ANTIGONE BALAYEE Roman SIKORA Une production de l’Association/Compagnie PARTAGE Spectacle Théâtral Alpes Sud Isère En partenariat avec Les communes de Notre-Dame de Mésage, St Pierre de Mésage Vizille, Et l’Association interludes Contacts : Direction artistique, Patrick SEYER 06 88 17 38 09 La présidente Sylvie LOYAU 06 03 55 37 87 [email protected] Le mythe d’ANTIGONE Pérennité et modernité Georges Steiner, écrivain et chercheur érudit, spécialiste du mythe d' "Antigone", affirme qu’il serait illusoire de vouloir établir un catalogue exhaustif du "matériau Antigone" qui, s’il existait, devrait partir du VIII° siècle avant J.C. avec l’Odyssée pour arriver à notre époque, où de nouvelles versions d’ « Antigone » continuent d'ailleurs régulièrement à voir le jour sous forme de pièces de théâtre, opéras, ballets ou de représentations picturales. Depuis la fin du moyen âge, jusqu’à aujourd’hui, on peut estimer très grossièrement à plusieurs centaines les œuvres artistiques traitant du mythe d’Antigone. On peut alors se demander pourquoi ce mythe là (et d’autres aussi bien sûr) perdure et en corollaire pourquoi il continue à nous intéresser ? Un premier élément de réponse nous semble lié au fait que si, au centre du mythe d’ANTIGONE, on retrouve d’une façon quasi immuable les éléments structurels de la tragédie des Labdacides : l’assassinat du père, ici le roi de Thèbes Laïos par son fils, Œdipe et la consommation de l’inceste entre ce dernier et sa mère Jocaste, la fable devient extrêmement variable quant aux conséquences de cette "souillure". Cette variabilité n'est pas récente, elle était déjà présente à l'époque antique. Ce n’est donc pas une seule histoire univoque qui a été ainsi ré-écrite mais des histoires très variées autour d'un noyau central assez stable. Ainsi dans certaines versions Antigone survit et épouse Hémon, dans d’autres elle meurt brûlée, d’en d’autres encore Hémon se suicide, ou tue son père , ou les deux ! ….et nous pourrions multiplier les exemples de ces « variations » autour du thème central. Ces variations renouvellent sans aucun doute l’intérêt pour la fable et donc pour le mythe. Une autre clé absolument essentielle pour comprendre la pérennité du mythe nous est fournie par l’écrivain et poète Henry Bauchau, lui-même auteur d’une extraordinaire ANTIGONE, lorsqu’il écrit : « La réécriture d'un mythe ne doit pas rester attachée à une tradition dépassée. Bien au contraire, la réécriture est une réactualisation d'un modèle qui laisse libre cours à la création, à la modulation. Si les mythes sont encore si permanents dans la pensée du XXIème siècle, c'est qu'ils n'ont pas encore livré toute leur essence. » Ainsi faut-il voir dans la réécriture d'un mythe une réactualisation artistique. Sans pour autant nier l'héritage du modèle, (Sophocle, Euripide, Eschyle) ce dernier ne saurait opprimer la dimension créatrice de l'auteur qui imprime une marque personnelle à son œuvre. Tout processus de ré-écriture authentique est nécessairement un acte artistique donc intrinsèquement créatif et inventif. De ce point de vue, à chaque époque, et tant qu'il y aura de vrais auteurs, on ne pourra pas "épuiser" le mythe et donc lasser les lecteurs. Ce processus de réactualisation est d'autre part accompagné/relié à un double mouvement d’historicisation. Mouvement qui se manifeste d'abord par l’apparition, dans les œuvres, d’évènements historiques stricto sensu et plus ou moins identifiables comme chez Brecht, Yourcenar ou Anouilh par exemple. Ensuite, l’Histoire, ou pour mieux dire l’époque, s'insinue évidemment dans la fable par le fait que l’auteur appartenant lui-même à cette époque en utilise plus ou moins consciemment les références sociétales ainsi que les codes déontologiques et psychologiques. Tout cela contribue à faciliter la lisibilité du mythe, donc son intérêt et partant, sa pérennité Roman SIKORA Né le 3 Juillet 1970 à Třinec dans l'est de la République tchèque, Roman Sikora a travaillé dans une usine sidérurgique locale, avant de partir pour Brno. Là il suit des cours à la très renommée Académie Janáček d'Art Théâtral où il obtient un diplôme au Département d'Art Dramatique. Il travaille ensuite comme réceptionniste de nuit dans le théâtre municipal de Brno, ce qui lui permet d'entrer plus directement en contact avec le monde théâtral. Il est ensuite membre/créateur du comité éditorial du magazine de théâtre en ligne YORICK. Il est l'auteur de divers essais et articles publiés dans cette revue. Il vit actuellement à Prague où il poursuit son travail d'écrivain. Il est aussi rédacteur pour la revue politique et culturelle "noviny Literární ". En 1997 sa pièce "Smetení Antigony" (Antigone balayée) a obtenu le deuxième prix du concours organisé par la fondation Alfréd Radok récompensant les meilleures fictions originales. Il est traduit en allemand, en Français, en Hongrois et en Slovène. On pourrait définir SIKORA comme un jeune dramaturge en colère. Il exprime une profonde répulsion vis-à-vis des tendances totalitaires du système de marché et de l'assujettissement à l'idéologie du bonheur matériel et de la toute puissance des nouvelles technologies mondialisées. Il est un témoin critique et actif du monde dans lequel nous nous trouvons. L'ANTIGONE BALAYEE de Roman SIKORA Pour clarifier les choses nous présentons ci-dessous l'arbre généalogique des Labdacides. Cadmos le fondateur de Thèbes était petit fils de Poséidon, et Harmonie Fille d'Arès Dieu de la Guerre et d'Aphrodite Déesse de l'Amour. Ephaïstos dont il est question dans la pièce est le fils (mal aimé) de Zeus et de son épouse légitime Hera. Rappelons un fait très souvent omis, peut-être parce que trop sulfureux(?) et qui concerne l'origine de la malédiction frappant les Labadcides. Laïos, Roi de Thèbes avait dû s'exiler à la cour de Pélops, en Elide (une région située à l’ouest du Péloponnèse.). Mais, pris de passion pour Chrysippos, le fils de son hôte, il l’enleva, le violenta et s’enfuit. Le jeune homme se suicida peu après. Le v(i)ol d'un très jeune enfant déclencha la colère d'Héra, femme de Zeus et d' Apollon, qui, indigné, jeta alors une terrible malédiction sur Laïos : s’il engendrait un fils, ce dernier tuerait son père et épouserait sa mère. Si on a essentiellement retenu le tabou de l'inceste, dans la tragédie des Labdacides, il semble bien que le mythe intègre aussi fortement la condamnation de la pédérastie voire de la pédophilie. Le mythe d'Antigone et d'une façon plus globale la tragédie des Labdacides abordait les grands thèmes humains et politiques comme, l'interdit de l'inceste, les limites des pouvoirs, l'opposition entre liberté individuelle et organisation sociale, le temporel et le sacré etc…. Bien que traités différemment à chaque époque et par chaque auteur, ce sont ces thèmes là qui réapparaissaient peu ou prou de façon récurrente dans les multiples versions qui nous sont parvenues. L'ANTIGONE de Sikora est en rupture quasi-totale de cette continuité. Ecrite dans les années 90, cette nouvelle version, prend délibérément et radicalement ses distances avec toutes celles qui l'ont précédée, en premier lieu bien sûr avec l'originale: celle de Sophocle. Sikora brouille systématiquement tous nos repères relatifs à ce que nous croyions connaître de la fable. Dans les versions antiques, l'action centrale que représente le combat des deux frères pour prendre le pouvoir à Thèbes n'est même pas mentionnée ici. C'était une lutte monstrueuse, certes, mais qui donnait sinon du sens au moins une explication au duel fratricide entre Polinyce et Etéocle. Ici on n'en saura rien, ou plutôt on en saura que ce que Pierrot, véritable incarnation des media de l'information voudra bien en dire, c'est-àdire une bouillie indigeste. En fait on ne comprend plus rien. Sommes-nous très éloignés de la réalité contemporaine, où, submergés d'informations, il nous devient de plus en plus difficile de comprendre ? Etéocle est ici quasiment absent du drame. Il est assassiné, comme son père Œdipe par Polynice. L'amour fraternel et le sens du devoir familial sacré qui conduisait Antigone à s'opposer au pouvoir de Creon pour offrir une vraie sépulture et rendre les honneurs funèbres à son frère sont remplacés par une action nécrophile insoutenable. Antigone dit aimer sa sœur Ismène, mais couche avec Hémon le fiancé de celle-ci. Celui-ci affirme son amour pour Ismène, lui promet le mariage, mais la répudie cruellement pour une autre femme plus "appropriée" à sa situation de futur roi. Ismène, quand à elle, dit aimer Antigone mais la poignarde mortellement. Créon est dans un rapport très trouble, quasi incestueux avec ses nièces. Eurydice est présentée comme une espèce de nymphomane. Avec son mari Creon, et leur fils Hémon, ils se montrent d'une cruauté véritablement sadique, car totalement gratuite, vis-à-vis de leur nièce et cousine Ismène. Toutes ces déstructurations, ces déconstructions, de l'histoire initiale qui vole littéralement en éclat, ne sont absolument pas gratuites dramaturgiquement et font tout l'intérêt de cette pièce contemporaine. Elles visent à montrer qu'un monde soumis au destin –le fatumantique, auquel les Dieux eux-mêmes devaient se soumettre- est moins absurde que le monde concret dans lequel vivent et agissent les protagonistes de la pièce. Celle-ci nous décrit en fait un monde d'où a disparu toute logique. On n'agit même plus au nom des lois Divines, de l'intérêt de l'état, ou des valeurs familiales. Plus rien de tout cela ne fonctionne désormais. Bref le monde que nous décrit Sikora est un monde où le sens a disparu et où il est pratiquement impossible de se "raccrocher" à quelque chose. Tout s'emballe, tout dérape, tout délire, et on sent bien qu'il faudrait pouvoir arrêter ça et si, comme le dit ANTIGONE : " LE MONDE A BESOIN D'UN INTERRUPTEUR", force est de constater qu'il n'y en a hélas pas, et que par conséquent, même le déni de réalité n'est pas possible. Il va bien falloir faire quelque chose alors! Mais quoi ? La question reste ouverte, Sikora se garde bien de donner ne fut-ce qu'un embryon de réponse. A nous spectateurs, peut-être de la trouver. C'est donc un regard profondément pessimiste que Sikora pose sur notre monde, avec son "ANTIGONE". Mais paradoxalement par la violence et l'excès même de cette dénonciation radicale, on ressent comme une espèce d'électrochoc et l'on se dit que peut-être, il fallait effectivement aller jusqu'au bout de la description de cette absurdité totale, qu'est devenu le monde des labdacides, c'est-à-dire, ne nous y trompons pas, le nôtre, pour commencer à la combattre. Les parti-pris de mise en scène Sikora est un véritable artiste, c'est-à-dire, comme nous l'avons signalé plus haut, que sa réécriture d'ANTIGONE est un acte créateur. C'est donc en homme engagé du XXIeme siècle qu'il s'approprie artistiquement le mythe. Il a 19 ans lors de l'élection de Vaclav HAVEL et la chute du communisme en Tchécoslovaquie. C'est dire qu'il est placé à une période charnière et ceci à un double titre : d'une part personnellement il vient juste de rentrer dans l'âge adulte et d'autre part son pays passe du communisme au capitalisme. On sait la violence que cette transition a représenté pour les citoyens des ex-pays du bloc de l'Est, y compris pour ceux qui avaient totalement rejeté le totalitarisme communiste. L'analogie avec le personnage d'ANTIGONE est flagrante. Un monde, celui d'Œdipe Roi / ( du petit père des peuples) est mort, un autre celui de Creon Roi (Le capitalisme sauvage) naît. N'aurait-on pas échangé la peste contre le choléra? Comment vivre à nouveau ? Voilà bien le bilan que tire, et les questions que pose, Sikora. C'est ce matériau là, ce constat, clairement exposé par Sikora; que rien ne fonctionne plus désormais dans un monde qui ne tourne plus rond, que nous essaierons de transcrire sur le plateau. Ce parti-pris d'un monde en déliquescence sera donc l'élément moteur de la mise en scène. L'écriture même de Sikora, forte, rude, râpeuse, porte explicitement ce message. Nous en prendrons pour exemple la scène dialoguée où Ismène affirme que dans le monde il y a "les Joies. L'Amour", et où ANTIGONE rétorque "Et la faim,, et la haine, et la misère et le mensonge, et la mort. Hourra!" Les harangues aux ivrognes relèvent également de la même affirmation, à savoir la vacuité de la vie humaine dans le monde actuel. Que l'on soit ou non d'accord avec ce propos dramaturgique assez nihiliste, il est présenté sans équivoque, et on aurait presque envie de dire que le texte se suffit à lui-même, comme l'atteste le fait qu' "ANTIGONE BALAYEE" se prête admirablement à la lecture. Néanmoins nous sommes convaincus que sa mise en espace est non seulement possible, mais devrait produire, si elle est correctement maîtrisée, un très bel objet théâtral. Mais pour cela il va falloir être particulièrement attentif à ce que la scénographie, les décors, les costumes, le jeu des comédiens, bref la mise en scène ne tombe jamais dans la redondance et "en rajoute" visuellement. La seule issue nous semble résider dans un traitement scénique distancié, non réaliste sans doute poétique, afin que le message "visuel et sensoriel" ne soit jamais une répétition de ce qu'exprime avec assez de force le texte, mais au contraire crée un espace lui permettant de prendre toute sa place, en étroite synergie avec lui. Les acteurs Pour nous l'acteur est au centre du "théâtre". La magie de cet art réside dans ce qu'il est convenu d'appeler l'incarnation, c'est-à-dire la mise en chair des personnages et de leur texte. C'est l'Association Compagnie PARTAGE qui sera maître d'œuvre de ce spectacle, dont la mise en scène et la technique seront assurées par des professionnels. Il sera fait appel à des comédiens pour partie amateurs et pour partie en voie de professionnalisation. Tous ont déjà travaillés au sein de l'association, ce qui est un avantage très appréciable lorsqu'on monte une pièce. Aucune pièce de théâtre, digne de ce nom, n'est simple à mettre en scène et ANTIGONE BALAYEE n'échappe pas à cette loi, mais en plus, elle présente certaines spécificités liées à l'écriture, qui sont sources pour l'acteur, et aussi pour le metteur en scène d'ailleurs, de difficultés supplémentaires. En effet les mots, la composition globale de l'oeuvre, l'univers suggéré par le dramaturge et l'agencement non linéaire des scènes sont d'une facture très contemporaine. L'utilisation de "techniques" efficaces pour un théâtre plus structuré, plus "habituel", plus conventionnel fut-il moderne risque d'être peu opérationnel ici. Ceci imposera donc un investissement assez considérable des comédiens, un approfondissement de leurs savoir-faire, une ouverture et une posture mentale peut être inhabituelle dans le monde du théâtre (semi)-amateur. C'est évidemment un risque, mais aussi et surtout l'assurance d'une aventure forte, riche et assez exceptionnelle. La pièce sera proposée dans diverses salles de la région et dans le cadre des festivals de théâtre amateur notamment ceux liés à la FNCTA. Mise en scène Patrick SEYER Régie et Costumes Annick Noël Assistante Mise en scène Sylvie Loyau Distribution Christian Amico, Pierre Berlioux, Gilles Cochet, Christine Combastel, Michel Facon, Manon Josserand, Laureen Levrat, Simon Lapierre, Kevin Laurent, Jean-Christian Lefort, Sylvie Loyau, René Riondel, Jean-Jacques Zucchiatti,