Colloque : Préfets et préfectures dans la seconde guerre mondiale

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Colloque : Préfets et préfectures dans la
seconde guerre mondiale
Mercredi 12 octobre 2016,
Amphithéâtre Rambuteau, 9h30
Jean Moulin,
Edouard Bonnefoy,
Paul Haag,
Emile Bollaert,
Alfred Golliard,
Henri Trémeaud.
Ces noms, ce sont ceux de grands résistants,
membres du corps préfectoral, qui ont tous
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vécu une étape de leur histoire à Lyon. Ayant
été à Lyon en poste avant d’être nommé ici à
Paris, j’ai choisi, en guise d’introduction, de
parler des grands héros de la métropole
lyonnaise. Lyon, capitale de la Résistance,
implique aussi bien sûr que Lyon fut capitale
de la collaboration. Mais ce qu’ont vécu ces
membres du corps préfectoral passés à Lyon
me
semble
illustrer
des
débats,
des
problématiques d’intérêt national.
Ces noms, ce sont ceux des serviteurs de l’Etat
qui ont fait preuve de bravoure, d’héroïsme
pour sauver les valeurs de la République
lorsqu’elles
étaient
affreusement,
honteusement, mortellement bafouées.
Ces noms, ce sont ceux d’hommes qui se sont
illustrés par leur courage, leur esprit de
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grandeur, qui incarnent l’esprit de Résistance.
D’hommes qui ont souvent payé d’atroces
souffrances leurs actes pour la Nation pour
l’honneur de l’Homme. Quatre d’entre eux
sont morts en déportation.
Je suis donc honoré d’ouvrir ce colloque dédié
aux « Préfets et préfectures dans la seconde
guerre mondiale » et de raviver la mémoire de
ceux que je considère comme des modèles.
Honoré et heureux de redire dans cette
préfecture toute l’admiration que je porte, que
nous
portons
collectivement,
à
nos
prédécesseurs qui ont fait le choix de Résister,
résistants
que
Régis
Debray
qualifiait
d’hommes « ordinaires qui ont accompli
l’extraordinaire ».
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J’aimerais vous retracer brièvement
les
parcours héroïques et tragiques de ces
membres du corps préfectoral qui pour la
plupart ont été internés à la prison de
Montluc.
Jean
MOULIN
incarne
la
fraternité
invincible.
Plus jeune préfet de France en 1937, il est
nommé président du Conseil national de la
Résistance par le général de Gaulle. Jean
Moulin n’a de cesse d’œuvrer à l’unité de la
Résistance, de relier les femmes et les
hommes qui luttent au sein des différents
mouvements de résistants pour que leurs
actions soient coordonnées et efficaces. Arrêté
le 21 juin 1943 à Caluire par la Gestapo, Jean
Moulin est interné à Montluc. Sa sœur décrit :
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«Bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang,
les organes éclatés, il atteint les limites de la
souffrance humaine sans jamais trahir un seul
secret, lui qui les savait tous ». Son courage
sauve le destin de la Résistance. Transféré à
Paris et déporté, Jean Moulin meure dans le
convoi pour l’Allemagne le 8 juillet 1943.
Chacun pense ici aux paroles d’André Malraux
lors de l’entrée de Jean Moulin au Panthéon le
19 décembre 1964.
Edouard
BONNEFOY
et
Paul
HAAG
incarnent eux le refus de se soumettre.
Le préfet Edouard BONNEFOY, préfet régional
à Lyon en 1944, combat depuis son poste le
régime Vichy. Il transgresse les instructions,
s’emploie à ralentir les réquisitions, freine ou
empêche
des
emprisonnements,
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des
internements, ouvre ses appartements à de
nombreux résistants. Il recourt au sabotage
administratif, élaborant des rapports truqués
pour lutter contre le STO. Il brave le danger
pour protéger ses concitoyens. Il est arrêté
par la Gestapo à son bureau de la préfecture le
14 mai 1944, celui-là même que j’ai occupé et
il en résulte une émotion personnelle.
Edouard BONNEFOY est interné à Montluc.
Transféré à Compiègne-Royallieu et déporté à
Neuengamme, tué le 3 mai 1945 en baie de
Lübeck lors du naufrage du Cap Arcona.
Bizarrement son souvenir n’était pas très
présent à la préfecture de Lyon. J’ai bien
évidemment fait apposer une plaque pour se
souvenir.
Edouard BONNEFOY formait avec Paul HAAG,
son directeur de cabinet, une équipe très
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soudée. Après l’arrestation du préfet, Paul
HAAG reçoit de la Résistance l’ordre de rester
à son poste. Il se rend à sa convocation au
siège de la Gestapo de peur d’aggraver le cas
de son préfet. Arrêté, il est interné à Montluc
puis à Fresnes, déporté à Buchenwald dans le
dernier convoi qui a quitté la France. Envoyé à
Dora,
il
continue
à
tenir
tête
à
ses
tortionnaires. Le 27 novembre 1944, il
succombe.
Emile
BOLLAERT
incarne
le
courage
républicain.
Préfet du Rhône en 1934, il refusera de prêter
serment au maréchal Pétain en 1940. Celui qui
s’écrira
« Vive
la
République !
»
aux
parlementaires partant pour Vichy dans le
cadre du vote du 10 juillet 1940, est
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immédiatement révoqué. Surveillé à Lyon, il
rentre à Paris en 1941 et entre dans la
Résistance. Le général de Gaulle le nommera
délégué général du Comité français de la
Libération nationale auprès du CNR, pour
succéder à Jean MOULIN. Le 3 février 1944,
Emile BOLLAERT est intercepté avec Pierre
BROSSOLETTE alors que son bateau fait
naufrage sur la côte bretonne en cherchant à
se rendre auprès du général de Gaulle.
Déporté à Buchenwald, à Dora puis à BergenBelsen. Il survivra aux camps et sera rapatrié
en avril 1945. J’ai eu l’honneur d’être son
successeur à Lyon comme je fus celui
d’Edouard BONNEFOY.
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Alfred GOLLIARD incarne la constance de
l’engagement.
Préfet du Jura, destitué par le gouvernement
de Vichy en 1940 après qu’il a assuré la
protection des réfugiés venus d’Allemagne et
de la zone occupée. Il entre alors dans la
résistance. Ses convictions républicaines et
son engagement conduisent à son arrestation
le 14 février 1944. Lui aussi, interné à
Montluc, transféré à Compiègne-Royallieu,
déporté
au
camp de
concentration
de
Mauthausen, en Autriche. Le préfet Alfred
Golliard est assassiné dans une chambre à gaz
le 16 août 1944. Quelques mois avant sa mort,
il écrivait à son épouse : « j’ai confiance en
l’avenir ».
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Henri TREMEAUD incarne lui aussi l’esprit
de Résistance, préfet de la Haute-Savoie,
arrêté par la police allemande en 1943 en
préfecture d’Annecy, transféré à Lyon au siège
de la Gestapo puis incarcéré à la prison de
Fresnes.
Parlant de la Haute-Savoie, je ne peux pas ne
pas évoquer le souvenir de monsieur Georges
GUIDOLLET. Il représentait Yves FARGE en
Haute-Savoie. Il fut chargé d’exécuter 80
soldats allemands pour obtenir en août 1944
la libération des détenus de Montluc. Il le fit…
Et sa vie, vous vous en doutez, fut une autre
vie. Il fut nommé préfet de Haute-Savoie à la
Libération et ce fut l’un de mes prédécesseurs.
Honneur à lui. Honneur à lui qui a assisté à la
remise de la Légion d’honneur à Hélène
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BERTHAUD
qui
fut
sauvée
par
sa
détermination. Lorsque j’ai procédé à cette
remise de décoration, un 18 juin, je peux vous
assurer que tout le monde pleurait.
Ces hommes ont écouté ce qu’il y avait de plus
noble en eux pour servir leur vision de la
France, celle d’une République forte et unie.
Leur histoire doit toujours rester vivante.
Un grand Résistant aussi interné à Montluc et
exécuté par le régime nazi, Marc Bloch,
s’interrogeait dans L’Etrange défaite : « Peutêtre serait-ce un bienfait, pour un vieux
peuple, de savoir plus facilement oublier. »
Comme en résonnance, le maréchal Foch
affirme : « Parce qu'un homme sans mémoire
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est un homme sans vie, un peuple sans
mémoire est un peuple sans avenir. »
Pourquoi se remémorer ces parcours ? Pour
se questionner sur ce que nous aurions fait à
leur place. Pour éclairer nos prises de
décision. Pour nous dépasser, engager des
actions
dans
le
bon
sens.
Pour
nous
réconcilier autour d’une même fierté, celle de
porter les valeurs de la République.
Ces hommes se sont dressés face à la
collaboration, à l’abandon, à la barbarie, au
nazisme.
Ravivons toujours la mémoire de Jean Moulin,
Edouard Bonnefoy, Emile Bollaert, Alfred
Golliard, Paul Haag, Henri Trémeaud, Georges
Guidollet.
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Racontons les récits douloureux des actes de
barbarie subis à Montluc.
Transmettons la flamme des valeurs pour
lesquelles ils sont morts.
Un mot encore pour citer Félix EBOUE. Il
n’était pas Préfet, il fut gouverneur. Cet
homme, moins de cent ans après la fin de
l’esclavage, vient dire à la France relevez-vous,
luttez contre les crimes nazis. Honneur à lui
aussi.
Soyons toujours fidèles à leur exemple pour
que vive notre République.
Je vous remercie.
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