+ Jour de prière +
24 janvier 2014
à l'occasion de la visite de François Hollande auprès du pape François
avec l'intercession de saint François de Sales
#1 Conseil pour la prière, et notamment la prière silencieuse
Avis de saint François de Sales à la Mère de Chantal, du 6 juin 1616
Soyez fidèlement invariable en cette résolution de demeurer en une très simple unité et unique simplicité
de la présence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mêmes en sa très sainte volonté, et toutes
les fois que vous trouverez votre esprit hors de là, ramenez l’y doucement, sans faire pour cela des actes
sensibles de l’entendement ni de la volonté ; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos
de votre esprit dans le sein paternel de Notre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout
ce que l’on peut désirer pour s’unir à Dieu. Demeurez donc ainsi, sans vous en divertir pour regarder ce
que vous faites ou ferez, ou ce qui vous adviendra, et toute occurrence et en tout événement.
Ne philosophez point sur vos contradictions et afflictions, mais recevez tout de la main de Dieu, sans
exception, demeurant douce, patiente, et acquiesçant en tout très simplement à sa sainte volonté. Que
toutes vos paroles et actions soient accompagnées de douceur et de simplicité. Quand vous apercevrez
que quelque soin ou désir naîtra en vous, remettez le en Dieu, ne voulant seulement que lui et
l’accomplissement de sa sainte volonté, lui laissant le soin de tout le reste.
#2 Des dangers du monde
Introduction à la Vie Dévote, 4ème partie, Chap. I : ne point s’amuser aux paroles du monde
« (..) Nous ne saurions être bien avec le monde, qu’en nous perdant avec lui. Il n’est pas possible que
nous le contentions, car il est trop bizarre « Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni buvant, et vous
dites qu’il est endiablé ; le Fils de l’homme est venu en mangeant et buvant, et vous dites qu’il est
Samaritain. » Il est vrai, Philothée; si nous nous relâchons par condescendance à rire, jouer, danser avec
le monde, il s’en scandalisera; si nous ne le faisons pas, il nous accusera d’hypocrisie ou mélancolie ; si
nous nous parons, il l’interprétera à quelque dessein ; si nous nous démettons, ce sera pour lui vileté de
cœur; nos gaîtés seront par lui nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses ; et nous regardant
ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons lui être agréables. Il agrandit nos imperfections et publie
que ce sont des péchés ; de nos péchés véniels, il en fait des mortels ; et nos péchés d’infirmité, il les
convertit en péchés de malice. En lieu que, comme dit saint Paul, « la charité est bénigne », au contraire
le monde est malin; au lieu que « la charité ne pense point de mal », au contraire le monde pense
toujours mal ; et quand il ne peut accuser nos actions, il accuse nos intentions. Soit que les moutons
aient des cornes ou qu’ils n’en aient point, qu’ils soient blancs ou qu’ils soient noirs, le loup ne laissera
pas de les manger, s’il peut.
Quoi que nous fassions, le monde nous fera toujours la guerre : si nous sommes longuement devant le
confesseur, il demandera que c’est que nous pouvons tant dire ; si nous y sommes peu, il dira que nous
ne disons pas tout. Il épiera tous nos mouvements, et pour une seule petite parole de colère, il protestera
que nous sommes insupportables ; le soin de nos affaires lui semblera avarice, et notre douceur,
niaiserie ; et quant aux enfants du monde, leurs colères sont générosités, leurs avarices, ménages ; leurs
privautés, entretiens honorables : les araignées gâtent toujours l’ouvrage des abeilles.
Laissons cet aveugle, Philothée : qu’il crie tant qu’il voudra, comme un chat-huant, pour inquiéter les
oiseaux du jour. Soyons fermes en nos desseins, invariables en nos résolutions; la persévérance fera bien
voir si c’est à certes et tout de bon que nous sommes sacrifiés à Dieu et rangés à la vie dévote. Les
comètes et les planètes sont presque également lumineuses en apparence ; mais les comètes
disparaissent en peu de temps, n’étant que de certains feux passagers, et les planètes ont une clarté
perpétuelle : ainsi l’hypocrisie et la vraie vertu ont beaucoup de ressemblance en l’extérieur; mais on
reconnaît aisément l’une d’avec l’autre, parce que l’hypocrisie n’a point de durée et se dissipe comme la
fumée en montant, mais la vraie vertu est toujours ferme et constante. Ce ne nous est pas une petite
commodité pour bien assurer le commencement de notre dévotion, que d’en recevoir de l’opprobre et de
la calomnie ; car nous évitons par ce moyen le péril de la vanité et de l’orgueil, qui sont comme les
sages-femmes d’Egypte, auxquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfants mâles d’Israël, le
jour même de leur naissance. Nous sommes crucifiés au monde et le monde nous doit être crucifié ; il
nous tient pour fous : tenons-le pour insensé.
#2 De l’humilité
Introduction à la Vie Dévote, 3ème partie, Chap. IV : de l’humilité pour l’extérieur
Les honneurs, les rangs, les dignités, sont comme le safran, qui se porte mieux et vient plus
abondamment d’être foulé aux pieds. Ce n’est plus honneur d’être beau, quand on s’en regarde : la
beauté pour avoir bonne grâce doit être négligée ; la science nous déshonore quand elle nous enfle et
qu’elle dégénère en pédanterie. Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les séances, pour les
titres, outre que nous exposons nos qualités à l’examen, à l’enquête et à la contradiction, nous les
rendons viles et abjectes; car l’honneur qui est beau étant reçu en don, devient vilain quand il est exigé,
recherché et demandé. Quand le paon fait sa roue pour se voir, en levant ses belles plumes, il se hérisse
de tout le reste, et montre de part et d’autre ce qu’il a d’infâme; les fleurs qui sont belles, plantées en
terre, flétrissent étant maniées. Et comme ceux qui odorent la mandragore de loin et en passant reçoivent
beaucoup de suavité, mais ceux qui la sentent de près et longuement en deviennent assoupis et malades,
ainsi les honneurs rendent une douce consolation à celui qui les odore de loin et légèrement, sans s’y
amuser ou s’en empresser ; mais à qui s’y affectionne et s’en repaît, ils sont extrêmement blâmables et
vitupérables.
La poursuite et amour de la vertu commence à nous rendre vertueux; mais la poursuite et amour des
honneurs commence à nous rendre méprisables et vitupérables. Les esprits bien nés ne s’amusent pas à
ces menus fatras de rangs, d’honneurs, de salutations; ils ont d’autres choses â faire : c’est le propre des
esprits fainéants. Qui peut avoir des perles ne se charge pas de coquilles; et ceux qui prétendent à la
vertu ne s’empressent point pour les honneurs. Certes, chacun peut entrer en son rang et s’y tenir sans
violer l’humilité, pourvu que cela se fasse négligemment et sans contention. Car, comme ceux qui
viennent du Pérou, outre l’or et l’argent qu’ils en tirent, apportent encore des singes et perroquets, parce
qu’ils ne leur coûtent guère et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire ; ainsi ceux qui prétendent à la
vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont dus, pourvu toutefois que cela
ne leur coûte pas beaucoup de soin et d’attention, et que ce soit sans en être chargés de trouble,
d’inquiétude, de disputes et contentions.
Je ne parle néanmoins pas de ceux desquels la dignité regarde le public, ni de certaines occasions
particulières qui tirent une grande conséquence; car en cela, il faut que chacun conserve ce qui lui
appartient, avec une prudence et discrétion qui soit accompagnée de charité et courtoisie.
#4 Revêtir l’homme nouveau
Introduction à la Vie Dévote, 1ère partie, Chap. V : qu’il faut commencer par la purgation de l’âme
« Les fleurs, dit l’Epoux sacré, apparaissent en notre terre, le temps d’émonder et tailler est venu. » Qui
sont les fleurs de nos coeurs, o Philothée, sinon les bons désirs ? Or, aussitôt qu’il paraissent, il faut
mettre la main à la serpe, pour retrancher de notre conscience toutes les oeuvres mortes et superflues. La
fille étrangère, pour épouser l’Israélite, devait ôter la robe de sa captivité, rogner ses ongles et raser ses
cheveux: et l’âme qui aspire à l’honneur d’être épouse du Fils de Dieu, se doit « dépouiller du vieil
homme et se revêtir du nouveau », quittant le péché; puis, rogner et raser toutes sortes d’empêchements
qui détournent de l’amour de Dieu. C’est le commencement de notre santé que d’être pur de nos
humeurs peccantes.
Saint Paul tout en un moment fut pur d’une purgation parfaite, comme fut aussi sainte
Catherine de Gênes, sainte Madeleine, sainte Pélagie et quelques autres; mais cette sorte de purgation
est toute miraculeuse et extraordinaire en la grâce, comme la résurrection des morts en la nature, si que
nous ne devons pas y prétendre. La purgation et guérison ordinaire, soit des corps soit des esprits, ne se
fait que petit à petit, par progrès, d’avancement en avancement, avec peine et loisir. Les anges ont des
ailes sur l’échelle de Jacob, mais ils ne volent pas, ains montent et descendent par ordre, d’échelon en
échelon. L’âme qui monte du péché à la dévotion est comparée à l’aube, laquelle s’élevant ne chasse pas
les ténèbres en un instant, mais petit à petit. La guérison, dit l’aphorisme, qui se fait tout bellement, est
toujours plus assurée; les maladies du coeur aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en
poste, mais elle s’en revont à pied et au petit pas.
Il faut donc être courageuse et patiente, o Philothée, en cette entreprise. Hélas ! quelle pitié est-
ce de voir des âmes lesquelles, se voyant sujettes à plusieurs imperfections après s’être exercées
quelquefois en la dévotion, commencent à s’inquiéter, se troubler et décourager, laissant presque
emporter leur coeur à la tentation de tout quitter et retourner en arrière. Mais aussi, de l’autre côté, n’est-
ce pas un extrême danger aux âmes lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d’être
purgées de leurs imperfections le premier -jour de leur purgation, se tenant pour parfaites avant presque
d’être faites, en se mettant au vol sans ailes? O Philothée, qu’elles sont en grand péril de rechoir, pour
s’être trop tôt ôtées d’entre les mains du médecin! Ah! ne vous levez pas « avant que la lumière soit
arrivée, dit le Prophète, levez-vous après que vous aurez été assis » ; et lui-même pratiquant cette leçon
et ayant été déjà lavé et nettoyé, demande de l’être derechef.
L’exercice de la purgation de l’âme ne se peut ni doit finir qu’avec notre vie: ne nous troublons
donc point de nos imperfections, car notre perfection consiste à les combattre, et nous ne saurions les
combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer. Notre victoire ne gît pas à ne les sentir point,
mais à ne point leur consentir; mais ce n’est point leur consentir que d’en être incommodé. Il faut bien
que pour l’exercice de notre humilité, nous soyons quelquefois blessés en cette bataille spirituelle;
néanmoins nous ne sommes jamais vaincus sinon lorsque nous avons perdu ou la vie ou le courage. Or,
les imperfections et péchés véniels ne nous sauraient ôter la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le
péché mortel ; il reste donc seulement qu’elles ne nous fassent point perdre le courage : «Délivre-moi,
Seigneur, disait David, de la couardise et découragement ». C’est une heureuse condition pour nous en
cette guerre, que nous soyons toujours vainqueurs, pourvu que nous voulions combattre.
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