actions de soutien a la parentalite et intervention sociale

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Les politiques locales de parentalité :
expérimentations d’une nouvelle forme d’intervention
A l’heure actuelle, les instances gouvernementales et les collectivités territoriales se
trouvent confrontées à un certain nombre de mutations du tissu social ; pluralité des formes
familiales, modifications des réseaux de solidarité de proximité, changements de la place des
instances de socialisation telles que la famille et l’école, autonomisation des cultures
juvéniles. Ces recompositions de la question sociale interpellent directement les institutions,
quels que soient les secteurs sur lesquels elles ont compétence.
De ce point de vue, les politiques d’aide aux familles fournissent une fenêtre
d’observation privilégiée de ces mutations. En effet, la famille est au cœur des débats des
politiques publiques qu’il s’agisse des politiques sociales, sécuritaires ou bien encore de la
jeunesse. La question de la parentalité se trouve au centre des réflexions de nombreux acteurs
et décideurs.
Cette notion, au demeurant récente, inscrit et désigne les parents comme acteurs centraux
dans l’élaboration d’un partenariat et d’articulations inédites. Mais ces articulations, entre
mesures d’aide sociale, de prévention jeunesse, d’accompagnement scolaire ou bien encore de
médiation sociale doivent s’observer dans un système complexe. C’est pourquoi il semble que
les interactions quotidiennes entre parents, professionnels et jeunes ouvrent des pistes
fécondes. A cet égard, l’approche sociologique nous paraît particulièrement pertinente et
adaptée pour comprendre tant les positions des parents que les modalités d’intervention qui
les touchent. Partant de situations où les familles bénéficient de plusieurs mesures sectorielles,
il semble possible de comprendre la façon dont parents et jeunes négocient et composent pour
trouver une cohérence dans toutes ces interventions. En d’autres termes, il s’agit de passer
d’une approche en termes de secteurs à une approche en termes de publics. Pour cela, un
cadre de réflexion mobilisant de multiples courants théoriques, issues de la sociologie ; autour
des réseaux, des professions, des organisations et de l’action publique locale peut ouvrir des
pistes de réflexion pertinentes. Nous proposons de repérer les grandes lignes d’investigation et
d’interrogation ; puis de dresser à grands traits les référentiels sociologiques qui les soustendent.
1- Proposition d’un cadre de réflexion
Trois lignes fortes structurent notre approche de la question de la parentalité ; d’abord le
constat de la pluralité des références éducatives, puis des changements forts de la place des
familles dans le système social et, enfin, l’importance que prend le niveau de relations entre
intervenants institutionnels et familles. L’approche proposée part d’une sociologie des
identités et des représentations pour terminer sur une sociologie des pratiques familiales face
aux dispositifs institutionnels.
A/ Pluralité des références éducatives
Au-delà du problème de délimitation des contours de la famille (familles recomposées,
monoparentales), la diversité des logiques familiales pose question. La famille est tantôt
perçue comme refuge, tremplin, ou encore instance de médiation. En définitive, les valeurs
éducatives et les référentiels qui les sous-tendent sont hétérogènes. Par conséquent, les
familles se demandent quelles sont les connaissances qu’il est utile de transmettre à leurs
enfants. Elles tentent de repérer au regard de leur propre expérience les savoirs qu’elles
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estiment invalidés ou encore « périmés » : que transmettre à propos de l’école, des méthodes
de recherche d’emploi ? Faut-il être une famille refuge, tremplin, partenaire, médiatrice ?
De ce point de vue, les politiques de parentalité mettent au centre de la réflexion la
place que les professionnels et que les familles, elles-mêmes, s’assignent. Elles invitent donc
à réfléchir sur la place des familles dans le système sociétal contemporain.
B/ Des changements de la place des familles dans la société contemporaine
La famille n’est plus un système étanche, imperméable à ce qu’il se passe à l’extérieur. Si,
auparavant, il n’était pas légitime que le maître d’école vienne se mêler de l’éducation des
enfants, à l’heure actuelle, les politiques familiales, éducatives et sécuritaires tendent à se
convertir en politique de « resocialisation ». Ainsi, chacun des intervenants réinterpelle la
famille dans le cadre de ses missions. De fait, la fonction éducative n’est plus l’apanage des
familles. Elle se co-construit au contraire entre parents et professionnels divers, au gré des
interactions avec de nombreux acteurs institutionnels. Il s’agit là de véritables constellations
éducatives au centre desquelles se trouvent les jeunes. Certes, entre tous ces adultes, il y a
parfois concurrence des discours. Cependant, il est aussi possible de penser que les relations
entre professionnels, parents et enfants peuvent constituer un lieu d’expérimentation.
C/ Expérimentations dans les formes de mobilisation des familles
Ces échanges entre professionnels, parents et enfants peuvent avoir des fonctions
multiples. Tout d’abord, ils peuvent permettent de coordonner les services et mesures
desquels les familles sont destinataires. Puis, ces relations sont aussi l’occasion
d’apprentissage mutuels où chacun apprend du fonctionnement et des valeurs de l’autre. Dans
cette perspective, elles peuvent également produire du sens. Par exemple, les professionnels
de terrain mettent en œuvre des adaptations, des ajustements dans l’exercice de leurs missions
quotidiennes. Ceux-ci concernent les définitions des publics, les savoirs qu’ils estiment utiles,
efficaces tout comme les réponses qui paraissent justes. Il se dessine de réelles capacités
d’innovation que nous souhaitons comprendre.
2- Les politiques de parentalité : une fenêtre d’observation privilégiée sur les
innovations locales
Il semble que les actions de soutien à la parentalité font rupture dans l’histoire des
politiques sociales.
Pour la première fois depuis les années quatre-vingt, on ne parle pas de catégories de
publics mais de relation de socialisation (celle qui a cours entre parents et enfants plus
spécifiquement). Puis, les familles ne sont plus perçues comme un monde social à part mais
comme un maillon clef dans le processus d’intégration sociale. Par exemple, des « parentsrelais » sont sollicités pour faire l’interface entre familles et école, aide sociale, ou encore
entreprise. Ces actions semblent marquer la volonté d’impliquer les parents dans la production
d’un équilibre social local ; ce qui est inédit dans l’histoire des politiques socio-familiales.
Dans cette perspective, nous nous trouvons dans une période d’expérimentation dans laquelle,
professionnels, parents et enfants animent, au quotidien, un laboratoire. Il convient alors de se
demander quelles pratiques, quelles définitions de leurs missions ces acteurs inventent-ils ;
puis quelle est la réalité sociologique de leurs activités de médiation.
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Par exemple, du côté des familles, on peut s’interroger sur la nature des apprentissages
effectués ; à propos des aides publiques, du système scolaire, du comportement à avoir vis-àvis des voisins, de la « débrouille », puis comment ces connaissances acquises se diffusentelles (entre femmes, familles voisines, de même appartenance sociale, ethnique, de même
quartier) ? De la même manière, on peut se demander comment les professionnels, euxmêmes, modifient leurs images de la famille, de la responsabilité parentale ou encore les
méthodes qu’ils jugent efficaces. De manière plus générale, la question est de savoir comment
ils expérimentent, avec ou à partir des familles, de nouveaux savoirs, des pratiques
professionnelles et des modes inédits de collaboration ; puis comment ils les diffusent (entre
collègues, partenaires intervenant sur les mêmes familles, sur un même territoire)?
La démarche proposée peut permettre de repérer de quelles façons les actions locales de
parentalité favorisent l’invention de nouveaux modes d’intervention, plus adaptés aux
contextes socio-communautaires, notamment ceux des quartiers sensibles. Puis, en
interrogeant les relations entre professionnels et familles, il semble possible de saisir la
singularité du cadre d’action publique locale. Ces différentes pistes entendent rapprocher des
réflexions jusqu’alors conduites de façon isolée. Elle vise plutôt à comprendre la régulation
locale, à partir des articulations inédites entre des régulations institutionnelles et des
régulations intra-et inter-familiales.
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