Concours 2012 «Promotion de l`Éthique professionnelle »

Voyages, échanges académiques, stages à l’étranger : l’ouverture internationale fait-elle de l’étudiant un futur manager plus éthique ?
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Sujet :
Voyages, échanges académiques, stages à l’étranger : l’ouverture
internationale fait-elle de l’étudiant un futur manager plus éthique ?
Oriane LAVIEC
Morane MANGEANT
Sophie PEREIRA
Etudiantes en 3ème année, actuellement en échange universitaire
Concours 2012
«Promotion de
l'Éthique professionnelle »
Voyages, échanges académiques, stages à l’étranger : l’ouverture internationale fait-elle de l’étudiant un futur manager plus éthique ?
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Présentation :
Pour Louis Pasteur, « C'est la surprise, l'étonnement qui nous obligent à évoluer ». Et quoi de
mieux que de s’étonner en partant à la découverte d’une nouvelle culture, de se voir évoluer par
l’observation et le vécu dans un milieu qui nous est parfaitement inconnu ? Après nous être
rencontrées dans une association d’entreprenariat éthique, nous avons choisi d’effectuer notre
troisième année d’ESC à l’étranger, chacune sur un continent différent. Morane est partie étudier à
l’École de gestion Telfer d’Ottawa, Oriane à la Tongji University de Shanghai, et Sophie à
l’Universidade de Sao Paulo.
Aux trois coins du monde, évoluant dans des pays aux cultures et aux économies bien différentes,
nous avons été amenées à échanger nos points de vue sur nos nouveaux modes de vie, notre
adaptation, à nous étonner de certains aspects locaux, mais également de certaines similitudes,
communes à n’importe quel étudiant en échange. Bien plus qu’une découverte culturelle, cet
échange a profondément influencé notre manière d’appréhender notre futur professionnel.
L’échange académique et les stages à l’étranger nous ont amenées à nous adapter, à nous
intégrer dans des groupes hétérogènes, à observer des comportements nouveaux, et à nous
interroger sur la dimension éthique de la vie professionnelle à laquelle nous nous destinons.
Aujourd’hui, après plus de huit mois passés dans un pays différent, nous avons à cœur de nous
interroger sur l’impact des voyages d’étude sur les étudiants et futurs managers que nous
sommes. L’exposition internationale est-elle en mesure de former une jeunesse plus éthique ? À
quelles conditions l’apprentissage de l’éthique à l’étranger est-il possible ? Quels dispositifs
d’accompagnement les institutions peuvent-elles mettre en place pour que cet apprentissage soit
optimal ?
Résumé :
Nos Grandes Ecoles et nos Universités ont pris le tournant de la mondialisation : dans la plupart
des parcours aujourd’hui proposés aux étudiants le départ à l’étranger est rendu obligatoire, par le
biais d’échanges académiques ou de stages. Nos expériences respectives au Canada, en Chine
et au Brésil ainsi que la confrontation à de nouvelles conceptions de l’éthique nous ont appris à
poser un regard nouveau sur notre propre éthique. Elles nous ont permis une meilleure
compréhension du monde actuel et de ses enjeux pour le futur, ainsi qu’une prise de conscience
des impacts des choix managériaux. En somme, elles ont fait de nous de futures professionnelles
plus éthiques. La démarche d’apprentissage de l’éthique dans le voyage n’est pas évidente. Afin
d’être optimale pour tous, elle doit être accompagnée et stimulée par les Etablissements
d’Enseignement Supérieur, en particulier par la mise en place de dispositifs systématisant la prise
en compte de l’aspect éthique dans la préparation et l’évaluation du voyage.
Voyages, échanges académiques, stages à l’étranger : l’ouverture internationale fait-elle de l’étudiant un futur manager plus éthique ?
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Bibliographie
Borges, F. C. (2006). A Filosofia do Jeito um modo brasileiro de pensar com o corpo. Summus
Editorial.
Buarque de Hollanda, S. (1936). Raízes do Brasil.
Capron, M. (2006). Une vision européenne des différences USA/Europe continentale en matière
de RSE. Montréal.
Damatta, R. (1986). O Que Faz o Brasil, Brasil? Rio de Janeiro.
Freeman, E. (1984). Strategic Management: A stakeholder approach. Boston: Pitman.
Gold, T., Guthrie, D., & Wank, D. (2002). Social Connection in China. Cambridge University Press.
Lacey, A. (1996). Dictionary of philosophy. Florence, USA: Routledge.
Milton, F. (1970). The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits. The New York
Time Magazine.
Phillips, R. (2003). Stakeholder Theory and Organizational Ethics. San Francisco: Berrett-Koehler
Publishers.
Rega, D. L. (2000). Dando um Jeito no Jeitinho - como ser ético sem deixar de ser brasileiro.
Editora Mundo Cristão.
Ricoeur, P. (1990). Soi-même comme un autre. Paris: Le Seuil.
Rifkin, J. (2005). Le rêve européen. Paris : Fayard.
Zhao, L., & Roper, J. (2011). A Confucian approach of well-being and social capital development.
Journal of Management Development, 740-752.
Voyages, échanges académiques, stages à l’étranger : l’ouverture internationale fait-elle de l’étudiant un futur manager plus éthique ?
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Les publications récentes, tant dans la presse grand public que dans les revues académiques, se
sont focalisées ces dernières années sur les carences de notre système éducatif, et en particulier
l’absence d’un enseignement de l’éthique efficace dans les études supérieures. Il nous faut former
des décideurs plus responsables, nous clame-t-on. Mais parle-t-on de ce qui a été fait jusqu’à
présent, et de comment nous pouvons l’améliorer ? Parmi les changements récents rencontrés par
nos Grandes Ecoles et nos Universités ces dernières années, se trouve en premier lieu leur
internationalisation. Dans la plupart des parcours proposés, l’expérience à l’étranger est rendue
obligatoire, car notre monde « globalisé » a besoin de managers eux aussi « globaux ». Dans la
mesure ces voyages, volontaires ou forcés, plongent les étudiants dans de nouveaux univers,
ils constituent a priori une opportunité de s’ouvrir l’esprit, d’apprendre à penser différemment, et
peut-être d’agir de manière plus éthique. Qu’en est-il dans les faits ? Grâce à nos expériences
croisées au Canada, en Chine et au Brésil nous allons tenter de déterminer comment l’exposition
internationale influence notre manière de percevoir l’éthique et de la vivre au quotidien. Nous
verrons ensuite quelles sont les conditions de l’apprentissage de l’éthique à l’étranger et comment
les Etablissements d’enseignement supérieur peuvent agir pour contribuer à la formation d’une
jeunesse plus éthique.
Une éthique, des éthiques : comment l’ouverture culturelle nous apprend à poser un regard
neuf sur notre propre éthique ?
L’éthique peut se définir comme « l’ensemble des interrogations sur la manière avec laquelle les
hommes doivent agir » (Lacey, 1996). Paul Ricœur, qui a longtemps travaillé sur ce thème
distingue l’éthique, qu’il réserve « aux actions estimées bonnes », à la morale « pour le côté
obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par
une exigence d'universalité et par un effet de contrainte » (Ricoeur, 1990). En d’autres termes,
faire un choix éthique ne consiste pas à opter pour un bien ou un mal (définis préalablement), mais
à déterminer entre plusieurs solutions celle qui est préférable. L’éthique est donc relative, et
soumise aux histoires, aux valeurs, aux mentalités et aux structures particulières à chaque
contexte local. Dans sa conception européenne, l’éthique des affaires s’assimile de plus en plus à
la notion de ResponsabiliSociale des Entreprises (RSE). Agir éthiquement, c’est à l’heure de la
décision prendre en compte les enjeux collectifs au même titre que ses propres intérêts. Les
entreprises sont considérées comme responsables des impacts qu’elles ont sur toutes leurs
parties prenantes, et chargées de réduire au maximum leurs externalités négatives. Nos
expériences respectives au Canada, en Chine et au Brésil nous ont permis de découvrir d’autres
manières d’envisager l’éthique des affaires.
L’approche états-unienne de l’éthique des affaires, qui est celle qui prévaut au Canada, diffère de
l’éthique européenne sur bien des aspects, malgré leur origine commune. Milton Friedman, dans
son fameux article publle 13 Septembre 1970 dans le New York Times, assure quil y a une
seule et unique responsabili sociétale de l’entreprise qui est d’utiliser les ressources de
l’entreprise pour maximiser le profit dans le respect des règles de la libre concurrence. Selon lui,
seul un individu saurait être moral. Un dirigeant d’entreprise n’a ni la légitimité ni les compétences
pour tourner les ressources de l’entreprise à des fins caritatives. La pensée de Friedman,
devenue le symbole du courant libéral, représente encore la position dominante actuelle aux Etats-
Unis. Aussi les débats et les lois sur l’éthique dans les pays anglo-saxons sont-ils axés pour leur
majorité sur des sujets de bonne gouvernance et de conflits d’intérêt, « le reste des responsabilités
étant relayé, notamment, aux fondations » (Capron, 2006). L’éthique trouve alors davantage sa
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place dans les conseils d’administration que dans la vie quotidienne des managers. Le champ
limité de cette éthique, et les dérives qui lui sont connues, nous amènent à reformuler les idéaux
portés par les modèles européens. « Le rêve européen fait passer les relations communautaires
avant l’autonomie individuelle, la diversité culturelle avant l’assimilation, la qualité de vie avant
l’accumulation de richesses, le développement durable avant la croissance matérielle illimitée »
(Rifkin, 2005). Comprendre l’éthique nord-américaine nous rappelle l’importance des idéaux
européens et la nécessité de les faire vivre.
Dans les pays en développement, les enjeux sont tout autres. Au Brésil comme en Chine le
concept de RSE, si présent en Europe, est loin d’être prioritaire. Pour l’ancienne génération
comme pour la nouvelle, au niveau individuel et collectif, les voix sont unanimes : il faut d’abord
croître, quel qu’en soit le prix à payer. En revanche, les deux pays ont de par leur culture et leur
histoire toujours donné la priorité aux hommes et aux relations humaines dans l’entreprise. Ils nous
apportent ainsi une vision plus « humanisée » de l’entreprise, remettant en cause notre perception
rationnelle de celle-ci. L’éthique des affaires en Chine est basée sur les vertus individuelles
prônées par Confucius, dont les enseignements ont régulé le commerce comme la vie de famille
depuis maintenant plus de 2500 ans. L’homme d’affaires se doit de respecter les cinq vertus
cardinales que sont la bienveillance, la justice, la bienséance, la sagesse et la sincérité. De plus,
comme il est précisé dans A Confucian approach of well-being and social development,
l’entreprise est considérée comme un tout, et la notion de réciprocité est cruciale pour y atteindre
l’harmonie (Zhao & Roper, 2011). Concrètement, cela se traduit par une place centrale accordée
aux relations personnelles, le « Guanxi ». Les affaires, avant d’être des transactions, sont une
histoire entre deux personnes. On prendra soin par exemple de ne jamais faire perdre la face à
son interlocuteur, quel qu’il soit. Ces relations ritualisées sont précisément décrites dans Social
Connection in China (Gold, Guthrie, & Wank, 2002). Aujourd’hui, les leaders chinois sont
encouragés à mettre en place un système de « management personnalisé » qui emprunte à
Confucius l’idée qu’un bon leader doit être capable d’inspirer ses subordonnés, mais aussi de
prendre soin d’eux. Les relations humaines ont également une place de premier rang dans
l’éthique brésilienne, bien qu’elles soient moins formalisées. Le peuple brésilien est connu pour sa
constante jovialité et sa chaleur égale dans les milieux professionnel et personnel. Il se distingue
également par ses difficultés à séparer le public du privé, en particulier avec l’utilisation courante
du « jeitinho », ce « geste d’amitié » qui permet à celui qui en bénéficie de passer outre la loi. Il
suffit pour le demander de savoir user d’humilité et de sympathie (Borges, 2006). La littérature
brésilienne nous offre de nombreux exemples de ce genre de pratiques. Dans Raízes do Brasil
(1936) Sérgio Buarque, un commercial hollandais assure qu’il est impossible de faire des affaires
avec un Brésilien sans se lier d'amitié avec lui au préalable. Aujourd’hui encore, que ce soit face à
des collaborateurs ou à une autorité publique, le brésilien n’a aucun mal à utiliser des termes
émotionnels (Damatta, 1986). Il cherche sans cesse à trouver quelque chose de commun avec
son interlocuteur, et, sachant que celui-ci est brésilien, il a souvent beaucoup de chance de le
toucher par son discours, et d’obtenir ce dont il a besoin. En entreprise les collaborateurs se
traitent tous avec une bienveillance polie, la femme de ménage faisant autant partie de l’équipe
que les cadres supérieurs. L’éthique brésilienne, c’est avant tout de la cordialité en toute situation.
On peut dénoncer le côté paternaliste de l’éthique chinoise et le favoritisme lié à l’utilisation des
privilèges dans le milieu professionnel au Brésil. Cependant, on ne peut nier que ces visions de
l’entreprise, plaçant les relations humaines au cœur du système, sont autrement plus
« humanisantes » que la nôtre.
Appréhender une éthique autre que la sienne n’est pas aisé. La tâche est d’autant plus difficile que
la plupart des codes éthiques sont des règles implicites d’une grande subtilité. Dans notre cas,
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