Selon Dunoyer, précurseur en cela de Bastiat, le plus grand obstacle à la liberté, c’est l’homme
lui-même, son ignorance, ses passions, sa cupidité, son penchant à asservir et dominer ses
semblables. Autrement dit, le dernier mot de l’école libérale française est d’ordre moral.
En effet, le seul moyen de diminuer cet obstacle, selon Dunoyer, est de résister
courageusement à toute violence, à toute injuste atteinte contre la personne ou la propriété
d’autrui et à respecter scrupuleusement ses droits. La liberté des nations grandit à mesure
qu’elles deviennent plus industrieuses, plus éclairées et surtout plus morales.
Un temps viendra, il faut l’espérer, où les œuvres de Charles Dunoyer seront rééditées en
France. Parmi elles, citons 1° L’Industrie et la Morale considérées dans leurs rapports avec la
liberté (Paris, Sautelet, 1825), refondu en 1845, dans les trois volumes intitulés : De la Liberté
du travail ou simple expose des conditions dans lesquelles les forces humaines s’exercent avec
le plus de puissance (Paris, Guillaumin) ; 2° les articles « Production » et « Gouvernement »
insérés dans le Dictionnaire d’Économie politique de Coquelin (Guillaumin) ; 3° Sa Notice
historique sur l’industrialisme publiée dans la Revue Encyclopédique, en 1827 ; 4° Le recueil
posthume de ses œuvres en 1870, intitulé : Notices d’Économie sociale (Guillaumin).
Léonard Liggio, dans son texte, restitue avec force les débats intellectuels de cette époque
charnière de l’histoire politique française, alors animée par des changements de régimes
politiques réguliers. Il éclaire les points de divergences entre d’une part l’école française du
libéralisme qui fonde sa défense de la liberté sur des bases déontologiques et sur le droit
naturel, à partir d’une vision optimiste de l’homme (perfectibilité humaine), et de l’autre
l’école anglaise, incarnée entre autre par Godwin, qui théorise une version utilitariste du
libéralisme avec une vision pessimiste de l’homme. Par ailleurs, il restitue l’affrontement
intellectuel entre les industrialistes Saint-simoniens, précurseurs du socialisme moderne, et les
industrialistes libéraux qui, dans la lignée de Say, se font les avocats du développement de
l’industrie, des technologies, par la libre-entreprise et le respect des lois économiques. Au-delà
de ces débats intellectuels, l’auteur du présent ouvrage permet au lecteur de prendre conscience
de l’importance qu’occupaient Charles Dunoyer et Charles Comte et leurs proches dans la vie
politique de l’époque.
La nébuleuse libérale était pleinement intégrée aux salons de réflexion politique (notamment
celui du marquis de Lafayette) et aux débats politiques de l’époque auxquels ils participaient
activement notamment à travers Le Censeur Européen. Ils menèrent de nombreux combats
parmi lesquels nous pouvons retenir leur lutte pour la liberté de la presse, en réaction à la
censure qui se met en place lors de la Première et de la Seconde Restauration (Dunoyer fit
d’ailleurs un séjour en prison et Comte dut s’exiler pendant cinq ans), la critique du régime
autoritaire de Charles X et une implication directe dans les journées de juillet 1830, sans
compter leur place de premier plan dans les débats intellectuels et académiques de l’époque
avec Stendhal, Benjamin Constant ou Saint Simon.
L’auteur du texte que nous présentons, Leonard Liggio, est né le 5 juillet 1933. Ancien
étudiant du séminaire que Ludwig von Mises donnait à la Graduate School of Business
Administration de l’université de New York, il a enseigné au Département d’Histoire à Iona
College, New Rochelle, et à celui du City College de New York. Ancien président de
l’Institute for Humane Studies à l’université George Mason à Fairfax en Virginie, il est depuis
1994 Vice-Président de l’Atlas Economic Research Foundation à Washington DC. Le détail de
cette vie, qui fut toute consacrée à la promotion des idées de liberté, de paix et de