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René Izaure peintre chinois et graveur français
René Izaure est un Ariégeois né en 1929 à Vicdessos, issu de Rabat les Trois Seigneurs. Entré à
l’école des Beaux Arts de Toulouse, il a suivi les cours de Maurice Mélat en dessin et de Louis
Louvrier en gravure. Il lui a succédé comme professeur de gravure de 1976 à 1987. Aujourd’hui
retiré à Pau, à 80 ans, il est encore mince, le visage allongé, osseux, sous le poil gris ou blanc de sa
barbe. Il a l’œil vif et la main sûre. Certes il ne va plus dans le froid peindre la neige au point de se
geler les doigts, mais il amène la nature chez lui.
Il s’emploie ces dernières années à dessiner. L’observation de la nature lui semble seule garante de
vérité et de cohérence artistique. Il déplore que l’enseignement des écoles de Beaux Arts ait
abandonné le dessin d’observation, le nu et l’anatomie et que ces disciplines académiques ne
subsistent que dans des cours privés.
Il cueille des fleurs, pivoines, roses, fleurs des champs et des jardins, qu’il peint chez lui, de leur
acmé à leur décadence, avec un parti de représentation naturaliste, sans faire œuvre de botaniste, ni
de bouquetier. Il les dessine sur des papiers épais, avec des crayons Wolff à sept gradations, de
fabrication anglaise, dont il s’est assuré des provisions pour le reste de ses jours. Il dessine ces
fleurs, leurs contours, leurs valeurs, leurs modelés dans des formats inférieurs à 50 cm, à leur taille
réelle de préférence. Il lui arrive de reprendre ces études avec des calques pour les reporter dans de
plus vastes compositions dépassant un mètre. Mais il ne peint pas la couleur des fleurs et il s’arrête
là où s’arrête le dessin, quand on ne peut aller plus loin. Ce ne sont pas des préparations pour des
aquarelles. Ce pourrait être des dessins de graveur et il en a gravé au burin et à la pointe sèche, en
petit format. Mais aujourd’hui, ce long travail de gravure lui paraît redondant : il n’a plus envie de
répéter en le gravant ce qu’il a parfait en dessin et scellé enfin d’un sceau à l’encre rouge en
caractères chinois.
L’intérêt de René Izaure pour la peinture chinoise, qu’il a découverte par les livres et dans les
musées, ne se résume pas à l’imitation des signatures de peintres, il a pris leur manière de
représenter les montagnes, les arbres, les brumes et les cascades, les lacs, les hérons et les pêcheurs.
Mais ces canons du paysage oriental, il les applique à ses villages d’Ariège et de Languedoc, qu’on
voit à la base de ses grandes frises dessinées à sec, au crayon, mais avec autant de dégradés
vaporeux qu’un lavis à l’encre là où le peintre chinois use du pinceau,. Le gouvernement chinois
l’a invité à exposer en 1983 à Pékin, tournée honorifique, mais nostalgique dans une Chine moderne
où l’on peint désormais comme en Occident.
En tant que graveur, il avait en Louis Louvrier un maître du burin, au trait net, à l’imagerie réaliste,
quasi photographique. Dans la soixantaine de planches que René Izaure a gravées, le burin tient une
large place, mais il a aussi pratiqué l’aquatinte, la pointe sèche, l’eau-forte combinée au burin de
retouche, et maintes autres combinaisons de techniques sur le même cuivre. Il s’est essayé une fois
à la lithographie pour figurer des arbres.
Ses images sont un témoignage de ce qui fut, des traces de ce monde rural qu’il a connu dans sa
jeunesse : l’architecture typiquement méridionale, les pigeonniers, les moulins à eau, les granges à
lattes de bois, les faiseurs d’épouvantails, le clocher du village, et même un proverbe mis en image
comme ceux de Bruegel : Mettez des manchettes au cochon, on lui dira Monsieur. Mais il y a place
aussi pour le concasseur de gravier, le pont de béton et des sujets plus modernes et urbains, les
raffineries, les pétroliers et leurs citernes sphériques, d’immenses barrages en construction.
Dans cet œuvre entre une part de rencontres hasardeuses : le goéland momifié par le sel et le soleil,
dont l’aile éployée fait songer au geai de Dürer, la fouine et l’écureuil morts, le crabe renversé, les
deux mésanges étendues l’une sur l’autre qui ont été l’objet d’études sans nombre. Et les vieux
arbres mutilés, concentrés de temps qui ont attiré le respect des peuples et l’œil des artistes.
Il est allé jusqu’à la figure allégorique en montrant la Mort entrant dans une maison avec une
sirène-oiseau, annonciatrice de la curée, tandis que les ouvriers refont le toit d’une autre demeure
sans se douter de ce qui approche. Il a vu aux abords du village l’arbre aux formes de dragon
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épineux et cornu qui dévore les lapins, souvenir des monstres de Schongauer, de Dürer ou de
Grünenwald, qu’il a nommé Monsieur Propre. Il a osé suivre Granville en montrant un passereau
chaussé de grosses godasses peignant des vautours, des cacatoès ébouriffés, des passereaux casqués
d’une salade du XVe siècle, un aigle cuirassé armé d’une lance et d’un bouclier, la comédie
humaine sous le masque de la bête.
Un homme qui ose employer les figures de la rhétorique artistique classique, et qui s’en sert pour
faire de la satire, ou mettre en images ses fantaisies, cela existe encore ? Oui, et il grave toujours. Il
joue même des tours : il représente la sainte famille en route sur son âne, mais pour aller en Egypte,
elle traverse les Pyrénées, un peintre chinois l’a dessinée au passage. Dürer avait bien vu la Vierge
habillée à l’allemande dans un jardin de Nuremberg. René Izaure était là aussi quand Adam appuyé
sur un tronc ébranché et Eve furent chassés du paradis par Michel-Ange, à des milliers de
kilomètres de la Sixtine et ne purent y rentrer à cause d’un sens interdit, de barrières et d’écriteaux
« Propriété privée ».
Quant au style de ces gravures, leur ciel n’est pas vide, il est parcouru de traits, de fétus volants, de
graines, de lignes que trace la fuite des feuilles et des vents. René Izaure ombre par des croisements
de tailles à la façon de Dürer ou des Italiens du quinzième siècle, sans s’astreindre aux projections
géométriques savantes de Bosse et des burinistes classiques. Il trace des faisceaux de tailles
parallèles, des pointillés au besoin, mais on est loin de la grammaire de Nanteuil et de Drevet, du
culte de la taille bien rangée. Il y a une vigueur sauvage dans ses tailles, qui sont faites en vue de
l’effet général, mais laissent voir le médium, la trace du trait et du geste qui le creuse. Le burin
moderne a survécu au naufrage de l’académisme par un retour aux sources parallèle à celui de la
gravure sur bois. René Izaure se rattache par là à Cami son aîné (1900-1970), qu’il n’a pas connu,
plutôt qu’à son maître direct Louis Louvrier. Celui-ci, né en 1905, responsable de l’atelier de
gravure à compter de 1934, avait connu Decaris et Cottet, mais n’enseignait plus ces techniques
issues du XIXe siècle que lorsqu’un problème particulier le réclamait : il sentait que l’époque n’était
plus en quête de cette perfection-là. René Izaure a maintenu le souvenir de ce maître discret, mais
qui encourageait des disciples qui se souviennent encore de lui (Durrens (†), Fauvel, Muron, Bancal
entre autres), il a sauvé son œuvre en offrant les cuivres et les tirages que Mme Louvrier lui avait
laissés au musée Goya de Castres qui les a exposés avec les siens en 2002, puis du 12 avril au 14
juin 2009.
René Izaure est un cas particulier, un artiste au confluent d’une tradition chinoise de la peinture et
d’une tradition française de gravure au burin, qui arpente le bord des gaves.
Michel Wiedemann
On pourra se reporter au site de l’Astrée où se trouve une bonne part de son œuvre.
http://www.lastree.net/situationslog/artistes/rene_izaure/index.php
et à deux travaux universitaires :
Schintone (Jacques) : Deux artistes toulousains, le dessinateur graveur René Izaure, le sculpteur
Robert Pagès DEA sous la direction de M. le professeur Claude Bedat , Université de Toulouse-Le
Mirail , section d’Histoire de l’Art et Archéologie, novembre 1987.
Payros (Emilie) : L’Atelier de gravure de l’école des Beaux-Arts de Toulouse de 1908 à 1976.
Mémoire de maîtrise sous la direction de Mme Luce Rivet-Barlangue, Université de Toulouse-Le
Mirail, UFR d’Histoire de l’Art, octobre 2002.
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