Article 17 CRITIQUE THÉÂTRALE Lycée Saint Luc de Cambrai Quand une représentation théâtrale sur un sujet scientifique conduit à un exercice littéraire 2011 célébrait l'année internationale de la chimie et le centenaire du prix Nobel de chimie de Marie Curie. Dans ce contexte, Yohann Bret a créé le spectacle Les Lueurs de la rue Cuvier pour proposer une « communication scientifique par l'art ». C'est à ce spectacle que tous les élèves de 2nde du LEGT Saint-Luc ont assisté le lundi 21 novembre dernier au théâtre de Cambrai, sortie pédagogique proposée par l'Association Cambrai - Cieszyn Amitié. Les élèves de 2nde A initiés au théâtre par l'étude de L'Ecole des femmes de Molière et par les deux représentations auxquelles ils avaient assisté précédemment ; ont pu ainsi goûter à la diversité du théâtre. Ils ont d'abord apprécié la tradition de la commedia dell arte dans la mise en scène de la Compagnie Martine des Femmes savantes de Molière. Ensuite ils ont été conquis par l'exploitation du rire pour aborder une situation grave dans le Repas des fauves mis en scène par Julien Sibre et saisir comment le comique permet d'aborder « toute la vilenie et la noirceur de l'âme humaine ». Avec Les Lueurs de la rue Cuvier, l'interaction entre le jeu des comédiens et la projection cinématographique leur a permis de comprendre la modernité de ce genre qui ne cesse de se renouveler. La forme originale de ciné-théâtre a mis en évidence l'essence du théâtre dans ses liens entre scène et hors-scène, monde réel et monde fictif. Chacune de ces représentations a permis d'aborder le théâtre dans une démarche de progression. Avec Les Femmes savantes, ils ont travaillé sur les éléments de la mise en scène. Avec Le Repas des fauves, ils ont travaillé sur les codes du genre journalistique de la critique, qui invite de façon subjective les lecteurs de la presse à se rendre ou à ne pas se rendre à tel ou tel spectacle. Avec les Lueurs de la rue Cuvier, ils ont pu réinvestir ces connaissances et passer de la lecture à l'écriture en produisant un article critique dans lequel ils ont exprimé un jugement sur ce spectacle. Ces trente-deux élèves ont tous montré un réel degré d'implication et un souci d'approfondissement dans un travail respectueux des consignes et du sujet. Si les quelques articles proposés ici ne formulent pas tous un jugement positif, preuve est faite qu'ils ont su développer leur sens critique, qu'ils sauront à la sortie d'une salle de théâtre ou de cinéma transmettre leur enthousiasme ou leur déception en proposant des arguments fondés et illustrés. Preuve est faite que si certains sont attirés par les sciences et que d'autres leur restent rétifs, tous ont pris le goût du théâtre que quelques-uns développent d’ailleurs au sein de l'atelier-théâtre du lycée. Annick Ségard, professeur de lettres LEGT Saint-Luc à Cambrai 1 Une mise en scène sans succès, mais savante tout de même Yohan Bret présente au public du théâtre de Cambrai, Les lueurs de la rue Cuvier, pièce écrite par Christel Larrouy qui joue également le rôle de Marie Curie. Au terme du XIXème siècle et à l'aube du XXème, Pierre et Marie Curie, deux scientifiques de renom sont en passe de découvrir un élément chimique nouveau, le radium. Ils sont aidés dans leur tâche par leur ami Bémont, professeur de sciences dans la même école que Pierre, mais aussi par Petit, un élève sympathique, qui préfère épauler les trois scientifiques dans leur labeur plutôt que de suivre ses cours. Ensemble, ils doivent faire face au peu de considération, voire à l'hostilité, du directeur de l'Ecole pour leur travail, mais aussi, à la concurrence d'autres scientifiques. La grande qualité du jeu des comédiens est indiscutable. Notamment celui de Gilles Lacoste qui interprète avec brio le directeur de l'Ecole, Charles Lauth, retransmettant à la perfection la gestuelle, les paroles et les actes d'une personne qui ne comprend que peu de choses à l'œuvre immense que sont en train de réaliser ces scientifiques, son esprit étant encombré par la paperasserie administrative de l'Ecole. Cette qualité de jeu des comédiens aurait sans doute pu donner à la pièce comme au texte, un aspect attrayant et intéressant, si elle n'avait pas été presque effacée par une mise en scène passable. Cette mise en scène est pourtant pour le moins originale car elle divise l'espace scénique en deux parties : la première se situe en avant-scène où est fort bien reconstitué un laboratoire de l'époque; la deuxième partie occupe le fond de la scène où est installé un écran géant sur lequel sont projetés tour à tour une image représentant le fond du laboratoire et de petits films comme celui nous annonçant 10 ans à l'avance la mort tragique de Pierre Curie sous les sabots d'un cheval ou encore la remise du Prix Nobel de Chimie à Marie Curie. Sans un petit écriteau indiquant la date dans un coin de l'écran, le spectateur ne manquerait pas de perdre le fil de l'histoire mais aussi celui de l'Histoire avec un grand « H ». Par moments, les difficultés de compréhension sont bien réelles même pour les spectateurs connaissant déjà quelque peu l'histoire du radium. Courrez-y si, seul le jeu des comédiens vous importe, et que la mise en scène est pour vous complètement secondaire. Hadrien Bosquet Texte : Christel Larrouy - Mise en scène : Yohan Bret - Comédiens : Christel Larrouy (Marie Curie) Georges Besombes (Pierre Curie) Gilles Lacoste (Charles Lauth) Dorian Rolin (Bémont) Jacob Chetrit (Petit) - Vidéo : Romain Gaboriaud- Lumière : Julien Rouane 2 ECRITURE D'INVENTION LesLueursdela rueCuvier Un trompe-l'œil réussi Les Lueurs de la rue Cuvier, un ciné-théâtre sur le thème du travail du 19ème siècle à Paris. Un mélange subtil à découvrir... Tout commence dans un lugubre et sinistre laboratoire, où l'on remarque la présence d'un garçon, Petit. Nous découvrons avec passion, l'aventure palpitante d'un couple hors du commun Pierre (homme aimant et soutenant son épouse) et Marie Curie (seule femme à avoir reçu deux prix Nobel) à la découverte de la radioactivité, du polonium et du radium. D'une scène à l'autre, le jeu des comédiens est épatant. Ils jouent de leur talent et sont investis dans leur rôle respectif afin de captiver l'auditoire, et s'en sortent avec brio. Le décor de la pièce est particulier. Le fond de la scène mêle deux mondes : celui de la scène et celui d'une image diffusée permettant d'y introduire les acteurs. Un trompe-l'œil délicat à tel point que les spectateurs se posent des questions sur l'endroit des comédiens. Un savoureux mélange entre monde imaginaire, fiction et réel. Quoi de mieux pour une pièce narrant la réalité ? Les images défilent tel un calendrier de l'Avent. Par ailleurs, le jeu intelligent de la lumière parvient à éclairer simultanément l'image de projection et les comédiens, astucieux procédé. Quant à l'utilisation du son, il provient de l'image et on s'identifie au moment de l'action. Il est accompagné d'une musique originale envoûtante. Certains bruits apparents (journalistes se pressant, enfants qui crient) sont un succès. De surcroît, la langue utilisée est compréhensive et courante de l'époque. Seul bémol à cette perfection, un voyage dans le temps parfois trop rapide et soudain. Une pièce à voir pour petits et grands afin de passer un bon moment et découvrir l'enjeu d'une femme époustouflante qui participe à la construction du monde. Nous ressortons très satisfaits. Pour un spectacle de qualité, enrichissant et divertissant. Félicitations au concepteur vidéo (Romain Gaboriaud) et à tous les organisateurs du spectacle. Marine Clochette. 3 Pénombre dans la rue Cuvier La pièce écrite par Christel Larrouy et mise en scène par Yohan Bret, Les lueurs de la rue Cuvier, ne remporte pas le succès escompté. Au fil de la pièce, on découvre la vie de Marie Curie dans son laboratoire insalubre, où elle travaille sans relâche pour des recherches qui n'avancent pas énormément en raison du manque de fonds. Le décor est un élément important de la pièce. Ce dernier est composé de deux parties, une partie assez traditionnelle avec une table, des chaises, un poêle... et une autre avec un écran. Mais ces deux parties du décor s'ajustent parfaitement. En effet, quand Marie Curie, alias Christel Larrouy, lance une boule de papier froissé, celle-ci atterrit directement dans l'écran et y poursuit sa course. Cette prouesse technique est saisissante, Romain Gaboriaud a effectué un travail remarquable. Cet écran qui est une partie du décor sert aussi à projeter des moments de la vie de Marie Curie. Mais, certaines fois, ces passages de la vie passée ou future de Marie Curie, embrouillent quelque peu le spectateur. Cet écran, technique peu traditionnelle, mais très originale, n'a pas montré le maximum de son potentiel. Dans la pièce, on peut remarquer que Marie Curie est très présente mais en ce qui concerne son mari, Pierre Curie interprété par Georges Besombes, il est fort absent. Christel Larrouy a donné trop d'importance au personnage qu'elle interprète. De plus, il n'est pas clairement dit quel est le but des recherches que mènent Pierre et Marie Curie. Du coup, certains moments de la pièce restent assez obscurs pour le spectateur. Par exemple, vers la fin de la représentation, on voit Marie Curie plongée dans le noir, et d'un seul coup, les lueurs qu'émet le polonium se mettent à flotter dans les airs sans aucune explication logique. Cette pièce qui aurait pu avoir un énorme potentiel éducatif, est au final très décevante. Certes, l'utilisation de l'écran est ambitieuse et plutôt réussie mais l'occultation du personnage de Pierre Curie et l'objet des recherches n'étant pas clairement énoncé, refroidissent de beaucoup l'ardeur que l'on aurait pu éprouver. Cette pièce est, semble-t-il, davantage destinée à un public assez âgé et informé. Justine Scarlaken Les lueurs de la rue Cuvier, le 21 novembre au théâtre de Cambrai. 4 La science du théâtre Christel Larrouy et Yohan Bret nous enseignent l'histoire de la science avec un réalisme surprenant. Pour les culturophiles et les culturophobes, la surprise est la même : du grand théâtre, comme on le voit si rarement de nos jours. La scène se déroule à Paris dans les années 1890. Marie, une étudiante polonaise, vient finir ses études de science en France et rencontre un scientifique, Pierre, avec qui elle se marie. Ensemble, ils vont tenter de découvrir l'élément qui dégage la radioactivité. Cependant la concurrence est rude, et d'autres chimistes travaillent sur le même projet. Toutefois, les Curie peuvent compter sur l'aide de Bémont (joué par Dorian Robine), un collègue de Pierre, et sur Petit, un garçon de laboratoire (joué par Jacob Chetrit). Malgré ces soutiens, ils vont devoir faire face au manque d'argent, au manque de place dans leur grange qui leur sert de laboratoire et au manque de soutien du directeur de la faculté, Charles Lauth (joué par Gilles Lacoste). Le jeu des comédiens est très satisfaisant, en particulier celui de Christel Larrouy, alias Marie Curie, qui vit pleinement son personnage et fait apparaître chez les spectateurs la question : « n'est-ce pas vraiment elle ? ». Christel Larrouy, également auteur de cette pièce, donne vraiment le meilleur d'elle-même et transmet beaucoup d'émotions aux spectateurs grâce à son personnage. Le décor est lui aussi d'un réalisme impressionnant. Il replace parfaitement cette pièce dans son époque et indique le manque de moyens et la difficulté qu'ont dû avoir les Curie pour arriver à leur découverte si étonnante soit-elle. Les costumes sont aussi d'époque et aident le jeu des comédiens à être plus convaincants qu'ils ne l'étaient déjà. De surcroît, la pièce joue entre le théâtre et le cinéma car un double fond a été réalisé en images avec brio par Romain Gaboriaud. Ainsi, nous pouvons voir arriver un personnage en image et devenir en un clin d'ceil un personnage réel. Une idée aussi exceptionnelle qu'originale. Ces images servent aussi à voir le futur des personnages (qui , pour nous, est le passé) avec des images d'archives très bien conservées et éclairantes pour la suite de l'histoire. Malgré l'acoustique malheureusement défectueuse au théâtre de Cambrai où l'on peut voir jouer cette pièce étonnante, le texte est clair et audible grâce aux merveilleux comédiens qui composent la troupe du théâtre de l'Extensible de Toulouse. Une troupe de comédiens très talentueux dont nous suivrons sans aucun doute les prochains chefs-d'œuvre attendus avec impatience. Cette pièce est exceptionnelle, mélangeant l'histoire, le cinéma, la chimie et le théâtre. Une perle rare à voir. Alexandre Duchemin « Les Lueurs de la rue Cuvier », Yohan Bret, le 22 novembre 2011, Théâtre de Cambrai Les lueurs de la rue Cuvier, on s'y croirait ! 5 Yohan Bret, metteur en scène des « Lueurs de la rue Cuvier », a fait preuve d'un certain talent et a su ramener à la vie le couple Pierre et Marie Curie, le temps d'un spectacle, grâce aux acteurs bien sûr, surprenants de réalisme. « Les lueurs de la rue Cuvier » est une pièce de théâtre écrite et jouée par Christel Larrouy. Elle retrace une partie de la vie des Curie et permet de découvrir les coulisses de leurs découvertes ingénieuses. Pendant plus d' 1h30, le spectateur peut suivre le couple à travers ses expériences et découvrir sa passion pour la recherche. Il s'agit d'une pièce de théâtre originale, qui sort des représentations ennuyeuses avec pour seul décor le plancher de la scène. Le metteur en scène a voulu recréer le laboratoire des Curie, leur lieu sacré. Chose qu'il a réussie car le spectateur peut noter la présence d'un tableau à craie, de l'établi couvert de matériel, d'armoires pleines de livres savants... Yohan Bret parvient avec brio à reconstituer l'ambiance de travail de ce couple mythique. À noter également la judicieuse utilisation d'un écran géant derrière le décor, qui représente le fond du laboratoire. Sur cet écran est diffusé un film tourné auparavant sur lequel le spectateur peut voir les acteurs comme s'ils étaient sur scène. Pour cela, les comédiens font preuve d'une grande synchronisation avec la vidéo puisque lorsque l'un deux se rend en coulisses, il réapparait aussitôt sur l'écran comme s'il était passé de l'autre côté. Ce procédé est bien sûr impossible sans les comédiens, remarquables par leur jeu! Christel Larrouy, dans le rôle de Marie Curie, n'hésite pas à imiter l'accent polonais pour accentuer le réalisme. Georges Besombes également, dans le rôle de Pierre Curie ainsi que Dorian Robine qui joue l'ami du couple. Tous savent plonger les spectateurs dans l'univers scientifique grâce à des dialogues naturels et des gestes tout à fait appropriés. Le son apporte aussi une petite touche avec le bruit des gouttes qui s'échappent pour marquer le côté froid et caverneux du laboratoire. Il y a tout de même quelque chose à redire de cette pièce, il s'agit des bonds dans le temps qui donnent une impression de désordre et créent une certaine incompréhension chez le spectateur. Ces retours en arrière se produisent lors des pauses des comédiens tout au long du spectacle, les lumières s'affaiblissent et des voyages dans le temps se produisent à l'écran. « Les lueurs de la rue Cuvier » est une pièce de théâtre tout à fait intéressante et s'adresse à un public assez large : les adolescents et les adultes tout comme les personnes âgées ! Par Laura Dauvegis 6