1
Le Sénégal une référence économique et politique :
la preuve par les faits.
Par Pr. Moustapha Kassé, Président de l’Ecole de Dakar
INTRODUCTION
La scène sénégalaise s’anime et même s’envenime après l’exploitation insidieuse de
deux rapports économiques d’organisations internationales de l’OCDE et du Forum de Davos
qui ont souligné tour à tour certaines faiblesses structurelles de l’économie sénégalaise liées à
la gestion du secteur énergétique, à la mobilité urbaine et le faible niveau de la productivité.
Comme pour faire écho, l’opposition s’est lancée dans une analyse apocalyptique de la
situation politique et sociale sans aucun rapport avec les réalités. La dramatisation et la
brutalité des propos sont servies particulièrement pour mettre en condition l’opinion nationale
et internationale. L’îlot de stabilité et de paix sociale est jugé en crise profonde.
S’en est alors suivie la mise en route l’Initiative pour Démission de Wade (IDEWA)
pour cuser le Président de la République et exiger sa démission. Quelle est la signification
de ce « charivari » politique et de ce tourbillon qui vise à effondrer l’ordre politique massif
sous prétexte que le Sénégal est plon dans une crise grave ? Vérité au-delà ou simple
dramatisation au dedans ? Au delà des faits, on semble complètement oublier que la crise,
observait Gramsci, est cette période de transition - pendant laquelle le pire peut arriver - qui
sépare la fin d’un monde ancien de l'émergence d’un monde nouveau. Cette situation
intervenait selon Trotsky quand, ceux d’en bas refusent d’être gouvernés comme avant et que
ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant.
1) Dans une démocratie, le débat est capital pourvu qu’il ne dérape vers la déraison.
Dans une démocratie, le débat est à la fois utile et crédibilisant surtout quand il se
déroule sans aucune entrave entre des professionnels soucieux de révéler la vérité et de faire
partager leurs préférences aux citoyens. Il peut être éclairant sur la situation du pays, la
manière dont il est administré et les performances des politiques appliquées. Il est un bon
indicateur d’appréciation de la qualité des acteurs du jeu démocratique qui est en fait un jeu
transactionnel régi par les règles d’une compétition limitée et bornée par les lois et
règlements. Il est normal que dans une démocratie, le politicien comme un investisseur
cherche à faire prévaloir ses idées lors des processus décisionnels portant sur des enjeux clefs.
L’éthique de responsabilité veut que tous les protagonistes du jeu politique respectent d’abord
le vote des électeurs en tant que révélateur des préférences et choix individuels et les lois
républicaines qui régulent le débat politique.
Manifestement, depuis trois bonnes années toutes les forces aptes à structurer le débat
d’idées ont perdu leur capacité à produire des visions nouvelles de l'intérêt national
susceptibles de constituer une véritable alternative à celles du Président de la République. Les
ambitions africaines du Chef de l’Etat (Union Africaine, Plan Oméga, NEPAD, positions sur
les négociations commerciales Doha et Cancun, la solution du gap numérique, les questions
du financement du développement, la Conférence des Intellectuels africains et de la diaspora,
le dialogue islamo-chrétien, l’organisation des Assises de l’Organisation de la Conférence
Islamique (OCI)…), les grands projets d’infrastructures de base pour redimensionner le
Sénégal (la mobiliurbaine à Dakar, les routes de désenclavement, les projets portuaires et
aéroportuaires….), la politique d’aménagement créatif du territoire (la nouvelle ville, les
aménagements urbains et ruraux, les nouvelles lois sur la décentralisation pour mieux
articuler le local et le national…..), les politiques agricoles, industrielles et de la nouvelle
économie, les débats sur les Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DSRP)
2
comme conditionnalité des partenaires au développement, les négociations avec les bailleurs
sur les allégements de la dette dans l’optique de l’initiative pour les Pays Pauvres Très
Endettés (PPTE), les réformes budgétaires ont laissé l’Opposition complètement hors jeu.
Toutes ces questions sur lesquelles l’opposition s’est carrément éclipsée sont des questions de
société qui influent sur notre vie quotidienne.
Pourquoi tous ces faits ont laissé nos hommes politiques totalement absents et
indifférents ? Pourquoi instruire un procès en mission à un Chef d’Etat qui, en trois ans, a
fait preuve d’autant de réformes et d’initiatives créatrices, tant au niveau national qu’à
l’échelle africaine?
La gestion économique et les initiatives gouvernementales majeures n’ont rencontré
le moindre écho. Les réactions des hommes politiques face aux indicateurs économiques ont
terriblement fait défaut depuis les élections législatives. L'opposition ne s’est préoccupée que
« des apparences, autrement dit de la frivolité » en tentant même parfois de chercher à
contraindre le régime à renoncer à des projets et à aménagements qui ne visent rien d'autre
qu'à perfectionner la société.
Sans vision de société, ni discours économique cohérent, la une bonne partie de la
classe politique s’est complètement larguée au bord du chemin. Les question économiques
étaient ramenées à deux thèmes centraux : les défaillances de la commercialisation arachidière
et la crise alimentaire grave dans le monde rural présentées comme l’herméneutique de la
faillite de la politique agricole. En y ajoutant la prétendue « impréparation » des programmes
maïs et manioc on a le panorama complet des problèmes économiques soulevés. Le ril
acridien a apporté un peu de mouvement mais pas d’idées nouvelles. Personne ne peut, sans
rire, compter sur pareil programme pour transformer la société et satisfaire la demande
sociale. Peu d’idées et pas vraiment de programme ne peut conduire que vers un
désinvestissement croissant des citoyens. De la sorte la fonction de popularité est plutôt
favorable à l’action gouvernementale.
La « gauche historique » a timidement engagé la bataille pour son unité mais n’élabore
aucun projet sérieux définissant un schéma de transformation de la société sénégalaise, les
mécanismes de régulation de l'activité économique, le modèle de justice sociale et les voies et
moyens d'étendre le champ d'application de la démocratie. Elle n’affirme pas ses valeurs mais
continue de balancer tantôt vers l'attirail des mesures dites de gauche, tantôt vers la corbeille
des décisions « réalistes ». Selon la boussole des échéances électorales, elle critique ou
s’aligne sur les positions du gouvernement de l’alternance.
C’est dans ce contexte de mer calme que quelques passages des Rapports sur le
Sénégal de l’OCDE et du Forum de Davos ont éexploités et brandis comme argumentaire
de la faillite économique du régime. C’est l’aveu que toute bataille sur le terrain économique
est perdue. Il faut s’investir pour un rapide retour du politique : les échéances de 2007
pointent à l’horizon.
2) Dans ce contexte, l’IDEWA est un énorme flop politique : un tour inouï de
prestidigitation.
Pourtant l’opportunité du retour du politique était ouverte avec l’appel du Président de
la République pour donner un nouveau dessein au Sénégal et le projet « Mouvement pour
l’unité de la gauche ». En dehors du changement de Premier Ministre et l’entrée de Djibo KA
au gouvernement l’engourdissement de la scène politique est total. Le champs de fixation est
déplacé vers la sempiternelle question de la refonte du fichier électoral décrété comme le
nouvel engagement fort de l’Opposition. Pourtant cette question, certes vitale, défonce des
portes grandement ouvertes dans la mesure tous les acteurs s’accordaient sur l’impérative
3
nécessité d’aplanir tous les problèmes susceptibles de créer dans le futur un contentieux
électoral. Tout le monde prône la concertation et la négociation.
En dehors de cette question, les Partis politiques ont ponctué leurs discours sur les
remaniements ministériels dits intempestifs comme si ceux-ci étaient fixés par les lois et
règlements, le lancinant conflit en Casamance qui commence à connaître un début de solution
avec l’agenda des négociations en train de se mettre en place. La catastrophe nationale du
« Bateau le Diola » est maintenant complètement digérée avec les indemnisations
conséquentes des victimes sur la base de fautes partagées et la mise en route d’un nouveau
moyen de liaison.
Tout cela fait dire à Anne MIROUX de la CNUCED que « le Sénégal constitue un
véritable îlot exceptionnel de stabili et de progrès qu’il faut préserver à tout prix pour
rassurer les rares investisseurs qui manifestent encore quelques intérêts à l’Afrique ».
Cependant, c’est au moment le front politique et social est remarquablement
stabilisé et calme que l’initiative dite IDEWA s’est mise en route exigeant le départ du
Président de la République qui accomplit toutes les prérogatives liées à sa charge et les réalise
beaucoup mieux qu’antérieurement en faisant bouger toutes les lignes de la politique
économique et sociale. On est parfaitement en droit de s’interroger sur les motivations de ce
« charivari » politique, de ce « méli-mélo ubuesque » qui intervient à une période de
turbulence de l’Afrique de l’Ouest traversée par des crises d’une extrême gravité en
Mauritanie, en Sierra Léone, au Libéria, dans les deux Guinées et surtout en Côte d’Ivoire.
Cette situation est justement le produit de gimes politiques instables et de guerre
civile aux conséquences économiques et sociales désastreuses et dramatiques. En effet, ces
guerres civiles larvées où en voie d’extinction sont en passe de bloquer les réseaux marchands
transfrontaliers très actifs qui structurent les échanges commerciaux de toute la sous-région.
Les conséquences sont terribles : vaste déplacement des populations, régression de la
production, libre circulation de l’armement, déstabilisation des ordres sociopolitiques. Les
deux organisations que sont la Communauté Economique des Etats de L’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) et l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) se trouvent
fortement fragiliser au moment où précisément les préoccupations d’intégration régionale sont
en train de se transformer d’une problématique de départ centrée sur les questions politiques
vers des considérations plus économiques.
Dans cette aire géographique le Sénégal construit avec succès un modèle économique
exemplaire, renforce et élargit son système démocratique. Pourquoi vouloir ramer à contre
courant quand tous les partenaires expriment leur satisfecit sur la gestion économique et
financière du pays ? Pourquoi réclamer la démission d’un Président légalement élu et qui
n’est frappé d’aucune sorte d’incapacité juridique? Le calage entre les promesses pour la
conquête du pouvoir et les dures réalités de son exercice est un argument trop léger pour
mériter le moindre reproche. Les vieux contre les jeunes est une façon ridicule de poser les
problèmes d’un pays en chantier dont le leader répète à souhait que l’insertion de la jeunesse
dans le tissu économique est le gage de notre avenir. Qui donc a déclaré que « former et
intégrer la jeunesse à la société, est avant tout un facteur de développement. Dis-moi quelle
jeunesse tu as, je te dirai quel avenir tu auras »
Nous avons tous à gagner en recentrant le débat sur les questions d’intérêt national
dans le respect absolue de la légalité républicaine. En effet, le Sénégal est en passe de réussir
l’édification d’un système économique performant (I), de construire une démocratie ouverte,
libérale, pluraliste et favorable au développement de l’initiative privée et à la bonne
gouvernance (II) et de concrétiser l’ambitieux programme d’une société innovante et de
travail (III).
4
I/ Le Sénégal est en passe de réussir l’édification d’un
système économique performant.
L’économie est d’abord une science qui mesure et quantifie par intérêt pour la société
et son fonctionnement même si par ailleurs les économistes ne font pas toujours beaucoup
d’effort de pédagogie citoyenne pour expliquer leurs analyses dans un langage accessible.
Pour évaluer les performances globales d’une économie, tous les économistes (toutes
tendances confondues) s’attachent généralement à une batterie de trois critères : le taux de
croissance économique (la production), les finances publiques et les échanges extérieurs. Ils
ajoutent quelque fois la situation monétaire. Or, une rafale de rapports parus cette année
s'appuie sur de solides statistiques pour conforter l’excellente tenue des critères de
performance macroéconomique du Sénégal. Les Analyses de conjoncture de la Direction
Nationale de la Statistique (une des plus compétentes d’Afrique), les Rapports de l’OCDE
(2003 et 2004), de l’UEMOA (2003-2004), de la Délégation de la commission Européenne
établissent un parfait consensus d’experts sur les remarquables succès économiques et
financiers du Sénégal.
1) Recentrer le débat sur les résultats et l’action car comme soupirait ce
chauffeur de l’administration : « On ne mange tout de même pas tous les
jours de la démocratie ».
En langage chiffré, la présentation synoptique du tableau de bord macroéconomique se
présente comme suit:
- un taux de croissance avoisine 6% ;
- une inflation ramenée à moins de 2% ;
- une dette réduite de 430 milliards de CFA en valeur actualisée ;
- le 1/3 des 71 milliards des bénéfices réalisés par l’ensemble des 66 banques et 24
établissements financiers en activité dans l’UEMOA est fourni par le Sénégal ;
- une progression substantielle du niveau du niveau des avoirs extérieurs donc des
contreparties de la masse monétaire avec des évolutions favorable de la position nette
du gouvernement et des crédits à l’économie.
Le premier critère est la croissance. Elle est la boîte de pandore du développement. Sur ce
thème, un responsable politique est pris en flagrant d’illettrisme économique grave en
déclarant de docte façon « la croissance économique ne se mange pas ». Pareille assertion a
fait tordre de rire tous les économistes de la terre entière. Il faut comprendre que les débats sur
la croissance sont d’une importance capitale. Elle seule offre les moyens à toute politique
économique et sociale et devient en conséquence prioritaire dans les stratégies de
développement. D’abord la croissance est un impératif pour endiguer la montée du chômage
et atténuer les conflits de répartition du revenu. Ensuite, elle est une nécessité pour les
entreprises confrontées à la concurrence internationale de plus en plus vive et à la relative
saturation des marchés de consommation. Enfin, elle conditionne la réduction de la pauvreté
ou d’autres sous-objectifs d’éducation, de formation, de santé, de qualité de la vie urbaine, de
compétitivité future, ainsi qu’une évidente contribution au bien-être.
Toutefois, la croissance potentielle n’est pas une donnée naturelle : les contraintes qui la
régissent sont des limites propres à la société et sur lesquelles elle peut agir. Aujourd’hui, les
niveaux atteints par le taux de croissance potentiel montrent que celle-ci peut être
durablement soutenable car les conditions sont réunies : disponibilité des facteurs de
5
production (travail, investissement, technologie et productivité), maîtrise des déficits et
institutions de qualité.
En moyenne sur les années de l’alternance, le taux de croissance est supérieur à 4%. En
2003, il a même atteint 6,3%, alors que la moyenne de l’UEMOA était de 2,8% et 2,9% en
2002 et 2003. Le processus de croissance commence à être soutenue par la consommation, les
échanges extérieurs et l’investissement ce qui est éminemment positif.
Le second critère est relatif aux finances publiques. En effet, comme tous les autres pays
de l’UEMOA, le Sénégal présente un taux de change fixe par rapport à l’euro. La politique
monétaire étant conduite par la BCEAO, la politique budgétaire devient le principal levier
d’action. Actuellement, les finances publiques connaissent une remarquable embellie. Jamais
dans l’histoire économique du Sénégal le Trésor Public n’a été aussi liquide. Cela procède de
trois facteurs : les allégements de dette, la gestion des dépenses publiques et l’augmentation
des recettes. D’abord, les annulations successives de dette ont démarré avec le Club de Paris
de juin 2004 qui a consacré la phrase « Floating Completion Pont » pour un montant estimé à
25% de la dette. Les ressources pourront augmenter avec la spécification d’autres créances
provenant de Etats-Unis, du Canada, du Japon, de la France. Ensuite, dans la gestion des
dépenses publiques aucun dérapage n’a été constaté. La politique des dépenses apparaît même
beaucoup trop prudente pour une économie dynamique qu’il importe maintenant
d’enflammer. Enfin, le taux de rentrée fiscale s’améliore pour atteindre près de 9,56% avant
la fin 2004.
Le troisième critère est le taux d’inflation dont le niveau est l’un des plus faible de
l’Afrique de l’ouest : il est inférieur à 2%. Il faut rappeler que si l’inflation est redoutée c’est à
cause de deux effets qu’elle peut produire : en s'accélérant, elle pousse, à court terme, à
augmenter la consommation pour anticiper une montée des prix (c'est l'effet dit de fuite
devant la monnaie) et, à plus long terme, elle réduit le pouvoir d'achat des actifs dont
disposent les ménages ce qui compromet la croissance. A cela s’ajoutent des effets pervers
plus classiques découlant du processus ruineux d’inflation par les coûts et par la demande.
Ce panorama des indicateurs est la meilleure illustration d’une économie qui se réforme
pour installer durablement la croissance. Des problèmes structurels subsistent au niveau des
infrastructures et de la privatisations des entreprises dans des sous-secteurs clefs : la
SENELEC, la SONACOS et la POSTE. Les privatisations sont difficiles et les marges de
manœuvre bien étroites. L’Etat est toujours coincé entre les exigences des bailleurs et la
rigueur de la gestion de la cession. En plus, en perdant leur partenaire-Etat, ces sociétés
deviennent des placements moins sûrs. Celui-ci ne sera plus pour éponger les dettes. Par
ailleurs, si le Gouvernement s’était empressé de privatiser, l'occasion serait saisie pour lancer
une vaste campagne sur les thèmes classiques de bradage du patrimoine national et de défense
des acquis sociaux.
Si maintenant nous procédons à l’évaluation de l’économie sénégalaise en fonction
des critères de convergence de l’UEMOA, les résultats sont encore plus brillants. Concernant
les critères de premier rang, le ratio de solde budgétaire de base rapporau PIB nominal
s’établit en moyenne à 1,4% (Commission UEMOA). Il est lié à une meilleure maîtrise des
dépenses de base due à la stabilité des investissements. Le taux d’inflation reste à moins de
2% jusqu’en 2004. Le pic de 2003 s’explique par les tensions introduites par la TVA à taux
unique. L’encours de la dette extérieure et intérieure rapporté au PIB nominal accuse une
hausse en terme de réduction par rapport aux années antérieures. Les arriérés de paiement ont
été respectés en 2003 malgré des retards accusés en 2001.
Pour ce qui est des critères de second rang, on observe que les ratios de la masse
salariale sur recette fiscale n’excèdent pas les 35% de la norme communautaire sur les quatre
années. Les investissements internes sur ressources atteignent au moins 20% des recettes
fiscales. Le déficit extérieur hors don rapporté au PIB excède les 55% de la norme
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!