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PRÉSENTATION DU LIVRE JÉSUS DE NAZARETH
Pendant presque un siècle cette recherche s’est développée exclusivement en
milieu protestant. Le rationalisme régnant dans ces études finit toutefois par
séduire également dans le camp catholique. En 1863, Renan, qui avait été
séminariste catholique, publie sa Vie de Jésus qui aura un énorme succès
en France. Dans la préface de cette œuvre il affirme : « Jour et nuit, j’ose le
dire, j’ai réfléchi à ces questions, qui doivent être agitées sans autres préjugés
que ceux qui constituent l’essence même de la raison »1. Cette déclaration
d’intention partait malheureusement d’une conception de la raison profon-
dément rationaliste, fille de son époque. Ce texte sur la question des miracles
est un exemple clair de ses a priori :
« Les miracles racontés par les Évangiles n’ont pas eu de réalité, [et] les
Évangiles ne sont pas des livres écrits avec la participation de la Divinité.
Ces deux négations-là ne sont pas chez nous le résultat de l’exégèse ; elles
sont antérieures à l’exégèse. Elles sont le fruit d’une expérience qui n’a
point été démentie. Les miracles sont de ces choses qui n’arrivent jamais ;
les gens crédules seuls croient en voir ; on n’en peut citer un seul qui se
soit passé devant des témoins capables de le constater ; aucune intervention
particulière de la Divinité ni dans la confection d’un livre, ni dans quelque
événement que ce soit, n’a été prouvée. Par cela seul qu’on admet le surnaturel,
on est en dehors de la science, on admet une explication qui n’a rien de
scientifique, une explication dont se passent l’astronome, le physicien, le
chimiste, le géologue, le physiologiste, dont l’historien doit aussi se passer.
Nous repoussons le surnaturel pour la même raison qui nous fait repousser
l’existence des centaures et des hippogriffes : cette raison, c’est qu’on n’en a
jamais vu. Ce n’est pas parce qu’il m’a été préalablement démontré que les
évangélistes ne méritent pas une créance absolue que je rejette les miracles
qu’ils racontent. C’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis :
« Les Évangiles sont des légendes ; ils peuvent contenir de l’histoire, mais
certainement tout n’y est pas historique »2.
Le cas de Renan ne sera pas le seul épisode polémique chez les catholiques.
Au début du XXe siècle, Alfred Loisy, d’abord paladin catholique qui s’op-
posait aux attaques de A. von Harnack contre le fondement historique du
christianisme, finit, lui aussi, par nier l’historicité des récits de la Passion et
de la Résurrection tout comme l’intention de Jésus de fonder l’Église.
La conclusion de cette première phase de recherche sur la vie de Jésus est
constituée par l’œuvre d’Albert Schweitzer, Histoire de la recherche sur la vie
1 Ernest R, Vie de Jésus, Gallimard, Paris, 1974, p. 39.
2 Ibid., pp. 35-36.