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I.2.2 Le dépistage génétique
La génétique des populations n'est pas une discipline nouvelle. Mais les techniques et
le niveau d'analyse ont connu une évolution rapide. Les premières avancées ont été le résultat
d'enquêtes menées dans le monde entier sur la fréquence de maladies causées par un seul
gène. Puis on a procédé en laboratoire à des analyses d'échantillons de sang en vue d'établir la
fréquence des allèles dans les groupes sanguins, les protéines et les enzymes du système HLA
dans le monde entier. Certaines de ces études ont porté sur des échantillons anonymes
conservés dans des banques du sang. D'autres ont toutefois été réalisées sur des individus
sélectionnés au sein de populations cibles, tantôt vastes et ouvertes comme les Européens,
tantôt restreintes et isolées sur le plan linguistique, culturel, religieux ou géographique,
comme les Basques.
Sur la base de ces études, des programmes de dépistage massifs des gènes
responsables de maladies particulières ont été mis en place, par exemple pour la thalassémie à
Chypre ou pour la phénylcétonurie chez les nouveau-nés, dans de nombreux pays. Le
dépistage et les tests génétiques ont fait l'objet d'un autre rapport du Comité international de
bioéthique de l'UNESCO (CIB) et de nombreux autres travaux publiés par des chercheurs
isolés ou des organisations au cours de ces vingt dernières années (parmi les études récentes
sur la question, citons : Chadwick et al., 1993 ; Murray, 1993 ; McCarrick, 1993 ; "Nuffield
Council on Bioethics", 1993 ; Nielson et Nespor, 1994). De nombreux aspects des
programmes de dépistage actuels intéressent la recherche en génétique des populations, mais
d'autres problèmes importants comme celui du consentement collectif sont de nature
différente. De plus, si la recherche retient actuellement notre attention, il convient également
de penser aux applications et aux retombées du Projet sur le Génome Humain qui pourraient
fort bien concerner des populations entières. Aussi importe-t-il de réfléchir soigneusement
aux problèmes éthiques dans la mesure où ces programmes ont pour cibles des groupes entiers
d'individus asymptomatiques plutôt que des individus isolés se présentant spontanément.
I.2.3 Les variations spatiales et temporelles
Plus récemment, la biologie moléculaire a permit aux généticiens d'étudier les
variations spatiales et temporelles dans la fréquence des gènes. Plusieurs projets ont été
lancés indépendamment les uns des autres dans différents pays ; d'autres sont conduits à
l'échelle internationale, comme le "Projet sur la diversité du génome humain" (HGDP) destiné
à compléter le Projet sur le Génome Humain (HGP). Certaines études s'intéressent aux
variations moléculaires au sein des populations, tandis que d'autres analysent la diversité
génétique dans un contexte culturel plus large. Il est possible, et cela est fréquemment fait,
d'analyser des échantillons provenant de toutes les parties du monde. On considère néanmoins
que les groupes humains isolés, plus homogènes, livrent davantage d'informations aux fins de
la recherche génétique. Certains travaux portent également sur des échantillons d'ADN
anciens, car il est permis de penser que les liens entre les groupes humains contemporains
seront confirmés par les caractères génétiques de leurs ancêtres.
I.2.3.1 Les approches multidisciplinaires. De plus en plus, la diversité génétique est
replacée dans un contexte beaucoup plus large. Dans certains pays, les généticiens,
conscients dès le départ que seule une approche interdisciplinaire, holistique, permet une
vision raisonnable et une réévaluation de la diversité culturelle et génétique, l'ont étudiée chez
les populations autochtones locales. Aux fins du présent rapport, le terme "autochtone" est
utilisé au sens large pour désigner tout individu vivant dans une région du monde donnée et
non pas seulement les habitants qui la peuplaient à l'origine (cf. les "rapports sur les peuples
autochtones" de la Commission des droits de l'homme du Conseil économique et social des
Nations Unies). Les efforts conjoints déployés dans le cadre de projets de recherche
intéressant la plupart des disciplines, et notamment l'anthropologie, l'architecture, les arts, la
bactériologie, la médecine dentaire, la musicologie, la puériculture, la nutrition, la philosophie
et la médecine, ainsi que les services de soins de santé, permettent de cerner toutes les
caractéristiques des communautés isolées et de dégager un tableau beaucoup plus complet en
ce qui concerne des aspects tels que les réponses culturelles et biologiques de ces
communautés aux particularités de leur environnement, leur compréhension de la santé et des
maladies, les lois naturelles guidant l'agriculture, la sédentarisation et l'architecture, et leur
cosmogonie.