différent entre l’homme et la femme,
entre le père et la mère.
L’homme est quant à lui peu disposé aux affects et aux rapports
affectifs avec l’enfant.
L’amour paternel serait moins instinctif que celui de la mère. La mère
est le relais, l’intermédiaire entre les enfants et le père.
Par conséquent l’autorité paternelle décline d’autant plus au vu des
discours sociaux prononcés à cette époque. Le père n’étant pas
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disposé aux rapports affectifs avec l’enfant son rôle ne peut se jouer
auprès de l’enfant et son autorité décroît de fait.
En deux siècles, l’image du père a considérablement changé. Ses
droits et son autorité n’ont cessé de décroître depuis le 17ème siècle
C’est avec l’accession des femmes au travail, par leur libération
économique que les hommes ont songé à remettre en question le
statut, le rôle et la place du père au sein de la dynamique familiale.
durant les 19ème et 20ème siècles, la famille se réaménage, avant
d’arriver à la famille comme nous la voyons dans notre société
contemporaine.
A cette période, c’est le renforcement des liens de la famille autour
des enfants. Une nouvelle façon de vivre émerge
Toutefois, cette centration de la famille autour de l’enfant, cette
privatisation n’est qu’un leurre puisque l’Etat est de plus en plus
présent au sein de cette unité familiale privée.
IV. Un nouvel équilibre familial
Jusqu’au milieu du 20ème siècle la mère va garder une place centrale
dans l’éducation des enfants. Cette place qui lui permet d’avoir un
statut reconnu au sein de la société à son pendant. En effet, si elle
est toute mère, cela lui impose des devoirs et le mal-être d’un enfant
est en lien direct avec le positionnement maternel néfaste. Elle se
doit d’être la mère attendue et celles qui ne s’y conforment pas
interrogent et questionnent une société guidée par l’idéologie
naissante de l’instinct maternel.
Le père est exclu de ces questions, son rôle est secondaire. L’intérêt
porté à l’enfant et son développement psychologique et affectif n’ont
de lien qu’avec le positionnement maternel.
La place du père et son importance émerge dans un second temps.
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C’est à partir de la moitié du 20ème siècle que père et mère prennent
une place de parents autour de l’enfant et que le rôle du père est de
plus en plus reconnu.
La psychanalyse participera grandement à ces modifications et
mutations des attentes quant au rôle de chacun. Les connaissances,
les savoirs psychologiques sur le développement de l’enfant continue
à se renforcer avec les travaux de Freud S. ou encore Lacan J.
C’est une période de nouveaux changements où les présupposés des
périodes précédentes se réaménagent laissant émerger l’enfant dans
une place centrale au sein d’une société qui s’organise autour de lui.
C’est l’aire de l’intérêt porté au développement de l’enfant. La
psychanalyse donne à la mère une place centrale dans le « bon »
développement de l’enfant, la montrant du doigt dès que l’enfant
n’était pas dans le cadre attendu.
La psychanalyse a longtemps donné à penser sur l’enfant, prenant une
place essentielle dans l’idéologie véhiculée autour de la mère et de la
« bonne » ou « mauvaise » mère.
C’est ainsi que pendant longtemps et encore à notre époque un enfant
affectivement malheureux est nécessairement fils ou fille d’une
mauvaise mère.
La mère est le personnage central de l’histoire de l’enfant jusqu’à la
moitié du 20ème siècle.
Le rééquilibrage des places des pères et mères va permettre de
redonner du pouvoir aux pères et de diminuer les devoirs de la mère.
L’enfant devient celui des parents mais aussi celui d’une société sans
cesse en mutation.
2. Equilibrage des rôles père et mère
Le milieu du 20ème siècle marque un tournant dans la considération
des statuts des pères et des mères. L’intérêt se porte de nouveau du
côté des pères. Le but de ce déplacement de regard ne vise pas à
faire entrer de nouveau dans l’ombre la mère mais va permettre de
regarder en même temps le père et la mère. Au 20ème siècle on
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assiste alors à l’arrivée progressive de ce que nous pourrions nommer
le couple parental. Ce n’est plus seulement soit le père, soit la mère
qui est regardé mais les parents sont tout deux inclus dans
l’éducation et l’amour à donner à l’enfant. L’amour maternel est
encore présent et il est encore aujourd’hui difficilement pensable
qu’une mère ne puisse pas aimer son enfant. Cependant, le père prend
de la place dans cet amour et son rôle vise à être égal à celui de la
femme.
C’est à cette période, la réintroduction du rôle du père. La notion de
partage des tâches au sein du foyer fait son apparition. La femme
peut accéder à une carrière sans culpabilité. Ces nouveautés pour la
femme délocalisent les questionnements sur la « Bonne mère ». Il
existe aujourd’hui une dualité des rôles de la femme, elle est entre
femme et mère, elle est épouse, femme et mère. Ce positionnement
féminin n’est pas plus simple aujourd’hui qu’hier mais le regard de la
société et le contrôle social évoluent
La société laisse aujourd’hui aux mères le choix superficiel de
décider quelles mères elles peuvent être. Néanmoins, implicitement
dans les discours, les publications et les actes de l’état il existe
toujours une pression sur la femme – mère. L’idée de la bonne mère
n’est pas totalement éteinte et si la femme peut aujourd’hui accéder
au travail plus facilement il reste des inconvénients. La maternité est
et restera le rôle féminin et quitte à être mère, la femme doit être
une « bonne mère » et il va encore aujourd’hui de soi qu’une mère doit
aimer son enfant
Néanmoins, dans cette réorganisation de toute part, le père ne prend
plus nécessairement sa figure autoritaire au profit d’une
identification de plus en plus importante à la femme et à la mère. Les
femmes font peser sur les hommes une pression importante et
réclament le partage des tâches au sein du foyer.
L’homme est interpellé par la femme, la mère dans sa fonction
paternelle. La société confère à chacun d’eux un rôle important
auprès de l’enfant et un équilibrage des tâches est perceptible. Père
et mère deviennent parents et ils ont tous deux des devoirs et
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obligations envers leur enfant. L’Etat quant à lui veille à ce que
chacun remplisse son rôle influencé par les idéologies et avancées
scientifiques en ce qui concerne le développement et le bien être de
l’enfant.
L’enfant est celui dont on se sert pour jouer du pouvoir au niveau
familial. Il est enjeu du pouvoir entre les différentes instances de la
société permettant à chacun de s’affirmer sur le plan social en
fonction de la place qu’il prend au sein du système familial.
L’enfant prend une valeur particulière selon le système de
gouvernance et ce qu’il induit
L’enjeu de l’évolution est la place donnée à l’enfant au cours des
siècles. C’est l’enfant que l’on déplace au gré des systèmes de normes
et de valeurs historiques. L’enfant au moyen âge qui n’est pas
considéré comme un enfant mais un « petit homme ».
Finalement, dans nos sociétés contemporaines, il ne s’agit pas de
désigner l’émergence
de l’enfant mais bien plus l’émergence DES enfants dans DES
Familles. C’est faire naître
DES enfants dans leur histoire en fonction des familles
interprétables, en termes de conjugalité et de parentalité.
De là, l’émergence de l’enfant permet l’émergence de la famille. C’est
l’enfant qui socialement et historiquement permet l’émergence de la
conjugalité et de la parentalité pour créer ce que nous nommons la
famille.
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I- Parentalité : nouveau concept, nouveaux enjeux ?
Depuis quelques années, le concept de la parentalité est entré dans le
vocabulaire usuel mais il ne bénéficie à ce jour d’aucune définition
reconnue dans les dictionnaires de langage courant.
Toutefois, ce terme prend ses assises dans une sphère médicopsycho-sociale élargie et tente de définir la fonction « d’être parent
» en tenant également compte des aspects juridiques, politiques,
socio-économiques, culturels et institutionnels.
L’exercice de la parentalité devient de plus en plus complexe (famille
recomposée, famille monoparentale, beau-parentalité,
homoparentalité, procréation médicalement assistée, évolution
juridique et nouveaux droits, etc…) et interroge nos pratiques en
tant que parents, futurs parents, professionnels de la petite enfance.
III-1 différentes conceptions de la parentalité
La parentalité peut se définir comme étant «l’ensemble des
réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des
adultes de devenir parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de
leur(s) enfant(s) à 3 niveaux : le corps (les soins nourriciers), la vie
affective, la vie psychique».
«La parentalité apparaît comme un terme spécifique du vocabulaire
médicopsycho-social qui désigne de façon très large la fonction
«d’être parent» en y incluant à la fois les responsabilités juridiques,
telles que la loi les définit, des responsabilités morales, telle que la
socio-culture les impose et des responsabilités éducatives».
la parentalité s’apparente au métier d’être parent
Aujourd’hui, il n’existe pas encore de théorie définitive, consensuelle
et inclusive de la parentalité
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Il existe toute une série de théories sur l’influence parentale qui ont
reçu un certain soutien empirique.
Les dimensions de la relation parent-enfant les plus souvent évaluées
et associées avec des différences individuelles dans le bien-être de
l’enfant sont
les dimensions chaleur/soutien ou sensibilité/réceptivité, conflit ou
hostilité/rejet, et le degré de gestion et de contrôle sur le
comportement de l’enfant.
Il n’est pas sûr que ces dimensions décrivent de manière adéquate
toutes les formes de comportement parental à travers la sphère
normale et pathologique.
qualifier un nouveau «problème public» et d’autre part «… de
concevoir cette notion dans une perspective sociologique, en
privilégiant le point de vue que les parents se font eux-mêmes de leur
rôle de parent et de leur champ de responsabilité».
Si le concept de parentalité fait débat aujourd’hui, c’est parce que
selon l’auteur, la fonction, le rôle, la place et les pratiques parentales
sont remises en question et ce notamment en terme de responsabilité
parentale. On parle alors du métier de parents, de compétences
parentales mais également d’incompétence, de désengagement des
parents face à leurs responsabilités,
Dans le même ordre d’idée, on distingue la parentalité et la parenté:
«La famille ménagère, celle qui vit sous un même toit, a des fonctions
de parentalité à l’égard des enfants qui y sont élevés, c’est-à-dire
qu’elle leur donne les moyens, matériels, éducatifs et affectifs, de
devenir des adultes» en l’opposant à la parenté «qui inscrit un enfant
dans un lignée généalogique» et est donc beaucoup plus «exclusive».
« Etre parent ne se réduit pas à une fonction de géniteur. Les
géniteurs ont à devenir parents. C’est pourquoi la fonction peut même
être élargie à toute personne répondant aux besoins des enfants et
leur apportant l’amour et l’attention dont ils ont besoin».
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III-2 la beau-parentalité
Le Gall et Martin (1993) (cités par Martin), évoquent le cas de la
beau-parentalité où le beau-père (ou la belle-mère) n’a évidemment
aucune légitimité juridique vis à vis de l’enfant même s’il assume de
façon quotidienne un rôle parental tant au niveau éducatif, affectif,
etc. le beau-parent«assume une certaine forme de parentalité . et
cette fonction parentale occupée et assumée sera d’autant plus
légitime qu’elle renverra à une compétence acquise et reconnue par
son environnement».
le mariage ne représente plus le pivot de la famille et de la filiation.
C’est à partir de l’enfant que la famille se définit.
Avant, le père géniteur de l’enfant était le mari de la mère. De nos
jours, ce n’est plus le cas. D’autres «parents» gravitent autour d’un
enfant: «les parents sociaux» (famille adoptive, famille recomposée,
famille d’accueil, famille ayant recours à la procréation assistée,
famille homoparentale).
Ces différents type de familles mettent en scène des parentés
parallèles, faitcontemporain et qui soulève beaucoup de questions
telles que: un enfant peut-il avoir plusieurs pères et /ou mères? Ces
derniers doivent-ils avoir un même statut? Comment répartir les
droits et obligations entre ces parents? A qui l’enfant doit-il être
affilié (apparenté)? etc.
III-3 la co-parentalité
Notre société occidentale doit affronter la question de la
«pluriparentalité» parce que:
- a) la convention internationale de La Haye du 29 mai 1993 stipule
que l’enfant a désormais le droit de connaître ses origines
- b) divers mouvements, opinions repris par des professionnels de la
santé(psychologues et psychanalystes) insistent sur l’importance du
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non maintien de l’anonymat des donneurs en cas de procréation
assistée et luttent également contre le fait que la filiation adoptive
«efface» la filiation d’origine
- c) ces enfants sont demandeurs et souvent, à l’âge adulte,
recherchent leurs origines
- d) les parents naturels ayant abandonné l’enfant (notamment les
femmes ayant accouchés sous X), sont aussi demandeurs.
Nos sociétés occidentales ont peu d’expérience en ce qui concerne la
coparentalité sauf celle du parrainage qui est une filiation spirituelle
n’ayant aucune valeur en droit et où une distinction nette est faite
entre parentalité de«chair» et parentalité spirituelle et donc non
concurrente.
Le système de filiation français n’est pas prêt de reconnaître la
coparentalité même si les liens affectifs sont de plus en plus cités
dans la parenté d’aujourd’hui.
Dans nos sociétés, c’est le droit qui dit «qui sont les parents» en cas
d’adoption, de procréation assistée mais cela ne résout pas tout car
depuis
1972, il y a la loi relative à la recherche en paternité. Ce qui fait dire
à Laborde-Barbanègre, (cité par Le Gall), «que la filiation se trouve
désormais sous l’empire de la vérité, sous ses deux aspects biologique
et social» (on tient compte une fois du lien social et une autre fois du
lien de sang). Cela engendre des problèmes au quotidien pour les
familles qui vivent des situations de pluriparentalité
Le système de filiation français se caractérise par la bilatéralité
(avoir un lien de parentalité qui unit un enfant à son père et à sa
mère) qui nous amène presque toujours à assimiler engendrement et
filiation. Ce système d’affiliation relève aussi d’un choix culturel avec
sa norme d’exclusivité de la filiation.
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Mais les statut, rôle et fonction des parents évoluent. En cas de
procréation assistée avec don de sperme, le donneur n’a aucune
existence légale. C’est le mari de la femme qui a mis au monde cet
enfant qui devient le père légitime.
III-4 La pluriparentalité
Elle se marque de plus en plus avec l’émergence des familles
recomposées. On parle d’«amical parrainage» lorsque le beau-père
assume une fonction nourricière et éducative parfois même affective
et qu’il ne se substitue pas à celle du père. Cet «amical parrainage»
est un rôle social qui progressivement a droit de cité parce que «ces
beaux-pères» assurent un rôle éducatif (socialisation, protection) qui
ne concurrence pas les «devoirs» propres des pères biologiques. Mais
comme nous le savons, les beaux-pères n’ont aucune existence
juridique.
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