Investissement : gare aux fausses bonnes idées Commentaire Que les marchés soient haussiers ou baissiers, les investisseurs institutionnels/ particuliers et leurs conseillers recherchent des idées d’investissement capables d’accroître leurs performances, de réduire leurs risques, voire les deux à la fois. Que cela entre dans le cadre de leurs responsabilités ou d’un besoin, ils réfléchissent à de nouvelles idées pour améliorer le profil de leurs portefeuilles. Bien que toutes les nouvelles idées d’investissement ne soient pas dénuées d’intérêt, ces innovations répondent trop souvent à un besoin actual ou constituent une « solution parfaite » aux défis des années passées. En règle générale, ces solutions ont vocation à mieux maîtriser les risques sur un marché baissier et volatil ou à capter davantage le potentiel d’un marché haussier. Pour mieux évaluer ces opportunités, les investisseurs doivent comprendre parfaitement les hypothèses sur lesquelles elles reposent et éviter de prendre une décision émotionnelle motivée par l’extrapolation des performances historiques. C’est particulièrement vrai dans des contextes de bulle ou de correction, lorsque les émotions prennent le dessus. Dans ces circonstances, les investisseurs peinent souvent à discerner les vraies « innovations » des « fausses bonnes idées », à savoir les idées d’investissement convaincantes ou séduisantes que l’on peut difficilement ignorer, mais qui n’offrent aucun avantage sur le long terme. Nombreuses sont les personnes pourtant avisées qui se laissent berner par ces fausses bonnes idées, et ce en partie sous l’effet de biais identifiés par les recherches en finance comportementale, notamment l’aversion aux pertes et la confiance excessive.1 Cet article a pour objectif de mettre en garde les investisseurs en toute franchise et de les sensibiliser à cette problématique en leur présentant des exemples d’idées a priori bonnes qui n’ont pas fonctionné et en les aidant à déceler les pièges des marchés d’aujourd’hui. En conclusion, nous pensons que les investisseurs peuvent éviter les fausses bonnes idées en : • respectant en permanence une définition précise du succès en matière d’investissement : quel est votre objectif et pour quelles raisons ? Si votre objectif n’est pas atteint, quelles sont les conséquences/coûts ? • identifiant et en évaluant les moteurs de performance : Pour quelle(s) raison(s) leur approche est-elle censée fonctionner ? Dans quelle(s) circonstance(s) leur approche peut-elle ne pas fonctionner ? Leur approche est-elle dépendante du cycle ou des conditions de marché ? 1 Pour un résumé des principes de finance comportementale, cf. : Behavioural Finance: Understanding how the mind can help or hinder investment success, de Byrne et Utkus, Vanguard Asset Management, 2010. Réservé exclusivement aux Investisseurs professionnels, selon la définition de la Directive MiF. Il a pour unique objectif de former et d’informer. Il ne constitue pas une recommandation ni une sollicitation d’achat ou de vente de placements. Auteur Jeff Molitor, Directeur des investissements en Europe Connaître ses objectifs Comme l’écrivait Lewis Carroll : « Si vous ne savez pas où vous allez, n’importe quel chemin vous y mènera ». En l’absence d’une définition claire du succès et de garde-fou capables de vous maintenir sur le bon chemin, tout concept laissant espérer des performances élevées ou une volatilité potentiellement plus faible peut sembler intéressant. En définitive, les investisseurs doivent avoir une vision claire des profils de rendement/risque qui sont adéquats pour un ensemble d’actifs donné. En d’autres termes, quelle performance ont-ils besoin d’atteindre sur une période donnée et quels risques sont-ils ou non disposés à prendre ? Voici quelques questions à se poser si vous envisagez d’adopter une nouvelle stratégie d’investissement : • La comprenez-vous clairement ? • Quels sont ses moteurs de performance ? • Semble-t-elle « trop belle pour être vraie » ? • Pourquoi une stratégie spécifique serait-elle capable de générer des performances solides à l’avenir ? • Dans quelles circonstances pourrait-elle échouer ? • Quelles hypothèses implicites vous laissent à penser que cette approche fonctionnera ? • Quel est le talent du gérant ? • Des inefficiences de marché exploitables (et susceptibles de disparaître)? • Avez-vous remis en question vos hypothèses pour vérifier que votre analyse ne repose pas sur des opinions erronées ou des biais comportementaux ? • Votre société a-t-elle le talent et l’expertise pour mettre en œuvre cette stratégie, soit directement soit en sélectionnant et en contrôlant des gérants externes ? Cet article offre un panorama rétrospectif de plusieurs innovations qui se sont révélées être des fausses bonnes idées. Ces stratégies et concepts ont tous suscité un vif intérêt pour des raisons valables mais leurs défauts ont fini par décevoir les investisseurs. Nous espérons qu’après avoir lu cet article, vous serez davantage en mesure de faire la distinction les fausses bonnes idées et les innovations financières dignes d’intérêt. 130/30 • Concept – Autoriser une équipe de gérants spécialisés (ou un modèle quantitatif) à utiliser l’intégralité de ses expertises pour évaluer et sélectionner des titres financiers. Permettez-lui d’investir plus de 30 % des actifs du portefeuille dans des titres censés avoir un important potentiel haussier et de vendre à découvert des actifs censés avoir un important potentiel baissier, à hauteur de 30 % du portefeuille. • Attrait – Ce concept promettait des performances plus élevées et des portefeuilles plus efficients. Les investisseurs pensaient obtenir 30 % d’alpha en plus sur les paris à la hausse et également 30 % de plus sur les positions vendeuses, sans recours à l’effet de levier. Pour les investisseurs institutionnels, la perspective d’une valeur ajoutée supplémentaire de 60 % sans accroître la volatilité était trop bonne pour être ignorée. L’acceptation collective de ce type de stratégie et l’émulation qui en a découlé ont également créé un contexte propice. Les stratégies 130/30 ont été fréquemment évoquées lors de nombreuses conférences, elles ont bénéficié d’une large couverture médiatique dans la presse spécialisée et promues par une multitude de sociétés de conseil. Cette stratégie adoptait une approche typique du secteur des hedge funds mais, malgré des frais plus élevés que les fonds long-only traditionnels, était assortie de prix plus faibles que ceux pratiqués par les véritables hedge funds. • Résultat – Peu de sociétés de gestion ont réussi à générer l’alpha anticipé par les calculs rétrospectifs de leurs modèles. Parmi les approches utilisées, beaucoup reposaient sur des modèles présentant un biais en faveur du style de gestion value (titres décotés). Mais lorsque de nombreux modèles quantitatifs ont été mis à mal lors de la seconde partie de la dernière décennie, les adeptes des portefeuilles 130/30 ont perdu sur les deux tableaux : les positions acheteuses supplémentaires ont sous-performé les positions vendeuses, créant ainsi un système générateur d’alpha négatif. Les investisseurs ont donc payé des frais plus élevés que pour un fonds long-only traditionnel, mais pour des performances inférieures. Assurance de portefeuille • Concept – Élaborée par des professeurs émérites de l’Université de Berkeley en Californie, cette stratégie répliquait de manière synthétique l’approche d’une option de vente sur un portefeuille. Les investisseurs pouvaient ainsi accroître leur exposition (ou laisser leur allocation se renforcer démesurément) aux actifs risqués (actions par exemple) au-delà de leurs objectifs à long terme tant que la valeur de ces derniers continuait à augmenter. L’exposition pouvait être allégée dès que la performance relative des titres fléchissait et liquidée à tout moment. • Attrait – Cette approche a séduit de nombreux responsables de fonds de pension et comités de fonds d’investissement espérant pouvoir doper leur « rendement total » sans prendre de risque supplémentaire, ce qui leur conférait un avantage par rapport à leurs pairs. L’assurance de portefeuille semblait donc offrir un scénario gagnant-gagnant. • Résultat – Cette approche faisait l’hypothèse et dépendait fortement de l’existence en continu de marchés liquides. Mais les pressions vendeuses sur les titres détenus dans les produits d’assurance de portefeuille ont déclenché une violente correction le 19 octobre 1987. Les gérants de produits d’assurance de portefeuille n’ont pas pu réduire assez rapidement l’exposition aux actions de leurs clients, et comme le marché était caractérisé par une multitude de vendeurs face à de rares acheteurs, les investisseurs n’ont pas pu, comme ils l’avaient anticipé, se réfugier vers les actifs obligataires. Les produits d’assurance de portefeuille se sont donc effondrés et ont largement contribué au krach d’octobre 1987. Les promesses alléchantes se sont révélées illusoires. Fonds de hedge funds • Concept – Les fondations (endowments) des universités telles que Yale, fortes d’équipes étoffées et de dispositifs sophistiqués, ont gagné l’admiration de nombreux investisseurs depuis qu’elles ont commencé à investir avec succès dans les actifs dits « alternatifs » (comme les hedge funds). Grâce à une sélection judicieuse des meilleurs hedge funds, les fondations de haut vol ont enregistré des performances plus robustes et moins volatiles que si elles avaient utilisé des portefeuilles long-only traditionnels. Les institutions plus modestes et les particuliers étaient enthousiastes à l’idée de participer à une stratégie qui proposait des performances attractives et une faible corrélation avec les actions. Mais sans les équipes et l’expertise des grandes fondations, il leur fallait adopter une approche différente pour s’exposer à un panel diversifié de gérants. • Attrait – Avec les fonds de hedge funds, les institutions plus modestes bénéficieraient d’une équipe professionnelle capable d’évaluer, de sélectionner et de surveiller les hedge funds sous-jacents, expertises dont elles ne disposaient pas en interne. • Résultat – Les investisseurs ont naïvement considéré que les hedge funds constituaient une classe d’actifs à part entière. En réalité, ils regroupent un vaste ensemble de stratégies de gestion active dénuées de mécanisme de génération de performance similaire à ce qui existe pour les actions, les obligations et les liquidités. En outre, nombre de sociétés proposant des fonds de hedge funds étaient plus douées pour vendre le concept que pour évaluer et sélectionner les gérants. Le fait d’ajouter leurs propres frais (par ex. 1 % des actifs et 10 % des gains) aux commissions déjà élevées des gérants (par ex. sur le modèle « 2 et 20 ») ne laissait que des miettes aux clients. Souvent, le pool de gérants était loin d’être aussi diversifié que promis, et se révélait toujours corrélé aux actions. Finalement, seuls quelques rares fonds de hedge funds ont donné le change, alors que certains n’étaient rien d’autre que des chaînes de Ponzi. Le momentum • Concept – Au moins une fois par génération, un concept capte toute l’attention des investisseurs. Ces concepts ont en commun leur historique de performance récent : ils surperforment toutes les autres idées d’investissement. Les investisseurs s’exposant très tôt à ces concepts obtiennent généralement des performances très élevées, alors que ceux qui ont tardé à se positionner cherchent à voir si leurs effets bénéfiques vont se prolonger. Aucun investisseur n’apprécie de rester sur la touche. Dans la quasi-totalité des cas, il existe des arguments suffisants pour rationaliser ou justifier la pertinence d’une idée d’investissement, voire sa pérennité. Apparu au début des années 70, le concept des « Nifty Fifty » faisait référence à un groupe d’entreprises jugées si robustes qu’une seule décision était possible à leur égard : acheter leurs actions et les conserver ad vitam æternam. Vingt-cinq ans plus tard, les valeurs technologiques ont fait fureur, les entreprises de ce secteur étant jugées à l’avant-garde d’une nouvelle ère dans les domaines des communications, de la distribution, etc. Entre 2001 et 2007, les titres adossés à des crédits hypothécaires (MBS) semblaient offrir des rendements mirifiques, durables et faiblement risqués. • Attrait – Pour les investisseurs institutionnels et les particuliers, difficile de ne pas être perturbé par des questions du genre « Qu’est-ce que j’ai manqué » ? Que savent-ils que je ne sache pas ? Et si j’ai tort de ne pas m’engager.... ? » En réalité, un investisseur avisé sait faire preuve d’humilité et n’hésite pas à remettre en question ses propres hypothèses. En outre, à mesure que ces concepts continuent à surperformer, les investisseurs ont de plus en plus de mal à résister la tentation. • Résultat – De la bulle de la tulipe aux Pays-Bas au 16ème siècle jusqu’à aujourd’hui, les tendances d’investissement liées au momentum finissent généralement mal. L’effondrement des Nifty Fifty en 197374, le krach des valeurs Internet en 2001 et le début de la crise financière mondiale en 2007 sont autant de preuves du prix à payer pour avoir voulu surfer sur le momentum des marchés. Là-encore, chercher à savoir précisément pourquoi une idée peut fonctionner est bien plus important que de s’attarder sur ses performances passées. L’alpha portable • Concept – Les produits dérivés permettent de « collecter » l’alpha, à savoir le talent du gérant en matière de sélection des titres ou des classes d’actifs, que le bêta du marché soit positif ou négatif. Autrement dit, cette démarche permet de distinguer le talent de sélection du gérant et l’évolution du marché sous-jacent en se couvrant du bêta. • Attrait – Cette stratégie promettait des performances positives dans toutes les conditions de marché. En couvrant l’exposition au marché, un gérant talentueux pouvait accumuler de l’alpha quand les marchés progressaient, se repliaient ou étaient volatils. Par exemple, si un marché subissait une baisse de 8,5 % sur une année donnée mais que le gérant perdait seulement 7 % (après imputation des coûts) après avoir vendu des contrats à terme sur le marché sous-jacent en début d’année, le portefeuille enregistrerait une performance de 1,5 %. • Résultat – Les résultats se sont révélés au mieux mitigés. Lorsque les gérants se sont trompés, leurs erreurs ont été amplifiées par l’effet de levier. En fait, presque aucun gérant n’a réussi à créer de la valeur, et l’existence d’« une poche d’alpha disponible » attendant d’être exploitée via une exposition aux actions ou aux obligations s’est révélée n’être qu’une vaste illusion. Sélection des titres selon le ratio Sharpe • Concept – L’un des piliers de la théorie moderne de portefeuille est le concept de maximisation de la performance par unité de risque. Bill Sharpe a d’ailleurs remporté le Prix Nobel d’économie pour son travail sur ce sujet. Cette approche présente également un intérêt indiscutablement intuitif dans la mesure où elle fait l’hypothèse de la rémunération la plus élevée possible pour le risque réellement pris. • Attrait – Le ratio Sharpe se calcule aisément en utilisant les performances historiques. Il est simple et facilement compréhensible car il permet d’établir des classements clairs. Rien d’étonnant donc à ce que cette notion ait aussi séduit les membres des comités d’investissement. • Résultat – Le ratio Sharpe n’a jamais eu vocation à devenir un outil de sélection des titres financiers. En donnant un rôle central aux données historiques, on suppose qu’il est possible de prévoir les performances, la volatilité et les corrélations à partir de l’observation du passé. Les ratios Sharpe « historiques » sont très efficaces pour déterminer les actifs qui se sont bien comportés sur une période passée spécifique Malheureusement, comme les marchés et les environnements évoluent, ce qui a fonctionné jadis sur une période donnée peut, ultérieurement, ne pas reproduire les mêmes résultats. Ceux qui ont utilisé ce ratio pour sélectionner des titres, des gérants ou des stratégies ont été nombreux à payer le prix d’avoir pensé que l’avenir serait pareil au passé. Portefeuilles à performance absolue • Concept – Les investisseurs devraient plus chercher à générer une performance absolue régulière qu’une performance relative robuste. Compte tenu des vicissitudes régulières des classes d’actifs, les investisseurs ont davantage intérêt à s’exposer à des portefeuilles capables d’offrir des performances raisonnables quel que soit le contexte d’investissement. • Attrait – Dans le sillage de la crise financière de 2008-2009, les portefeuilles et les stratégies de portefeuille qui, durant la crise, ont enregistré non sans mal des performances moins erratiques que les portefeuilles traditionnels ont été très prisés. La capacité de résistance face aux chocs de marché a été l’un des critères favoris des investisseurs. • Résultat – Certaines stratégies ont certes tenu leur rang. Mais très peu de portefeuilles ont offert la sécurité promise et démontré leur capacité de résistance dans toutes les circonstances. Les gérants ne bénéficient tout simplement d’aucun outil (ou d’aucune connaissance suffisante de l’avenir) pour prévoir les événements futurs et construire le « bon portefeuille ». Plus concrètement, la plupart des fournisseurs de portefeuilles à performance absolue ont fait des promesses qu’ils n’ont pas pu tenir. Éviter les fausses bonnes idées Il est bien plus facile d’identifier les fausses bonnes idées d’investissement après s’être laissé berner par l’une d’entre elles . Les décisions d’investissement sont trop souvent influencées par le concept même d’une idée et l’attrait qu’elle présente, déterminés la plupart du temps par son succès récent. Les investisseurs ne doivent pas se contenter de ces attributs tape-àl’œil, mais plutôt chercher à comprendre ce qui a fait le succès récent de la stratégie et les raisons pour lesquelles elle pourrait ou non fonctionner à l’avenir. Quelle que soit l’opportunité d’investissement, il est primordial d’avoir dès le début une idée claire et objective de votre situation (par ex. actif/passif ou dépenses prévues, capacité à tolérer la volatilité, aptitude à identifier les talents, capacité à évaluer les idées) et la définition que vous vous faites du « succès ». Après tout, les gisements d’actifs financiers n’existent que pour répondre à un besoin futur. A chaque portefeuille devrait correspondre une idée précise du succès, par exemple le financement d’un régime de retraite sur une période donnée ou procurer des flux opérationnels pérennes dans le cas d’une fondation. Pour évaluer de nouvelles propositions d’investissement, commencez par vous interroger sur la manière dont une idée peut contribuer/entraver votre succès. L’un des exemples les plus connus du risque induit par l’absence d’une définition claire du succès est la réticence historique de nombreux fonds de pension à prestations prédéfinies à adopter une stratégie de gestion actif-passif (ALM). Aux États-Unis, beaucoup de ces fonds ont souffert du dilemme de Lewis Carroll : ils n’ont pas été en mesure de définir le succès en termes de résultat d’investissement précis par rapport à leur passif. Ils ont préféré : • maximiser la performance absolue pour conserver un niveau supérieur au taux de rendement supposé du régime ; ou, • rester proches d’un « groupe de pairs » de fonds de pension. En réalité, la seule raison d’être d’un fonds de pension à prestations définies est de financer des engagements. Il n’y a aucun avantage à ne pas minimiser le risque extrême (celui d’une explosion des engagements concomitante à une baisse des taux), alors qu’il est relativement simple de faire coïncider la durée de vie des actifs avec celle des passifs. Toutefois, il était bien plus facile de trouver des sponsors intéressés par l’assurance de portefeuille dans les années 1980 ou les stratégies 130/30 entre 2001 et 2008 que de trouver des régimes disposés à instaurer un cadre de gestion actif-passif. Les décideurs se fixaient trop souvent des objectifs inadéquats, ce qui leur permettait de justifier l’utilisation des nouvelles stratégies de « rendement total ». Quels sont fausses bonnes idées d’aujourd’hui ? En gardant à l’esprit ces observations rétrospectives, essayons de déterminer quelles sont les concepts d’investissement séduisants d’aujourd’hui qui seront considérés comme de fausses bonnes idées d’ici quelques années. Quelques candidats potentiels : la multiplication des types d’indices, les obligations catastrophes et l’approche smart beta. Les obligations catastrophe Les obligations catastrophe (connues sous le nom anglais de cat bonds) constituent un exemple très intéressant. Outre les performances potentielles qu’elles proposent, l’intérêt qu’elles présentent est clair et témoigne de la propension actuelle des investisseurs à délaisser les classes d’actifs traditionnelles pour diversifier leurs expositions. Définition Une obligation catastrophe est un titre de dette à haut rendement émis par une compagnie d’assurance ou de réassurance. Elle verse un rendement à l’acheteur à moins que ou jusqu’à ce que l’émetteur subisse une perte liée à une catastrophe prédéfinie, comme par exemple un ouragan Le principal et les intérêts sont souvent reportés voire complètement « annulées » par l’acheteur/investisseur lorsqu’une catastrophe se produit. Quel est leur attrait ? Puisque la quantité et la gravité des événements météorologiques déterminent la performance d’investissement des obligations catastrophes, ils doivent être complètement indépendants des facteurs économiques et, partant, de la performance des marchés actions et obligataires traditionnels. En outre, le surcroît de rendement offert par les obligations catastrophe par rapport aux obligations traditionnelles tranche clairement avec le rendement réel négatif des dettes souveraines de grande qualité. Les questions à (se) poser L’intérêt suscité par les obligations catastrophe auprès des investisseurs institutionnels est assez légitime. Mais en y regardant de plus près, on constate que ces instruments soulèvent des questions auxquelles les investisseurs doivent savoir répondre avant de les intégrer dans leur portefeuille. Premièrement, sur quoi se basent les investisseurs pour évaluer la prime intégrée dans le rendement par rapport à la probabilité d’une catastrophe, météorologique ou autre ? Le comité d’investissement possède-t-il l’expertise pour s’assurer que la prime de rendement reflète fidèlement le risque sousjacent ? Pour les météorologues, il est difficile d’évaluer correctement la probabilité et l’amplitude des graves événements climatiques, et complètement impossible pour les simples amateurs. Face à genre d’opportunité, les investisseurs doivent se poser des questions spécifiques : • Qui est l’émetteur ? Existe-t-il un déficit d’information entre l’investisseur et l’émetteur ? • Quel est le motif de l’émission ? Les obligations catastrophe étant censées protéger l’émetteur en cas de risque, l’investisseur accepte les « risques extrêmes » et vend une assurance à l’émetteur. Avez-vous vraiment les connaissances nécessaires pour vendre une assurance à une compagnie d’assurance ? L’approche Smart beta Tout le monde ou presque parle aujourd’hui des approches « smart beta », mais de quoi s’agit-il vraiment ? Comme un « smart phone », est-ce une idée révolutionnaire capable de transformer radicalement un secteur d’activité et nos styles de vie ? Peut-être pas. Qualifier ces stratégies de smart (« intelligentes » en anglais) implique qu’elles offrent des solutions d’investissement de qualité supérieure. En réalité, les marchés sont trop efficients pour offrir des « solutions d’investissement miracles » reposant sur des règles précises. Et il y a beaucoup trop de gens intelligents qui cherchent à identifier et à exploiter les inefficiences de marché. L’idée de répliquer un indice non capi-pondéré repose sur l’« imperfection » supposée des indices capi-pondérés, car l’on fait alors l’hypothèse que les marchés sont inefficients. Pour appuyer leurs arguments, les adeptes de cette approche mettent en avant la surpondération des titres chers par le marché. Pour cela, ils utilisent des données historiques censées prouver que si un indice avait pondéré ou sélectionné des titres selon d’autres critères (que la capitalisation boursière), cet indice aurait surperformé l’indice traditionnel. Le problème avec ce type de solutions c’est qu’elles séduisent par leur capacité supposée à relever les défis d’hier. Le marché actions est un « jeu à somme nulle » : à chaque gagnant correspond un perdant. Si une stratégie reposant sur des règles simples se démarque pendant une période, l’efficience des marchés et le principe de retour à la moyenne finissent toujours par s’imposer et par rogner les « gains ». Les stratégies sur indices efficients (smart beta) appartiennent en général à l’une des quatre catégories suivantes : • Stratégies actives fondées sur des règles prédéfinies • Stratégies fondées sur les bêtas factoriels • Stratégies de bêta • Le data mining (et ses miracles) Stratégies actives fondées sur des règles prédéfinies Cette approche de gestion consiste à appliquer des règles précises pour sélectionner un échantillon du bêta ou recalculer la pondération du marché dans son ensemble. Ces règles prévoient deux types de sélection : • Sélection négative – exclusion des valeurs possédant des caractéristiques non souhaitées (ratio cours/ bénéfice élevé ou grande capitalisation boursière) • Sélection positive – sélection de valeurs possédant des caractéristiques recherchées (« durabilité » ou gestion indicielle basée sur les fondamentaux) De telles règles ont tendance à créer des portefeuilles adaptés aux conditions de marché des années précédentes. Cela revient à se préparer pour la dernière guerre, ce qui est rarement une solution d’avenir. Le data mining (et ses miracles) Certains portefeuilles sont construits suivant des critères précis qui, pris isolément, peuvent paraître étranges, voire déconcertants s’ils sont combinés. Par exemple, certaines stratégies obligataires smart beta utilisent des variables telles que la surface totale d’un pays pour déterminer sa pondération dans le portefeuille, tout en prévoyant, sans raison précise, une exposition importante aux devises de pays émergents. Une gestion active qui ne dit pas son nom ? Pour utiliser de manière efficace les stratégies smart beta, il est nécessaire d’avoir une idée précise d’une part de l’évolution future du couple rendement/risque du segment de marché représenté par l’approche smart beta et, d’autre part, des segments du marché qui sont exclus puisque, par définition, aucun segment n’est éternellement privilégié ou délaissé. A de nombreux égards, l’approche smart beta évoque la tendance à la « rotation sectorielle » de ces dernières décennies : populaire mais rarement performante. De plus, elle n’est pas sans rappeler le market timing, une approche qui déçoit pourtant très souvent ses adeptes. Aussi tentantes qu’elles puissent paraître, ces stratégies ne doivent en aucun cas être considérées comme des « générateurs perpétuels d’alpha ». Certaines peuvent se révéler performantes pendant un temps, mais les stratégies fondées sur des règles ou des biais factoriels prédéfinis et capables de battre le marché sur de longues périodes (avant et après imputation des frais) n’existent tout simplement pas. Dans le cas contraire, cette caractéristique aurait disparu par le jeu des arbitrages. Utiliser des solutions et des produits sur indices efficients – au détriment des indices conventionnels – revient à mettre en pratique ses prévisions d’évolution du couple rendement/risque d’un segment spécifique du marché, en étant convaincu d’être rémunéré pour cette prise de risque. La plupart des investisseurs qui y ont recours doivent s’estimer plus smart que le reste du marché, ou bien sont prêts à accepter un couple rendement/risque atypique en raison d’un besoin ou d’un biais particulier. Le pari de ces personnes s’estimant au-dessus de la moyenne est le suivant : l’échantillon sélectionné enregistrera de meilleures performances – absolues ou corrigées du risque – sur la période considérée, à partir de la mise en place de la stratégie smart beta. Pour d’autres, l’approche reviendra à accepter une performance plus faible que celle du marché en raison d’une préférence quelconque (faible volatilité, approche ISR, etc.). Pour résumer, il ne faut pas systématiquement considérer les stratégies smart beta comme des solutions permettant de mieux gérer les problématiques d’exposition au marché. Il faut donc les utiliser avec beaucoup de prudence car, comme toutes les autres stratégies, elles auront leurs périodes de sous- et de surperformance. L’histoire du market timing nous enseigne une chose essentielle : essayer de profiter des décalages de valorisation des stratégies smart beta n’est pas une solution viable. Un conseil aux investisseurs : attention à ce que vous achetez. Vous devez comprendre ce qu’implique la stratégie smart beta que vous avez choisie, vous devez connaître, par conséquent, les segments de marché que vous évitez et, surtout, vous devez faire preuve d’intégrité lorsque vous évaluez votre capacité (ou celle de votre société) à juger du moment le plus propice pour acheter ou vendre. Conclusion Investir avec succès n’est pas un exercice aisé. Cela nécessite du discernement, de la discipline, des objectifs clairement définis et une connaissance des marchés financiers. Considérer l’activité d’investissement comme une course ou une compétition et non comme une démarche de financement d’un objectif futur peut vous faire succomber aux fausses bonnes idées d’investissement. Savoir ce que vous achetez et la nature de la contribution de cet investissement peut déjà vous aider à atteindre votre objectif. Les investisseurs ont à disposition de nombreuses innovations , comme les contrats à terme et les CDS, pour gérer efficacement le risque et les performances, mais leur tâche première consiste à décrypter les nouvelles idées pour identifier et comprendre les principes et les hypothèses qui les sous-tendent. Ce n’est qu’après avoir étudié ces facteurs qu’ils pourront déterminer si l’opportunité qui se présentent à eux est crédible ou s’il s’agit du de la dernière « fausse bonne idée » en date. Connect with Vanguard™ > global.vanguard.com Informations importantes Réservé exclusivement aux Investisseurs professionnels, selon la définition de la Directive MiF. Il a pour unique objectif de former et d’informer. Il ne constitue pas une recommandation ni une sollicitation d’achat ou de vente de placements. 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