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ÉCONOMIE
contre l’inflation »
accusée de tous les maux. A commencer,
justement, par la flambée des prix…
Quant à Ségolène Royal, pendant sa
campagne présidentielle, elle trouvait
que vous aviez bien trop de pouvoir
pour quelqu’un qui n’avait pas été élu.
Que ressent-on lorsqu’on est la tête de
Turc de la classe politique française?
Je crois que la France a une spécificité
incontestable : son débat public est particulièrement vif et souvent tendu. Je
peux comparer l’ensemble des cultures
européennes et il me semble que ce trait
culturel particulier se manifeste dans
tous les domaines et pas seulement dans
le domaine monétaire. Lorsque j’étais
gouverneur de la Banque de France, j’en
avais conclu que c’était en fait un privilège que d’exercer une responsabilité
au sein d’une culture si exigeante. Cela
dit, depuis plusieurs mois, je n’entends
plus les critiques auxquelles vous faites
allusion. Chacun voit bien, dans les circonstances présentes, que le maintien
de la stabilité des prix est très important. C’est ce que le traité de Maastricht
nous demande de faire. C’est aussi la
volonté de tous nos concitoyens. Assurer
la stabilité des prix, c’est ce que nous
demandent en particulier les plus démunis et les plus vulnérables.
Plus de trois Français sur quatre soutiennent l’indépendance de la Banque
centrale européenne vis-à-vis des gouvernements et notre mission : assurer
la stabilité des prix. Personne ne croit
sérieusement qu’avec une forte inflation
tout irait mieux pour la croissance et
l’emploi. S’agissant de la stabilité des
prix, le message du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne
est clair. Nous ne devons pas tolérer que
les hausses actuelles des prix du pétrole,
des matières premières et des produits
agricoles se diffusent à l’ensemble des
prix et des salaires. Ce serait une spirale
inacceptable mettant en danger durablement la stabilité des prix, la croissance et la création d’emplois. On en a
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Cela veut donc dire que, pour vous, la
France est sur la bonne voie?
Le diagnostic de la Banque centrale
européenne sur l’ensemble de l’Europe,
qui rejoint totalement celui de la Banque
de France sur l’économie française, c’est
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On ne le sait pas assez, mais l’économie
française et l’économie européenne ont
créé beaucoup d’emplois depuis la création de l’euro. Le premier succès de la
zone euro, c’est qu’elle a créé 15 millions
d’emplois depuis sa création, un peu
plus que les Etats-Unis eux-mêmes dans
la même période et environ quatre fois
plus que dans le même laps de temps
avant l’euro. La France a créé
2 177 000 emplois en huit ans et demi,
depuis la création de l’euro, contre
516 000 pendant les huit années et demie qui ont précédé sa création.
Lorsqu’il se déplace pour « vendre » sa BCE et expliquer sa politique monétaire, Jean-Claude Trichet
ne manque jamais une occasion d’appuyer ses démonstrations et de justifier ses arguments par de
petits tableaux statistiques. En voici trois parmi ses
favoris, destinés à ses interlocuteurs français.
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Lorsque l’euro a été adopté, il s’agissait
de créer une zone de prospérité… Mais,
aujourd’hui, comment expliquez-vous
que nous soyons à la traîne de la
croissance mondiale?
Les petits tableaux
du professeur Trichet
S’il n’y avait que les politiques… Mais les
Français sont eux aussi fâchés avec
l’euro. La monnaie européenne est
eu l’expérience douloureuse en Europe
avec le premier choc pétrolier en 19731974.
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SOURCES : EUROSTAT, BCE/ MAURO BOTTARO/ROPI-REA
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ÉCONOMIE
« L’économie française pourrait faire beaucoup mieux
grâce aux réformes nécessaires. »
La Suisse, la Grande-Bretagne,
le Danemark… Ces pays s’en sortent très
bien sans l’euro. A quoi sert la monnaie
unique?
La prospérité et la création d’emplois
ne dépendent évidemment pas seulement de la politique monétaire, mais
aussi des politiques économiques na96 | 13 mars 2008 | Le Point 1852
tionales poursuivies dans les domaines
non monétaires et, tout particulièrement, dans celui des réformes. Mais
vous citez le Danemark à juste titre. Le
Danemark est de facto de par sa propre
volonté dans la zone euro. C’est donc
un argument pour la zone euro ! Quant
à la Grande-Bretagne, dont les succès
sont liés à ses réformes, qui aurait pu
imaginer qu’un pays très proche, l’Irlande, aurait aujourd’hui un niveau de
vie et une croissance supérieurs à ceux
du Royaume-Uni ? L’Irlande est dans la
zone euro !
qu’en dépit d’une création d’emplois
bien meilleure depuis l’euro la France
pourrait certainement faire beaucoup
mieux encore. Plus de croissance à long
terme, plus d’emplois et plus de prospérité sont possibles moyennant la poursuite d’une politique de réformes. Nous
soutenons la politique de réformes. A
titre d’exemple, le marché du travail
n’est pas assez souple. Il est très important, dans l’environnement économique
actuel, que les entreprises puissent prendre très rapidement les décisions requises par leur adaptation permanente. Au
sein de la zone euro, l’Irlande offre un
exemple remarquable de réussite économique fondée sur la souplesse du
marché du travail. Et le Danemark, qui
est de facto lui aussi au sein de la zone
euro, nous donne également un exemple de formidable réussite et de pleinemploi grâce à un marché du travail très
souple, qui ne met pas en cause pour
autant la qualité de la protection sociale.
Second exemple, le niveau très élevé
des dépenses publiques totales freine
la croissance. La France a le niveau de
dépenses, en proportion du PIB, le plus
élevé de la zone euro et, ex aequo avec
la Suède, le plus élevé de l’Union européenne. Mais ce que l’on sait moins,
c’est que depuis la création de l’euro la
France a encore augmenté ses dépenses
en proportion du PIB, tandis que la Suède
les a diminuées de 7 % du PIB et continue de le faire ! Un troisième exemple
possible de réforme serait celui de l’éducation et de l’enseignement supérieur :
dans une économie mondiale de la
connaissance, l’Université française n’a
pas encore le niveau d’excellence qui
serait nécessaire. Cela a été, entre autres,
très bien souligné dans le rapport Attali.
Bref, l’économie française pourrait faire
beaucoup mieux grâce aux réformes nécessaires. C’est vrai de l’économie française. C’est vrai aussi de l’ensemble de
l’économie de la zone euro.
!
!
« Les mouvements désordonnés des taux
de change sont indésirables du point de vue
de la croissance économique. »
Mais, quand on regarde pays par pays les
efforts des uns et des autres, on a
souvent le sentiment que l’euro est une
prime aux mauvais élèves.
D’abord, il faut choisir entre les critiques ! On ne peut pas dire à la fois que
l’euro est un handicap et que l’euro est
une protection finalement trop efficace !
L’euro est avant tout une chance pour
l’Europe. Celle consistant à parachever
le projet des pères fondateurs : un marché unique à monnaie unique pour le
continent entier assurant plus de stabilité, plus de prospérité et de création
d’emplois. En même temps, l’euro nous
protège de certaines turbulences. Songez
que depuis la mise en place de l’euro
nous avons traversé l’éclatement de la
bulle Internet, le 11 septembre 2001, la
flambée des prix pétroliers et la crise
financière actuelle. Songez à ce qui se
serait passé face à des turbulences de
cette ampleur si chaque pays de l’eurozone avait eu sa propre monnaie. L’euro
a joué aussi le rôle d’un bouclier efficace. Aux pays qui l’ont adopté de faire
le meilleur usage tant de cette chance
que de cette protection. Avec ou sans
euro, les politiques budgétaires saines,
les réformes structurelles et la modération des coûts de production sont récompensées par plus de croissance et
plus de création d’emplois.
Parmi les critiques les plus virulentes,
il y a la question de votre indépendance.
Seriez-vous prêt à accepter un droit de
regard des politiques sur vos décisions,
comme certains le réclament?
L’indépendance de la BCE est fondamentale. Elle est gravée dans le traité.
Elle est au cœur de notre crédibilité.
Elle est soutenue par nos 320 millions
de concitoyens de la zone euro.
L’indépendance des banques centrales
fait maintenant l’objet d’un consensus
mondial. Mais ce n’est pas la BCE qui
s’est donné à elle-même l’indépendance.
Ce sont les démocraties européennes.
Dans le cas français, la Constitution de
la Ve République a été modifiée en
1992 par un consensus bipartisan droitegauche à la majorité qualifiée des trois
cinquièmes du Congrès. Puis il y a eu
le référendum populaire. Puis deux votes au Parlement. Toutes les démocraties européennes ont ratifié le traité
selon leurs propres règles démocratiques. La BCE indépendante comme la
Banque de France indépendante sont
les filles de la volonté démocratique de
la France et des autres démocraties
européennes. Par ailleurs, le traité a organisé de manière scrupuleuse les relations entre la BCE indépendante et les
institutions politiques. En tant que président de la BCE, je suis plus de cinq
fois par an devant le Parlement européen. C’est plus qu’aux Etats-Unis. Le
président de l’Eurogroupe et le commissaire compétent sont invités à toutes les réunions du Conseil des gouverneurs deux fois par mois. Je vois les
ministres des Finances de la zone euro
au sein de l’Eurogroupe une fois par
mois. Et les gouverneurs des banques
centrales nationales, qui sont elles-mêmes indépendantes (Christian Noyer
en France), sont tous membres du
Conseil des gouverneurs et ont leurs
propres relations avec les autorités politiques nationales § PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICK
BONAZZA ET ROMAIN GUBERT
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