Comédie en trois actes de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN Merci pour leurs extraits à Pierre CORNEILLE pour « Le Cid » Henri-Frédéric BLANC pour « Sidi » Toute ressemblance avec des personnages, des faits ou des textes (y compris celui-ci) existant, qui ont existé, qui existeront ou qui pourraient exister ne serait que coïncidence. Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. Dominique BERARDI 04 42 74 00 11 - 06 09 38 75 83 / [email protected] INFORMATION Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès du traducteur, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraîne des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 2/70 « La conscience a été donnée à l'homme pour transformer la tragédie de la vie en une comédie. » Démocrite « Le théâtre est une des ces ruches où l'on transforme le miel du visible pour en faire de l'invisible. » Louis Jouvet « Le théâtre, c'est la vie; ses moments d'ennui en moins. » Alfred Hitchcock « Dieu a peut-être donné le rire aux hommes pour les consoler d’être intelligents. » Marcel Pagnol « Quand se décidera t'on à prendre au « Le Shpountz » sérieux les comiques ? » Sacha Guitry « Il faut jouer pour devenir sérieux... » Aristote « La dérision en toutes choses… est l’ultime défi au malheur… » Sébastien Japrisot ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 3/70 SOMMAIRE L’INTERVIEW des AUTEURS 2 La CREATION 3 Les ARTICLES de PRESSE 4 Le THEME 6 Le TEXTE 7 ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 4/70 INTERVIEW DES AUTEURS Prise 1 L’interviewer : Vous êtes les trois auteurs de la pièce de théâtre « On n’a rien inventé ». Quelle démarche vous a conduit à devenir auteur ? Premier auteur : !!!? Deuxième auteur : Vous pouvez pas dire autrice ? Troisième auteur : Oui, autrice. On préfère. Prise 2 L’interviewer : Vous êtes donc les trois autrices. Pourquoi décider d’écrire au risque d’être confrontées aux affres de la création-destruction ? Première autrice : !!!? Deuxième autrice : Mais non, ce n’est pas pour les affres. C’est juste qu’on n’a pas trouvé d’autre pièce. Alors, bien obligées d’écrire. Troisième autrice : Mais l’autre jour tu expliquais que c’était seulement pour toucher les droits d’auteur et être sûre d’avoir le premier rôle. Prise 3 L’interviewer : On peut tout de même dire que conceptuellement, cette pièce est une pièce écrite par des femmes pour des femmes ? Première autrice : !!!? Deuxième autrice : Mais non, on l’a écrite pour quatre femmes et deux hommes parce que dans la troupe on est quatre femmes et deux hommes. Et vu qu’on ne pouvait virer personne, fallait s’en tenir à ça. Troisième autrice : Je comprends plus rien. L’autre jour tu expliquais que c’était seulement pour toucher les... Prise 4 L’interviewer : Pouvez-vous dévoiler sans le violer le concept situationnel ? Première autrice : !!!? Deuxième autrice : Non, on fait comme pour les superproductions à Hollywood. On fait des mystères pour cartonner au box-office. Troisième autrice : Oui, ça c’est bon pour les droits d’auteur. Prise 5 L’interviewer : Le choix du metteur en scène s’inscrit tout de même dans une volonté de trouver le fil conducteur métaphysique entre deux univers ? Première autrice : !!!? Deuxième autrice : Si vous voulez dire qu’il est bon, la réponse est oui. Troisième autrice : En disant ça, t’as rien inventé... ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 5/70 La CREATION La pièce « On n’a rien inventé » a été créée par LE THEATRE D’ASTROMELA le 10 juillet 1998 à Berre l’Etang. Elle a participé aux finales régionales des concours nationaux « Masque d’Or » de la FNCTA et « Festhéa » en 1999. La pièce est reprise, depuis, par de nombreuses troupes en France et en Francophonie. Une traduction en italien a été réalisée. La MISE en SCENE Akel AKIAN La DISTRIBUTION Henri-Pierre Carlo Gaby Lise Frédérique Brigitte par ordre d’apparition (6 comédiens : 4 F + 2 H) le comédien le metteur en scène la patronne du Bar la femme de son mari l’étudiante la libraire Pascal CANERI Mathieu GIRANDOLA Dominique BERARDI Renée TROUVE Sonia AZAMOUN Magali REYNAL La REGIE Emmanuel BOYER Marie-Pierre LEHMANN La SCENOGRAPHIE et La TECHNIQUE Conception du décor Réalisation du décor : : Descriptif du décor : Costumes : Choix des musiques Dimensions scène : : Espace scénique : Technique Son Lumière Durée du spectacle Temps de montage Temps de démontage Public : : : : : : : Dominique BERARDI Marie-Pierre LEHMANN, Elio BERARDI, Marcel GIRANDOLA Une salle de bar de quartier à Marseille : 1 comptoir de bar, 2 étagères avec bouteilles et verres, 2 tabourets de bar, 4 tables et chaises, 1 portant à vêtement, 1 psyché, des posters de l’OM. Dominique Berardi 6 costumes contemporains + 6 costumes XVII ème Dominique BERARDI profondeur : 7 m x ouverture : 13 m L’espace scénique est toutefois adaptable 1 espace scénique pour les ACTES I et II 2 espaces scéniques distincts pour l’Acte III 1 technicien lumière + 1 technicien son 1 double lecteur CD pour diffusion salle modulable en fonction des lieux 1 h 30 1 h 0 h 20 Tout public ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 6/70 Les ARTICLES de PRESSE « INOUBLIABLE ! Une vague de rires déferle sur Gignac On n’a rien inventé par Le Théâtre d’Astromela. Une salle comble a ovationné talent et qualité » avec Un texte bien ficelé servi par une interprétation forte et une mise en scène de qualité : Le Théâtre d’Astromela a fait souffler un vent nouveau sur cette 5ème édition du festival. « On n’a rien inventé » est une pièce d’une rare qualité. Ecrite par deux membres de la troupe, dont c’est pourtant le premier essai, elle enchaîne les répliques trempées dans un humour aussi décapant que fin. Les comédiens aidés par la mise en scène talentueuse d’Akel Akian ont su trouver le ton juste et prolonger l’humour des mots par les gestes. Conséquence immédiate : le très nombreux public a été secoué par les rires d’un bout à l’autre du spectacle et a souvent interrompu le jeu pour applaudir. La troupe a été véritablement ovationnée au moment du salut final et quatre rappels sont venus conclure cette prestation. Cet enthousiasme a été partagé par Alain Sisco, président du CD 13 de la FNCTA qui soulignait la qualité du spectacle, de l’écriture et la très bonne interprétation. Une autre présence remarquée fut celle de l’écrivain Henri Frédéric Blanc - auquel la pièce emprunte quelques dialogues de son livre « Sidi » - qui se dira agréablement surpris par la richesse de l’écriture et l’excellent jeu des comédiens. Il est des spectacles qui laissent un empreinte indélébile dans la mémoire du public, il est des spectacles à voir et à revoir « On n’a rien inventé » en fait partie. E. Bassignani - la Provence 5ème festival de théâtre amateur « …La surprise est venue de BERRE. Une création collective, un « big bang » qui s’amuse du théâtre, des professionnels, des amateurs, du trac, de l’angoisse, comme le précise le dossier de presse, Dominique Berardi et Marie Pierre Lehmann ont sauté le pas. « On n’a rien inventé » est un puzzle d’idées qui s’est transformé en pièce de théâtre avec des mots et des idées d’aujourd’hui. L’interprétation sonne juste, s’équilibre entre émotion et comique. Des répliques savoureuses, des situations bien ancrées dans le quotidien, sans barrières, mais avec un ton adéquat et de pertinentes explorations scéniques. Il était normal que le public adhère à cette alchimie et ovationne les jeunes comédiens et leur metteur en scène… » Gignac Infos - 1998 « …Un spectacle haut en couleurs et à la tonalité toute provençale… » La Provence – le 18 octobre 1998 ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 7/70 «…Des dialogues ensoleillés, des situations ancré dans le quotidien, entraînant fous-rires, cocasseries, tendresse et joie de vivre. Epoustouflant… » Gignac Infos - Octobre 1998 « …Une comédie innovante à l’accent du midi. C’est une création qui se veut proche du public deux univers de se rencontrer : le théâtre et la a été séduit et amusé par ce spectacle naturel que l’idée de partage est extrêmement importante spectacle… » Finale régionale du organisé par la FNCTA. concours national et qui permet à vie... Le public qui veut montrer dans le monde du « Masque d’Or » Le Dauphiné Libéré – le 14 mai 1999 « …La pièce d’Astromela ou le bonheur simple. Cette pièce est un vrai régal où l’on rit pendant une heure et demie, les comédiens totalement investis de leur texte ont offert une très bonne prestation… » La Provence – le 16 mai 1999 « …Les acteurs jouent avec plaisir et nous font partager ce plaisir. Nous vivons leurs émotions et rions avec eux… » La Provence - le 27 novembre 1999 Le plaisir de jouer en faisant rire « …A la Grotte de l’Horloge, ils étaient quatre filles et deux garçons, comédiens à part entière du Théâtre d’Astromela... Le spectateur devine le talent de véritables comédiens. Merci à ces acteurs pour ces merveilleux moments d’évasion… » La Provence - le 10 mars 2000 ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 8/70 Le PROPOS ON N’A RIEN INVENTE est une comédie. Un big bang qui s’amuse du théâtre, des professionnels, des amateurs pas encore amateurs, du trac, de l’angoisse, de la colère, de l’amitié et de nous-mêmes. Une création est un puzzle d’idées assemblées pièce après pièce. La pièce essentielle d’ON N’A RIEN INVENTE est le rire. La seconde pièce du puzzle est la vie, celle de tous les jours, avec des gens ordinaires, avec les mots du quotidien qui prennent souvent un parfum d’ici. Un texte où le public se reconnaît et reconnaît le théâtre. Un texte dans lequel chacun d’entre nous trouve une résonance. Un texte qui rappelle, si c’était nécessaire, que les barrières s’effritent quand la fête du théâtre resurgit et que celle-ci est bien l’affaire de tous dans l’émotion, le rire et le plaisir partagé. L’HISTOIRE Un bar de quartier à Marseille. Gaby « la patronne », Lise « la femme de son mari », Frédérique « étudiante... en maths » et Brigitte « écrivain par passion, libraire par nécessité », se retrouvent régulièrement pour taper le carton à l’heure de l’apéro. Carlo, metteur en scène désoeuvré et Henri-Pierre, comédien sans engagement font irruption dans ce quotidien. Ces personnages vont se rapprocher et s’embarquer dans une aventure inattendue : la création d’une pièce de théâtre. Et voilà la rencontre de deux univers : le théâtre et la vie ; où choc et contre-choc « tentent de réinventer le théâtre ». Le résultat final sera plus que surprenant. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 9/70 Les PERSONNAGES Distribution modulable : 4 Femmes + 2 Hommes ou 5 Femmes + 1 Homme Henri-Pierre Le comédien Ambitieux et assez vaniteux, très « cultureux » Carlo Rôle pouvant être féminisé Le metteur en scène Vit dans sa bulle théâtrale ; est rapidement dépassé par les évènements Gaby La patronne d’un bar de quartier à Marseille Femme d’expérience et de caractère… qui a vécu… Lise La femme de son mari La femme soumise par excellence… qui se libère peu à peu Frédérique L’étudiante en maths Psychorigide, caractérielle et supporter de l’OM Brigitte La libraire ésotérique Ecrivain du dimanche, elle vit sa vie en rêve LA MUSIQUE n° 1 « A sexe machine » de James Brown n° 2 Brown « Ai's a man's man's man's world » de James n° 3 Musique type « Peplum » n° 4 « I feel good » de James Brown n° 5 Musique classique ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 10/70 ACTE I Un bar de quartier à Marseille. A l’avant-scène devant le rideau fermé : deux chaises. Sur scène à jardin : deux tables rapprochées sur lesquelles sont posés un tapis de jeu et des cartes. Autour, quatre chaises et aux pieds de l'une un grand cabas dans lequel on aperçoit des aiguilles à tricoter. A cour : un comptoir, deux tabourets, des étagères où sont posés des bouteilles et des verres. Au fond de scène : une table et deux chaises. Sur le mur du fond de scène : des posters et des écharpes à l’effigie de l’OM. SCENE 1 Carlo et Henri-Pierre Le rideau de scène est fermé. Devant le rideau, deux chaises sur lesquelles sont assis Carlo et Henri-Pierre. Immobiles, il regardent droit devant eux puis ils gesticulent et se parlent en mimant. On entend derrière le rideau des voix de femmes qui jouent aux cartes. Frédérique C’est à toi. Lise Ça va, ça va... tiens. Gaby Brigitte, réfléchis. J’ai un bon jeu. Frédérique Ben voyons ! Ne te gêne pas ; montre-lui ton jeu, tant que t’y es ! Gaby Oh, mais je montre rien du tout, je parle ! Frédérique Et depuis quand on parle à la belote ? Brigitte d’un ton hystérique Attendez, attendez. Ça y est ! Ça y est ! J’ai trouvé !!! On entend Brigitte courir et les exclamations des autres femmes. Carlo sort côté jardin et Henri-Pierre côté cour. Ils emportent leur chaise. Frédérique Brigitte, où tu vas ? Gaby Brigitte, reviens ! ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 11/70 Lise Oh, Brigitte ! Frédérique Mais elle est folle, où elle va ? SCENE 2 Gaby, Frédérique, Lise et Brigitte A l'ouverture du rideau, Lise et Frédérique sont devant le comptoir, Gaby derrière. Elles parlent avec animation. Gaby J’en sais rien, moi. Lise C’est toujours la même chose, on peut jamais finir une partie. Frédérique à Gaby Mais où tu l’as trouvée celle-là ? Gaby Parce que maintenant, c’est de ma faute ! Frédérique Ben, c’est ta copine, non ! Toutes les trois tournent la tête vers le public, le regarde pendant quelques instants, puis regardent la table de jeu et se dirigent vers elle. Lise et Frédérique s'assoient, Gaby s’avance pour les imiter, suspend son geste et repart vers le comptoir. Frédérique la rappelle. Frédérique Oh ! Gaby ! Où tu vas ? Ça se fait pas de couper la partie ! Gaby Hé ! Une minute. Tu préfères peut-être mourir de soif ? Pause. Une mauresque, Fred ? Frédérique Oui, Gaby. Oh ! Pas un flan, hè ! Gaby T’inquiète ! Psitt ! Gaby fait un signe désignant Lise, à Frédérique, qui lui répond par un clin d’œil. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 12/70 Frédérique à Lise Lise, qu’est-ce que tu bois ? On te met une petite mauresque ? Lise regarde sa montre et se lève. Lise Mon Dieu ! Mon mari ! Va falloir que j’y aille. Frédérique Oh ! Fan ! Tu nous pompes l’air avec ton mari ! Où tu vas, là ? On n’a même pas fini la partie ! Lise s’assoit. Gaby Alors, Lise. Je te la sers cette mauresque ? Lise Non, juste un verre d’eau. Frédérique Mais, vas-y ! Qu’est-ce que tu risques à essayer ? Lise Non, non, de l’eau, de l’eau. Frédérique et Gaby Allez, une petite mauresque ! Lise De l’eau, de l’eau, de l’eau ! Frédérique à Gaby Dis, Gaby. Toi, qui la connais depuis longtemps, tu vas pas me dire qu’elle a jamais bu un verre de pastis, non ? Gaby apporte les verres à table. Gaby Ah ! Quand on était filles, c’était une autre histoire... Lise l’interrompt avec fermeté Ça, c’était avant. Maintenant, c’est maintenant. Frédérique Et maintenant, c’est : de l’eau, de l’eau, de l’eau ! Frédérique et Gaby éclatent de rire. Gaby s'assoit. Elles reprennent la partie de cartes en silence. Gaby joue et puis montre des signes d'impatience en regardant Lise. Gaby Et bien quoi, Lise ! C’est à toi ! ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 13/70 Lise Je le sais bien, mais j’hésite. Gaby Tu ne vas pas hésiter jusqu’à demain ? Frédérique Alors Lise, on t’attend. Lise C’est que la chose est importante ! Et vous reconnaîtrez que jouer à la belote quand on est que trois, c’est pas facile. Frédérique C’est sûr, la belote se joue normalement à quatre ; quand on est que trois, il vaut mieux jouer à un jeu qui se joue à trois ! Lise C’est super, hè !... alors pourquoi on joue à la belote ? Gaby Nous jouons à la belote car pendant quelques instants nous avons été quatre, ce qui est idéal pour jouer à la belote. Mais « l’inspiration » a lancé son appel et maintenant nous sommes trois. Lise Ça alors, c’est bizarre... je n’ai rien entendu. Frédérique Entendu quoi ? Lise Ben, « l’inspiration », « l’appel ». Gaby Oh ! Mais c’est que nous, on est pas calus... on ne peut pas l’entendre, « l’appel » ! Non, « l’inspiration », elle n’appelle que Brigitte. Frédérique Mais qu’est-ce qu’elle fait quand « l’inspiration » l’a appelée ? Gaby se lève. Gaby Elle écrit. Des vers, des poèmes, des histoires, et surtout des pièces de théâtre ! Lise Des pièces de théâtre... C’est super ! Mais qu’est-ce qu’elle en fait ? Gaby Hè, c’est ça le plus terrible : elle me les lit ! ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 14/70 Gaby s'assoit. Frédérique Terrible, terrible... Tu exagères Gaby, une pièce de théâtre ne peut pas faire de mal, tout de même. Gaby Pas faire de mal ? Attends un peu que ça t’arrive !... Pas faire de mal !!! Elle se lève. Mais c’est une catastrophe, un désastre, c’est l’apocalypse ! Pause. Elle regarde intensément le public. Tè, c’est pire que si l’OM redescendait en 2ème division ! Lise Pourquoi, ils z’y sont plus ? Gaby lui donne une claque sur l’épaule, pendant que Frédérique se signe. Lise Aïe ! Gaby Arrête de blasphémer ! ça tu le dis pas, même pas pour rire ! Elle s’assoit. Ecoute-moi ça, Fred. Moi, rien que de l’entendre, ça me fend le cœur ! Lise se penche et regarde les cartes de Gaby qui recule. Frédérique regarde à cour. Frédérique Eh ! Taisez-vous, taisez-vous ! Y’a l’apocalypse qui se ramène. Toutes trois regardent à cour puis prennent une pose concentrée et figée. SCENE 3 Gaby, Frédérique, Lise et Brigitte Brigitte, complètement hystérique, entre en courant côté cour, un papier à la main. Brigitte d’un ton hystérique Arrêtez tout, arrêtez tout. Ça y est, ça y est, j’ai fini ! D’un ton solennel. Faites silence et écoutez ma dernière oeuvre. Elle se place à l’avant scène, écarte les bras et lit d’un ton emphatique. "Napoléon... Gaby se lève et l’interrompt. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 15/70 Gaby Oh putain !!!... Le bar est en danger, fuyons à l’étranger ! Gaby se retourne et commence à marcher vers le bar. Frédérique la retient. Frédérique Les femmes et les enfants d’abord, et toi, le capitaine, tu passeras en dernier. Elles rient et courent se cacher derrière le comptoir. Lise se lève et regardent Frédérique et Lise. Lise Allez, les filles, revenez. Vous êtes pas gentilles. Vas-y Brigitte, on t’écoute. Lise s’assoit et prend son tricotage dans son cabas. Brigitte les regarde Laisse faire, Lili, j’ai l’habitude. C’est pas ça qui empêchera la culture d’avancer dans le désert de l’ignorance. Gaby et Frédérique reviennent en riant. Brigitte avec un regard menaçant Chut ! Gaby et Frédérique continuent à avancer sur la pointe des pieds. Elles s’assoient et regardent Brigitte avec attention. Brigitte s’éclaircit la voix et déclame avec emphase. Brigitte Napoléon ayant guerroyé des années se trouva fort dépourvu quand la paix fut revenue. Il alla conter comptine à sa copine Joséphine, la priant de lui laisser sa couche partager. « De l’empire je ferai de vous la princesse et vous règnerez de Moscou à Sidi Bel Abbes. » Mais Joséphine est très futée c’est là sa grande qualité. « Où étiez-vous passé - dit-elle - toutes ces années ? » « d’Austerlitz à Iéna, la conquête j’ai fait! » « Des conquêtes vous faisiez et bien dans votre couche, seul vous dormirez. » Gaby et Frédérique ronflent puis éclatent de rire. Frédérique T’avais raison, t’étais en dessous de la vérité, Gaby ; c’est pire que l’OM en 2ème division, c’est comme si la Bonne Mère se mettait à soutenir PSG. Tè, vaut mieux aller à un concert de Dorothée plutôt que d’entendre ça ! Gaby regarde Frédérique, elles éclatent de rire. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 16/70 Brigitte à Frédérique d’un ton agressif Toi, c’est sûr, sortie de tes racines carrées, rien ne t’intéresse ; mais tout le monde n’a pas fait maths sup., maths spé. comme toi. Frédérique se lève. Tout le monde n’est pas disciple de Descartes. Lise se lève et fait un geste pour les séparer. Lise Hé ben, puisque tu parles des cartes et que maintenant on est quatre, on pourrait peut-être s’y remettre ? Brigitte Hé ben, on peut pas dire qu’on baigne dans la culture ! Entre une, qui sait mieux compter que parler, et l’autre, qui confond un philosophe avec un as de pique, on est cerné ! Frédérique Parce que pour toi, les maths, c’est pas de la culture ? Gaby Boudie, ça y est vous m’avez saoulée... C’est pas ça qui va me dire si je coupe à cœur ou si je coupe à pique. Frédérique prend sa veste et s’avance vers la porte. Lise Où tu vas, Fred ? Frédérique vexée Pardi, où tu crois que je vais ? Chercher ma place pour le concert de Dorothée. Elle sort à cour. SCENE 4 Gaby, Lise et Brigitte Brigitte s’avance vers la table de jeu. Brigitte Oh là, là ! Quel caractère celle-là. Elle s’assoit. Gaby lui lance un regard sévère. Ben, c’est vrai, on ne peut rien lui dire. Gaby Ah ! T’es forte, toi. Ah ! On peut dire que « l’inspiration » elle t’appelle pas pour rien. A chaque fois, tu provoques un véritable cataclysme. Elle saisit le verre de pastis le regarde et semble méditer. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 17/70 Tè, pour un peu tu ferais tourner le pastis ! Lise à Brigitte C’est super, hè, ce que tu as écrit. Silence. Ben moi, en tout cas, je trouve ça très poétique, ça m’a toute retournée... parce que moi, tu comprends, je suis une sentimentale... Elle se lève et déclame. « ...d’Austerlitz à Iéna, la conquête j’ai fait !... » Elle s’assoit. Pause. Mais je savais pas que Napoléon il avait conquis cette Madame Austerlitz. Gaby Mais non, Austerlitz c’est pas une gonzesse, c’est une bataille ! Lise C’est super hè... une bataille je trouve ça encore plus romantique. Quel homme quand même ce Napoléon !... Notez que moi aussi, mon mari, il me dit, des fois, que je suis sa reine. Gaby se lève. Gaby Sauf que toi, ton empire c’est surtout ta cuisine... Elle s'assoit. Allez zou, on la finit ou non cette partie ? Brigitte Bon, où vous en êtes ? Gaby Hé bien quoi, Lise ! C’est à toi ! Lise Je le sais bien, mais j’hésite. Gaby Tu ne vas pas hésiter jusqu’à demain ? Brigitte Alors Lise, on t’attend. Lise C’est que la chose est importante ! Et vous reconnaîtrez que jouer à la belote quand on est que trois c’est pas facile. Gaby jette les cartes sur la table. Gaby Oh ! Putain ça recommence, on est encore que trois. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 18/70 SCENE 5 Gaby, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre Carlo et Henri-Pierre entrent. Ils s’installent au comptoir. Les femmes les dévisagent. Henri-Pierre Bonsoir. Carlo Bonsoir. Gaby, Lise et Brigitte Bonsoir. Gaby Oh fan ! Faut que j’y aille. Gaby se lève et se place derrière le comptoir. Bonsoir, Messieurs. Qu’est-ce que je vous sers ? Carlo à Henri-Pierre Une pression ? A Gaby. Deux pressions, s’il vous plaît. Gaby Deux pressions ! De suite ! Brigitte Tè, sers-nous aussi, je mets la mienne. Gaby prépare les consommations. Carlo Quel gâchis ! Et dire que cette pièce a été subventionnée, c’est à vous désespérer du théâtre. Henri-Pierre Encore une parodie de spectacle ! Des comédiens ça ? Tout au plus des caricatures de comédiens ! Carlo Mais le problème, Henri-Pierre, ce n’est pas les comédiens, c’est la pièce, c’est le metteur en scène. Henri-Pierre En attendant, Carlo, je n’ai jamais vu d’acteurs aussi coincés et en particulier celle qui tient le premier rôle. Gaby sert les consommations à Carlo et à Henri-Pierre. Gaby Voilà, Messieurs. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 19/70 Carlo et Henri-Pierre prennent les verres et s’assoient à une table. Carlo et Henri-Pierre Merci. Gaby sert les consommations à Lise et à Brigitte, puis elle retourne au comptoir. Elle range et nettoie. Conversations des femmes et des hommes en chassé-croisé. Carlo Donne-lui un vrai texte, un vrai metteur en scène et tu verras comme elle se libère. Lise C’est vrai que ça me libère : depuis que je viens faire la partie de belote, une fois par semaine avec vous, je me sens mieux. Je me sens une autre femme. Henri-Pierre Moi, je ne la sens vraiment pas dans ce rôle, elle est mauvaise c’est tout ; et je ne parle pas de celui qui lui donne la réplique : nullissime. Moi, quand je jouais ce rôle, j’étais dans le personnage, j’étais LE PERSONNAGE. Quand on engage de vrais acteurs, alors là, oui, il en sort quelque chose ! Gaby apporte une assiette de chips à Carlo et Henri-Pierre. Brigitte Hé oui, il faut sortir ! Et puis comme ça, ça te change de tes soirées à la maison, ton mari en tête à tête avec la télé et toi qui lui sert sa purée Mousseline avec amour. Ah ! C’est qu’avec lui, il faut te contenter de longs monologues. Carlo Le plus important, ce sont les dialogues. Et il est clair que ce texte est une prise de tête. Comment veux-tu qu’avec ce genre de spectacle où on ne comprend rien, les gens aient envie d’aller au théâtre ? L’auteur s’est fait plaisir, un point c’est tout. Et je suis sûr que le metteur en scène, lui-même, n’y a rien compris. Lise Oh ! Lui, il ne comprend rien à rien. Moi, j’ai besoin d’air, de m’occuper un peu de moi et pas sans arrêt de lui. J’aimerais bien moi aussi voir un peu midi à ma porte. Henri-Pierre C’est sûr, chacun voit midi à sa porte... Moi, le comédien, c’est à l’interprétation que je m’attache ; toi, le metteur en scène, tu as une vision globalisante et conceptuelle du spectacle. Moi, je ne jouerai jamais aussi mal, parce que moi, je joue avec ma tête. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 20/70 SCENE 6 Gaby, Lise, Brigitte, Carlo, Henri-Pierre et Frédérique Frédérique entre côté cour. Elle s'arrête au comptoir et observe les deux hommes. Gaby Ah, tè… Te voilà ! T’as fini de faire la tête ? Allez zou, va t’asseoir ; qu’on fasse au moins une donne à quatre ! Allez, zou... Frédérique s’assoit. Brigitte distribue les cartes. Gaby prépare une mauresque pour Frédérique. J’ai besoin de votre avis : en février, vaut mieux que j’organise un loto ou un concours de belote ? Parce que cette année, je ne voudrais pas être à côté de la plaque. Gaby pose le verre devant Frédérique et s’assoit. Carlo En fait, tu es complètement à côté de la plaque et moi aussi, d’ailleurs. Nous enfermons le théâtre dans une cage poussiéreuse et nous fermons la porte de peur que la vie n’entre. Nous devenons les « confortables » des arts du spectacle. Mais réagissons, que diable ! Et brisons ces verrous ! Ouvrons les portes ! Gaby C’est sûr, ça me fera fermer plus tard que d’habitude, mais ça fait marcher l’apéro... Il me faudra plus de chaises et de tables... Hè, le plus dur ça va être de les transporter. Carlo se lève. Carlo exalté Oui, oui, transportons le théâtre dans la rue, là où est sa vraie place. Pense à Molière, à Goldoni, à Pagnol et aussi à Pasolini ; ils ont compris eux que plus on s’éloigne des gens, plus on tue la vie. Et le théâtre, qu’est-ce ? Sinon l’expression de la vie ? Et bien, je dis stop au chantage intellectuel, aux démago-théâtreux, aux pseudo-cultureux de mes deux. Assez de gélatine cervico-stérile étalée à tout propos ! Les femmes leur jettent furtivement des regards. Henri-Pierre Peut-être, mais ni toi ni moi ne pouvons... Carlo l’interrompt Voilà où ça coince, comme aucun de nous ne se sent responsable, personne ne bouge. Henri-Pierre Mais responsable de quoi ? Moi, je suis un comédien au chômage et toi un metteur en scène sans troupe ! Les femmes interrompent le jeu et les observent. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 21/70 Carlo Ce théâtre, que toi et moi nous aimons et défendons, c’est la culture et la culture c’est la liberté ! De plus en plus exalté, il arpente la scène. Mais regarde, observe autour de toi : c’est ici que ça frémit, que ça pétille, que ça vit ! Carlo s’assoit. Gaby Oh ! Qu’est-ce qu’il a celui-là, il a pété un plomb ou quoi ? Faudrait pas qu’il nous croit assez intime pour faire une attaque ici ! Frédérique T’as raison, il est tout rouge. On dirait mon père pendant les tirs au but ! Lise se lève et dévisage Carlo. Lise Et si on appelait les pompiers ? Brigitte Et pourquoi pas l’armée ? Ah ! Toi et le courage hein, vous êtes pas collègues ! Gaby T’as raison, j’y vais. Gaby se lève. Lise Quand faut y aller, faut y aller. Vas-y, Gaby. Gaby se place entre Carlo et Henri-Pierre. Gaby Alors, et ces Messieurs, on les ressert ? Carlo à Gaby Vous, plus que toute autre, vous me comprenez ; toute la journée vous la voyez entrer la vie, avec ses rires, ses pleurs. Gaby Ah ! Pour entrer, elle entre ; même que des fois, hè, j’ai du mal à la faire sortir ! Carlo Tu vois, tu vois... mais ouvre-les, tes yeux ! L’authentique, oui, l’authentique, il faut retrouver l’authentique. Fini le théâtre galvaudé ! Ouvrons notre esprit et que pénètre enfin... Il s’interrompt et tourne son regard vers les femmes. Regarde-les : voici les personnages de nos pièces. Tu crois que Pagnol les a créés... Il se lève et se dirige vers Gaby qui recule. Mais César, c’est elle ! Ample, le verbe haut, l’œil généreux... Il désigne du bras Brigitte et se dirige vers elle. Et Panisse, c’est elle ! Installée, contente d’elle... Il désigne du bras Lise et se dirige vers elle. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 22/70 La petite Fanny, c’est elle ! Encore endormie dans l’attente de son homme. Mais bouscule-la un peu et tu verras, elle deviendra « la femme du boulanger ». Il désigne du bras Frédérique et se dirige vers elle. Ah ! Et Monsieur Brun plein de ses certitudes, c’est elle ! Tu les vois, dis ? Tu les vois ? Les femmes le regardent. Lise Oh, là là ! Faudrait vraiment appeler les pompiers. Frédérique Mais non, laissons tomber et reprenons la partie. Gaby, viens t’asseoir ! Brigitte Tais-toi, ça commence à devenir intéressant. Henri-Pierre Tu délires, assieds-toi, assieds-toi ! Carlo Je délire ? Mais je te le dis, la matière est là, il ne reste plus qu’à la façonner, la modeler. Henri-Pierre Tu mélanges tout, on ne peut pas prendre n’importe qui pour en faire un comédien. C’est un métier. Et toi, plus que quiconque, tu devrais le savoir ! Carlo Justement, moi je le sais ! Je te parle du théâtre, du vrai, de l’authentique. Pause. Il se tourne vers les femmes. Mesdames, il me vient une idée. Mais, permettez tout d’abord que je nous présente. Frédérique Ça y est, encore un allumé ; pas moyen d’être tranquille cinq minutes ! Carlo Mon ami et moi sommes des professionnels, récemment rejetés de la Criée. Gaby Voilà que maintenant, ils se prennent pour des poissons ! Elle se lève, pose les mains sur la table et hurle. « Ils sont beaux, ils sont frais ! Des vivants pour le prix des morts ! » Lise Pourquoi tu dis ça ? Gaby Rejetés de la Criée... poissons... tu comprends pas ? Lise fait non de la tête. Gaby s’assoit. Peuchère ! ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 23/70 Brigitte Mais enfin, laissez-le parler ! Carlo Henri-Pierre, comédien ; Carlo, metteur en scène. Brigitte se lève et se dirige vers les hommes. Elle a des gestes maniérés et prend un accent pointu. Brigitte Enchantée, vraiment en-chan-tée, Messieurs. Elle serre la main aux deux hommes. Brigitte, libraire par nécessité et écrivain par passion ; Frédérique, étudiante... en maths ; Gaby, la patronne et Lise... la femme de son mari. Mais, asseyons-nous donc. Elle prend une chaise et s’assoit entre Carlo et Henri-Pierre. Frédérique On est mal barré. Lise Pourquoi ? Frédérique Attends et tu verras... SCENE 7 Gaby, Frédérique, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre Brigitte Ainsi Messieurs, vous êtes artistes. Henri-Pierre ironique C’est ainsi qu’on nous nomme. Carlo Madame, notre rencontre n’est pas fortuite, j’en suis convaincu. Comme vous l’avez sans doute compris, nous sommes, en quelque sorte, en désaccord avec l’expression artistique actuelle. Il se lève. Aussi, aidez-nous à prouver que le théâtre se trouve dans la vie et la vie dans le théâtre. Exalté, il se dirige vers les femmes. Brigitte le suit du regard. Venez donner la réplique, incarner les personnages les plus divers, les plus fous, les plus sages, les plus comiques, les plus dramatiques. Venez frapper les trois coups ! En un mot, soyez mes comédiennes. Henri-Pierre Il est fou ! ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 24/70 Brigitte en aparté Mon Dieu, si j’osais ! Elle se lève et s’adresse à Carlo. Monsieur le metteur en scène, cette idée arrive, je dirais, bien à propos. C’est mon rêve le plus cher que vous matérialisez. J’accepte votre proposition ! Frédérique Elle est folle ! Carlo Merci. A Gaby. Et vous Madame Gaby ? Gaby se lève. Gaby Ecoutez. Moi, ça fait dix ans que je suis en représentation derrière ce comptoir, c’est pas pour en plus aller faire le guignol sur la scène. Brigitte Comment peux-tu parler ainsi, tu n’as pas le droit de mépriser l’Art. Gaby Je ne méprise rien du tout, mais si tu continues ton numéro, c’est pas que le mépris qui va t’arriver ! Gaby s’assoit. Henri-Pierre On nage en plein délire ! Frédérique Rien de plus normal pour des poissons... Carlo à Frédérique Et vous jeune fille ? Lise Moi ? Carlo Non... vous ! Frédérique se lève. Frédérique Le théâtre. Oh, oui ! Comment vous dites, déjà ? S’extérioriser, s’affirmer, gérer son stress, c’est très bien, tout ça ! Mais, moi, voyez-vous, mon truc c’est la belote. Et avant votre interruption, on essayait de faire une partie de belote… ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 25/70 Brigitte Fred ! Frédérique …et la belote, ça c’est du sérieux ! Brigitte Frédérique ! Frédérique s’assoit. Carlo se dirige vers Lise. Lise Moi ? Moi ? Non, non c’est pas pour moi ça. Brigitte Pourquoi ? Tu disais que tu voulais respirer ; là c’est le moyen de penser à toi et de carrément prendre le large. Frédérique Ben voyons, et de faire une carrière ! Tè, je la vois déjà à Paris ! Frédérique et Gaby rient. Brigitte Réfléchis, qu’est-ce que tu risques à essayer. Lise Mais tu n’y penses pas... Et mon mari ? Il ne voudra jamais. Gaby se lève. Gaby Ah ! Là, tu nous pompes l’air avec ton mari, hein ! Boudiou, on te dirait une photocopie : arrête de penser avec sa tête à lui. Si tu veux le faire, le théâtre, tu dis oui, si tu veux pas le faire, tu dis non ! Elle s’avance vers Carlo. Dites, sans que ça engage, hein, ? C’est quoi au juste votre idée ? Frédérique à Gaby Owe ! Ça va pas, non ?!!! Gaby à Frédérique Attends !!! Carlo Créer un spectacle, monter une pièce de théâtre avec des gens qui n’en ont jamais fait. Vous et Henri-Pierre seraient les comédiens, moi, je serais le metteur en scène. Brigitte Justement... ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 26/70 Henri-Pierre l’interrompt Attends, attends, attends ! Tu ne prétends tout de même pas me faire jouer avec... Il fait un geste méprisant vers les femmes. Carlo l’interrompt Parfaitement. Mais, Monsieur n’a peut-être pas le temps, Monsieur est surbooké, Monsieur a tellement de contrats en ce moment, il faut dire ! Henri-Pierre Il ne s’agit pas de cela, tu le sais bien. Silence. Monsieur veut monter une pièce de théâtre ! Mais bien entendu, Monsieur ! Mais tout de suite, Monsieur ! Allons-y, tous en scène ! Il ne nous reste que quelques petits détails de rien du tout à régler : trouver un théâtre, trouver des comédiens, trouver une pièce ! Mais enfin, redescends sur terre, voyons ! Brigitte Pardon, justement, j’ai peut-être la solution. Comme je vous l’ai dit, j’écris - Oh ! Très modestement - et il se trouve que j’ai avec moi une pièce de théâtre et puisque vous êtes là, je veux bien vous en laisser l’exclusivité et vous en lire un extrait. Carlo à Henri-Pierre Tu vois, quand je te disais que... A Brigitte. C’est avec plaisir que nous vous écoutons. Brigitte cherche le manuscrit dans son sac, elle sort tout ce qui s’y trouve avec de grands gestes. Pendant ce temps, les femmes parlent entre elles. Gaby Alors là, je le sens de moins en moins ce plan, s’il faut descendre aux abris deux fois par jour, on va pas s’en sortir. Lise Pourquoi ? Frédérique Laisse faire... Y’a une sortie de secours, et il reste encore des places pour le concert de Dorothée ! Lise En tout cas, moi, je trouve que c’est courageux d’écrire et de lire son texte ; on peut pas le dire de tout le monde ! Frédérique C’est là que t’as tout faux, le courage c’est pas d’écrire et de lire ! Le courage c’est d’écouter le texte et dans deux minutes on va friser la témérité, voire le masochisme ! Lise Tu es injuste, mais en attendant, tu n’auras jamais assez de cran pour t’engager dans l’aventure. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 27/70 Ah ! Si j’avais ton âge et surtout si j’étais seule ! Frédérique T’as encore tout faux. Le problème n’est pas là. Et puis, t’as rien à m’apprendre. Toi, t’as pas assez de cran pour lui faire fermer sa grande bouche à ton mari. Lise C’était peut-être vrai, avant. Mais moi maintenant, je te le dis, je vais le faire le théâtre et lui, il la fera la vaisselle ! Gaby Coquin de sort, j’ai l’impression qu’arrive la révolution ! SCENE 8 Gaby, Frédérique, Lise, Brigitte, Carlo et Henri-Pierre Brigitte Bon, si vous en avez terminé avec vos règlements de compte, je pourrais commencer. Elle s’éclaircit la voix et s’avance. L’extrait que je vais vous lire est tiré d’une pièce de théâtre intitulée : « Quand j’aime, moi, j’aime ». Frédérique et Gaby éclatent de rire. Brigitte leur lance un regard sévère. Tout d’abord, un résumé pour faciliter la compréhension : « Ridge annonce à Tracy son intention de divorcer. Il a choisi de vivre avec Brooke. Restée seule encore sous le choc, Tracy reçoit la visite de Taylor qui la supplie de l’épouser. Pendant ce temps, Jessica invite sa mère Maggy et sa sœur Sheila pour leur présenter son petit ami Mitchell. A l’issu du repas, Jessica décide de renoncer à son amour pour Mitchell, mais Mitchell l’entraîne dans la chambre et exige qu’elle s’allonge sur le lit. Jessica refuse, Mitchell entre dans une rage folle et brandissant son arme fait feu sur elle. Maggy cachée dans la pièce voisine veut s’interposer et reçoit la balle destinée à sa fille. » Gaby T’es sûre que tout le monde comprendra ? S’il faut faire l’ENA pour venir nous voir, on va pas remplir les salles. Frédérique T’as raison, c’est aussi clair qu’un tarif de la SNCF. Frédérique et Gaby rient. Brigitte se lève. Musique de genre « suspens » tout au long de la lecture, le volume allant crescendo. Brigitte lit l’extrait de la pièce, d’un ton vaudevillesque, en changeant de voix et de place pour chaque personnage. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 28/70 Brigitte Mitchell Tu ne peux pas me quitter, je t’aime Jessica. Jessica Ce dîner m’a ouvert les yeux, Mitchell ; c’est Carlos que j’aime. Mitchell Je ne te laisserai pas faire, Jessica. Allonge-toi sur le lit. Jessica Jamais Mitchell, tout est fini entre nous. Je te quitte, Mitchell. Mitchell (fou de rage) Pour la dernière fois Jessica, allonge-toi sur le lit. Jessica (voulant sortir) Adieu Mitchell. Mitchell Tu l’auras voulu Jessica. (Il sort son arme et va tirer). Maggy (s'interposant) Non Mitchell ! Pas ma fille ! (Mitchell tire, Maggy s’écroule). Sheila (entrant précipitamment) Non, Maman, mais que t’a-t-il fait ? (Tous trois se précipitent autour de la mère agonisante). Sheila Ne bouge pas Maman, ce n’est rien, nous allons te soigner. Maggy Laisse ma fille, je sens que mon heure est venue. Mais je dois apaiser ma conscience, je ne peux pas partir en emportant ce grand et lourd secret. Sheila Quel secret ? Jessica Quel secret ? Maggy frère. Mitchell? Il est mon fils ; je l’ai eu d’un premier amour. C'est votre (Elle meurt). Mitchell Maman ! (Le rideau tombe). Brigitte enchaîne aussitôt. Alors, ce qui serait bien, c’est que Henri-Pierre joue Mitchell, Lili : Sheila, Gaby : Maggy et j’interpréterai Jessica. Henri-Pierre Je n’ai peut-être pas de contrat en ce moment, mais je ne suis pas désespéré à ce point. Je peux me payer le luxe d’attendre encore. Brigitte Alors ? Silence gêné. Lise Ah ben, c’est super hè ! J’en ai les larmes aux yeux. Gaby Hein ! Quand je vous parlais d’apocalypse !!!... Et ben, je ne sais pas si on ira à Paris avec cette pièce, mais ce qui est sûr c’est qu’il faudra monter à pieds. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 29/70 Lise Ben, moi je trouve... Frédérique se lève et l’interrompt vexée. Frédérique A Paris, à Paris, mais attendez, j’ai pas de rôle ; et moi dans l’histoire, je fais quoi ? Le revolver ? Brigitte à Carlo Alors ? Frédérique s’animant de plus en plus Et vous le voulez comment, le revolver ? Un coup, six coups, avec ou sans le silencieux ; à barillet, sans barillet ; avec ou sans lunette ; à balles, à plombs, à grenaille ; nucléaire ou à laser ; diesel ou à essence ? Brigitte l’interrompt et s’adresse à Carlo Bon. Alors ? Carlo Et bien, heu, et bien... ce n’est pas... enfin je veux dire... il y a des intentions bien sûr... Frédérique l’interrompt De toute façon, je m’en fous, il est nul ton texte ! Je préfère pas faire carrière du tout plutôt que d’en rater une avec cette pièce ! Carlo Oui, enfin non !!... Je veux dire... ce n’est pas exactement ce que j’attends. Brigitte Cela ne vous plaît pas. Carlo C’est à dire... Frédérique l’interrompt Attends, je décode : il est en train de t’expliquer poliment que c’est à chier. Gaby Frédérique ! Assieds-toi ! Lise Frédérique ! Tu exagères ! Respecte au moins le travail des autres ! Surtout que cette histoire, elle est très jolie. Gaby Lise a raison mais Frédérique n’a pas tort non plus : c’est nul. Moi, ton avalanche de prénoms ça m’a fait tourner la tête. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 30/70 Lise doucement Profites-en pour te regarder le cul. Gaby Quoi ? Lise plus fort Si la tête te tourne, profites-en pour te regarder le cul ! Gaby, en colère, se lève. Gaby Vé, regarde-moi la, celle-là, comme elle parle, maintenant. Mais, c’est qu’elle nous prendrait de la graine ! Gaby se place derrière le comptoir et s’affaire. Henri-Pierre Non, mais j’hallucine, on nage vraiment en plein délire. Qu’est-ce que tu comptes en faire de ces folles hystériques ? Ici, c’est le Muppet Show et Pinder réunis. Ah ! Si tu veux monter un spectacle de cirque, c’est l’idéal : tu as un casting de rêve. Tu peux frapper les trois coups tout de suite. Bon, Carlo, te voilà convaincu, j’espère. Laisse tomber, à chacun son métier. Lise se lève et s’avance vers Henri-Pierre. Lise Je vous trouve un peu dur, vous. Carlo Tu sais ce que disait Copeau ? « Chaque fois qu’un effort est tenté, chaque fois qu’un certain renouveau se fait au théâtre, à toute époque et dans tous les pays, c’est aux amateurs qu’on le doit. » Henri-Pierre Mais Dullin disait aussi : « Le maître du théâtre, c’est l’auteur. » Brigitte impatiente C’est-à-dire quoi ? Carlo C’est bien, mais vous comprenez, un texte de théâtre cela ne s’écrit pas comme un feuilleton. La scène, c’est un espace vivant où rien n’est figé. Bien sûr, il y a le mouvement des comédiens mais il faut également sentir les mots et le décor bouger, laisser sa place au public. Le spectateur doit saisir l’intention sur l’instant, comprendre et réagir immédiatement. Le théâtre c’est de l’émotion instantanée ! Lise Comme le café. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 31/70 Henri-Pierre Sur ce, moi, je vous laisse. Carlo Comment ? Henri-Pierre Ecoute ! Reste si tu veux, moi je n’ai pas de temps et pas d’énergie à perdre avec des amateurs, même pas amateurs. Henri-Pierre prend sa veste et s’avance vers la sortie. Il s'arrête au son de la voix de Lise. Brigitte se retire dans un coin, vexée. Lise Je vous trouve un peu con, vous. Brigitte se parlant à elle-même Espace vivant... mouvement... décor qui bouge... C’est du théâtre ou de la gym qu’il veut ? Va t’acheter une cassette d’aérobic, va, figure d’anchois ! Gaby s’approche de Lise. Gaby à Lise Mais elle a vraiment pété un plomb ! C’est plus que de la graine ! Pour un peu elle exigerait le premier rôle. Lise Et alors, qu’est-ce que ça peut te faire ; tu n’as pas dit que tu jouerais. Gaby Je ne dis pas que je veux jouer…Mais si tu joues, je joue !!! Frédérique C’est ça, c’est ça, arrangez-vous ; mais je vous préviens, si vous jouez dans la pièce de Brigitte, je ne vous parle plus et si je dois faire le revolver, je tire sur tout ce qui bouge. Brigitte tragique Ah, oui ! Alors tire-moi dessus ; plutôt mourir que de ne pas être jouée. Gaby s'approche de Brigitte. Gaby Il faut pas passer l’arme à gauche pour si peu. Si tu peux pas faire l’auteur, tu feras l’actrice. T’auras droit aux photos, aux séances d’autographes, aux « interviouves »... Ce sera juste un peu plus dur pour entrer à l’Académie Française. Lise Si elle va dans cette Académie, je veux y aller aussi. Frédérique Tu crois qu’ils prennent les revolvers ? ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 32/70 Noir très court. ACTE II Musique rythmée et lumière ambiance discothèque. Les comédiens dansent en changeant à vue, le décor, les accessoires et les costumes. Une table et deux chaises sont placées à l’avant scène à jardin les autres en fond de scène à jardin pour laisser le plus grand espace scénique libre. Une chaise face à jardin est posée à l’avant scène cour. Son : n°1 « A sexe machine » de James Brown SCENE 1 Gaby, Lise, Frédérique, Brigitte, Henri-Pierre et Carlo Le bar est transformé en salle de répétition. Quand tout est prêt, Carlo interrompt la danse en frappant dans ses mains. La musique s’arrête. Carlo Bon, on reprend, on reprend ! Les comédiens se placent. Frédérique et Brigitte sont dans « l’espace scénique aménagé », elles répètent. Frédérique regarde à jardin, elle tourne le dos à Brigitte. Lise est assise sur une table en fond de scène, elle attend son tour pour entrer en scène. Henri-Pierre est assis, les coudes sur la table à l’avant-scène. Carlo est debout, les bras croisés, adossé à la table,. Gaby est assise sur la chaise à l’avant-scène cour. Elle suit la répétition, un texte à la main. Frédérique récite d’un ton monocorde. Brigitte récite avec emphase. Frédérique (l’Infante) « Léonor, allez avertir Chimène de ma part Qu'aujourd'hui pour me voir elle attend un peu tard ; Et que mon amitié se plaint de sa paresse. » Brigitte (Léonor) « Madame, chaque jour même désir vous presse Et dans son entretien je vous vois chaque jour Demander à quel point se trouve son amour » Frédérique (l’Infante) « Ce n'est pas sans sujet : je l'ai presque forcée A recevoir les traits dont mon âme est blessée. Elle aime Don Rodrigue, et le tient de ma main, Et par moi Don Rodrigue a vaincu son dédain... » Brigitte (Léonor) ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 33/70 « Madame, toutefois parmi leurs bons succès, Vous montrez un chagrin qui va jusqu’à l’excès. Cet amour, qui tous deux les comble d’allégresse, Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse... » Frédérique (l’Infante) « ... L’amour est un tyran qui n’épargne personne : Ce jeune cavalier, cet amant que je donne, Je l’aime. Silence. Brigitte (Léonor) hésite Merde, j’ai un trou ; je ne me souviens plus de ma réplique. Elle se précipite vers la table pour prendre son texte, et revient. « Vous l’aimez. » Gaby ironique Pourtant, on peut pas dire qu’elle était longue cette réplique. Brigitte Hé ! Ça arrive aux plus grands acteurs ! Gaby Alors, tu dois pas risquer grand chose ! Brigitte hausse les épaules et reprend. Brigitte (Léonor) « Vous l’aimez ? » Frédérique (l’Infante) la main sur le cœur « Met la main sur mon cœur, Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur... » Carlo Fred ! Et de un : comment veux-tu qu’elle mette la main sur ton cœur, tu lui tournes le dos. Et de deux : si tu veux jouer pour les coulisses, ne bouge surtout pas. Par contre, si tu veux jouer pour le public, c’est par là que ça se passe. Reprend. Frédérique se place à côté de Brigitte (Léonor), face au public. Frédérique (l’Infante) la main sur le cœur « Met la main sur mon cœur, Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur... » Brigitte (Léonor) s’approche de Frédérique (l’Infante). Brigitte (Léonor) « ...Une grande princesse à ce point s’oublier Que d’admettre en son cœur un simple cavalier !... » Frédérique (l’Infante) « Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 34/70 Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... » Lise s’avance à l’avant scène et récite la réplique passivement. Lise (Chimène) « Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer. Un orage si prompt qui trouble une bonace D’un naufrage certain nous porte la menace : Je n’en saurais douter, je péris dans le port. J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ; Et je vous en contais la charmante nouvelle, Au malheureux moment que naissait leur querelle. » Brigitte (Léonor) exaltée « Le saint nœud qui joindra Don Rodrigue et Chimène Des pères ennemis dissipera la haine... » Brigitte Ah ! Génial, c’était génial !!! Cette fois, j’y ai mis toutes mes tripes ! Gaby Puisqu’on fait dans les abats, tu ferais bien d’y ajouter un peu de cervelle, parce que sur le banc de touche, on s’endort, tellement c’est prenant ! Y’a des cartons rouges qui se perdent… Brigitte vexée C’est pas à toi de faire la critique, c’est au metteur en scène. Carlo est pétrifié. Gaby se lève Oh ! Pour ce que j’en disais. J’avais simplement l’impression de parler pour le public - enfin, si un jour on en a un - mais apparemment ça doit pas être important pour tout le monde. Gaby s’assoit. Henri-Pierre à Carlo abasourdi Pour une fois, on est d’accord. Je ne soupçonnais pas qu’être de ce côté de la barrière pouvait être parfois si ennuyeux. Carlo, si tu arrives à te défaire de cet air abasourdi, tu devrais prendre la parole. Je crois qu’un commentaire s’impose. Silence. Carlo abattu Une des règles du théâtre est de répéter jusqu’à approcher la perfection. Si on respecte ce principe, nous sommes ici pour encore quelques temps, enfin, pour des années, des siècles. Soupir. Récapitulons : l’Infante est amoureuse de Rodrigue. Mais pour ne pas faillir à son rang, elle manigance afin que Chimène et ce même Rodrigue s’unissent. Là, se joue donc un premier « drâme ». Second « drâme » : le père de Chimène insulte celui de Rodrigue et ce dernier va venger l’honneur familial dans le sang, au risque de perdre Chimène. Les personnages sont… Carlo ne trouve pas le mot. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 35/70 Gaby lui souffle, agressivement Blessés ! Carlo reprend Blessés ; alors soyez torturées ! ils sont au bord de la rupture, alors soyez écartelées ! Bref, vous aurez compris que Le Cid est une tragédie, alors, soyez tragiques ! Lise Ça doit être pour ça qu’on n’y arrive pas. Le genre de la maison, c’est plutôt physique comique. Frédérique Et moi, j’ai dû rater un épisode du feuilleton. J’arrive pas à comprendre qui couche avec qui et qui dégomme qui. Gaby se lève Du banc de touche, on a exactement la même impression. On comprend pas la tragédie, on rit pas, on pleure pas, on fait rien. Vous installez un vide inter-stellaire dans nos cerveaux. Gaby s’assoit. Carlo Ok. Calmez-vous et remettons une nouvelle fois les choses à plat. A Lise. Lise, tu es Chimène, tu crois avoir atteint le bonheur et épouser Rodrigue quand soudain, on t’apprend que ton bien-aimé a tué ton père. Tu dois ressentir le basculement et le cataclysme qui se produisent en toi. Reprend la réplique et essaie d’exprimer ce sentiment. Lise dit la réplique sur le même ton. Lise (Chimène) « ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer. Un orage si prompt qui trouble une bonace D’un naufrage certain nous porte la menace : Je n’en saurais douter, je péris dans le port. J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ; Et je vous en contais la charmante nouvelle, Au malheureux moment que naissait leur querelle. » Tous se regardent, découragés. Gaby à Carlo Attend, je vais lui expliquer à ma manière. Gaby s’approche de Lise, entoure ses épaules avec son bras et regarde droit devant elle. Elle parle d’un ton inspiré. Lise, imagine qu’on est en coupe d'Europe. On mène un à zéro. C'est peut-être juste pour être qualifié, mais pour le moment on est qualifié ! On nage en plein bonheur, quand soudain, à deux minutes de la fin du match, Ravanelli marque un but contre son camp. T’as compris le basculement ? Lise acquiesce de la tête. Gaby la pousse au devant de la scène. Allez !!! Lise dit la réplique de manière parfaite. Lise (Chimène) ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 36/70 « ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer. Un orage si prompt qui trouble une bonace D’un naufrage certain nous porte la menace : Je n’en saurais douter, je péris dans le port. J’aimais, j’étais aimée, et nos pères d’accord ; Et je vous en contais la charmante nouvelle, Au malheureux moment que naissait leur querelle. » Henri-Pierre Enfin une qui a compris. Si je compte bien, ça fait 25 %. Carlo Excellent, excellent. Garde ce ton, tu tiens ton personnage. Quant à toi, Fred, tu es l’Infante. On doit sentir que tu es une princesse. Tu aimes Rodrigue mais pour ne pas faillir à ton rang, tu renonces à cet amour. Tu es déchirée, tiraillée, déstructurée mais pour toi, « le cœur n’a pas de raison que la raison ignore ». Fred interloquée regarde Gaby. Gaby Ah, là ! Je saurais pas t’expliquer. Des histoires de cul qui se passent chez les riches, j’en connais pas. Faudrait aller voir à Monaco. Lise Ouais, c’est super !... Mais on pourrait pas dire qu’elle se trouve quelqu’un d’autre ? C’est pas juste qu’elle reste toute seule. Henri-Pierre C‘est ça ! Nous n’arrivons pas à jouer Le Cid, par contre nous allons le ré-écrire ! Nous n’avons qu’à commencer immédiatement ! Carlo énervé Je voudrais pouvoir terminer et que nous reprenions la scène. Il s'approche de Brigitte. Quant à toi, Brigitte, Je n’ai pas le sentiment que tu comprends ce que tu dis. Frédérique et Gaby rient. Brigitte vexée Je ne suis pas complètement inculte, tout de même ! Carlo Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire. Lise Ce n’est peut-être pas ce que tu as voulu dire mais c’est ce que nous avons tous entendu ! Ceci dit, Brigitte, boulègue un peu pour la comprenette, parce que moi j’attends pour jouer ! Carlo Ma remarque vaut pour vous toutes. Je vous demande de jouer avec le texte, de le sentir ; de malaxer, triturer les mots dans la bouche et dans la tête. Je vous demande de chercher le ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 37/70 sens du texte puis de le pervertir pour mieux vous l’approprier. Là, vous aurez atteint le but de tout comédien : trouver le sous-texte. Frédérique Déjà qu’on s’en sort pas avec un texte, avec deux ça va rigoler ! Lise Le sous-texte... c’est super ! Qu’est-ce que c’est ? Carlo C’est au-delà des mots : c’est l’osmose avec l'auteur, c’est la VE-RI-TE ! Gaby Quel scoop ! Et dire qu’il y en a qui arrive à vivre sans soupçonner tout ça ! C’est injuste… Carlo s’énerve Bon, reprenons. Brigitte, l’Infante vient de t’apprendre un énorme secret que tu ne pouvais absolument pas soupçonner. Alors, joue la surprise à fond. Gaby T’as qu’à imaginer que d’un coup tu serais bonne. Brigitte Dis-moi toi, tu parles beaucoup mais jusqu’à présent, on peut pas dire que tu aies fait exploser les planches. Carlo coléreux Ça suffit ! Silence ! On reprend depuis la réplique de l’Infante… Carlo hésite, il ne se souvient plus de la réplique. Gaby impatiente lui souffle. Gaby « ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne, Je l’aime. » Frédérique (l’Infante) « ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne, Je l’aime. » Brigitte, très emphatique, la main sur le coeur, dit la réplique et tombe contre le comptoir. Brigitte (Léonor) avec un cri prolongé Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!.... « ...Vous l’aimez ! » Gaby en riant J’aurais pas pensé que ça te surprendrait tant de devenir bonne. Henri-Pierre Là, tu en fais trop. Recommence en étant surprise à moitié, ça suffira. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 38/70 Frédérique (l’Infante) « ...Ce jeune cavalier, cet amant que je donne, Je l’aime. » Brigitte reprend d’un ton plus modéré. Brigitte (Léonor) Aaah !!!.... « ...Vous l’aimez ! » Frédérique (l’Infante) pathétique, la main sur le cœur "Mets la main sur mon estomac et vois comme il se trouble au son du mot pizza ! Lise s’approche de Frédérique et lui met la main sur l’estomac. Lise (Chimène) "Elle a raison, l'heure a sonné et faisons gaffe à pas la dépasser. Je file donc de ce pas chercher des parts de pizza". Lise sort. Carlo C’est hallucinant. Je ne le crois pas, je ne le crois pas ! Elles finiront par avoir ma peau. Je sens que mon énergie m’abandonne. Il faut absolument que je me recentre. Carlo, s’assoit en tailleur dans la position du yogi et ferme les yeux. Il reste ainsi quelques instants, puis s’exclame. Pulsations ! Pulsations ! Pulsations ! Henri-Pierre Que je ne t’entende surtout pas te plaindre, tu récoltes ce que tu as semé. SCENE 2 Gaby, Frédérique, Brigitte, Henri-Pierre, Carlo et Lise Carlo Les filles, si votre corps commande, on ne pourra pas faire travailler votre esprit. Alors, je vous en supplie, reprenons. L’Infante, après ta dernière réplique, tu te tournes vers Chimène qui entre côté jardin et tu t’avances vers elle en lui offrant tes bras. Frédérique Jardin, jardin...Qué jardin ? A Gaby. Il voit pas que c’est un bar ici ! Gaby lui répond par un geste de lassitude. Henri-Pierre C’est un terme théâtral. Jardin et cour sont les entrées latérales : quand tu es face à la scène, jardin c’est à gauche, cour à droite. Il y a un truc pour le retenir, les initiales de Jésus Christ : Jésus, Jardin/gauche ; Christ, Cour/droite. Carlo se lève. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 39/70 Carlo Allez, allez, on reprend... Je craque ! Frédérique (l’Infante) « Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... » Elle se précipite les bras ouverts à cour, puis s’arrête surprise. Chimène, Chimène ? Henri-Pierre impatient On t’a dit jardin, jar-din ! Il épelle en haussant le ton. J.A.R.D.I.N. Frédérique Et merde ! J’avais une chance sur deux. Oui, mais aussi Jésus-Christ, Jésus-Christ ! T’aurais dit Jospin-Chirac, j’aurais compris de suite : Jospin à gauche, Chirac à droite. Brigitte Enfin, normalement ! Frédérique se replace. Frédérique (l’Infante) Bon, je reprends. « Il m’en souvient si bien que je répandrai mon sang Avant que je m’abaisse à démentir mon rang... » Elle se dirige à jardin, les bras ouverts. Chimène ? Owe ! Vous voyez bien qu’elle est pas là, non plus. Et j’ai pas l’air con avec les bras tendus. A Gaby. Mais, où est-ce qu’elle est passée, Lise ? Gaby Je sais pas, moi ! Carlo Gaby, remplace-la cinq minutes, sinon, je disjoncte. Gaby Et bien, disjoncte ! C’est pas parce que je suis sur le banc de touche que je vais faire les remplaçants. Si je rentre sur le terrain, c’est jusqu’à la fin du match ! Et ça tombe bien, car depuis le début, je voulais jouer Chimène. Brigitte Ben, voyons. Changer une vieille contre une vieille, on y gagne vachement ! Gaby tourne sur elle-même en faisant semblant de chercher ; puis elle s’approche de Brigitte et lui donne une tape sur les fesses. Gaby ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 40/70 Vieille ? Où t’as vu une vieille ? Brigitte Y’a pas à tortiller, Chimène, c’est un rôle de jeune et des jeunes ici y’en a pas beaucoup. Conclusion : le rôle me revient d’office. Gaby Regarde-moi là, celle-là ; elle a jamais été plus loin que le Château d’If et elle a la prétention de jouer le rôle d’une femme d’expérience ! Carlo Hé ! Oh ! Il n’est pas question de redistribuer les rôles. J’ai simplement parlé d’un remplacement de cinq minutes. Brigitte Ah ! Toi, ne me parles pas de ta distribution, hein !!!... J’ai encapé d’un rôle avec trois répliques qui se courent après, alors... Gaby Compte aussi les virgules, les points sur les i et les accents puisque tu y es ! Frédérique à Gaby Te plains pas, va ! Au moins t’as pas tous ces vers à apprendre ; c’est d’un ringard ! Henri-Pierre l’interrompt Non, mais j’hallucine !... Non, mais je ne le crois pas : elles en sont à compter le nombre de répliques ! Si vous voulez réellement faire du théâtre, vous devez tout d’abord essayer de comprendre. C’est... comme un puzzle. Chaque pièce ne compte pas, n’existe pas individuellement, elle ne devient importante et indispensable que lorsqu’elle fait partie du TOUT. Pour les rôles, c’est la même chose ! Gaby Tu ne vas quand même pas nous faire croire que trois phrases, c’est pareil que trente, non ? Henri-Pierre Non, mais les unes ne sont rien sans les autres. Brigitte Ouais, sur le principe, peut-être. Mais qu’est-ce que je vais faire moi, quand les autres répéteront ? Carlo s’approche de Brigitte et lui hurle à l’oreille. Carlo Tu les regarderas !!! C’est ainsi qu’on obtient la complicité, la cohérence, l’unité... Il s’interrompt à la vue de Lise qui entre, tenant à bout de bras un carton de pizza et déclamant sa réplique. Lise (Chimène) « ...Mon cœur outré d'ennui n'ose rien espérer. Un orage si prompt qui trouble une bonace D’un naufrage certain nous porte la menace : Je n’en saurais douter, je péris dans le port... Elle s’interrompt. ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 41/70 Oh ! Fred, qu’est-ce que tu fous ? T’es pas en place ; et en plus tu devais pas m’attendre les bras ouverts ? Frédérique Ah ça, t’es forte, toi ! Carlo à Henri-Pierre Trop, c’est trop. Je craque. S’il te reste un peu de courage, elles sont à toi. Carlo les regarde, se lève et sort furieux. Les femmes le suivent jusqu'à la porte. Gaby Carlo, où tu vas ? Frédérique Carlo ! Brigitte Allez, Carlo ! Lise Reviens !... Frédérique, Brigitte, Lise et Gaby Carlo ! …/… Pour obtenir la suite du texte, veuillez contacter : Dominique BERARDI 04 42 74 00 11 - 06 09 38 75 83 / [email protected] ON N’A RIEN INVENTE de Dominique BERARDI et Marie-Pierre LEHMANN – Contact : 06 09 38 75 83 / [email protected] Ce texte est déposé à la SACD. Toute utilisation est soumise à l‘autorisation des auteurs. 42/70