Traité sur quelques points de la religion des Chinois
5
bien démêler la doctrine des différentes sectes des gentils, il avouait
pourtant ingénument que l'assurance avec laquelle nos Pères au Japon,
qui avaient fait une étude particulière de la doctrine & des principes de
ces mêmes sectes, & qui entendaient aussi les livres chinois, que leur
assurance, dis-je, à soutenir qu'il y avait de l'erreur dans les ouvrages
de nos Pères de la Chine, faisait beaucoup d'impression sur son esprit.
Cet avis du père Passio augmenta les doutes que j'avais eus autrefois,
& je donnai tous mes soins à découvrir la vérité, & à la mettre en son
jour. Les fonctions de ma charge m'ayant obligé d'aller à Pékin, je
trouvai le père Sabathino de Ursis dans les mêmes scrupules que moi,
au sujet du Xangti. Nous eûmes plusieurs entretiens avec le docteur
Paul, & avec quelques autres docteurs bien versés dans la matière dont
il s'agissait, pour savoir d'eux le moyen d'accorder les commentaires
p.091 avec le texte. Ils nous dirent tous unanimement, que nous ne
devions point nous tourmenter là-dessus, mais seulement nous
attacher au texte lorsqu'il nous pouvait être de quelque utilité, sans
faire aucun cas des explications opposées que les interprètes y
donnaient. Les docteurs Michel & Jean, que nous consultâmes sur la
même matière en différents temps & en différents lieux, nous firent une
pareille réponse. Cela contenta quelques-uns de nos Pères, qui disaient
que la diligence que nous avions faite, & l'éclaircissement que les
docteurs nous avaient donné suffisaient, & qu'il ne fallait plus parler de
tout cela. Le père Sabathino, quelques autres, & moi n'en demeurâmes
pas satisfaits, & nous ne crûmes pas en conscience pouvoir nous
arrêter : car les lettrés chrétiens donnent ordinairement le sens de nos
livres aux leurs, & s'imaginent trouver dans les leurs des explications
conformes à notre sainte loi, sans considérer de quelle importance il est
de ne chercher que la vérité, & de ne rien dire qui tienne du
déguisement & du mensonge
.
Pendant le cours de ces disputes, le père Jean Ruiz, depuis peu
revenu du Japon à Macao, vint à la Chine, désirant extrêmement qu'on
agitât & qu'on éclaircît les matières controversées. Son arrivée fut la
Mais quand on s'explique bien dans nos livres, cette difficulté cesse.