Une Asie Multipolaire L’Asie orientale est un sous-continent trop vaste, trop densément peuplé et trop varié dans ses héritages historiques et culturels pour être une aire économique homogène et unie. Bien que sujets à un dynamisme comparable, les Etats qui la composent (Japon, Chine, Corée du Sud, Taiwan, HongKong) auxquels il faut ajouter Singapour en tant que « poste avancé » de cet ensemble régional, n’offrent pas les mêmes caractéristiques socio-économiques. Les niveaux de développement, les réactions face aux crises, l’utilisation des avantages comparatifs et la gestion de l’intégration à l’économie mondiale en font autant de pôles complémentaires et hiérarchisés. L’Asie orientale est une aire de puissance plurielle et multipolaire. Quelles sont les caractéristiques des économies des pays de l’Asie orientale ? En quoi ces économies sont-elles complémentaires et participent-elles à l’idée d’une Asie orientale multipolaire ? La diversité et la multiplication des pôles sont-elles un atout pour l’Asie ? I. Le Japon, un modèle en sursis ? En quoi l’économie et la société japonaises sont-elles en mutation ? A. Un Japon qui résiste. Le Japon est la deuxième puissance économique mondiale avec un RNB de 4520 milliards de dollars. Cette puissance est basée sur : - Le secteur manufacturier 33% du PIB - La diversité de ses productions - La maîtrise des technologies de pointe. - Les entreprises sont puissantes, elles s’organisent en conglomérats géants (Mitsui 6e groupe mondial, Mitsubishi 7e, Toyota 8e.) Le Japon, grâce à ses excédents commerciaux est devenu le créancier de la région, l’Asie étant devenue le premier partenaire commercial devant les Etats-Unis, depuis 2000. Malgré une modernisation rapide, le secteur tertiaire reste en retrait : 64%. B. La fin d’un cycle. Depuis le début des années 1990, le Japon fait face, à une crise persistante. L’économie japonaise, contrainte de s’adapter aux règles libérales de la mondialisation, a dû engager la mutation de son modèle toyotiste1. De plus, le Japon ouvre désormais ses marchés à la concurrence et aux capitaux étrangers (Renault avec Nissan). Sans oublier que le problème majeur du Japon reste sa dépendance énergétique de tout l’appareil de production. Son industrie se délocalise et se tourne vers les hautes technologies. Sa société vieillit (la plus âgée du monde avec 17% de plus de 65 ans en 2000, 25% en 2030) et se transforme (recrudescence de la délinquance juvénile, classe politique décrédibilisée, modèle familial remis en cause au profit du modèle de l’enfant unique) , le chômage (4.4%) met un terme au Caractérisé par la polyvalence des tâches et du savoir-faire des employés, ainsi que par l’absence de stock. Il s’oppose au modèle fordiste. 1 mythe de l’emploi à vie, la précarité de l’emploi laisse apparaître des sans-abri dans les métropoles et le taux de suicide est le plus élevé des pays développés. II. Corée du Sud et Taiwan : la réussite de deux Dragons Quelle a été l’évolution du « modèle » de développement économique de ces Dragons d’Asie ? A. Un modèle de développement réussi. Les Dragons (Corée du Sud, Taiwan, Hongkong, Singapour1) ont bénéficié des transferts de technologie (pays-ateliers dès les années 1960) du japon pour asseoir leur développement, et passer (pour la CdS et Taiwan) d’une économie de pays sous-développés à celle d’économie à revenus élevés. Leurs principaux points forts restent une main-d’œuvre bon marché, une rapide réforme agraire, et un Etat présent mais pas encombrant sur la scène économique. Ces pays sont devenus des puissances commerciales et d’importantes places financières, où les investissements de la communauté chinoise outre-mer demeurent prépondérants. Taiwan est même devenu le 2e investisseur régional derrière le Japon (ces deux pays : 4.3 du commerce mondial). B. Une situation de dépendance qui persiste. Les dragons restent fragiles en raison de leur dépendance vis-à-vis de l’économie mondiale. Depuis une décennie, les Dragons sont victimes de leur réussite. L’élévation du niveau de vie et des salaires ont diminué la compétitivité de leur modèle productif. De plus ils doivent faire face à une nouvelle concurrence, celle des « bébés Tigres » d’Asie du Sud-Est et la chine littoral, les obligeant à adopter de nouvelles stratégies productives. Leur dépendance énergétique, et l’absence de matières premières, rend ces pays esclaves de la conjoncture économique internationale. Il faut rajouter que les problèmes sociaux et environnementaux perdurent. Les tensions entre les deux Corées et les tensions entre Taiwan et la Chine constituent des freins au dynamisme des deux Etats. 1 Voir ce lien en particulier su l’économie de singapour. III. La Chine nouveau géant du 21e siècle. La Chine est-elle le futur grand pôle du dynamisme extrême-oriental ? A. L’émergence d’un nouveau Dragon. La Chine s’est transformée en atelier du monde. Première destination pour les capitaux internationaux (53 milliards de dollars en 2002), elle produit désormais 20% du textile mondial, 15% des produits de l’électronique grand public et est devenue le 5e exportateur mondial. Sixième économie du monde par son RNB (1 200 milliards de dollars en 2002), l’Etat détient près de 43 000 entreprises, cela dit les entrepreneurs privés (2 millions d’entreprises) représentent une part croissante de la création de richesses. Un principe éclot : un pays deux systèmes. La classe moyenne chinoise (200 millions d’Hbts) attirent la convoitise des multinationales occidentales et japonaises. La Chine réalise un développement économique stable et durable avec un taux de croissance compris en 7% et 10% chaque année. La stabilité politique, la hausse de la demande intérieure, l’urbanisation, la modernisation du commerce et la libéralisation de l’économie constituent les moteurs de ce dynamisme. Trois grands défis doivent être relevés : - Réforme des entreprises d’Etat - Ouverture complète du marché - Développement harmonieux (désenclavement des populations rurales, déruralisation. 2/3 de la pop.) La richesse et le dynamisme sont aujourd’hui concentrés sur le littoral. Grâce à trois grands ensembles : - Shanghai est redevenue depuis de début des années 1990 la « perle de l’Extrême-Orient ». Une agglomération de 14 millions d’Hbts, la plus internationalisée par l’intermédiaire des investissements étrangers, son port (10e rang mondial) concentre 25% du trafic portuaire de la Chine en fret, 25% conteneurs, l’ensemble de son économie représente 6% du PIB de la Chine. Cette ville est devenue une véritable métropole (concentration des affaires et urbanisation moderne) - Le delta de la rivière des perles est une aire économique ouverte multi polarisée et hiérarchisée, regroupant près de 25 millions d’hbts pour 12% du PIB chinois. Son développement s’est appuyé sur : le dynamisme de la région autonome de HongKong, émergence de petites et moyennes entreprises manufacturières. Depuis les années 1990, la croissance n’est plus centrée sur HongKong mais sur canton et Shenzhen. HongKong connaît une grave crise tout en demeurant une grande puissance et reste une importante plaque tournante portuaire. Macao conserve sont statut privilégié de passerelle entre la Chine et Taiwan : 70% du trafic passagers et 60% du fret de son aéroport international sont générés par Taiwan. - L’agglomération capitale : Pékin-Tianjin. B. Des résultats fragiles. La réussite du modèle chinois reste fragile, le chômage est officiellement de 4.2%, alimenté par les licenciements massifs des entreprises publiques. L’économie chinoise ne créé que 8 ou 9 millions d’emplois chaque année, là ou il en faudrait 50% de plus. 150 millions de chinois essentiellement paysans, sont en situation de grande pauvreté. La chine reste dépendante des entreprises étrangères qui réalisent 52% des exportations. La chine est également victime du Brain Drain international : sur les 580 000 chinois partis étudier à l’étranger depuis 1978, 150 000 seulement sont rentrés dans leur pays.