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Il existe donc un certain décalage dans l’histoire et la diffusion des connaissances en
neuropsychologie entre l’adulte et l’enfant. Cela explique peut-être le retard pris dans le
domaine de l’évaluation fonctionnelle. Il n’y a pas de commune mesure entre l’engoue-
ment pour l’intérêt de l’approche « écologique » chez les spécialistes de neuropsycho-
logie adulte (dans l’héminégligence, la communication chez l’aphasique, les fonctions
exécutives, la mémoire et l’attention après un traumatisme cranio-cérébral ou dans les
maladies dégénératives) et les rares et récentes études chez l’enfant.
En effet, défendre une approche neuropsychologique des troubles du développement
ou des conséquences des lésions cérébrales nous amène à préconiser la passation de tests
standardisés, « modulaires », spécifiques de compétences dissociables. On rencontre
encore trop souvent des situations cliniques uniquement documentées à partir d’obser-
vations en situation, trop globales, trop « libres », menant à des constats d’échec ou d’in-
adaptation, où prédominent les interprétations psychoaffectives. En d’autres termes,
après avoir milité pour que les enfants rentrent en « laboratoire » passer des tests, nous
tardons à promouvoir une approche fonctionnelle, écologique, en situation de vie réelle.
Même si l’on sait que ces deux types d’évaluation sont complémentaires, on craint peut-
être de défaire un travail de sensibilisation à la neuropsychologie encore en cours.
Enfin, la présence « naturelle » des parents auprès de l’enfant n’a peut-être pas
toujours été un facteur favorisant les travaux visant à mesurer précisément les consé-
quences en termes d’incapacité et de dépendance, ou de besoins de compensation.
Une autre difficulté pour développer une évaluation fonctionnelle tient au caractère
évolutif et variable des compétences de l’enfant. On sait déjà que, « chez l’enfant, l’éva-
luation doit être réalisée en fonction de performances standardisées à chaque étape du
développement, d’où la lourdeur des standardisations : au stade de l’apparition du
langage et jusqu’à 3 ans, les standardisations doivent être réalisées de trois mois en trois
mois, puis jusqu’à 6 ans de six mois en six mois, on peut ensuite considérer des échan-
tillons contrôles portant sur une classe d’âge » (3).
Or, si on connaît les compétences attendues d’un enfant à un âge donné (en langage,
en graphisme, en raisonnement), l’utilisation qu’il en fait dans la vie quotidienne (s’ali-
menter, s’habiller, se rendre à l’école, communiquer, faire des achats, participer aux acti-
vités domestiques) est très dépendante des conditions éducatives et socioculturelles dans
lesquelles il grandit. Où est la « norme » ? Quels sont les écarts acceptés comme non
pathologiques ?
Objectifs de l’évaluation en vie quotidienne
Cette évaluation des troubles neuropsychologiques en vie quotidienne peut avoir deux
types d’objectifs : d’une part, l’évaluation peut viser à mesurer l’impact d’un trouble
neuropsychologique déjà identifié sur l’autonomie et l’indépendance, en termes d’inca-
pacités et de handicap. Si l’on dispose d’un moyen d’évaluation validé, ses résultats
peuvent être interprétés en référence à une norme pour l’âge, et la comparaison entre
deux passations pourra contribuer à apprécier l’évolution et l’effet des mesures mises en
place. D’autre part, l’évaluation peut permettre d’affiner et de compléter la démarche
diagnostique quand le bilan neuropsychologique classique paraît insuffisant pour définir
les besoins en rééducation, réadaptation ou compensation.
Évaluation … en vie quotidienne chez l’enfant 93