5
35 ans, si l’on n’encourage pas ni ne finance les initiatives les plus audacieuses d’engagement juif
nous avons toutes les chances de perdre les forces d’influence du judaïsme français ».
« Je noterais simplement que les communautés qui ont fait le choix d’un judaïsme moins exclusif et
plus diversifié ces quinze dernières années, celles qui ont fait le choix de diversifier l’offre
d’engagement juif et de faire de la place aux jeunes, ont vu leur taux de mariage mixte baisser », a
conclu le chercheur.
Montée des ultra-orthodoxes en Israël
Source : Matthieu Mégevand, Le Monde des Religions, 9/1/2012
Depuis plusieurs semaines, la communauté juive ultra-orthodoxe israélienne fait beaucoup parler
d’elle. Minoritaires, ses membres sont toutefois très visibles et suscitent par leurs actions
l’incompréhension ou l’indignation dans tout le pays.
C’est l’histoire de Naama Margolese, qui a d’abord suscité l’indignation en Israël. Cette petite fille de
huit ans a raconté aux médias comment des juifs ultra-orthodoxes s’en sont pris à elle alors qu’elle se
rendait à l’école parce qu’elle n’était pas vêtue assez "modestement". Insultes, crachats, intimidation,
la minorité haredim (littéralement, craignant-dieu) terrorise les femmes de la ville de Beit Shemesh
entre Tel-Aviv et Jérusalem parce qu’elles ne sont pas habillées "convenablement", autrement dit
couvertes de la tête aux pieds. Quelques jours avant, c’est Tanya Rosenblit, jeune femme de 28 ans, qui
a été prise pour cible parce qu’elle refusait de s’asseoir à l’arrière d’un bus comme l’exigeaient ces
mêmes ultra-orthodoxes.
Les Haredim ont encore fait parler d’eux il y a quelques jours en défilant à Jérusalem déguisés en
déportés et arborant l’étoile jaune, symbole de la discrimination nazie. En conflit permanent avec le
gouvernement israélien, les Haredim sont allés jusqu’à traiter de "nazis" les policiers qui surveillaient
le rassemblement. Les responsables politiques se sont empressés de dénoncer cette manifestation, à
l’image d’Ehud Barak, ministre de la Défense, déclarant que "tout cela est choquant et consternant",
tandis que le premier ministre Benyamin Netanyahou s’est engagé à sévir contre tous ceux qui
tenteraient de s’en prendre aux femmes.
Une contre-manifestation de laïcs, inquiets et indignés par cette minorité ultra-orthodoxe - qui
représente tout de même 20% de la population de Jérusalem -, a par ailleurs eu lieu à Beit Shemesh
pour dénoncer la discrimination et l’intolérance des Haredim.
Stéphane Amar, journaliste franco-israélien basé à Jérusalem, nous explique : "Il y a, dans la société
israélienne, un consensus contre les excès de certains fanatiques, y compris au sein même des milieux
orthodoxes ou ultra-orthodoxes ; des laïcs jusqu’aux traditionalistes, tout le monde condamne les
actions de cette minorité extrémiste. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que ces ultra-orthodoxes sont
traversés par de multiples courants qui divergent entre eux. Ainsi, il existe des orthodoxes qui, depuis
les années 1910-1920, soutiennent le projet sioniste et sacralisent l’Etat d’Israël et qu’on appelle les
sionistes-religieux. Il y a ensuite les ultra-orthodoxes, qui ont à l’égard de l’Etat d’Israël des points de
vue divergents : les plus tolérants le considèrent comme un moyen utile pour rassembler les juifs et
leur assurer une certaines sécurité tandis que les plus hostiles comparent le sionisme au nazisme. Entre
deux, il existe une masse molle qui va profiter des avantages qu’offre l’Etat mais reste à l’écart de
toute vie nationale : ce sont des gens qui ne font par leur service militaire, qui ne fréquentent ni les
écoles, ni les hôpitaux publics, et qui vont même jusqu’à ne pas poster de lettres pour ne pas avoir à
acheter un timbre à l’Etat d’Israël. Ceux que l’on a vu manifester ces derniers jours font donc partie
d’une minorité ultra-orthodoxe très critique à l’égard d’Israël : leurs actions visent à montrer que,
puisque l’Etat ne fait pas appliquer les lois juives, il ne remplit pas son rôle et n’a donc aucune
légitimité. Pour ces ultra-orthodoxes, le sionisme n’a rien à voir avec le judaïsme".
Ainsi, c’est au nom même de la loi juive que ces Haredims s’en prennent à Israël en tant qu’Etat qui ne
respecte pas les préceptes religieux. Minoritaires, les ultra-orthodoxes gagnent toutefois du terrain dans
de nombreux quartiers, et pas seulement à Jérusalem : ils risquent donc d’être de plus en plus visibles