RÔLE DES COLLECTIVITES LOCALES EN MATIÈRE DU

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RÔLE DES COLLECTIVITES LOCALES EN
MATIÈRE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE :
Cas du Secteur de Mutambala en province du Sud
Kivu, RD Congo
Par :
LUKENDO BULONGO Safanto
Novembre 2013
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0. INTRODUCTION
0.1. Question de réflexion
« Les collectivités locales ont, concernant le champ du développement économique, un mandat
restreint qui exclut, l’intervention directe de type création d’entreprises. Dans ce contexte, quelles
sont les conditions du développement économique local et des politiques publiques que les
communes peuvent concevoir pour façonner un environnement favorable au développement
économique et à la création de valeur à partir des potentiels locaux ».
0.2. Brève présentation du secteur de Mutambala
Le Secteur de Mutambala est l’une de 27 ETD (Entités Térritoriales Décentralisés) que compte la
province du Sud Kivu, en République Démocratique du Congo.
Il est vaste de 776 Km² et peuplé de 173.721 habitants1. Ensemble avec les Secteurs de Tanganyika,
Ngandja et Lulenge, ils constituent le territoire de Fizi.
L’ETD Secteur de Mutambala est limité au Nord par le Secteur de Tanganyika, au Sud par le Secteur
de Ngandja, à l’Ouest par le Secteur d’Itombwe (en territoire de Mwenga) et à l’Est par le lac
Tanganyika (qui le sépare du Burundi et de la Tanzanie).
Le Secteur de Mutambala est composé de 4 groupements à savoir : Basimukindji, Babwari,
Basimukuma Sud et Batombwe. Il a comme chef lieu Baraka.
Faute de tenue d’élections locales, le secteur est actuellement dirigé par un chef de secteur nommé
par les autorités provinciales.
Le Secteur de Mutambala dispose d’un potentiel économique riche en minerais (or, cassitérite, …),
agricole (avec des très vastes étendues de terres), en élevage (du gros et petit bétail), une pêche
florissante sur le lac tanganyika.
Le Secteur de Mutambala ne dispose d’aucune industrie. Le micro et petit commerce informelle,
l’agriculture de subsistance, la pêche artisanale et l’exploitation artisanale de minerais (or et
cassitérite) prédominent l’économie du Secteur.
A Baraka, chef lieu du Secteur, on trouve une coopérative d’épargne et de crédit, des auberges, et
des cybers-cafés. Deux réseaux téléphoniques (airtel et vodacom) arrosent une partie du Secteur.
Le Secteur de Mutambala est traversé par la route nationale n°5. Celle-ci est en terre. Les routes de
desserte agricole reliant différents coins du Secteur sont difficilement praticables. Aussi, il dispose
d’un aérodrome appelé « aérodrome de Malinde » et d’un port dit « port de Mushimbakye ».
Le secteur de Mutambala dispose de plusieurs institutions d’enseignement universitaires
organisant diverses facultés. C’est entre autres : l'Institut Supérieure Pédagogique de
Baraka (ISPBA), l'Institut supérieur technique médical de Baraka (ISTMBA), l'Université Espoir du
Congo (UEC), l'École Supérieure de Technique de Mine de Baraka (ESTBA) et Formation
Professionnelle Nationale de Baraka (FPNBA).
A celles-ci s’ajoute plusieurs écoles primaires et secondaires.
1. Réglementation congolaise en matière de création d’entreprises
Le Décret N° 12/045 du 1 novembre 2012 portant création, organisation et fonctionnement du
Guichet Unique de création d’entreprise, à son article 4, stipule que « dans les conditions prévues
1
Chishambo Ruhoya
,
Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu
;
10 février 2013 )
2
par les lois et règlements, le Guichet Unique exerce sur toute l’étendue du Territoire national, toutes
les missions et prérogatives relatives à la création d’entreprise en République Démocratique du
Congo ». A l’article 5 du dit Décret, il est spécifié, les responsabilités du Guichet Unique qui sont :
«(i) Recevoir les demandes de création d’entreprise provenant des personnes physiques ou morales, de
nationalité congolaise et/ou étrangère ; (ii) Procéder, en son sein, dans les conditions de transparence,
d’efficacité et de célérité, à l’accomplissement de toutes les formalités requises dans la chaine de
création d’entreprise ou d’installation de filiales, représentations ou succursales d’entreprises
étrangères en République Démocratique du Congo ; (iii) Rassembler et délivrer tout document
nécessaire à la création d’entreprise ».
Si le législateur congolais a institué le Guichet Unique comme organisation en charge de la
formalisation de la création d’entreprise, il a toute fois laissé aux ETD, en leur qualité de personne
morale, l’initiative de la création d’entreprises. En effet, la Loi organique n° 08/016 du 7 octobre
2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées
et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, à son art 97 reprenant les actes des ETD soumis à un
contrôle à priori du Gouverneur de province, note à son alinéa 3 : « la création d’entreprises
industrielles et commerciales, la prise de participation dans les entreprises ». Elle dispose également à
son article 110, que : « les recettes de participation de chaque entité territoriale décentralisée
comprennent les bénéfices ou les revenus de leur participation en capital dans les entreprises
publiques, les sociétés d’économie mixte et les associations momentanées à but économique ».
Notons que cette prérogative dévolue aux ETD est atténuée par le prescrit de l’article 100 de la loi
susdite, qui dispose que : « le silence de l’autorité de tutelle endéans trente jours constitue une
décision implicite de rejet [de l’initiative dont question à l’article 3 ci dessus]. Dans ce cas, l’entité
territoriale décentralisée peut former un recours devant la Cour administrative d’appel de son
ressort ».
De ce qui précède, il y a lieu de retenir que les ETD (entités territoriales décentralisées), qui sont au
terme de la législation congolaise la ville, la commune, le Secteur et la chefferie, ne peuvent
intérvenir dans la création d’entreprises qu’en qualité d’entrepreneur (personne morale) et cela
après avis favorable du Gouverneur de province.
2. Rôle du Secteur de Mutambala en tant qu’ETD en matière du développement économique
local
Depuis 2006, la RD Congo a emprunté la voie de la décentralisation. Un arsenal juridique est en
développement. La ville, la commune, le secteur et la chefferie sont désormais des entités
territoriales décentralisées. Elles sont dotées d’une personnalité juridique et jouissent de la libre
administration et de l’autonomie de gestion de leurs ressources humaines, économiques,
financières et techniques.
La loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 dispose à son article 91 que : « […] la répartition des
tâches de membres du collège exécutif du secteur [y compris de la ville, la commune et chefferie]
porte notamment sur les secteurs de la bonne gouvernance locale, de la promotion de l’économie,
de la lutte contre le VIH/Sida et autres maladies endémiques et de la croissance ainsi que de la
promotion de la fourniture des services et infrastructures socioculturelles de base ».
Ceci étant, il y a lieu de réaliser que le législateur congolais a trouvé nécessaire de responsabiliser
les ETD sur la question de promotion de l’économie locale.
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Ainsi, il y a lieu d’examiner ce que devra être le rôle du Secteur de Mutambala, en tant qu’ETD, dans
le cadre du développement économique locale.
Il sied de noter que le Développement économique local est une notion neuve en province du Sud
Kivu et particulièrement dans le Secteur de Mutambala. Les responsables du Secteur (et des ETD en
général), qui étaient habitués à exécuter et subir les ordres dictés par la hiérarchie, devront d’abord
être formé en DEL. Ceci leur permettra d’avoir une vision qui va au delà de la collecte de taxe dans
les marchés locaux, auprès d’exploitants miniers et forestiers artisanaux et l’attente passive de
fonds rétrocédés par le niveau central comme c’est le cas actuellement.
Les animateurs du Secteur de Mutambala devront orienter leurs réflexions sur les conditions du
développement économique local et des politiques publiques à concevoir pour façonner un
environnement favorable au développement économique et à la création de valeurs à partir des
potentiels locaux.
Cette étape franchie, nous pensons alors que le rôle du Secteur de Mutambala dans le
développement économique local serait de :
-
Créer les conditions du développement économique, dont la réalisation directe s’appuiera
en premier lieu sur des acteurs économiques privés. Ceci passe par la création des
conditions du développement économique faisant appel à une intervention transversale et
multisectorielle, de long terme, qui s’appuie sur une connaissance très fine des territoires
dans leurs contextes, de leurs potentiels et de leurs contraintes. Un travail institutionnel de
structuration des services du Secteur et une réflexion sur les conditions de
contractualisation avec les partenaires, etc, est une nécessité.
Aussi, il faudra améliorer le climat général des affaires au niveau local. Ceci passe par une
amélioration du régime de taxation, la mise en place d’une réglementation souple et pas
excessive. Une attention particulière du Secteur devra être focalisé sur le monitoring du
niveau de respect des prescrit de la loi en matière de création d’entreprise en insistant sur
le coût et la durée (3 jours maximum). On devra s’abstenir de soumettre aux entreprises à
une quelconque procédure supplémentaire hors de celles fixées par la loi (à travers le
guichet unique de création d’entreprises).
-
L’ETD Secteur de Mutambala devra servir de source d’information sur les ressources et les
potentialités économiques de l’entité et leur localisation. Une cartographie géo-économique
du Secteur de Mutambala devra être élaborée.
-
Entreprendre des contacts dans le but de développer une coopération économique
décentralisée avec aussi bien les collectivités congolaises qu’étrangères (voisines ou
éloignées). Cette stratégie permettra au Secteur de Mutambala de rentabiliser son potentiel
découlant de son emplacement géographique. La perspective de coopération économique
décentralisée devra être abordée sous une vision plus globale et inclusive mobilisant des
instruments politiques qui dépassent le strict appui financier, dont notamment l’appui à la
réformes fiscales locales, la formation professionnelle et l’appui institutionnel, l’appui à la
gestion durable des ressources naturelles et environnementales, l’appui au développement
d’un programme de marketing du secteur, l’appui à la réalisation d’infrastructures
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(transports, adductions aux réseaux…). Une incitation des investisseurs des pays ou
collectivités coopérants ainsi que la mise en réseau entre les entrepreneurs (effectifs
/potentiels) du secteur de Mutambala et ceux des pays/collectivités avec qui l’on est en lien
de coopération devra bénéficier d’une attention particulière des autorités locales.
-
Faciliter les échanges et la mise en place des synergies multi-acteurs et la tenue des séances
d’éducation sur le développement économique local du Secteur de Mutambala. En effet
compte tenu du dynamisme associatif de ce Secteur, une insistance sur la distinction entre
le développement économique (promotion des entreprises) et le développement
communautaire (création d’emplois, réduction de la pauvreté) devra faire objet d’une
attention particulière. Il en sera de même pour ce qui est de la promotion de l’emploi et la
promotion économique. Un développement des réseaux multi-acteurs (aussi bien entre les
locaux et entre les locaux et ceux des pays étrangers ou d’autres ETD nationales) orienté
vers la valorisant des compétences et les ressources locales ainsi que la structuration de
filières commerciales devra bénéficier d’une particulière attention de la part des autorités
du Secteur de Mutambala.
-
Faciliter l’éducation, la formation et l’information sur l’entrepreneuriat. Le Secteur devra
arriver à de développer l’esprit d’entreprise au sein de la population active et des jeunes, les
reflexes et habiletés entrepreneuriales (innovation, prise de risque, rationalité économique,
désir d’accumulation) et managériales (résolution de problèmes, planification, contrôle). Il
faudra faciliter la circulation de l’information entre micro-entrepreneurs sur les succès, les
opportunités, les échecs et les difficultés réels que connaissent les MPE dans le milieu local,
national ou régional, d’une part et d’autre part éveiller la conscience de la population sur les
bienfaits des entreprises dans le milieu et valoriser davantage le métier d’entrepreneur.
Pour ce faire, l’ETD Secteur de Mutambala organisera semestriellement ou annuellement
une foire d’économie locale.
-
Instituer un fonds de promotion des Micro et Petites Entreprise (MPE) dans le secteur de
Mutambala. L’idée est de rendre disponible, dans le secteur, des fonds pouvant permettre
d’octroyer des crédits aux MPE naissantes ou existantes ; et favoriser l’épargne des
candidats micro-entrepreneurs. Des modalités de gestion du dit fonds en partenariat avec
les coopératives d’épargne et de crédit et d’autres institutions financières locales devront
être clairement définies.
-
Revaloriser la formule coopérative au sein d’ONGD (Organisation Non Gouvernementale de
Développement), de services publics et de services privés. Un corps de conseillers
spécialisés dans l’activité-conseil auprès des MPE sera institué. Il faudra appuyer
techniquement les micro-entrepreneurs qui souhaitent évoluer en entrepreneuriat
coopératif ; mais aussi, démontrer par la pratique que la formule coopérative peut aussi
s’adapter dans une économie de marché et assurer la prospérité des micro-entreprises.
Ainsi, il faudra assurer un accompagnement aux micro-entrepreneurs qui veulent s’associer
en coopérative, ainsi qu’une assistance conseil personnalisée en matière de gestion de
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coopératives. Le Secteur de Mutambala facilitera la mise en place d’un incubateur
d’entreprise et organiser des sessions de coaching et mentoring pour les porteurs d’idées de
création d’entreprises. Des mesures de faveurs devront être accordées aux jeunes
entrepreneurs pour la sous-traitance en vue de réaliser les projets publics locaux se
rapportant au budget participatif du Secteur. Notons qu’une stratégie de communication sur
la procédure relative à la création d’une entreprise devra être développée par le Secteur.
-
Faciliter la constitution progressive au sein d’ONGD, de services publics et des cabinets
privés d’un corps de conseillers spécialisés dans l’activité-conseil auprès de MPE. Le Secteur
de Mutambala emploiera des démarches pour obtenir si possible dans le cadre de la
coopération économique décentralisée des appuis en termes de renforcement des
compétences spécialisées dans l’appui-conseil aux MPE. De manière spécifique, seront
encouragées par le secteur de Mutambala : des formations des formateurs en activitésconseil auprès de MPE ; des formations et recyclages des conseillers ; et enfin l’élaboration
et publication des guides pratiques du conseiller des MPE.
Le secteur devra initier un dialogue avec les responsables d’institutions d’enseignements
secondaires et universitaires pour l’introduction de programmes supplémentaires/spéciaux
visant à adapter la formation aux besoins des entreprises. La facilitation de la
communication entre les institutions de formation et les employeurs potentiels devra
bénéficier de l’attention particulière du Secteur de Mutambala.
-
Mettre en place un cadre de concertation, de planification et de coordination des
interventions de promotion des MPE. Ceci permettra d’assurer de l’harmonie pour plus
d’efficacité dans les interventions auprès des MPE ; et de promouvoir la pratique de la
planification locale comme outil au service du développement économique local. Le secteur
devra faciliter la mise en place d’une plate forme de concertation des organisations et
services appuyant les MPE. Aussi, il devra périodiquement (annuellement) instituer une
table ronde de concertation sur l’appui aux MPE dans le secteur.
Conclusion
Il serait utopique de croire qu’à son stade actuel, l’ETD Secteur de Mutambala serait à même
d’assumer ces différents rôles qui du reste sont assez exigeants. C’est pourquoi, nous estimons que
le renforcement de capacités (en DEL) des agents du Secteur ayant dans leurs attributions des
questions en lien avec le développement économique local (artisanat, coopératives, mines,
agriculture, développement rural, environnement, etc) devrait être un préalable.
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Bibliographie
- Aitec ; Action internationale des collectivités locales et développement économique ; valorisation d’un
atelier organisé à Via le Monde, le 27 mars 2008
- Chishambo Ruhoya ; Statistiques démographiques au 31 décembre 2012 ; Division Provinciale de
l’Intérieur et Sécurité/Province du Sud Kivu, 10 février 2013
- Journal Officiel de la RDC ; loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008 portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l’Etat et
les Provinces ; 49ème année
- Matata Mponyo et Vunabandi Kanyamihigo ; Décret N° 12/045 du 1 novembre 2012 portant
création, organisation et fonctionnement du Guichet Unique de création d’entreprise ; Primature
RDC, Novembre 2012
- Sadiki Byombuka ; Microentreprises et développement économique local : de l’expérience
québécise à la conception d’une stratégie applicable au Congo ; Bukavu, avril 2001
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