vie comme le Christ, de son immaculée conception à son assomption, comme figure et anticipation de
l’humanité purifiée du péché) et conclut (p 193-201): le culte de Marie est un immense transfert affectif de la
personne de Jésus à celle de sa mère (…) En passant de la personne du Christ à celle de Marie, les notions
essentielles de la foi subissent une dévalorisation proportionnelle à la différence de niveau entre le
Rédempteur divin et la mère purement humaine.
En la matière, le Sola Scriptura n’aide guère le protestant sinon pour effectivement
constater aucune justification directe des apparitions mariales 11.
11 On peut se référer à l’excellente analyse des approches herméneutiques d’Hébert Roux, Bilan de
l’Ecriture au point de vue protestant, Revue Etudes mariales, 1963. Tout en confessant un christocentrisme
herméneutique, le catholique et le protestant suivent deux démarches opposées : l’un (catholique) cherchera à
dégager à partir des textes mariologiques les éléments d’une théologie mariale pour les introduire dans la
christologie du NT, l’autre (protestant) partira de cette christologie pour découvrir à travers elle le sens et la
portée de ce que les textes nous disent sur Marie (…) C’est lorsqu’on a vraiment entendu et reçu le
témoignage du Christ sur Marie, qu’il est possible de comprendre le témoignage de Marie sur le Christ.
Deux attitudes sont alors possible :
1. considérer que, puisque ce n’est pas explicite dans l’Ecriture, c‘est à bannir. En effet,
lorsque Dieu veut nous donner des moyens de grâces, l’Ecriture est assez claire pour
nous les indiquer, et cela suffit à la foi et au salut (satis est !). Point n’est besoin
d’ajouter quelqu’autre révélation, fusse-t-elle privée (apocalypse 22,18). Toute la
question, dans le débat œcuménique, est de savoir si une apparition mariale, comme
toute vision ou révélation selon le mode de 1 Cor 14,26 « ajoute » quelque chose à
l’Ecriture (et selon quelle interprétation ?) ou au contraire confirme les croyants (dans
la subjectivité de leur foi) et les fait grandir ensemble en Christ.
2. l’autre position, plus proche de la doctrine catholique officielle, considèrera les
apparitions comme des a diaphora, dans la mesure où elles ne portent pas atteinte au
cœur du message de l’Ecriture : la justification par la grâce au moyen de la foi du
Christ. A ce message, il ne faut rien ajouter, il faut même combattre ce qui ajouterait
quoi que ce soit d’une forme de médiation à la médiation du Christ qui donne la
Grâce. Ici, la question des apparitions en tant que telles, est seconde par rapport à la
question : réintroduisent-elle par la fenêtre une forme de coopération au salut qui
replacerait Marie dans un statut de médiatrice ? Là, se fait la connexion avec les
débats œcuméniques sur le type de médiation que constitue l’Eglise dans le don du
salut : de quelle manière coopère-t-elle au salut ? L’Eglise sanctifiée devient-elle
sanctifiante ? Et Marie aussi, en tant que membre éminent de l’Eglise-communion des
saints ? … Où l’on voit que le problème n’est pas dans les apparitions mais bien en
amont !
La question ici n’est pas la place de Marie dans la foi protestante. Avec Elisabeth, le
protestant peut saluer Marie comblée de grâce, et avec Marie chanter le Magnificat. Marie
peut être pour lui/elle l’exemple (le premier !) de l’accueil du Sauveur par la foi et de la
suivance du Seigneur dans l’humilité, la figure de l’Eglise, la théotokos de l’ancien concile
œcuménique … les Réformateurs ne se sont pas privés de cette richesse biblique même si,
par la suite, une mariologie inflationniste devenant un marqueur de l’identité catholique
antiprotestante, son absence totale est symétriquement devenue le marqueur identitaire
d’une piété protestante anticatholique.