Investissement : gare aux fausses bonnes idées

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Investissement : gare aux fausses
bonnes idées
Commentaire
Que les marchés soient haussiers ou
baissiers, les investisseurs institutionnels/
particuliers et leurs conseillers recherchent
des idées d’investissement capables
d’accroître leurs performances, de réduire
leurs risques, voire les deux à la fois. Que
cela entre dans le cadre de leurs
responsabilités ou d’un besoin, ils
réfléchissent à de nouvelles idées pour
améliorer le profil de leurs portefeuilles.
Bien que toutes les nouvelles idées
d’investissement ne soient pas dénuées
d’intérêt, ces innovations répondent trop
souvent à un besoin actual ou constituent
une « solution parfaite » aux défis des
années passées. En règle générale, ces
solutions ont vocation à mieux maîtriser les
risques sur un marché baissier et volatil ou
à capter davantage le potentiel d’un marché
haussier. Pour mieux évaluer ces
opportunités, les investisseurs doivent
comprendre parfaitement les hypothèses
sur lesquelles elles reposent et éviter de
prendre une décision émotionnelle motivée
par l’extrapolation des performances
historiques. C’est particulièrement vrai dans
des contextes de bulle ou de correction,
lorsque les émotions prennent le dessus.
Dans ces circonstances, les investisseurs
peinent souvent à discerner les vraies «
innovations » des « fausses bonnes idées
», à savoir les idées d’investissement
convaincantes ou séduisantes que l’on peut
difficilement ignorer, mais qui n’offrent aucun
avantage sur le long terme. Nombreuses sont
les personnes pourtant avisées qui se
laissent berner par ces fausses bonnes idées,
et ce en partie sous l’effet de biais identifiés
par les recherches en finance
comportementale, notamment l’aversion aux
pertes et la confiance excessive.1
Cet article a pour objectif de mettre en garde
les investisseurs en toute franchise et de les
sensibiliser à cette problématique en leur
présentant des exemples d’idées a priori
bonnes qui n’ont pas fonctionné et en les
aidant à déceler les pièges des marchés
d’aujourd’hui.
En conclusion, nous pensons que les
investisseurs peuvent éviter les fausses
bonnes idées en :
• respectant en permanence une définition
précise du succès en matière
d’investissement : quel est votre objectif
et pour quelles raisons ? Si votre objectif
n’est pas atteint, quelles sont les
conséquences/coûts ?
• identifiant et en évaluant les moteurs de
performance : Pour quelle(s) raison(s) leur
approche est-elle censée fonctionner ?
Dans quelle(s) circonstance(s) leur
approche peut-elle ne pas fonctionner ?
Leur approche est-elle dépendante du
cycle ou des conditions de marché ?
1 Pour un résumé des principes de finance comportementale, cf. : Behavioural Finance: Understanding how the mind can help or
hinder investment success, de Byrne et Utkus, Vanguard Asset Management, 2010.
Réservé exclusivement aux Investisseurs professionnels, selon la définition de la Directive MiF.
Il a pour unique objectif de former et d’informer. Il ne constitue pas une recommandation ni une
sollicitation d’achat ou de vente de placements.
Auteur
Jeff Molitor,
Directeur des
investissements
en Europe
Connaître ses objectifs
Comme l’écrivait Lewis Carroll : « Si vous
ne savez pas où vous allez, n’importe quel
chemin vous y mènera ». En l’absence d’une
définition claire du succès et de garde-fou
capables de vous maintenir sur le bon
chemin, tout concept laissant espérer des
performances élevées ou une volatilité
potentiellement plus faible peut sembler
intéressant. En définitive, les investisseurs
doivent avoir une vision claire des profils de
rendement/risque qui sont adéquats pour un
ensemble d’actifs donné. En d’autres termes,
quelle performance ont-ils besoin d’atteindre
sur une période donnée et quels risques
sont-ils ou non disposés à prendre ?
Voici quelques questions à se poser si vous
envisagez d’adopter une nouvelle stratégie
d’investissement :
• La comprenez-vous clairement ?
• Quels sont ses moteurs de performance ?
• Semble-t-elle « trop belle pour être vraie » ?
• Pourquoi une stratégie spécifique serait-elle
capable de générer des performances
solides à l’avenir ?
• Dans quelles circonstances pourrait-elle
échouer ?
• Quelles hypothèses implicites vous laissent
à penser que cette approche fonctionnera ?
• Quel est le talent du gérant ?
• Des inefficiences de marché exploitables
(et susceptibles de disparaître)?
• Avez-vous remis en question vos
hypothèses pour vérifier que votre analyse
ne repose pas sur des opinions erronées ou
des biais comportementaux ?
• Votre société a-t-elle le talent et l’expertise
pour mettre en œuvre cette stratégie, soit
directement soit en sélectionnant et en
contrôlant des gérants externes ?
Cet article offre un panorama rétrospectif de
plusieurs innovations qui se sont révélées
être des fausses bonnes idées. Ces
stratégies et concepts ont tous suscité un vif
intérêt pour des raisons valables mais leurs
défauts ont fini par décevoir les
investisseurs. Nous espérons qu’après avoir
lu cet article, vous serez davantage en
mesure de faire la distinction les fausses
bonnes idées et les innovations financières
dignes d’intérêt.
130/30
• Concept – Autoriser une équipe de
gérants spécialisés (ou un modèle
quantitatif) à utiliser l’intégralité de ses
expertises pour évaluer et sélectionner
des titres financiers. Permettez-lui
d’investir plus de 30 % des actifs du
portefeuille dans des titres censés avoir
un important potentiel haussier et de
vendre à découvert des actifs censés
avoir un important potentiel baissier, à
hauteur de 30 % du portefeuille.
• Attrait – Ce concept promettait des
performances plus élevées et des
portefeuilles plus efficients. Les
investisseurs pensaient obtenir 30 %
d’alpha en plus sur les paris à la hausse et
également 30 % de plus sur les positions
vendeuses, sans recours à l’effet de
levier. Pour les investisseurs
institutionnels, la perspective d’une valeur
ajoutée supplémentaire de 60 % sans
accroître la volatilité était trop bonne pour
être ignorée. L’acceptation collective de
ce type de stratégie et l’émulation qui en
a découlé ont également créé un contexte
propice. Les stratégies 130/30 ont été
fréquemment évoquées lors de
nombreuses conférences, elles ont
bénéficié d’une large couverture
médiatique dans la presse spécialisée et
promues par une multitude de sociétés de
conseil. Cette stratégie adoptait une
approche typique du secteur des hedge
funds mais, malgré des frais plus élevés
que les fonds long-only traditionnels, était
assortie de prix plus faibles que ceux
pratiqués par les véritables hedge funds.
• Résultat – Peu de sociétés de gestion ont
réussi à générer l’alpha anticipé par les
calculs rétrospectifs de leurs modèles.
Parmi les approches utilisées, beaucoup
reposaient sur des modèles présentant un
biais en faveur du style de gestion value
(titres décotés). Mais lorsque de
nombreux modèles quantitatifs ont été
mis à mal lors de la seconde partie de la
dernière décennie, les adeptes des
portefeuilles 130/30 ont perdu sur les
deux tableaux : les positions acheteuses
supplémentaires ont sous-performé les
positions vendeuses, créant ainsi un
système générateur d’alpha négatif. Les
investisseurs ont donc payé des frais plus
élevés que pour un fonds long-only
traditionnel, mais pour des performances
inférieures.
Assurance de portefeuille
• Concept – Élaborée par des professeurs
émérites de l’Université de Berkeley en
Californie, cette stratégie répliquait de
manière synthétique l’approche d’une
option de vente sur un portefeuille. Les
investisseurs pouvaient ainsi accroître leur
exposition (ou laisser leur allocation se
renforcer démesurément) aux actifs
risqués (actions par exemple) au-delà de
leurs objectifs à long terme tant que la
valeur de ces derniers continuait à
augmenter. L’exposition pouvait être
allégée dès que la performance relative
des titres fléchissait et liquidée à tout
moment.
• Attrait – Cette approche a séduit de
nombreux responsables de fonds de
pension et comités de fonds
d’investissement espérant pouvoir doper
leur « rendement total » sans prendre de
risque supplémentaire, ce qui leur
conférait un avantage par rapport à leurs
pairs. L’assurance de portefeuille semblait
donc offrir un scénario gagnant-gagnant.
• Résultat – Cette approche faisait
l’hypothèse et dépendait fortement de
l’existence en continu de marchés
liquides. Mais les pressions vendeuses
sur les titres détenus dans les produits
d’assurance de portefeuille ont
déclenché une violente correction le 19
octobre 1987. Les gérants de produits
d’assurance de portefeuille n’ont pas pu
réduire assez rapidement l’exposition aux
actions de leurs clients, et comme le
marché était caractérisé par une
multitude de vendeurs face à de rares
acheteurs, les investisseurs n’ont pas pu,
comme ils l’avaient anticipé, se réfugier
vers les actifs obligataires. Les produits
d’assurance de portefeuille se sont donc
effondrés et ont largement contribué au
krach d’octobre 1987. Les promesses
alléchantes se sont révélées illusoires.
Fonds de hedge funds
• Concept – Les fondations (endowments)
des universités telles que Yale, fortes
d’équipes étoffées et de dispositifs
sophistiqués, ont gagné l’admiration de
nombreux investisseurs depuis qu’elles
ont commencé à investir avec succès
dans les actifs dits « alternatifs »
(comme les hedge funds). Grâce à une
sélection judicieuse des meilleurs hedge
funds, les fondations de haut vol ont
enregistré des performances plus
robustes et moins volatiles que si elles
avaient utilisé des portefeuilles long-only
traditionnels. Les institutions plus
modestes et les particuliers étaient
enthousiastes à l’idée de participer à une
stratégie qui proposait des performances
attractives et une faible corrélation avec
les actions. Mais sans les équipes et
l’expertise des grandes fondations, il leur
fallait adopter une approche différente
pour s’exposer à un panel diversifié de
gérants.
• Attrait – Avec les fonds de hedge funds,
les institutions plus modestes
bénéficieraient d’une équipe
professionnelle capable d’évaluer, de
sélectionner et de surveiller les hedge
funds sous-jacents, expertises dont elles
ne disposaient pas en interne.
• Résultat – Les investisseurs ont
naïvement considéré que les hedge funds
constituaient une classe d’actifs à part
entière. En réalité, ils regroupent un vaste
ensemble de stratégies de gestion active
dénuées de mécanisme de génération de
performance similaire à ce qui existe pour
les actions, les obligations et les liquidités.
En outre, nombre de sociétés proposant
des fonds de hedge funds étaient plus
douées pour vendre le concept que pour
évaluer et sélectionner les gérants. Le fait
d’ajouter leurs propres frais (par ex. 1 %
des actifs et 10 % des gains) aux
commissions déjà élevées des gérants
(par ex. sur le modèle « 2 et 20 ») ne
laissait que des miettes aux clients.
Souvent, le pool de gérants était loin
d’être aussi diversifié que promis, et se
révélait toujours corrélé aux actions.
Finalement, seuls quelques rares fonds de
hedge funds ont donné le change, alors
que certains n’étaient rien d’autre que des
chaînes de Ponzi.
Le momentum
• Concept – Au moins une fois par
génération, un concept capte toute
l’attention des investisseurs. Ces
concepts ont en commun leur historique
de performance récent : ils surperforment
toutes les autres idées d’investissement.
Les investisseurs s’exposant très tôt à
ces concepts obtiennent généralement
des performances très élevées, alors que
ceux qui ont tardé à se positionner
cherchent à voir si leurs effets bénéfiques
vont se prolonger. Aucun investisseur
n’apprécie de rester sur la touche. Dans la
quasi-totalité des cas, il existe des
arguments suffisants pour rationaliser ou
justifier la pertinence d’une idée
d’investissement, voire sa pérennité.
Apparu au début des années 70, le
concept des « Nifty Fifty » faisait
référence à un groupe d’entreprises
jugées si robustes qu’une seule décision
était possible à leur égard : acheter leurs
actions et les conserver ad vitam
æternam. Vingt-cinq ans plus tard, les
valeurs technologiques ont fait fureur, les
entreprises de ce secteur étant jugées à
l’avant-garde d’une nouvelle ère dans les
domaines des communications, de la
distribution, etc. Entre 2001 et 2007, les
titres adossés à des crédits
hypothécaires (MBS) semblaient offrir
des rendements mirifiques, durables et
faiblement risqués.
• Attrait – Pour les investisseurs
institutionnels et les particuliers, difficile
de ne pas être perturbé par des
questions du genre « Qu’est-ce que j’ai
manqué » ? Que savent-ils que je ne
sache pas ? Et si j’ai tort de ne pas
m’engager.... ? » En réalité, un
investisseur avisé sait faire preuve
d’humilité et n’hésite pas à remettre en
question ses propres hypothèses. En
outre, à mesure que ces concepts
continuent à surperformer, les
investisseurs ont de plus en plus de mal
à résister la tentation.
• Résultat – De la bulle de la tulipe aux
Pays-Bas au 16ème siècle jusqu’à
aujourd’hui, les tendances
d’investissement liées au momentum
finissent généralement mal.
L’effondrement des Nifty Fifty en 197374, le krach des valeurs Internet en 2001
et le début de la crise financière
mondiale en 2007 sont autant de preuves
du prix à payer pour avoir voulu surfer
sur le momentum des marchés.
Là-encore, chercher à savoir précisément
pourquoi une idée peut fonctionner est
bien plus important que de s’attarder sur
ses performances passées.
L’alpha portable
• Concept – Les produits dérivés
permettent de « collecter » l’alpha, à
savoir le talent du gérant en matière de
sélection des titres ou des classes
d’actifs, que le bêta du marché soit
positif ou négatif. Autrement dit, cette
démarche permet de distinguer le talent
de sélection du gérant et l’évolution du
marché sous-jacent en se couvrant
du bêta.
• Attrait – Cette stratégie promettait des
performances positives dans toutes les
conditions de marché. En couvrant
l’exposition au marché, un gérant
talentueux pouvait accumuler de l’alpha
quand les marchés progressaient, se
repliaient ou étaient volatils. Par
exemple, si un marché subissait une
baisse de 8,5 % sur une année donnée
mais que le gérant perdait seulement 7
% (après imputation des coûts) après
avoir vendu des contrats à terme sur le
marché sous-jacent en début d’année, le
portefeuille enregistrerait une
performance de 1,5 %.
• Résultat – Les résultats se sont révélés
au mieux mitigés. Lorsque les gérants se
sont trompés, leurs erreurs ont été
amplifiées par l’effet de levier. En fait,
presque aucun gérant n’a réussi à créer
de la valeur, et l’existence d’« une poche
d’alpha disponible » attendant d’être
exploitée via une exposition aux actions
ou aux obligations s’est révélée n’être
qu’une vaste illusion.
Sélection des titres selon le ratio Sharpe
• Concept – L’un des piliers de la théorie
moderne de portefeuille est le concept
de maximisation de la performance par
unité de risque. Bill Sharpe a d’ailleurs
remporté le Prix Nobel d’économie pour
son travail sur ce sujet. Cette approche
présente également un intérêt
indiscutablement intuitif dans la mesure
où elle fait l’hypothèse de la
rémunération la plus élevée possible
pour le risque réellement pris.
• Attrait – Le ratio Sharpe se calcule
aisément en utilisant les performances
historiques. Il est simple et facilement
compréhensible car il permet d’établir
des classements clairs. Rien d’étonnant
donc à ce que cette notion ait aussi
séduit les membres des comités
d’investissement.
• Résultat – Le ratio Sharpe n’a jamais eu
vocation à devenir un outil de sélection
des titres financiers. En donnant un rôle
central aux données historiques, on
suppose qu’il est possible de prévoir les
performances, la volatilité et les
corrélations à partir de l’observation du
passé. Les ratios Sharpe « historiques »
sont très efficaces pour déterminer les
actifs qui se sont bien comportés sur
une période passée spécifique
Malheureusement, comme les marchés
et les environnements évoluent, ce qui a
fonctionné jadis sur une période donnée
peut, ultérieurement, ne pas reproduire
les mêmes résultats. Ceux qui ont utilisé
ce ratio pour sélectionner des titres, des
gérants ou des stratégies ont été
nombreux à payer le prix d’avoir pensé
que l’avenir serait pareil au passé.
Portefeuilles à performance absolue
• Concept – Les investisseurs devraient
plus chercher à générer une performance
absolue régulière qu’une performance
relative robuste. Compte tenu des
vicissitudes régulières des classes
d’actifs, les investisseurs ont davantage
intérêt à s’exposer à des portefeuilles
capables d’offrir des performances
raisonnables quel que soit le contexte
d’investissement.
• Attrait – Dans le sillage de la crise
financière de 2008-2009, les portefeuilles
et les stratégies de portefeuille qui, durant
la crise, ont enregistré non sans mal des
performances moins erratiques que les
portefeuilles traditionnels ont été très
prisés. La capacité de résistance face aux
chocs de marché a été l’un des critères
favoris des investisseurs.
• Résultat – Certaines stratégies ont certes
tenu leur rang. Mais très peu de
portefeuilles ont offert la sécurité promise
et démontré leur capacité de résistance
dans toutes les circonstances. Les
gérants ne bénéficient tout simplement
d’aucun outil (ou d’aucune connaissance
suffisante de l’avenir) pour prévoir les
événements futurs et construire le « bon
portefeuille ». Plus concrètement, la
plupart des fournisseurs de portefeuilles à
performance absolue ont fait des
promesses qu’ils n’ont pas pu tenir.
Éviter les fausses bonnes idées
Il est bien plus facile d’identifier les fausses
bonnes idées d’investissement après s’être
laissé berner par l’une d’entre elles . Les
décisions d’investissement sont trop
souvent influencées par le concept même
d’une idée et l’attrait qu’elle présente,
déterminés la plupart du temps par son
succès récent. Les investisseurs ne doivent
pas se contenter de ces attributs tape-àl’œil, mais plutôt chercher à comprendre ce
qui a fait le succès récent de la stratégie et
les raisons pour lesquelles elle pourrait ou
non fonctionner à l’avenir.
Quelle que soit l’opportunité
d’investissement, il est primordial d’avoir
dès le début une idée claire et objective de
votre situation (par ex. actif/passif ou
dépenses prévues, capacité à tolérer la
volatilité, aptitude à identifier les talents,
capacité à évaluer les idées) et la définition
que vous vous faites du « succès ». Après
tout, les gisements d’actifs financiers
n’existent que pour répondre à un besoin
futur.
A chaque portefeuille devrait correspondre
une idée précise du succès, par exemple le
financement d’un régime de retraite sur une
période donnée ou procurer des flux
opérationnels pérennes dans le cas d’une
fondation. Pour évaluer de nouvelles
propositions d’investissement, commencez
par vous interroger sur la manière dont une
idée peut contribuer/entraver votre succès.
L’un des exemples les plus connus du
risque induit par l’absence d’une définition
claire du succès est la réticence historique
de nombreux fonds de pension à
prestations prédéfinies à adopter une
stratégie de gestion actif-passif (ALM). Aux
États-Unis, beaucoup de ces fonds ont
souffert du dilemme de Lewis Carroll : ils
n’ont pas été en mesure de définir le
succès en termes de résultat
d’investissement précis par rapport à leur
passif. Ils ont préféré :
• maximiser la performance absolue pour
conserver un niveau supérieur au taux de
rendement supposé du régime ; ou,
• rester proches d’un « groupe de pairs »
de fonds de pension.
En réalité, la seule raison d’être d’un fonds
de pension à prestations définies est de
financer des engagements. Il n’y a aucun
avantage à ne pas minimiser le risque
extrême (celui d’une explosion des
engagements concomitante à une baisse
des taux), alors qu’il est relativement simple
de faire coïncider la durée de vie des actifs
avec celle des passifs. Toutefois, il était
bien plus facile de trouver des sponsors
intéressés par l’assurance de portefeuille
dans les années 1980 ou les stratégies
130/30 entre 2001 et 2008 que de trouver
des régimes disposés à instaurer un cadre
de gestion actif-passif. Les décideurs se
fixaient trop souvent des objectifs
inadéquats, ce qui leur permettait de
justifier l’utilisation des nouvelles stratégies
de « rendement total ».
Quels sont fausses bonnes idées
d’aujourd’hui ?
En gardant à l’esprit ces observations
rétrospectives, essayons de déterminer
quelles sont les concepts d’investissement
séduisants d’aujourd’hui qui seront
considérés comme de fausses bonnes
idées d’ici quelques années.
Quelques candidats potentiels : la
multiplication des types d’indices, les
obligations catastrophes et l’approche
smart beta.
Les obligations catastrophe
Les obligations catastrophe (connues sous
le nom anglais de cat bonds) constituent un
exemple très intéressant. Outre les
performances potentielles qu’elles
proposent, l’intérêt qu’elles présentent est
clair et témoigne de la propension actuelle
des investisseurs à délaisser les classes
d’actifs traditionnelles pour diversifier leurs
expositions.
Définition
Une obligation catastrophe est un titre de
dette à haut rendement émis par une
compagnie d’assurance ou de réassurance.
Elle verse un rendement à l’acheteur à
moins que ou jusqu’à ce que l’émetteur
subisse une perte liée à une catastrophe
prédéfinie, comme par exemple un ouragan
Le principal et les intérêts sont souvent
reportés voire complètement « annulées »
par l’acheteur/investisseur lorsqu’une
catastrophe se produit.
Quel est leur attrait ?
Puisque la quantité et la gravité des
événements météorologiques déterminent
la performance d’investissement des
obligations catastrophes, ils doivent être
complètement indépendants des facteurs
économiques et, partant, de la performance
des marchés actions et obligataires
traditionnels. En outre, le surcroît de
rendement offert par les obligations
catastrophe par rapport aux obligations
traditionnelles tranche clairement avec le
rendement réel négatif des dettes
souveraines de grande qualité.
Les questions à (se) poser
L’intérêt suscité par les obligations
catastrophe auprès des investisseurs
institutionnels est assez légitime. Mais en y
regardant de plus près, on constate que ces
instruments soulèvent des questions
auxquelles les investisseurs doivent savoir
répondre avant de les intégrer dans leur
portefeuille.
Premièrement, sur quoi se basent les
investisseurs pour évaluer la prime intégrée
dans le rendement par rapport à la probabilité
d’une catastrophe, météorologique ou autre
? Le comité d’investissement possède-t-il
l’expertise pour s’assurer que la prime de
rendement reflète fidèlement le risque sousjacent ? Pour les météorologues, il est
difficile d’évaluer correctement la probabilité
et l’amplitude des graves événements
climatiques, et complètement impossible
pour les simples amateurs. Face à genre
d’opportunité, les investisseurs doivent se
poser des questions spécifiques :
• Qui est l’émetteur ? Existe-t-il un déficit
d’information entre l’investisseur et
l’émetteur ?
• Quel est le motif de l’émission ? Les
obligations catastrophe étant censées
protéger l’émetteur en cas de risque,
l’investisseur accepte les « risques
extrêmes » et vend une assurance à
l’émetteur. Avez-vous vraiment les
connaissances nécessaires pour vendre
une assurance à une compagnie
d’assurance ?
L’approche Smart beta
Tout le monde ou presque parle aujourd’hui
des approches « smart beta », mais de quoi
s’agit-il vraiment ? Comme un « smart phone
», est-ce une idée révolutionnaire capable de
transformer radicalement un secteur d’activité
et nos styles de vie ? Peut-être pas.
Qualifier ces stratégies de smart («
intelligentes » en anglais) implique qu’elles
offrent des solutions d’investissement de
qualité supérieure. En réalité, les marchés
sont trop efficients pour offrir des « solutions
d’investissement miracles » reposant sur des
règles précises. Et il y a beaucoup trop de
gens intelligents qui cherchent à identifier et
à exploiter les inefficiences de marché.
L’idée de répliquer un indice non capi-pondéré
repose sur l’« imperfection » supposée des
indices capi-pondérés, car l’on fait alors
l’hypothèse que les marchés sont inefficients.
Pour appuyer leurs arguments, les adeptes de
cette approche mettent en avant la
surpondération des titres chers par le marché.
Pour cela, ils utilisent des données
historiques censées prouver que si un indice
avait pondéré ou sélectionné des titres selon
d’autres critères (que la capitalisation
boursière), cet indice aurait surperformé
l’indice traditionnel.
Le problème avec ce type de solutions c’est
qu’elles séduisent par leur capacité supposée
à relever les défis d’hier. Le marché actions
est un « jeu à somme nulle » : à chaque
gagnant correspond un perdant. Si une
stratégie reposant sur des règles simples se
démarque pendant une période, l’efficience
des marchés et le principe de retour à la
moyenne finissent toujours par s’imposer et
par rogner les « gains ».
Les stratégies sur indices efficients (smart
beta) appartiennent en général à l’une des
quatre catégories suivantes :
• Stratégies actives fondées sur des règles
prédéfinies
• Stratégies fondées sur les bêtas
factoriels
• Stratégies de bêta
• Le data mining (et ses miracles)
Stratégies actives fondées sur des règles
prédéfinies
Cette approche de gestion consiste à
appliquer des règles précises pour
sélectionner un échantillon du bêta ou
recalculer la pondération du marché dans
son ensemble. Ces règles prévoient deux
types de sélection :
• Sélection négative – exclusion des
valeurs possédant des caractéristiques
non souhaitées (ratio cours/ bénéfice
élevé ou grande capitalisation boursière)
• Sélection positive – sélection de valeurs
possédant des caractéristiques
recherchées (« durabilité » ou gestion
indicielle basée sur les fondamentaux)
De telles règles ont tendance à créer des
portefeuilles adaptés aux conditions de
marché des années précédentes. Cela
revient à se préparer pour la dernière
guerre, ce qui est rarement une solution
d’avenir.
Le data mining (et ses miracles)
Certains portefeuilles sont construits suivant
des critères précis qui, pris isolément,
peuvent paraître étranges, voire
déconcertants s’ils sont combinés. Par
exemple, certaines stratégies obligataires
smart beta utilisent des variables telles que
la surface totale d’un pays pour déterminer
sa pondération dans le portefeuille, tout en
prévoyant, sans raison précise, une
exposition importante aux devises de pays
émergents.
Une gestion active qui ne dit pas son nom ?
Pour utiliser de manière efficace les
stratégies smart beta, il est nécessaire
d’avoir une idée précise d’une part de
l’évolution future du couple rendement/risque
du segment de marché représenté par
l’approche smart beta et, d’autre part, des
segments du marché qui sont exclus
puisque, par définition, aucun segment n’est
éternellement privilégié ou délaissé. A de
nombreux égards, l’approche smart beta
évoque la tendance à la « rotation sectorielle
» de ces dernières décennies : populaire
mais rarement performante. De plus, elle
n’est pas sans rappeler le market timing, une
approche qui déçoit pourtant très souvent
ses adeptes.
Aussi tentantes qu’elles puissent paraître,
ces stratégies ne doivent en aucun cas être
considérées comme des « générateurs
perpétuels d’alpha ». Certaines peuvent se
révéler performantes pendant un temps,
mais les stratégies fondées sur des règles ou
des biais factoriels prédéfinis et capables de
battre le marché sur de longues périodes
(avant et après imputation des frais)
n’existent tout simplement pas. Dans le cas
contraire, cette caractéristique aurait disparu
par le jeu des arbitrages.
Utiliser des solutions et des produits sur
indices efficients – au détriment des indices
conventionnels – revient à mettre en pratique
ses prévisions d’évolution du couple
rendement/risque d’un segment spécifique
du marché, en étant convaincu d’être
rémunéré pour cette prise de risque.
La plupart des investisseurs qui y ont recours
doivent s’estimer plus smart que le reste du
marché, ou bien sont prêts à accepter un
couple rendement/risque atypique en raison
d’un besoin ou d’un biais particulier.
Le pari de ces personnes s’estimant
au-dessus de la moyenne est le suivant :
l’échantillon sélectionné enregistrera de
meilleures performances – absolues ou
corrigées du risque – sur la période
considérée, à partir de la mise en place de la
stratégie smart beta. Pour d’autres,
l’approche reviendra à accepter une
performance plus faible que celle du marché
en raison d’une préférence quelconque
(faible volatilité, approche ISR, etc.).
Pour résumer, il ne faut pas
systématiquement considérer les stratégies
smart beta comme des solutions permettant
de mieux gérer les problématiques
d’exposition au marché. Il faut donc les
utiliser avec beaucoup de prudence car,
comme toutes les autres stratégies, elles
auront leurs périodes de sous- et de
surperformance. L’histoire du market timing
nous enseigne une chose essentielle :
essayer de profiter des décalages de
valorisation des stratégies smart beta n’est
pas une solution viable. Un conseil aux
investisseurs : attention à ce que vous
achetez. Vous devez comprendre ce
qu’implique la stratégie smart beta que vous
avez choisie, vous devez connaître, par
conséquent, les segments de marché que
vous évitez et, surtout, vous devez faire
preuve d’intégrité lorsque vous évaluez votre
capacité (ou celle de votre société) à juger du
moment le plus propice pour acheter ou
vendre.
Conclusion
Investir avec succès n’est pas un exercice
aisé. Cela nécessite du discernement, de la
discipline, des objectifs clairement définis et
une connaissance des marchés financiers.
Considérer l’activité d’investissement
comme une course ou une compétition et
non comme une démarche de financement
d’un objectif futur peut vous faire
succomber aux fausses bonnes idées
d’investissement. Savoir ce que vous
achetez et la nature de la contribution de
cet investissement peut déjà vous aider à
atteindre votre objectif.
Les investisseurs ont à disposition de
nombreuses innovations , comme les
contrats à terme et les CDS, pour gérer
efficacement le risque et les performances,
mais leur tâche première consiste à
décrypter les nouvelles idées pour identifier
et comprendre les principes et les
hypothèses qui les sous-tendent. Ce n’est
qu’après avoir étudié ces facteurs qu’ils
pourront déterminer si l’opportunité qui se
présentent à eux est crédible ou s’il s’agit
du de la dernière « fausse bonne idée »
en date.
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