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HEC Lausanne Molina Ana Cristina1
Economie politique Premand Patrick2
Analyse économique de situations historiques
Professeur J-C Lambelet 1er mai 2001
Le confucianisme, fondement culturel du repli de la Chine sur elle-même ?
1. Introduction et mise en garde
2. La vie de Confucius
2.1 Contexte historique
2.2 Le Maître
3. La doctrine confucéenne
4. Evolution du confucianisme et ses écoles
4.1 Le confucianisme de Mencius
4.2 Le confucianisme de Xunzi
4.3 Le confucianisme sous les Han
4.4 Le néo-confucianisme
5. Confucianisme et ouverture économique
5.1 Les principes économiques découlant du confucianisme selon Chen Huan-Chang : une
récupération économique du confucianisme en faveur de l’ouverture
5.1.1 L’importance des marchands et de leur rôle
5.1.2 Le commerce « international»
5.2 Guerre de l’opium, le confucianisme comme facteur de repli ?
5.3 Le confucianisme n’est pas l’orthodoxie
6. Confrontation à Landes, une hauteur culturelle d’origine politique ?
7. Conclusion
8. Bibliographie
1. Introduction
Pourquoi un exposé sur le confucianisme ?
Landes décrit dans le chapitre 21 de son ouvrage la Chine comme une entité imperméable au
progrès technologique et scientifique de par sa supériorité culturelle. Or la culture chinoise est
souvent pensée en référence au confucianisme. Dès lors, nous avons souhaité nous pencher
sur la nature du confucianisme pour déterminer s’il peut être à la base d’une supériorité
culturelle et d’un repli de la Chine sur elle-même.
La première partie décrira l’évolution de confucianisme à travers les âges, de la morale
humaniste de l’époque de Confucius à la formation progressive d’une orthodoxie politisée.
Elle sera également l’occasion de structurer sommairement les grands moments de l’histoire
chinoise.
La deuxième partie analysera ensuite les facteurs a priori d’origine confucianiste pouvant
influencer l’ouverture économique et commerciale de la Chine, puis tentera hardiment une
confrontation aux thèses de Landes.
Mise en garde : les difficultés de l’étude du confucianisme
Se proposer d’étudier le confucianisme constitue sans conteste une tâche difficile et risquée,
un réel défi… L’analyse révèle bien vite derrière l’unicité d’un seul mot une multitude de
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conceptions fort diverses. Renoncer devant cette multiplicité apparemment chaotique
équivaudrait à passer sous silence un élément majeur de la construction sociopolitique
chinoise, sans compter que l’aspect protéiforme de l’évolution du confucianisme nous instruit
peut-être grandement de son essence même. Nous nous attelons donc à la tâche en gardant à
l’esprit que la relativisation et les nuances devront être les gardiens de nos réflexions. Nous
tenterons prudemment de souligner les tendances majeures et spoliations périodiques du
devenir de la doctrine confucéenne, tout en utilisant les éléments nous semblant éclairants
dans le cadre du débat sur les raisons du repli de la Chine.
Mieux que le silence, il conviendra donc de rechercher derrière les mythes et légendes des
éléments objectifs et sans équivoque. L’entreprise s’avère ardue, mais si elle n’apparaît au
final pas pleinement aboutie, nous espérons que le lecteur conviendra qu’elle aura au moins le
mérite de constituer une approche introductive au confucianisme. (et non une mise en abîme
des périls d’une relecture a posteriori…)
2. La vie de Confucius
2.1. Contexte Historique
Selon l'histoire ancienne, au XXème siècle avant J.C. débute la période des Trois Dynasties
qui comprend la Dynastie des Hia qui s’étend de 1994-1523 avant J.C., celle des Chang qui va
de 1523 a 1027 avant J.C., et celle de Zhou de 1027 à 249 avant J.C.
C’est surtout aux Fondateurs de cette dernière dynastie, que Confucius se réfère comme
souverains d’un gouvernement idéal. Ils firent l’unification du bassin de la Wei la conquête
du royaume des Chang, au Nord du pays avec le roi Wu, aidé par son frère le Duc de Zhou.
C’est grâce à ce dernier que ce qui devait être à l’origine un simple pillage se transforma en
un établissement durable.
Le duc de Zhou aurait été l’instaurateur de la structure féodale en établissant un système de
succession clanique selon lequel l’héritage passait au fils aîné de l’épouse principale, les fils
plus jeunes ou issus de concubines devenant chefs de clans annexes.
De cette façon, la structure politique chinoise conçut l'état comme une grande famille.
Pourtant suite à la défaite face à une insurrection vers 771 avant J.C., les Zhou entrèrent
définitivement dans l'ère de la décadence ; auxquelles succédèrent des périodes d'instabilité
politique dites de Printemps et Automne (722-481) et des Royaumes Combattants (403-249).
2.2. Le Maître3
C’est donc dans une société féodale et avec des traits oligarchiques, que Confucius naquît en
551 avant J.C. à Lu, une petite bourgade, dans l’actuelle province du Chantong, dans le Nord-
Est du pays et y mourut en 479 av. J.C. à l’âge de 72 ans. A sa naissance, c'était
approximativement le temps du Bouddha en Inde et de Pythagore en Grèce.
Le nom de Confucius est la forme latinisée, due aux jésuites de K’ong Fou-tseu, Maître
K’ong. Il venait d'une famille noble dont la situation était fort précaire et incertaine dans la fin
de la période Printemps et Automne. Il est donc naturel d’imaginer qu’il se retourna contre
l’oligarchie des clans des nobles, puissants et usurpateurs. De son enfance, on sait peu de
choses sauf qu’elle fut pauvre et obscure, et on ignore où et avec qui il fit ses études.
A l’âge de 19 ans, il se maria avec une fille originaire de la principauté de Song et il eut 3
enfants dont deux garçons et une fille.
3 Il est important de dire que la vie de Confucius a toujours été entourée de mythes et légendes. Sa vie a été
reconstruite grâce aux recueils de ses disciples et de sages ultérieurs.
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A 22 ans en 530 A.C., il ouvrit une école à Lu. Il est important de signaler qu’il s’agissait
d’une école et pas d’une “école philosophique”. Il enseignait l’Antiquité et rien d’autre, il
disait: “Je transmets et n’innove pas”.
Plus tard à l’âge de 53 ans, il s’engagea dans la vie politique et devint Ministre de la Justice à
Lu. Deçu, il résolut de partir en voyage accompagné de quelques de ses disciples . Il retourna
à Lu après 10 ans pour se consacrer à l’enseignement moral et la rédaction de livres classiques
jusqu’à sa mort. Parmi les divers manuscrits qui témoignent de la vie du maître et de ses
disciples, on trouve: le Livre des Odes, Livre de Mutations, Livre des Documents, Livre des
Rites et Annales des Printemps et Automnes. Seul ce dernier est attribué à Confucius lui-
même.
Finalement, on peut dire que l’image courante de Confucius est celle de moralisateur
prodiguant avec condescendance ses conseils aux souverains. Il faut toutefois comprendre que
ce qu’il voulait c'était surtout établir quelques principes dans une époque de chaos politique et
de changements sociaux. Ainsi, bien que le confucianisme soit devenu l’idéologie officielle
de l'État en Chine, il n’a jamais pris la forme d’une religion établie avec une structure
institutionnelle et un clergé. Confucius a toujours été honoré comme un maître et un sage,
sans être divinisé. Le confucianisme, plutôt qu’une religion, constitue donc un enseignement
politique et social.
3. La Doctrine confucéenne
La pensée de Confucius modèle un idéal de l’homme. Il s’agit de réaliser dans sa personne et
dans son action la vertu et la morale. L’enseignement de Confucius est donc par nature centré
sur un idéal pratique, on pourrait même dire politique, vu le grand nombre de paragraphes
consacrés à l’art de gouverner. Cette préoccupation du politique est indissociable de sa
conception de l’homme; il semblerait, en effet, que l’ordre politique et l’ordre social ne font
qu’un.
L’idéal proposé par Confucius est le jun-zi ou “l’homme de bien”, qui littéralement traduit du
chinois signifie “fils du souverain”. L’Homme, et en premier lieu le prince doit devenir un
jun-zi. Il peut y parvenir par des exercices de tenue rituelle, par des principes de
perfectionnement individuel: la maîtrise de ses gestes, de ses actions, de ses sentiments.
Un homme accompli a trois vertus principales:
La vertu REN : elle symbolise les meilleures qualités de l'homme. C’est la
disposition d’esprit affectueuse et indulgente, effort de tous les instants et de toute
une vie, par le contrôle de tous les détails de sa conduite quotidienne.
La vertu YI: observation des règles de vie en société.
La vertu SHU: elle symbolise le respect d’autrui et de soi-même et est exprimée
par la règle d’or de Confucius: “!ne faites pas a autrui ce que vous ne voulez pas
que l’on vous fasse!”
Le yun-zi doit avoir une formation morale et intellectuelle pour pouvoir prendre part dans le
gouvernement. En effet, le yun-zi doit tendre entièrement vers la réalisation du Souverain de
Bien. Ce dernier ne désigne pas un Bien abstrait, absolu, mais le bien qu’un homme peut faire
à un autre. d’où notre insistance sur le caractère pratique de l’enseignement confucéen. Cette
Humanité peut et doit être portée à la sphère politique .
Ainsi lorsqu’un de ses disciples lui demanda que faire pour devenir un homme de Bien,
Confucius répondit “Cultiver en soi la capacité de conforter les autres... Cultiver en soi la
force de donner au peuple paix et réconfort”.
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D’autres vertus confucéennes importantes nous renvoient à la rectitude, l’intégrité, la piété
filiale et la loyauté. Celui qui possède toutes ces vertus est digne de détenir le pouvoir. En
effet, le maître souhaitait un gouvernement paternaliste conduit par un souverain bienveillant
et honorable qui devrait cultiver la perfection morale pour servir de bon exemple à son peuple
et attirer de nouveaux sujets à son royaume.
Ainsi, on peut bien se rendre compte que les préceptes de la morale individuelle guident
l’esprit politique des personnes. La morale et la politique vont être liées dans la pratique,
d’où l’importance de l’éducation dans l'humanisme confucéen en tant que facteur
d’amélioration constant.
L’éducation va donc être orientée vers les responsabilités politiques. Elle se retrouvera au
cœur de la structure du gouvernement comme l’illustrera le recrutement des fonctionnaires
par des examens, sujet dont on parlera plus tard. Le souverain doit ainsi assurer le bien-être
matériel, la protection militaire mais surtout l’éducation, fondement même de la politique.
En résumé, le prince doit gouverner par la vertu. Ce qui explique bien pourquoi pour
Confucius : trois choses font la force d’un Etat: l’économie, l’armée et la confiance du peuple.
Et s’il y a quelque chose à sacrifier, il vaut mieux le faire pour les deux premières, mais
perdre la troisième est inconcevable pour l’esprit confucéen. Il faut assurer la justice et même
l'égalité.
4. Evolution du confucianisme et ses écoles
La mort de Confucius nous fait sortir de la période de Printemps et Automne(722-480 A.C.).
Et nous entrons dans celle que les historiens chinois considèrent comme la plus sombre de
leur Antiquité, la Période des Royaumes Combattants (403-221 A.C.), intellectuellement la
plus féconde de l’histoire chinoise.
Cette période marqua la fin du régime féodal au milieu du IIIème siècle et le début de
l’Empire.
4.1. Le Confucianisme de Mencius
Suite à la mort de Confucius, sa pensée fut violemment prise à partie et de tous les côtés.
Dans ce cadre, deux écoles de pensée confucéennes apparurent, l’une représentée par Mencius
et l’autre par Xunzi.
Tout d'abord , on s’intéresse à Mencius, qui est la forme latinisée de Möng K’o. Philosophe
et écrivain, il avait élaboré et renouvelé la doctrine. Comme son Maître, il soulignait la bonté
inhérente à la nature humaine et entendait préparer un gouvernement fondé sur la
bienveillance. Pourtant, pour lui l´homme pouvait pervertir cette bonté naturelle par son
interaction avec l’environnement, raison pour laquelle il doit cultiver les valeurs morales.
Sur le plan politique, il accordait une certaine importance à l’économie politique, un aspect
que Confucius avait trop négligé. Ainsi pour Mencius, il fallait aussi s’intéressser au peuple et
à ses besoins. Face à la décadence de l’Empire des Zhou, qui ne faisait que s’aggraver,
Mencius essaya de définir ce qui serait une économie raisonnable. A cet égard, il ressuscita le
système de partage des terres. On pourrait même dire qu’il a rationalisé la tradition
confucéenne.
Il est également important de signaler que sa pensée est très proche de celle des penseurs du
XVIII e siècle français. : Il croyait comme Rousseau à la bonté originelle de l’homme.
Il est bien connu que la Chine a exercé une influence sur cette époque de la vie française.
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4.2. Le Confucianisme de Xunzi
Mencius a été critiqué et attaqué par les confucéens ultérieurs pour avoir ruiné le
confucianisme. Ainsi, Xunzi qui était plus jeune de cinquante ans environ par rapport à
Mencius, aurait réorganisé le confucianisme sous sa forme ancienne. Xunzi voit en chaque
humain un pervers capable de tout. Contrairement à Mencius, Xunzi considérait qu’une
personne de nature mauvaise pouvait s’améliorer par l’éducation morale. Il confie alors au
confucianisme la société, le soin de diriger l'homme, de le réprimer et de corriger le mal qui
se trouve en lui.
Pour la première fois, on retrouve dans cette doctrine la notion d'obéissance et de répression.
Selon l´histoire, son plus grave erreur fut d’avoir formé deux hommes Han Fezi et Li Si qui
appartenirent à l’école des Légistes, qui furent plus tard les conseillers du terrible Qin Shi
Huangdi et lancèrent une campagne de persécussions contre les disciples du maître. En effet,
vu que le l'homme était par nature indiscipliné et incontrôlable, le seul fondement de la
morale ne pouvait être que la crainte de la police et des magistrats. Au lieu de gouverner par
la bienveillance, il fallait donc le faire par les codes et la peur. Le critiques des confucéens
«puristes» ne se firent pas attendre, et du coup, ils furent accuser de complot contre Qin Shi
Huangdi. Le ministre Li Si conseilla alors au prince de brûler les écrits confucéens et de
persécuter ses précurseurs. C'est de cette façon, que le légisme4 réussit à s'imposer.
Après 11 ans de règne, Qin Shi Huangdi mourut et son incompétent successeur disparut au
bout de quatre ans. En 206 A.C., un homme du peuple, Liu Bang, dirigea une rébellion qui
mit fin à la dynastie de Qin et fonda la sienne, celle des Han, pendant laquelle le
Confucianisme connut un renouveau.
4.3. Le Confucianisme sous les Han
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cet Empire centralisateur et Conquérant accorda au
confucianisme un rôle quasi officiel dans l’Etat. La dynastie des Han s’étendit de 206 A.C.
jusqu’au II de notre ère.
Cet empire fut ouvert aux influences extérieures (Taoïsme et le Bouddhisme )et fut marqué
dès son début par un certain succès. On peut dire également que les confucéens ne
retrouvèrent complètement leur influence au sein du gouvernement qu’avec Wu, le troisième
empereur de cette dynastie (141-87 A.C.).
De plus, à l’époque, on choisissait de préférence les fonctionnaires parmi les gens formés à
partir du confucianisme, ce qui leur permettait de conserver un certain pouvoir. De cette
façon, l'institution des examens (et le mandarinat) prit progressivement la forme d'un système
qui supposait la compétence administrative de ceux qui savaient par cœur le canon confucéen.
D'où l'on peut déduire que le confucianisme a d'une certaine façon uniformisé le niveau
culturel et l'échelle morale de la société, en lui conférant une base commune.
Lorsque les Han Postérieurs perdirent le «Mandat Céleste», la Chine tomba à nouveau dans le
chaos et dans des luttes pour le pouvoir. Il fallut attendre le VI siècle et la Dynastie des Sui
pour revenir à une certaine stabilité. Les Tang lui succédèrent en 618, et achevèrent la
restauration. La Chine continua ouverte aux influences étrangères, et le Bouddhisme resta très
marqué. Pourtant en 845 après J.C., un Edit contre le Bouddhisme et implicitement contre
toutes les religions d’origine étrangère fut publié .
4 Les légistes sembleraient appeler un gouvernement totalitaire.
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