Merci pour leurs extraits à

publicité
Comédie en trois actes
de
Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN
Merci pour leurs extraits à
Pierre CORNEILLE pour « Le Cid »
Henri-Frédéric BLANC pour « Sidi »
Toute ressemblance avec des personnages, des faits ou des textes
(y compris celui-ci) existant, qui ont existé, qui existeront ou qui pourraient
exister ne serait que coïncidence.
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
Dominique BERARDI
 04 42 74 00 11 -  06 09 38 75 83 / [email protected]
INFORMATION
Ce texte est protégé par les droits d’auteur.
En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir
l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès du
traducteur, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par
exemple pour la France).
Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire
interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a
pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de
la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits
des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a
posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation
(théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la
troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer.
Le non respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre
autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.
Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris
pour les troupes amateurs.
Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes
et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
2/70
« La
conscience
a
été
donnée
à
l'homme pour transformer la tragédie
de la vie en une comédie. »
Démocrite
« Le théâtre est une des ces ruches où l'on transforme
le miel du visible pour en faire de l'invisible. »
Louis Jouvet
« Le théâtre, c'est la vie; ses moments d'ennui en moins. »
Alfred Hitchcock
« Dieu a peut-être donné le rire aux hommes
pour les consoler d’être intelligents. »
Marcel Pagnol
« Quand se décidera t'on à prendre au
« Le Shpountz »
sérieux les comiques ? »
Sacha Guitry
« Il faut jouer pour devenir sérieux... »
Aristote
« La dérision en toutes choses… est l’ultime défi au malheur… »
Sébastien Japrisot
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
3/70
SOMMAIRE
L’INTERVIEW des AUTEURS
2
La CREATION
3
Les ARTICLES de PRESSE
4
Le THEME
6
Le TEXTE
7
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
4/70
INTERVIEW DES AUTEURS
Prise 1
L’interviewer : Vous êtes les trois auteurs de la pièce de théâtre « On n’a rien inventé ». Quelle démarche
vous a conduit à devenir auteur ?
Premier auteur : !!!?
Deuxième auteur : Vous pouvez pas dire autrice ?
Troisième auteur : Oui, autrice. On préfère.
Prise 2
L’interviewer : Vous êtes donc les trois autrices. Pourquoi décider d’écrire au risque d’être confrontées aux
affres de la création-destruction ?
Première autrice : !!!?
Deuxième autrice : Mais non, ce n’est pas pour les affres. C’est juste qu’on n’a pas trouvé d’autre pièce.
Alors, bien obligées d’écrire.
Troisième autrice : Mais l’autre jour tu expliquais que c’était seulement pour toucher les droits d’auteur et
être sûre d’avoir le premier rôle.
Prise 3
L’interviewer : On peut tout de même dire que conceptuellement, cette pièce est une pièce écrite par des
femmes pour des femmes ?
Première autrice : !!!?
Deuxième autrice : Mais non, on l’a écrite pour quatre femmes et deux hommes parce que dans la troupe on
est quatre femmes et deux hommes. Et vu qu’on ne pouvait virer personne, fallait s’en tenir à ça.
Troisième autrice : Je comprends plus rien. L’autre jour tu expliquais que c’était seulement pour toucher les...
Prise 4
L’interviewer : Pouvez-vous dévoiler sans le violer le concept situationnel ?
Première autrice : !!!?
Deuxième autrice : Non, on fait comme pour les superproductions à Hollywood. On fait des mystères pour
cartonner au box-office.
Troisième autrice : Oui, ça c’est bon pour les droits d’auteur.
Prise 5
L’interviewer : Le choix du metteur en scène s’inscrit tout de même dans une volonté de trouver le fil
conducteur métaphysique entre deux univers ?
Première autrice : !!!?
Deuxième autrice : Si vous voulez dire qu’il est bon, la réponse est oui.
Troisième autrice : En disant ça, t’as rien inventé...
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
5/70
La CREATION
La pièce « On n’a rien inventé » a été créée
par LE THEATRE D’ASTROMELA le 10 juillet 1998 à Berre l’Etang.
Elle a participé aux finales régionales des concours nationaux « Masque d’Or »
de la FNCTA et « Festhéa » en 1999.
La pièce est reprise, depuis, par de nombreuses troupes en France et en
Francophonie. Une traduction en italien a été réalisée.
La MISE en SCENE
Akel AKIAN
La DISTRIBUTION
Henri-Pierre
Carlo
Gaby
Lise
Frédérique
Brigitte






par ordre d’apparition (6 comédiens : 4 F + 2 H)
le comédien
le metteur en scène
la patronne du Bar
la femme de son mari
l’étudiante
la libraire






Pascal CANERI
Mathieu GIRANDOLA
Dominique BERARDI
Renée TROUVE
Sonia AZAMOUN
Magali REYNAL
La REGIE
Emmanuel BOYER
Marie-Pierre LEHMANN
La SCENOGRAPHIE et La TECHNIQUE
Conception du décor
Réalisation du décor
:
:
Descriptif du décor
:
Costumes
:
Choix des musiques
Dimensions scène
:
:
Espace scénique
:
Technique
Son
Lumière
Durée du spectacle
Temps de montage
Temps de démontage
Public
:
:
:
:
:
:
:
Dominique BERARDI
Marie-Pierre LEHMANN, Elio BERARDI,
Marcel GIRANDOLA
Une salle de bar de quartier à Marseille :
1 comptoir de bar, 2 étagères avec bouteilles et verres, 2
tabourets de bar, 4 tables et chaises, 1 portant à
vêtement, 1 psyché, des posters de l’OM.
Dominique Berardi
6 costumes contemporains + 6 costumes XVII ème
Dominique BERARDI
profondeur : 7 m x ouverture : 13 m
L’espace scénique est toutefois adaptable
1 espace scénique pour les ACTES I et II
2 espaces scéniques distincts pour l’Acte III
1 technicien lumière + 1 technicien son
1 double lecteur CD pour diffusion salle
modulable en fonction des lieux
1 h 30
1 h
0 h 20
Tout public
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
6/70
Les ARTICLES de PRESSE
« INOUBLIABLE !
Une
vague
de
rires
déferle
sur
Gignac
On n’a rien inventé par Le Théâtre d’Astromela.
Une salle comble a ovationné talent et qualité »
avec
Un texte bien ficelé servi par une interprétation forte et une
mise en scène de qualité : Le Théâtre d’Astromela a fait souffler
un vent nouveau sur cette 5ème édition du festival. « On n’a rien
inventé » est une pièce d’une rare qualité. Ecrite par deux
membres de la troupe, dont c’est pourtant le premier essai, elle
enchaîne les répliques trempées dans un humour aussi décapant que
fin. Les comédiens aidés par la mise en scène talentueuse
d’Akel Akian ont su trouver le ton juste et prolonger l’humour des
mots par les gestes.
Conséquence immédiate : le très nombreux public a été secoué par
les rires d’un bout à l’autre du spectacle et a souvent interrompu
le jeu pour applaudir. La troupe a été véritablement ovationnée au
moment du salut final et quatre rappels sont venus conclure cette
prestation.
Cet enthousiasme a été partagé par Alain Sisco, président du CD 13
de la FNCTA qui soulignait la qualité du spectacle, de l’écriture
et la très bonne interprétation. Une autre présence remarquée fut
celle de l’écrivain Henri Frédéric Blanc - auquel la pièce
emprunte quelques dialogues de son livre « Sidi » - qui se dira
agréablement surpris par la richesse de l’écriture et l’excellent
jeu des comédiens.
Il est des spectacles qui laissent un empreinte indélébile dans la
mémoire du public, il est des spectacles à voir et à revoir
« On n’a rien inventé » en fait partie.
E. Bassignani - la Provence
5ème festival de théâtre amateur
« …La surprise est venue de BERRE. Une création collective, un
« big bang » qui s’amuse du théâtre, des professionnels, des
amateurs, du trac, de l’angoisse, comme le précise le dossier de
presse, Dominique Berardi et Marie Pierre Lehmann ont sauté le
pas. « On n’a rien inventé » est un puzzle d’idées qui s’est
transformé en pièce de théâtre avec des mots et des idées
d’aujourd’hui.
L’interprétation sonne juste, s’équilibre entre émotion et
comique. Des répliques savoureuses, des situations bien ancrées
dans le quotidien, sans barrières, mais avec un ton adéquat et de
pertinentes explorations scéniques. Il était normal que le public
adhère à cette alchimie et ovationne les jeunes comédiens et leur
metteur en scène… »
Gignac Infos - 1998
« …Un spectacle haut en couleurs et à la tonalité toute
provençale… »
La Provence – le 18 octobre 1998
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
7/70
«…Des dialogues ensoleillés, des situations ancré dans le
quotidien, entraînant fous-rires, cocasseries, tendresse et joie
de vivre. Epoustouflant… »
Gignac Infos - Octobre 1998
« …Une comédie innovante à l’accent du midi.
C’est une création qui se veut proche du public
deux univers de se rencontrer : le théâtre et la
a été séduit et amusé par ce spectacle naturel
que l’idée de partage est extrêmement importante
spectacle… »
Finale régionale du
organisé par la FNCTA.
concours
national
et qui permet à
vie... Le public
qui veut montrer
dans le monde du
« Masque
d’Or »
Le Dauphiné Libéré – le 14 mai 1999
« …La pièce d’Astromela ou le bonheur simple.
Cette pièce est un vrai régal où l’on rit pendant une heure et
demie, les comédiens totalement investis de leur texte ont offert
une très bonne prestation… »
La Provence – le 16 mai 1999
« …Les acteurs jouent avec plaisir et nous font partager ce
plaisir. Nous vivons leurs émotions et rions avec eux… »
La Provence - le 27 novembre 1999
Le plaisir de jouer en faisant rire
« …A la Grotte de l’Horloge, ils étaient quatre filles et deux
garçons, comédiens à part entière du Théâtre d’Astromela...
Le spectateur devine le talent de véritables comédiens.
Merci à ces acteurs pour ces merveilleux moments d’évasion… »
La Provence - le 10 mars 2000
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
8/70
Le PROPOS
ON N’A RIEN INVENTE est une comédie.
Un big bang qui s’amuse du théâtre, des professionnels,
des amateurs pas encore amateurs, du trac, de l’angoisse,
de la colère, de l’amitié et de nous-mêmes.
Une création est un puzzle d’idées assemblées pièce après pièce.
La pièce essentielle d’ON N’A RIEN INVENTE est le rire.
La seconde pièce du puzzle est la vie, celle de tous les jours, avec des gens
ordinaires, avec les mots du quotidien qui prennent souvent un parfum d’ici.
Un texte où le public se reconnaît et reconnaît le théâtre.
Un texte dans lequel chacun d’entre nous trouve une résonance.
Un texte qui rappelle, si c’était nécessaire, que les barrières s’effritent quand
la fête du théâtre resurgit et que celle-ci est bien l’affaire de tous dans
l’émotion, le rire et le plaisir partagé.
L’HISTOIRE
Un bar de quartier à Marseille.
Gaby « la patronne », Lise « la femme de son mari », Frédérique « étudiante...
en maths » et Brigitte « écrivain par passion, libraire par nécessité », se
retrouvent régulièrement pour taper le carton à l’heure de l’apéro.
Carlo, metteur en scène désoeuvré et Henri-Pierre, comédien sans engagement
font irruption dans ce quotidien.
Ces personnages vont se rapprocher et s’embarquer dans une aventure
inattendue : la création d’une pièce de théâtre.
Et voilà la rencontre de deux univers : le théâtre et la vie ; où choc et
contre-choc « tentent de réinventer le théâtre ».
Le résultat final sera plus que surprenant.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
9/70
Les PERSONNAGES
Distribution modulable : 4 Femmes + 2 Hommes ou 5 Femmes + 1 Homme
Henri-Pierre
Le comédien
Ambitieux et assez vaniteux, très « cultureux »
Carlo
Rôle pouvant être féminisé
Le metteur en scène
Vit dans sa bulle théâtrale ; est rapidement dépassé
par les évènements
Gaby
La patronne d’un bar de quartier à Marseille
Femme d’expérience et de caractère… qui a vécu…
Lise
La femme de son mari
La femme soumise par excellence…
qui se libère peu à peu
Frédérique
L’étudiante en maths
Psychorigide, caractérielle et supporter de l’OM
Brigitte
La libraire ésotérique
Ecrivain du dimanche, elle vit sa vie en rêve
LA MUSIQUE
n°
1
 « A sexe machine » de James Brown
n° 2
Brown
 « Ai's a man's man's man's world » de James
n°
3
 Musique type « Peplum »
n°
4
 « I feel good » de James Brown
n°
5
 Musique classique
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
10/70
ACTE I
Un bar de quartier à Marseille.
A l’avant-scène devant le rideau fermé : deux chaises.
Sur scène à jardin : deux tables rapprochées sur lesquelles sont posés un tapis de jeu et des cartes. Autour,
quatre chaises et aux pieds de l'une un grand cabas dans lequel on aperçoit des aiguilles à tricoter.
A cour : un comptoir, deux tabourets, des étagères où sont posés des bouteilles et des verres.
Au fond de scène : une table et deux chaises.
Sur le mur du fond de scène : des posters et des écharpes à l’effigie de l’OM.
SCENE 1
Carlo et Henri-Pierre
Le rideau de scène est fermé. Devant le rideau, deux chaises sur lesquelles sont assis Carlo et Henri-Pierre.
Immobiles, il regardent droit devant eux puis ils gesticulent et se parlent en mimant.
On entend derrière le rideau des voix de femmes qui jouent aux cartes.
Frédérique
C’est à toi.
Lise
Ça va, ça va... tiens.
Gaby
Brigitte, réfléchis. J’ai un bon jeu.
Frédérique
Ben voyons ! Ne te gêne pas ; montre-lui ton jeu, tant que t’y es !
Gaby
Oh, mais je montre rien du tout, je parle !
Frédérique
Et depuis quand on parle à la belote ?
Brigitte d’un ton hystérique
Attendez, attendez. Ça y est ! Ça y est ! J’ai trouvé !!!
On entend Brigitte courir et les exclamations des autres femmes.
Carlo sort côté jardin et Henri-Pierre côté cour. Ils emportent leur chaise.
Frédérique
Brigitte, où tu vas ?
Gaby
Brigitte, reviens !
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
11/70
Lise
Oh, Brigitte !
Frédérique
Mais elle est folle, où elle va ?
SCENE 2
Gaby, Frédérique, Lise et Brigitte
A l'ouverture du rideau, Lise et Frédérique sont devant le comptoir, Gaby derrière. Elles parlent avec animation.
Gaby
J’en sais rien, moi.
Lise
C’est toujours la même chose, on peut jamais finir une partie.
Frédérique à Gaby
Mais où tu l’as trouvée celle-là ?
Gaby
Parce que maintenant, c’est de ma faute !
Frédérique
Ben, c’est ta copine, non !
Toutes les trois tournent la tête vers le public, le regarde pendant quelques instants, puis regardent la table de jeu et
se dirigent vers elle.
Lise et Frédérique s'assoient, Gaby s’avance pour les imiter, suspend son geste et repart vers le comptoir.
Frédérique la rappelle.
Frédérique
Oh ! Gaby ! Où tu vas ? Ça se fait pas de couper la partie !
Gaby
Hé ! Une minute. Tu préfères peut-être mourir de soif ?
Pause.
Une mauresque, Fred ?
Frédérique
Oui, Gaby. Oh ! Pas un flan, hè !
Gaby
T’inquiète ! Psitt !
Gaby fait un signe désignant Lise, à Frédérique, qui lui répond par un clin d’œil.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
12/70
Frédérique à Lise
Lise, qu’est-ce que tu bois ? On te met une petite mauresque ?
Lise regarde sa montre et se lève.
Lise
Mon Dieu ! Mon mari ! Va falloir que j’y aille.
Frédérique
Oh ! Fan ! Tu nous pompes l’air avec ton mari ! Où tu vas, là ? On n’a même pas fini la partie !
Lise s’assoit.
Gaby
Alors, Lise. Je te la sers cette mauresque ?
Lise
Non, juste un verre d’eau.
Frédérique
Mais, vas-y ! Qu’est-ce que tu risques à essayer ?
Lise
Non, non, de l’eau, de l’eau.
Frédérique et Gaby
Allez, une petite mauresque !
Lise
De l’eau, de l’eau, de l’eau !
Frédérique à Gaby
Dis, Gaby. Toi, qui la connais depuis longtemps, tu vas pas me dire qu’elle a jamais bu un verre
de pastis, non ?
Gaby apporte les verres à table.
Gaby
Ah ! Quand on était filles, c’était une autre histoire...
Lise l’interrompt avec fermeté
Ça, c’était avant. Maintenant, c’est maintenant.
Frédérique
Et maintenant, c’est : de l’eau, de l’eau, de l’eau !
Frédérique et Gaby éclatent de rire. Gaby s'assoit.
Elles reprennent la partie de cartes en silence.
Gaby joue et puis montre des signes d'impatience en regardant Lise.
Gaby
Et bien quoi, Lise ! C’est à toi !
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
13/70
Lise
Je le sais bien, mais j’hésite.
Gaby
Tu ne vas pas hésiter jusqu’à demain ?
Frédérique
Alors Lise, on t’attend.
Lise
C’est que la chose est importante ! Et vous reconnaîtrez que jouer à la belote quand on est que
trois, c’est pas facile.
Frédérique
C’est sûr, la belote se joue normalement à quatre ; quand on est que trois, il vaut mieux jouer à
un jeu qui se joue à trois !
Lise
C’est super, hè !... alors pourquoi on joue à la belote ?
Gaby
Nous jouons à la belote car pendant quelques instants nous avons été quatre, ce qui est idéal
pour jouer à la belote. Mais « l’inspiration » a lancé son appel et maintenant nous sommes trois.
Lise
Ça alors, c’est bizarre... je n’ai rien entendu.
Frédérique
Entendu quoi ?
Lise
Ben, « l’inspiration », « l’appel ».
Gaby
Oh ! Mais c’est que nous, on est pas calus... on ne peut pas l’entendre, « l’appel » !
Non, « l’inspiration », elle n’appelle que Brigitte.
Frédérique
Mais qu’est-ce qu’elle fait quand « l’inspiration » l’a appelée ?
Gaby se lève.
Gaby
Elle écrit. Des vers, des poèmes, des histoires, et surtout des pièces de théâtre !
Lise
Des pièces de théâtre... C’est super ! Mais qu’est-ce qu’elle en fait ?
Gaby
Hè, c’est ça le plus terrible : elle me les lit !
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
14/70
Gaby s'assoit.
Frédérique
Terrible, terrible... Tu exagères Gaby, une pièce de théâtre ne peut pas faire de mal, tout de
même.
Gaby
Pas faire de mal ? Attends un peu que ça t’arrive !... Pas faire de mal !!!
Elle se lève.
Mais c’est une catastrophe, un désastre, c’est l’apocalypse !
Pause.
Elle regarde intensément le public.
Tè, c’est pire que si l’OM redescendait en 2ème division !
Lise
Pourquoi, ils z’y sont plus ?
Gaby lui donne une claque sur l’épaule, pendant que Frédérique se signe.
Lise
Aïe !
Gaby
Arrête de blasphémer ! ça tu le dis pas, même pas pour rire !
Elle s’assoit.
Ecoute-moi ça, Fred. Moi, rien que de l’entendre, ça me fend le cœur !
Lise se penche et regarde les cartes de Gaby qui recule.
Frédérique regarde à cour.
Frédérique
Eh ! Taisez-vous, taisez-vous ! Y’a l’apocalypse qui se ramène.
Toutes trois regardent à cour puis prennent une pose concentrée et figée.
SCENE 3
Gaby, Frédérique, Lise et Brigitte
Brigitte, complètement hystérique, entre en courant côté cour, un papier à la main.
Brigitte d’un ton hystérique
Arrêtez tout, arrêtez tout. Ça y est, ça y est, j’ai fini !
D’un ton solennel.
Faites silence et écoutez ma dernière oeuvre.
Elle se place à l’avant scène, écarte les bras et lit d’un ton emphatique.
"Napoléon...
Gaby se lève et l’interrompt.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
15/70
Gaby
Oh putain !!!... Le bar est en danger, fuyons à l’étranger !
Gaby se retourne et commence à marcher vers le bar. Frédérique la retient.
Frédérique
Les femmes et les enfants d’abord, et toi, le capitaine, tu passeras en dernier.
Elles rient et courent se cacher derrière le comptoir.
Lise se lève et regardent Frédérique et Lise.
Lise
Allez, les filles, revenez. Vous êtes pas gentilles. Vas-y Brigitte, on t’écoute.
Lise s’assoit et prend son tricotage dans son cabas.
Brigitte les regarde
Laisse faire, Lili, j’ai l’habitude. C’est pas ça qui empêchera la culture d’avancer dans le désert
de l’ignorance.
Gaby et Frédérique reviennent en riant.
Brigitte avec un regard menaçant
Chut !
Gaby et Frédérique continuent à avancer sur la pointe des pieds. Elles s’assoient et regardent Brigitte avec
attention.
Brigitte s’éclaircit la voix et déclame avec emphase.
Brigitte
Napoléon ayant guerroyé des années
se trouva fort dépourvu
quand la paix fut revenue.
Il alla conter comptine
à sa copine Joséphine,
la priant de lui laisser sa couche partager.
« De l’empire je ferai de vous la princesse
et vous règnerez de Moscou à Sidi Bel Abbes. »
Mais Joséphine est très futée
c’est là sa grande qualité.
« Où étiez-vous passé - dit-elle - toutes ces années ? »
« d’Austerlitz à Iéna, la conquête j’ai fait! »
« Des conquêtes vous faisiez
et bien dans votre couche, seul vous dormirez. »
Gaby et Frédérique ronflent puis éclatent de rire.
Frédérique
T’avais raison, t’étais en dessous de la vérité, Gaby ; c’est pire que l’OM en 2ème division, c’est
comme si la Bonne Mère se mettait à soutenir PSG. Tè, vaut mieux aller à un concert de
Dorothée plutôt que d’entendre ça !
Gaby regarde Frédérique, elles éclatent de rire.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
16/70
Brigitte à Frédérique d’un ton agressif
Toi, c’est sûr, sortie de tes racines carrées, rien ne t’intéresse ; mais tout le monde n’a pas
fait maths sup., maths spé. comme toi.
Frédérique se lève.
Tout le monde n’est pas disciple de Descartes.
Lise se lève et fait un geste pour les séparer.
Lise
Hé ben, puisque tu parles des cartes et que maintenant on est quatre, on pourrait peut-être s’y
remettre ?
Brigitte
Hé ben, on peut pas dire qu’on baigne dans la culture ! Entre une, qui sait mieux compter que
parler, et l’autre, qui confond un philosophe avec un as de pique, on est cerné !
Frédérique
Parce que pour toi, les maths, c’est pas de la culture ?
Gaby
Boudie, ça y est vous m’avez saoulée... C’est pas ça qui va me dire si je coupe à cœur ou si je
coupe à pique.
Frédérique prend sa veste et s’avance vers la porte.
Lise
Où tu vas, Fred ?
Frédérique vexée
Pardi, où tu crois que je vais ? Chercher ma place pour le concert de Dorothée.
Elle sort à cour.
SCENE 4
Gaby, Lise et Brigitte
Brigitte s’avance vers la table de jeu.
Brigitte
Oh là, là ! Quel caractère celle-là.
Elle s’assoit.
Gaby lui lance un regard sévère.
Ben, c’est vrai, on ne peut rien lui dire.
Gaby
Ah ! T’es forte, toi. Ah ! On peut dire que « l’inspiration » elle t’appelle pas pour rien. A chaque
fois, tu provoques un véritable cataclysme.
Elle saisit le verre de pastis le regarde et semble méditer.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
17/70
Tè, pour un peu tu ferais tourner le pastis !
Lise à Brigitte
C’est super, hè, ce que tu as écrit.
Silence.
Ben moi, en tout cas, je trouve ça très poétique, ça m’a toute retournée... parce que moi, tu
comprends, je suis une sentimentale...
Elle se lève et déclame.
« ...d’Austerlitz à Iéna, la conquête j’ai fait !... »
Elle s’assoit.
Pause.
Mais je savais pas que Napoléon il avait conquis cette Madame Austerlitz.
Gaby
Mais non, Austerlitz c’est pas une gonzesse, c’est une bataille !
Lise
C’est super hè... une bataille je trouve ça encore plus romantique. Quel homme quand même ce
Napoléon !... Notez que moi aussi, mon mari, il me dit, des fois, que je suis sa reine.
Gaby se lève.
Gaby
Sauf que toi, ton empire c’est surtout ta cuisine...
Elle s'assoit.
Allez zou, on la finit ou non cette partie ?
Brigitte
Bon, où vous en êtes ?
Gaby
Hé bien quoi, Lise ! C’est à toi !
Lise
Je le sais bien, mais j’hésite.
Gaby
Tu ne vas pas hésiter jusqu’à demain ?
Brigitte
Alors Lise, on t’attend.
Lise
C’est que la chose est importante ! Et vous reconnaîtrez que jouer à la belote quand on est que
trois c’est pas facile.
Gaby jette les cartes sur la table.
Gaby
Oh ! Putain ça recommence, on est encore que trois.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
18/70
SCENE 5
Gaby, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre
Carlo et Henri-Pierre entrent. Ils s’installent au comptoir. Les femmes les dévisagent.
Henri-Pierre
Bonsoir.
Carlo
Bonsoir.
Gaby, Lise et Brigitte
Bonsoir.
Gaby
Oh fan ! Faut que j’y aille.
Gaby se lève et se place derrière le comptoir.
Bonsoir, Messieurs. Qu’est-ce que je vous sers ?
Carlo à Henri-Pierre
Une pression ?
A Gaby.
Deux pressions, s’il vous plaît.
Gaby
Deux pressions ! De suite !
Brigitte
Tè, sers-nous aussi, je mets la mienne.
Gaby prépare les consommations.
Carlo
Quel gâchis ! Et dire que cette pièce a été subventionnée, c’est à vous désespérer du théâtre.
Henri-Pierre
Encore une parodie de spectacle ! Des comédiens ça ? Tout au plus des caricatures de
comédiens !
Carlo
Mais le problème, Henri-Pierre, ce n’est pas les comédiens, c’est la pièce, c’est le metteur en
scène.
Henri-Pierre
En attendant, Carlo, je n’ai jamais vu d’acteurs aussi coincés et en particulier celle qui tient le
premier rôle.
Gaby sert les consommations à Carlo et à Henri-Pierre.
Gaby
Voilà, Messieurs.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
19/70
Carlo et Henri-Pierre prennent les verres et s’assoient à une table.
Carlo et Henri-Pierre
Merci.
Gaby sert les consommations à Lise et à Brigitte, puis elle retourne au comptoir. Elle range et nettoie.
Conversations des femmes et des hommes en chassé-croisé.
Carlo
Donne-lui un vrai texte, un vrai metteur en scène et tu verras comme elle se libère.
Lise
C’est vrai que ça me libère : depuis que je viens faire la partie de belote, une fois par semaine
avec vous, je me sens mieux. Je me sens une autre femme.
Henri-Pierre
Moi, je ne la sens vraiment pas dans ce rôle, elle est mauvaise c’est tout ; et je ne parle pas de
celui qui lui donne la réplique : nullissime. Moi, quand je jouais ce rôle, j’étais dans le
personnage, j’étais LE PERSONNAGE. Quand on engage de vrais acteurs, alors là, oui, il en sort
quelque chose !
Gaby apporte une assiette de chips à Carlo et Henri-Pierre.
Brigitte
Hé oui, il faut sortir ! Et puis comme ça, ça te change de tes soirées à la maison, ton mari en
tête à tête avec la télé et toi qui lui sert sa purée Mousseline avec amour. Ah ! C’est qu’avec lui,
il faut te contenter de longs monologues.
Carlo
Le plus important, ce sont les dialogues. Et il est clair que ce texte est une prise de tête.
Comment veux-tu qu’avec ce genre de spectacle où on ne comprend rien, les gens aient envie
d’aller au théâtre ? L’auteur s’est fait plaisir, un point c’est tout. Et je suis sûr que le metteur
en scène, lui-même, n’y a rien compris.
Lise
Oh ! Lui, il ne comprend rien à rien. Moi, j’ai besoin d’air, de m’occuper un peu de moi et pas
sans arrêt de lui. J’aimerais bien moi aussi voir un peu midi à ma porte.
Henri-Pierre
C’est sûr, chacun voit midi à sa porte... Moi, le comédien, c’est à l’interprétation que je
m’attache ; toi, le metteur en scène, tu as une vision globalisante et conceptuelle du spectacle.
Moi, je ne jouerai jamais aussi mal, parce que moi, je joue avec ma tête.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
20/70
SCENE 6
Gaby, Lise, Brigitte, Carlo, Henri-Pierre et Frédérique
Frédérique entre côté cour. Elle s'arrête au comptoir et observe les deux hommes.
Gaby
Ah, tè… Te voilà ! T’as fini de faire la tête ?
Allez zou, va t’asseoir ; qu’on fasse au moins une donne à quatre ! Allez, zou...
Frédérique s’assoit.
Brigitte distribue les cartes.
Gaby prépare une mauresque pour Frédérique.
J’ai besoin de votre avis : en février, vaut mieux que j’organise un loto ou un concours de
belote ? Parce que cette année, je ne voudrais pas être à côté de la plaque.
Gaby pose le verre devant Frédérique et s’assoit.
Carlo
En fait, tu es complètement à côté de la plaque et moi aussi, d’ailleurs. Nous enfermons le
théâtre dans une cage poussiéreuse et nous fermons la porte de peur que la vie n’entre. Nous
devenons les « confortables » des arts du spectacle.
Mais réagissons, que diable ! Et brisons ces verrous ! Ouvrons les portes !
Gaby
C’est sûr, ça me fera fermer plus tard que d’habitude, mais ça fait marcher l’apéro... Il me
faudra plus de chaises et de tables... Hè, le plus dur ça va être de les transporter.
Carlo se lève.
Carlo exalté
Oui, oui, transportons le théâtre dans la rue, là où est sa vraie place. Pense à Molière, à
Goldoni, à Pagnol et aussi à Pasolini ; ils ont compris eux que plus on s’éloigne des gens, plus on
tue la vie. Et le théâtre, qu’est-ce ? Sinon l’expression de la vie ? Et bien, je dis stop au
chantage intellectuel, aux démago-théâtreux, aux pseudo-cultureux de mes deux. Assez de
gélatine cervico-stérile étalée à tout propos !
Les femmes leur jettent furtivement des regards.
Henri-Pierre
Peut-être, mais ni toi ni moi ne pouvons...
Carlo l’interrompt
Voilà où ça coince, comme aucun de nous ne se sent responsable, personne ne bouge.
Henri-Pierre
Mais responsable de quoi ?
Moi, je suis un comédien au chômage et toi un metteur en scène sans troupe !
Les femmes interrompent le jeu et les observent.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
21/70
Carlo
Ce théâtre, que toi et moi nous aimons et défendons, c’est la culture et la culture c’est la
liberté !
De plus en plus exalté, il arpente la scène.
Mais regarde, observe autour de toi : c’est ici que ça frémit, que ça pétille, que ça vit !
Carlo s’assoit.
Gaby
Oh ! Qu’est-ce qu’il a celui-là, il a pété un plomb ou quoi ? Faudrait pas qu’il nous croit assez
intime pour faire une attaque ici !
Frédérique
T’as raison, il est tout rouge. On dirait mon père pendant les tirs au but !
Lise se lève et dévisage Carlo.
Lise
Et si on appelait les pompiers ?
Brigitte
Et pourquoi pas l’armée ? Ah ! Toi et le courage hein, vous êtes pas collègues !
Gaby
T’as raison, j’y vais.
Gaby se lève.
Lise
Quand faut y aller, faut y aller. Vas-y, Gaby.
Gaby se place entre Carlo et Henri-Pierre.
Gaby
Alors, et ces Messieurs, on les ressert ?
Carlo à Gaby
Vous, plus que toute autre, vous me comprenez ; toute la journée vous la voyez entrer la vie,
avec ses rires, ses pleurs.
Gaby
Ah ! Pour entrer, elle entre ; même que des fois, hè, j’ai du mal à la faire sortir !
Carlo
Tu vois, tu vois... mais ouvre-les, tes yeux ! L’authentique, oui, l’authentique, il faut retrouver
l’authentique. Fini le théâtre galvaudé ! Ouvrons notre esprit et que pénètre enfin...
Il s’interrompt et tourne son regard vers les femmes.
Regarde-les : voici les personnages de nos pièces. Tu crois que Pagnol les a créés...
Il se lève et se dirige vers Gaby qui recule.
Mais César, c’est elle ! Ample, le verbe haut, l’œil généreux...
Il désigne du bras Brigitte et se dirige vers elle.
Et Panisse, c’est elle ! Installée, contente d’elle...
Il désigne du bras Lise et se dirige vers elle.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
22/70
La petite Fanny, c’est elle ! Encore endormie dans l’attente de son homme. Mais bouscule-la un
peu et tu verras, elle deviendra « la femme du boulanger ».
Il désigne du bras Frédérique et se dirige vers elle.
Ah ! Et Monsieur Brun plein de ses certitudes, c’est elle ! Tu les vois, dis ? Tu les vois ?
Les femmes le regardent.
Lise
Oh, là là ! Faudrait vraiment appeler les pompiers.
Frédérique
Mais non, laissons tomber et reprenons la partie. Gaby, viens t’asseoir !
Brigitte
Tais-toi, ça commence à devenir intéressant.
Henri-Pierre
Tu délires, assieds-toi, assieds-toi !
Carlo
Je délire ? Mais je te le dis, la matière est là, il ne reste plus qu’à la façonner, la modeler.
Henri-Pierre
Tu mélanges tout, on ne peut pas prendre n’importe qui pour en faire un comédien. C’est un
métier. Et toi, plus que quiconque, tu devrais le savoir !
Carlo
Justement, moi je le sais ! Je te parle du théâtre, du vrai, de l’authentique.
Pause.
Il se tourne vers les femmes.
Mesdames, il me vient une idée. Mais, permettez tout d’abord que je nous présente.
Frédérique
Ça y est, encore un allumé ; pas moyen d’être tranquille cinq minutes !
Carlo
Mon ami et moi sommes des professionnels, récemment rejetés de la Criée.
Gaby
Voilà que maintenant, ils se prennent pour des poissons !
Elle se lève, pose les mains sur la table et hurle.
« Ils sont beaux, ils sont frais ! Des vivants pour le prix des morts ! »
Lise
Pourquoi tu dis ça ?
Gaby
Rejetés de la Criée... poissons... tu comprends pas ?
Lise fait non de la tête. Gaby s’assoit.
Peuchère !
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
23/70
Brigitte
Mais enfin, laissez-le parler !
Carlo
Henri-Pierre, comédien ; Carlo, metteur en scène.
Brigitte se lève et se dirige vers les hommes. Elle a des gestes maniérés et prend un accent pointu.
Brigitte
Enchantée, vraiment en-chan-tée, Messieurs.
Elle serre la main aux deux hommes.
Brigitte, libraire par nécessité et écrivain par passion ; Frédérique, étudiante... en maths ;
Gaby, la patronne et Lise... la femme de son mari. Mais, asseyons-nous donc.
Elle prend une chaise et s’assoit entre Carlo et Henri-Pierre.
Frédérique
On est mal barré.
Lise
Pourquoi ?
Frédérique
Attends et tu verras...
SCENE 7
Gaby, Frédérique, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre
Brigitte
Ainsi Messieurs, vous êtes artistes.
Henri-Pierre ironique
C’est ainsi qu’on nous nomme.
Carlo
Madame, notre rencontre n’est pas fortuite, j’en suis convaincu. Comme vous l’avez sans doute
compris, nous sommes, en quelque sorte, en désaccord avec l’expression artistique actuelle.
Il se lève.
Aussi, aidez-nous à prouver que le théâtre se trouve dans la vie et la vie dans le théâtre.
Exalté, il se dirige vers les femmes.
Brigitte le suit du regard.
Venez donner la réplique, incarner les personnages les plus divers, les plus fous, les plus sages,
les plus comiques, les plus dramatiques. Venez frapper les trois coups ! En un mot, soyez mes
comédiennes.
Henri-Pierre
Il est fou !
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
24/70
Brigitte en aparté
Mon Dieu, si j’osais !
Elle se lève et s’adresse à Carlo.
Monsieur le metteur en scène, cette idée arrive, je dirais, bien à propos. C’est mon rêve le plus
cher que vous matérialisez. J’accepte votre proposition !
Frédérique
Elle est folle !
Carlo
Merci.
A Gaby.
Et vous Madame Gaby ?
Gaby se lève.
Gaby
Ecoutez. Moi, ça fait dix ans que je suis en représentation derrière ce comptoir, c’est pas pour
en plus aller faire le guignol sur la scène.
Brigitte
Comment peux-tu parler ainsi, tu n’as pas le droit de mépriser l’Art.
Gaby
Je ne méprise rien du tout, mais si tu continues ton numéro, c’est pas que le mépris qui va
t’arriver !
Gaby s’assoit.
Henri-Pierre
On nage en plein délire !
Frédérique
Rien de plus normal pour des poissons...
Carlo à Frédérique
Et vous jeune fille ?
Lise
Moi ?
Carlo
Non... vous !
Frédérique se lève.
Frédérique
Le théâtre. Oh, oui ! Comment vous dites, déjà ? S’extérioriser, s’affirmer, gérer son stress,
c’est très bien, tout ça ! Mais, moi, voyez-vous, mon truc c’est la belote. Et avant votre
interruption, on essayait de faire une partie de belote…
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
25/70
Brigitte
Fred !
Frédérique
…et la belote, ça c’est du sérieux !
Brigitte
Frédérique !
Frédérique s’assoit.
Carlo se dirige vers Lise.
Lise
Moi ? Moi ? Non, non c’est pas pour moi ça.
Brigitte
Pourquoi ? Tu disais que tu voulais respirer ; là c’est le moyen de penser à toi et de carrément
prendre le large.
Frédérique
Ben voyons, et de faire une carrière ! Tè, je la vois déjà à Paris !
Frédérique et Gaby rient.
Brigitte
Réfléchis, qu’est-ce que tu risques à essayer.
Lise
Mais tu n’y penses pas... Et mon mari ? Il ne voudra jamais.
Gaby se lève.
Gaby
Ah ! Là, tu nous pompes l’air avec ton mari, hein ! Boudiou, on te dirait une photocopie : arrête
de penser avec sa tête à lui. Si tu veux le faire, le théâtre, tu dis oui, si tu veux pas le faire, tu
dis non !
Elle s’avance vers Carlo.
Dites, sans que ça engage, hein, ? C’est quoi au juste votre idée ?
Frédérique à Gaby
Owe ! Ça va pas, non ?!!!
Gaby à Frédérique
Attends !!!
Carlo
Créer un spectacle, monter une pièce de théâtre avec des gens qui n’en ont jamais fait.
Vous et Henri-Pierre seraient les comédiens, moi, je serais le metteur en scène.
Brigitte
Justement...
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
26/70
Henri-Pierre l’interrompt
Attends, attends, attends ! Tu ne prétends tout de même pas me faire jouer avec...
Il fait un geste méprisant vers les femmes.
Carlo l’interrompt
Parfaitement. Mais, Monsieur n’a peut-être pas le temps, Monsieur est surbooké, Monsieur a
tellement de contrats en ce moment, il faut dire !
Henri-Pierre
Il ne s’agit pas de cela, tu le sais bien.
Silence.
Monsieur veut monter une pièce de théâtre ! Mais bien entendu, Monsieur ! Mais tout de suite,
Monsieur ! Allons-y, tous en scène ! Il ne nous reste que quelques petits détails de rien du tout
à régler : trouver un théâtre, trouver des comédiens, trouver une pièce ! Mais enfin,
redescends sur terre, voyons !
Brigitte
Pardon, justement, j’ai peut-être la solution. Comme je vous l’ai dit, j’écris - Oh ! Très
modestement - et il se trouve que j’ai avec moi une pièce de théâtre et puisque vous êtes là, je
veux bien vous en laisser l’exclusivité et vous en lire un extrait.
Carlo à Henri-Pierre
Tu vois, quand je te disais que...
A Brigitte.
C’est avec plaisir que nous vous écoutons.
Brigitte cherche le manuscrit dans son sac, elle sort tout ce qui s’y trouve avec de grands gestes. Pendant ce temps,
les femmes parlent entre elles.
Gaby
Alors là, je le sens de moins en moins ce plan, s’il faut descendre aux abris deux fois par jour,
on va pas s’en sortir.
Lise
Pourquoi ?
Frédérique
Laisse faire... Y’a une sortie de secours, et il reste encore des places pour le concert de
Dorothée !
Lise
En tout cas, moi, je trouve que c’est courageux d’écrire et de lire son texte ; on peut pas le
dire de tout le monde !
Frédérique
C’est là que t’as tout faux, le courage c’est pas d’écrire et de lire ! Le courage c’est d’écouter
le texte et dans deux minutes on va friser la témérité, voire le masochisme !
Lise
Tu es injuste, mais en attendant, tu n’auras jamais assez de cran pour t’engager dans
l’aventure.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
27/70
Ah ! Si j’avais ton âge et surtout si j’étais seule !
Frédérique
T’as encore tout faux. Le problème n’est pas là. Et puis, t’as rien à m’apprendre. Toi, t’as pas
assez de cran pour lui faire fermer sa grande bouche à ton mari.
Lise
C’était peut-être vrai, avant. Mais moi maintenant, je te le dis, je vais le faire le théâtre et lui,
il la fera la vaisselle !
Gaby
Coquin de sort, j’ai l’impression qu’arrive la révolution !
SCENE 8
Gaby, Frédérique, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre
Brigitte
Bon, si vous en avez terminé avec vos règlements de compte, je pourrais commencer.
Elle s’éclaircit la voix et s’avance.
L’extrait que je vais vous lire est tiré d’une pièce de théâtre intitulée :
« Quand j’aime, moi, j’aime ».
Frédérique et Gaby éclatent de rire.
Brigitte leur lance un regard sévère.
Tout d’abord, un résumé pour faciliter la compréhension :
« Ridge annonce à Tracy son intention de divorcer. Il a choisi de vivre avec
Brooke. Restée seule encore sous le choc, Tracy reçoit la visite de Taylor qui la
supplie de l’épouser.
Pendant ce temps, Jessica invite sa mère Maggy et sa sœur Sheila pour leur
présenter son petit ami Mitchell.
A l’issu du repas, Jessica décide de renoncer à son amour pour Mitchell, mais
Mitchell l’entraîne dans la chambre et exige qu’elle s’allonge sur le lit.
Jessica refuse, Mitchell entre dans une rage folle et brandissant son arme fait
feu sur elle.
Maggy cachée dans la pièce voisine veut s’interposer et reçoit la balle destinée
à sa fille. »
Gaby
T’es sûre que tout le monde comprendra ? S’il faut faire l’ENA pour venir nous voir, on va pas
remplir les salles.
Frédérique
T’as raison, c’est aussi clair qu’un tarif de la SNCF.
Frédérique et Gaby rient.
Brigitte se lève.
Musique de genre « suspens » tout au long de la lecture, le volume allant crescendo.
Brigitte lit l’extrait de la pièce, d’un ton vaudevillesque, en changeant de voix et de place pour chaque personnage.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
28/70
Brigitte
Mitchell
Tu ne peux pas me quitter, je t’aime Jessica.
Jessica
Ce dîner m’a ouvert les yeux, Mitchell ; c’est Carlos que j’aime.
Mitchell
Je ne te laisserai pas faire, Jessica. Allonge-toi sur le lit.
Jessica
Jamais Mitchell, tout est fini entre nous. Je te quitte, Mitchell.
Mitchell
(fou de rage) Pour la dernière fois Jessica, allonge-toi sur le lit.
Jessica
(voulant sortir) Adieu Mitchell.
Mitchell
Tu l’auras voulu Jessica. (Il sort son arme et va tirer).
Maggy
(s'interposant) Non Mitchell ! Pas ma fille !
(Mitchell tire, Maggy s’écroule).
Sheila
(entrant précipitamment) Non, Maman, mais que t’a-t-il fait ?
(Tous trois se précipitent autour de la mère agonisante).
Sheila
Ne bouge pas Maman, ce n’est rien, nous allons te soigner.
Maggy
Laisse ma fille, je sens que mon heure est venue. Mais je dois
apaiser ma conscience, je ne peux pas partir en emportant ce grand et lourd
secret.
Sheila
Quel secret ?
Jessica
Quel secret ?
Maggy
frère.
Mitchell? Il est mon fils ; je l’ai eu d’un premier amour. C'est votre
(Elle meurt).
Mitchell
Maman !
(Le rideau tombe).
Brigitte enchaîne aussitôt.
Alors, ce qui serait bien, c’est que Henri-Pierre joue Mitchell, Lili : Sheila, Gaby : Maggy et
j’interpréterai Jessica.
Henri-Pierre
Je n’ai peut-être pas de contrat en ce moment, mais je ne suis pas désespéré à ce point. Je
peux me payer le luxe d’attendre encore.
Brigitte
Alors ?
Silence gêné.
Lise
Ah ben, c’est super hè ! J’en ai les larmes aux yeux.
Gaby
Hein ! Quand je vous parlais d’apocalypse !!!... Et ben, je ne sais pas si on ira à Paris avec cette
pièce, mais ce qui est sûr c’est qu’il faudra monter à pieds.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
29/70
Lise
Ben, moi je trouve...
Frédérique se lève et l’interrompt vexée.
Frédérique
A Paris, à Paris, mais attendez, j’ai pas de rôle ; et moi dans l’histoire, je fais quoi ?
Le revolver ?
Brigitte à Carlo
Alors ?
Frédérique s’animant de plus en plus
Et vous le voulez comment, le revolver ?
Un coup, six coups, avec ou sans le silencieux ; à barillet, sans barillet ; avec ou sans lunette ; à
balles, à plombs, à grenaille ; nucléaire ou à laser ; diesel ou à essence ?
Brigitte l’interrompt et s’adresse à Carlo
Bon. Alors ?
Carlo
Et bien, heu, et bien... ce n’est pas... enfin je veux dire... il y a des intentions bien sûr...
Frédérique l’interrompt
De toute façon, je m’en fous, il est nul ton texte ! Je préfère pas faire carrière du tout plutôt
que d’en rater une avec cette pièce !
Carlo
Oui, enfin non !!... Je veux dire... ce n’est pas exactement ce que j’attends.
Brigitte
Cela ne vous plaît pas.
Carlo
C’est à dire...
Frédérique l’interrompt
Attends, je décode : il est en train de t’expliquer poliment que c’est à chier.
Gaby
Frédérique ! Assieds-toi !
Lise
Frédérique ! Tu exagères !
Respecte au moins le travail des autres ! Surtout que cette histoire, elle est très jolie.
Gaby
Lise a raison mais Frédérique n’a pas tort non plus : c’est nul. Moi, ton avalanche de prénoms ça
m’a fait tourner la tête.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
30/70
Lise doucement
Profites-en pour te regarder le cul.
Gaby
Quoi ?
Lise plus fort
Si la tête te tourne, profites-en pour te regarder le cul !
Gaby, en colère, se lève.
Gaby
Vé, regarde-moi la, celle-là, comme elle parle, maintenant. Mais, c’est qu’elle nous prendrait de
la graine !
Gaby se place derrière le comptoir et s’affaire.
Henri-Pierre
Non, mais j’hallucine, on nage vraiment en plein délire. Qu’est-ce que tu comptes en faire de
ces folles hystériques ? Ici, c’est le Muppet Show et Pinder réunis. Ah ! Si tu veux monter un
spectacle de cirque, c’est l’idéal : tu as un casting de rêve. Tu peux frapper les trois coups tout
de suite. Bon, Carlo, te voilà convaincu, j’espère. Laisse tomber, à chacun son métier.
Lise se lève et s’avance vers Henri-Pierre.
Lise
Je vous trouve un peu dur, vous.
Carlo
Tu sais ce que disait Copeau ?
« Chaque fois qu’un effort est tenté, chaque fois qu’un certain renouveau se fait au théâtre, à
toute époque et dans tous les pays, c’est aux amateurs qu’on le doit. »
Henri-Pierre
Mais Dullin disait aussi : « Le maître du théâtre, c’est l’auteur. »
Brigitte impatiente
C’est-à-dire quoi ?
Carlo
C’est bien, mais vous comprenez, un texte de théâtre cela ne s’écrit pas comme un feuilleton.
La scène, c’est un espace vivant où rien n’est figé. Bien sûr, il y a le mouvement des comédiens
mais il faut également sentir les mots et le décor bouger, laisser sa place au public. Le
spectateur doit saisir l’intention sur l’instant, comprendre et réagir immédiatement. Le
théâtre c’est de l’émotion instantanée !
Lise
Comme le café.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
31/70
Henri-Pierre
Sur ce, moi, je vous laisse.
Carlo
Comment ?
Henri-Pierre
Ecoute ! Reste si tu veux, moi je n’ai pas de temps et pas d’énergie à perdre avec des
amateurs, même pas amateurs.
Henri-Pierre prend sa veste et s’avance vers la sortie. Il s'arrête au son de la voix de Lise.
Brigitte se retire dans un coin, vexée.
Lise
Je vous trouve un peu con, vous.
Brigitte se parlant à elle-même
Espace vivant... mouvement... décor qui bouge... C’est du théâtre ou de la gym qu’il veut ? Va
t’acheter une cassette d’aérobic, va, figure d’anchois !
Gaby s’approche de Lise.
Gaby à Lise
Mais elle a vraiment pété un plomb ! C’est plus que de la graine ! Pour un peu elle exigerait le
premier rôle.
Lise
Et alors, qu’est-ce que ça peut te faire ; tu n’as pas dit que tu jouerais.
Gaby
Je ne dis pas que je veux jouer…Mais si tu joues, je joue !!!
Frédérique
C’est ça, c’est ça, arrangez-vous ; mais je vous préviens, si vous jouez dans la pièce de Brigitte,
je ne vous parle plus et si je dois faire le revolver, je tire sur tout ce qui bouge.
Brigitte tragique
Ah, oui !
Alors tire-moi dessus ; plutôt mourir que de ne pas être jouée.
Gaby s'approche de Brigitte.
Gaby
Il faut pas passer l’arme à gauche pour si peu. Si tu peux pas faire l’auteur, tu feras l’actrice.
T’auras droit aux photos, aux séances d’autographes, aux « interviouves »... Ce sera juste un
peu plus dur pour entrer à l’Académie Française.
Lise
Si elle va dans cette Académie, je veux y aller aussi.
Frédérique
Tu crois qu’ils prennent les revolvers ?
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
32/70
Noir très court.
ACTE II
Musique rythmée et lumière ambiance discothèque. Les comédiens dansent en changeant à vue, le décor, les
accessoires et les costumes.
Une table et deux chaises sont placées à l’avant scène à jardin les autres en fond de scène à jardin pour laisser le
plus grand espace scénique libre. Une chaise face à jardin est posée à l’avant scène cour.
Son :
n°1
 « A sexe machine » de James Brown
SCENE 1
Gaby, Lise, Frédérique, Brigitte, Henri-Pierre et Carlo
Le bar est transformé en salle de répétition.
Quand tout est prêt, Carlo interrompt la danse en frappant dans ses mains.
La musique s’arrête.
Carlo
Bon, on reprend, on reprend !
Les comédiens se placent.
Frédérique et Brigitte sont dans « l’espace scénique aménagé », elles répètent. Frédérique regarde à jardin, elle
tourne le dos à Brigitte.
Lise est assise sur une table en fond de scène, elle attend son tour pour entrer en scène.
Henri-Pierre est assis, les coudes sur la table à l’avant-scène.
Carlo est debout, les bras croisés, adossé à la table,.
Gaby est assise sur la chaise à l’avant-scène cour. Elle suit la répétition, un texte à la main.
Frédérique récite d’un ton monocorde.
Brigitte récite avec emphase.
Frédérique (l’Infante)
« Léonor, allez avertir Chimène de ma part
Qu'aujourd'hui pour me voir elle attend un peu tard ;
Et que mon amitié se plaint de sa paresse. »
Brigitte (Léonor)
« Madame, chaque jour même désir vous presse
Et dans son entretien je vous vois chaque jour
Demander à quel point se trouve son amour »
Frédérique (l’Infante)
« Ce n'est pas sans sujet : je l'ai presque forcée
A recevoir les traits dont mon âme est blessée.
Elle aime Don Rodrigue, et le tient de ma main,
Et par moi Don Rodrigue a vaincu son dédain... »
Brigitte (Léonor)
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
33/70
« Madame, toutefois parmi leurs bons succès,
Vous montrez un chagrin qui va jusqu’à l’excès.
Cet amour, qui tous deux les comble d’allégresse,
Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse... »
Frédérique (l’Infante)
« ... L’amour est un tyran qui n’épargne personne :
Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l’aime.
Silence.
Brigitte (Léonor) hésite
Merde, j’ai un trou ; je ne me souviens plus de ma réplique.
Elle se précipite vers la table pour prendre son texte, et revient.
« Vous l’aimez. »
Gaby ironique
Pourtant, on peut pas dire qu’elle était longue cette réplique.
Brigitte
Hé ! Ça arrive aux plus grands acteurs !
Gaby
Alors, tu dois pas risquer grand chose !
Brigitte hausse les épaules et reprend.
Brigitte (Léonor)
« Vous l’aimez ? »
Frédérique (l’Infante) la main sur le cœur
« Met la main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur... »
Carlo
Fred ! Et de un : comment veux-tu qu’elle mette la main sur ton cœur, tu lui tournes le dos.
Et de deux : si tu veux jouer pour les coulisses, ne bouge surtout pas. Par contre, si tu veux
jouer pour le public, c’est par là que ça se passe. Reprend.
Frédérique se place à côté de Brigitte (Léonor), face au public.
Frédérique (l’Infante) la main sur le cœur
« Met la main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur... »
Brigitte (Léonor) s’approche de Frédérique (l’Infante).
Brigitte (Léonor)
« ...Une grande princesse à ce point s’oublier
Que d’admettre en son cœur un simple cavalier !... »
Frédérique (l’Infante)
« Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
34/70
Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... »
Lise s’avance à l’avant scène et récite la réplique passivement.
Lise (Chimène)
« Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurais douter, je péris dans le port.
J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ;
Et je vous en contais la charmante nouvelle,
Au malheureux moment que naissait leur querelle. »
Brigitte (Léonor) exaltée
« Le saint nœud qui joindra Don Rodrigue et Chimène
Des pères ennemis dissipera la haine... »
Brigitte
Ah ! Génial, c’était génial !!! Cette fois, j’y ai mis toutes mes tripes !
Gaby
Puisqu’on fait dans les abats, tu ferais bien d’y ajouter un peu de cervelle, parce que sur le
banc de touche, on s’endort, tellement c’est prenant ! Y’a des cartons rouges qui se perdent…
Brigitte vexée
C’est pas à toi de faire la critique, c’est au metteur en scène.
Carlo est pétrifié.
Gaby se lève
Oh ! Pour ce que j’en disais. J’avais simplement l’impression de parler pour le public - enfin, si
un jour on en a un - mais apparemment ça doit pas être important pour tout le monde.
Gaby s’assoit.
Henri-Pierre à Carlo abasourdi
Pour une fois, on est d’accord. Je ne soupçonnais pas qu’être de ce côté de la barrière pouvait
être parfois si ennuyeux. Carlo, si tu arrives à te défaire de cet air abasourdi, tu devrais
prendre la parole. Je crois qu’un commentaire s’impose.
Silence.
Carlo abattu
Une des règles du théâtre est de répéter jusqu’à approcher la perfection. Si on respecte ce
principe, nous sommes ici pour encore quelques temps, enfin, pour des années, des siècles.
Soupir.
Récapitulons : l’Infante est amoureuse de Rodrigue. Mais pour ne pas faillir à son rang, elle
manigance afin que Chimène et ce même Rodrigue s’unissent. Là, se joue donc un premier
« drâme ». Second « drâme » : le père de Chimène insulte celui de Rodrigue et ce dernier va
venger l’honneur familial dans le sang, au risque de perdre Chimène. Les personnages sont…
Carlo ne trouve pas le mot.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
35/70
Gaby lui souffle, agressivement
Blessés !
Carlo reprend
Blessés ; alors soyez torturées ! ils sont au bord de la rupture, alors soyez écartelées ! Bref,
vous aurez compris que Le Cid est une tragédie, alors, soyez tragiques !
Lise
Ça doit être pour ça qu’on n’y arrive pas. Le genre de la maison, c’est plutôt physique comique.
Frédérique
Et moi, j’ai dû rater un épisode du feuilleton. J’arrive pas à comprendre qui couche avec qui et
qui dégomme qui.
Gaby se lève
Du banc de touche, on a exactement la même impression. On comprend pas la tragédie, on rit
pas, on pleure pas, on fait rien. Vous installez un vide inter-stellaire dans nos cerveaux.
Gaby s’assoit.
Carlo
Ok. Calmez-vous et remettons une nouvelle fois les choses à plat.
A Lise.
Lise, tu es Chimène, tu crois avoir atteint le bonheur et épouser Rodrigue quand soudain, on
t’apprend que ton bien-aimé a tué ton père. Tu dois ressentir le basculement et le cataclysme
qui se produisent en toi. Reprend la réplique et essaie d’exprimer ce sentiment.
Lise dit la réplique sur le même ton.
Lise (Chimène)
« ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurais douter, je péris dans le port.
J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ;
Et je vous en contais la charmante nouvelle,
Au malheureux moment que naissait leur querelle. »
Tous se regardent, découragés.
Gaby à Carlo
Attend, je vais lui expliquer à ma manière.
Gaby s’approche de Lise, entoure ses épaules avec son bras et regarde droit devant elle. Elle parle d’un ton inspiré.
Lise, imagine qu’on est en coupe d'Europe. On mène un à zéro. C'est peut-être juste pour être
qualifié, mais pour le moment on est qualifié ! On nage en plein bonheur, quand soudain, à deux
minutes de la fin du match, Ravanelli marque un but contre son camp.
T’as compris le basculement ?
Lise acquiesce de la tête.
Gaby la pousse au devant de la scène.
Allez !!!
Lise dit la réplique de manière parfaite.
Lise (Chimène)
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
36/70
« ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurais douter, je péris dans le port.
J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ;
Et je vous en contais la charmante nouvelle,
Au malheureux moment que naissait leur querelle. »
Henri-Pierre
Enfin une qui a compris. Si je compte bien, ça fait 25 %.
Carlo
Excellent, excellent. Garde ce ton, tu tiens ton personnage. Quant à toi, Fred, tu es l’Infante.
On doit sentir que tu es une princesse. Tu aimes Rodrigue mais pour ne pas faillir à ton rang, tu
renonces à cet amour. Tu es déchirée, tiraillée, déstructurée mais pour toi, « le cœur n’a pas
de raison que la raison ignore ».
Fred interloquée regarde Gaby.
Gaby
Ah, là ! Je saurais pas t’expliquer. Des histoires de cul qui se passent chez les riches, j’en
connais pas. Faudrait aller voir à Monaco.
Lise
Ouais, c’est super !... Mais on pourrait pas dire qu’elle se trouve quelqu’un d’autre ? C’est pas
juste qu’elle reste toute seule.
Henri-Pierre
C‘est ça ! Nous n’arrivons pas à jouer Le Cid, par contre nous allons le ré-écrire ! Nous n’avons
qu’à commencer immédiatement !
Carlo énervé
Je voudrais pouvoir terminer et que nous reprenions la scène.
Il s'approche de Brigitte.
Quant à toi, Brigitte, Je n’ai pas le sentiment que tu comprends ce que tu dis.
Frédérique et Gaby rient.
Brigitte vexée
Je ne suis pas complètement inculte, tout de même !
Carlo
Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.
Lise
Ce n’est peut-être pas ce que tu as voulu dire mais c’est ce que nous avons tous entendu ! Ceci
dit, Brigitte, boulègue un peu pour la comprenette, parce que moi j’attends pour jouer !
Carlo
Ma remarque vaut pour vous toutes. Je vous demande de jouer avec le texte, de le sentir ; de
malaxer, triturer les mots dans la bouche et dans la tête. Je vous demande de chercher le
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
37/70
sens du texte puis de le pervertir pour mieux vous l’approprier. Là, vous aurez atteint le but de
tout comédien : trouver le sous-texte.
Frédérique
Déjà qu’on s’en sort pas avec un texte, avec deux ça va rigoler !
Lise
Le sous-texte... c’est super ! Qu’est-ce que c’est ?
Carlo
C’est au-delà des mots : c’est l’osmose avec l'auteur, c’est la VE-RI-TE !
Gaby
Quel scoop ! Et dire qu’il y en a qui arrive à vivre sans soupçonner tout ça ! C’est injuste…
Carlo s’énerve
Bon, reprenons. Brigitte, l’Infante vient de t’apprendre un énorme secret que tu ne pouvais
absolument pas soupçonner. Alors, joue la surprise à fond.
Gaby
T’as qu’à imaginer que d’un coup tu serais bonne.
Brigitte
Dis-moi toi, tu parles beaucoup mais jusqu’à présent, on peut pas dire que tu aies fait exploser
les planches.
Carlo coléreux
Ça suffit ! Silence ! On reprend depuis la réplique de l’Infante…
Carlo hésite, il ne se souvient plus de la réplique.
Gaby impatiente lui souffle.
Gaby
« ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l’aime. »
Frédérique (l’Infante)
« ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l’aime. »
Brigitte, très emphatique, la main sur le coeur, dit la réplique et tombe contre le comptoir.
Brigitte (Léonor) avec un cri prolongé
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!....
« ...Vous l’aimez ! »
Gaby en riant
J’aurais pas pensé que ça te surprendrait tant de devenir bonne.
Henri-Pierre
Là, tu en fais trop. Recommence en étant surprise à moitié, ça suffira.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
38/70
Frédérique (l’Infante)
« ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l’aime. »
Brigitte reprend d’un ton plus modéré.
Brigitte (Léonor)
Aaah !!!....
« ...Vous l’aimez ! »
Frédérique (l’Infante) pathétique, la main sur le cœur
"Mets la main sur mon estomac et vois comme il se trouble au son du mot pizza !
Lise s’approche de Frédérique et lui met la main sur l’estomac.
Lise (Chimène)
"Elle a raison, l'heure a sonné et faisons gaffe à pas la dépasser.
Je file donc de ce pas chercher des parts de pizza".
Lise sort.
Carlo
C’est hallucinant. Je ne le crois pas, je ne le crois pas ! Elles finiront par avoir ma peau. Je sens
que mon énergie m’abandonne. Il faut absolument que je me recentre.
Carlo, s’assoit en tailleur dans la position du yogi et ferme les yeux. Il reste ainsi quelques instants, puis s’exclame.
Pulsations ! Pulsations ! Pulsations !
Henri-Pierre
Que je ne t’entende surtout pas te plaindre, tu récoltes ce que tu as semé.
SCENE 2
Gaby, Frédérique, Brigitte, Henri-Pierre, Carlo et Lise
Carlo
Les filles, si votre corps commande, on ne pourra pas faire travailler votre esprit. Alors, je
vous en supplie, reprenons. L’Infante, après ta dernière réplique, tu te tournes vers Chimène
qui entre côté jardin et tu t’avances vers elle en lui offrant tes bras.
Frédérique
Jardin, jardin...Qué jardin ?
A Gaby.
Il voit pas que c’est un bar ici !
Gaby lui répond par un geste de lassitude.
Henri-Pierre
C’est un terme théâtral. Jardin et cour sont les entrées latérales : quand tu es face à la scène,
jardin c’est à gauche, cour à droite. Il y a un truc pour le retenir, les initiales de Jésus Christ :
Jésus, Jardin/gauche ; Christ, Cour/droite.
Carlo se lève.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
39/70
Carlo
Allez, allez, on reprend... Je craque !
Frédérique (l’Infante)
« Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang
Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... »
Elle se précipite les bras ouverts à cour, puis s’arrête surprise.
Chimène, Chimène ?
Henri-Pierre impatient
On t’a dit jardin, jar-din !
Il épelle en haussant le ton.
J.A.R.D.I.N.
Frédérique
Et merde ! J’avais une chance sur deux. Oui, mais aussi Jésus-Christ, Jésus-Christ ! T’aurais
dit Jospin-Chirac, j’aurais compris de suite : Jospin à gauche, Chirac à droite.
Brigitte
Enfin, normalement !
Frédérique se replace.
Frédérique (l’Infante)
Bon, je reprends.
« Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang
Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... »
Elle se dirige à jardin, les bras ouverts.
Chimène ?
Owe ! Vous voyez bien qu’elle est pas là, non plus. Et j’ai pas l’air con avec les bras tendus.
A Gaby.
Mais, où est-ce qu’elle est passée, Lise ?
Gaby
Je sais pas, moi !
Carlo
Gaby, remplace-la cinq minutes, sinon, je disjoncte.
Gaby
Et bien, disjoncte ! C’est pas parce que je suis sur le banc de touche que je vais faire les
remplaçants. Si je rentre sur le terrain, c’est jusqu’à la fin du match ! Et ça tombe bien, car
depuis le début, je voulais jouer Chimène.
Brigitte
Ben, voyons. Changer une vieille contre une vieille, on y gagne vachement !
Gaby tourne sur elle-même en faisant semblant de chercher ; puis elle s’approche de Brigitte et lui donne une tape
sur les fesses.
Gaby
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
40/70
Vieille ? Où t’as vu une vieille ?
Brigitte
Y’a pas à tortiller, Chimène, c’est un rôle de jeune et des jeunes ici y’en a pas beaucoup.
Conclusion : le rôle me revient d’office.
Gaby
Regarde-moi là, celle-là ; elle a jamais été plus loin que le Château d’If et elle a la prétention
de jouer le rôle d’une femme d’expérience !
Carlo
Hé ! Oh ! Il n’est pas question de redistribuer les rôles. J’ai simplement parlé d’un
remplacement de cinq minutes.
Brigitte
Ah ! Toi, ne me parles pas de ta distribution, hein !!!... J’ai encapé d’un rôle avec trois répliques
qui se courent après, alors...
Gaby
Compte aussi les virgules, les points sur les i et les accents puisque tu y es !
Frédérique à Gaby
Te plains pas, va ! Au moins t’as pas tous ces vers à apprendre ; c’est d’un ringard !
Henri-Pierre l’interrompt
Non, mais j’hallucine !... Non, mais je ne le crois pas : elles en sont à compter le nombre de
répliques ! Si vous voulez réellement faire du théâtre, vous devez tout d’abord essayer de
comprendre. C’est... comme un puzzle. Chaque pièce ne compte pas, n’existe pas
individuellement, elle ne devient importante et indispensable que lorsqu’elle fait partie du
TOUT. Pour les rôles, c’est la même chose !
Gaby
Tu ne vas quand même pas nous faire croire que trois phrases, c’est pareil que trente, non ?
Henri-Pierre
Non, mais les unes ne sont rien sans les autres.
Brigitte
Ouais, sur le principe, peut-être. Mais qu’est-ce que je vais faire moi, quand les autres
répéteront ?
Carlo s’approche de Brigitte et lui hurle à l’oreille.
Carlo
Tu les regarderas !!! C’est ainsi qu’on obtient la complicité, la cohérence, l’unité...
Il s’interrompt à la vue de Lise qui entre, tenant à bout de bras un carton de pizza et déclamant sa réplique.
Lise (Chimène)
« ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer.
Un orage si prompt qui trouble une bonace
D’un naufrage certain nous porte la menace :
Je n’en saurais douter, je péris dans le port...
Elle s’interrompt.
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
41/70
Oh ! Fred, qu’est-ce que tu fous ? T’es pas en place ; et en plus tu devais pas m’attendre les
bras ouverts ?
Frédérique
Ah ça, t’es forte, toi !
Carlo à Henri-Pierre
Trop, c’est trop. Je craque. S’il te reste un peu de courage, elles sont à toi.
Carlo les regarde, se lève et sort furieux.
Les femmes le suivent jusqu'à la porte.
Gaby
Carlo, où tu vas ?
Frédérique
Carlo !
Brigitte
Allez, Carlo !
Lise
Reviens !...
Frédérique, Brigitte, Lise et Gaby
Carlo !
…/…
Pour obtenir la suite du texte, veuillez contacter :
Dominique BERARDI
 04 42 74 00 11 -  06 09 38 75 83 / [email protected]
ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact :  06 09 38 75 83 / [email protected]
Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs.
42/70
Téléchargement